lundi 13 mai 2013

Fidèles à l’avenir....

Synode national – Lyon – Mai 2013
Message de Laurent Schlumberger,
Président du Conseil national
 
Frères et soeurs membres du synode national,
Monsieur le Ministre,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus, les représentants de la société civile et
des cultes, frères et soeurs d’organisations oecuméniques et d’Eglises-soeurs, venus
d’au-delà des frontières nationales et confessionnelles, frères et soeurs protestants et protestants évangéliques, frères et soeurs venus des paroisses, des Eglises locales, des régions de
l’Eglise protestante unie,
Nous sommes samedi. Entre vendredi et dimanche, qui nous rappellent
le Vendredi saint et le dimanche de Pâques fondateurs. Nous sommes
samedi. Entre l’impasse de la croix, incompréhensible, et des chemins
nouveaux encore impensables.
D’une certaine manière, l’Eglise se tient là. Dans ce samedi, qui
concentre et qui embrasse toute l’histoire humaine. Dans ce samedi, où
les disciples sont introuvables et où seules quelques femmes préparent
un embaumement – un embaumement qui finalement n’aura pas lieu.
L’Eglise est là, dans cet entre-deux, où tout est comme suspendu. Entre
ses espoirs déçus et la promesse déjà à l’oeuvre. Entre repli amer et
confiance possible.
 
Et il lui faut toujours se laisser convertir à nouveau par l’Esprit du Dieu
vivant. Car ce qu’elle croit être une impasse est précisément l’ouverture.
Ce qu’elle tient pour l’échec final est le début de sa mission.
Samedi, c’est chaque jour, lorsque plus rien ne semble possible aux
hommes et que tout est possible à Dieu. Et c’est pourquoi fêter la
naissance de l’Eglise protestante unie de France, ce samedi, ne peut
avoir qu’un sens : remettre toute chose au Dieu vivant, nous confier en
lui, nous abandonner à la confiance qui prend sa source en lui.
La création de l’Eglise protestante unie, c’est l’affirmation de cette
confiance, fondamentale, vitale. Ce n’est pas le fruit de je ne sais quelle
stratégie habile et mûrement calculée. Il ne s’agirait alors que de cette
espèce de fausse confiance, dont on nous rebat les oreilles, qui
s’apparente à la méthode Coué, qu’on invoque dans les salles des
marchés financiers ou dans les écoles de management, qui n’est que la
confiance en soi seul, en ses propres forces et capacités, et donc qui
n’est au fond que méfiance à l’égard des autres.
La confiance dont je parle ici, c’est la confiance dont Dieu a fait le
choix, une fois pour toutes. Et cette confiance choisie par Dieu, pour
nous c’est une confiance reçue, une confiance qui fait vivre, une
confiance qui engage.
C’est une confiance reçue.
Si nous sommes ce que nous sommes aujourd’hui, nous le devons
d’abord à d’autres.
Bien sûr, il ne saurait être question d’oublier tout le travail patient qui
nous a conduits jusqu’à ce samedi 11 mai. L’effort a été multiple ; la
tâche, considérable. L’appel, presque le défi, lancé par la paroisse de
Bourg-la-Reine, repris par le synode de Soissons, confirmé en 2007 lors
du synode conjoint de Sochaux, a été relevé. Relevé par toutes celles et
tous ceux qui s’y sont attelés, depuis les commissions spécialisées
jusqu’aux assemblées générales des associations cultuelles. Et relevé en
temps et en heure.
Mais si nous avons pu mener ce travail à bien, c’est parce que nous
avons été travaillés, plus encore que nous n’avons travaillé. C’est parce
que nous avons « été agis » si je puis dire, plus encore que nous
n’avons agi.
L’Eglise protestante unie est un fruit du mouvement oecuménique. En
1910, la conférence d’Edimbourg a appelé à mettre au premier plan la
mission de l’Eglise et à relativiser du même coup les identités
confessionnelles. En 1934, la déclaration de Barmen a uni des luthériens
et des réformés pour affirmer l’autorité ultime du seul Jésus-Christ, face à
l’idolâtrie nazie ; avec la sève de l’Eglise confessante, elle a irrigué tout
le protestantisme d’après-guerre, notamment en France. En 1948, la
fondation du Conseil oecuménique a placé la recherche de l’unité visible
au coeur de la vie des Eglises. En 1962, le concile Vatican II a montré
combien l’espérance oecuménique pouvait rencontrer d’échos au sein de
l’Eglise la plus importante et la transformer, alors que beaucoup la
pensaient immobile et immuable. En 1973, la Concorde de Leuenberg a
proposé un modèle d’unité fondé non plus sur l’uniformité et la méfiance
à l’égard des originalités, mais au contraire sur la diversité réconciliée.
A travers cette histoire, c’est l’Esprit du Dieu vivant qui est à l’oeuvre.
Nous qui étions loin les uns des autres et parfois même antagonistes,
nous avons été rendus proches. Nous avons fait l’expérience d’être
réconciliés par le Christ, qui est notre paix. En lui, Dieu le premier a fait
e choix de la réconciliation. Il a fait une fois pour toutes, et il tisse à
nouveau chaque jour, le choix de la confiance, le choix de la foi. La foi
de Jésus-Christ, c’est la foi qui nous est donnée.
C’est pourquoi nous attestons qu’il est bon de faire confiance à l’autre.
Nous refusons les postures identitaires. Elles procèdent de la peur et de
l’illusion, la peur de l’autre et l’illusion que l’on pourrait exister sans lui,
voire contre lui.
 
C’est vrai entre chrétiens et c’est pourquoi nous confessons que notre
Eglise et que toute Eglise, est un des visages – un des visages seulement
– de l’unique Eglise du Christ. Et nous nous réjouissons de la pluriappartenance
ecclésiale de certains chrétiens, qui manifestent ainsi que
l’Evangile déborde les limites confessionnelles et les frontières
culturelles.
Nous récusons aussi les postures identitaires dans le champ social. On
peut bien sûr comprendre les racines de ces peurs et de ces illusions, des
racines parfois bien réelles, et si souvent entretenues et
instrumentalisées. Mais on ne saurait se résigner ni à les laisser se
répandre, ni à simplement se désoler de leurs effets néfastes. Nous
avons besoin les uns des autres. Notre société, rongée par la défiance,
a besoin de cette hospitalité fondamentale. Est-ce naïf de le dire ? C’est
au contraire profondément réaliste. Aucun de nous ne serait ici s’il
n’avait été lui-même accueilli, à sa naissance et plusieurs fois dans sa
vie. Ainsi, si nous sommes appelés à vivre une hospitalité confiante,
surtout à l’égard des humiliés, de celles et ceux que l’on désigne si
facilement et à bon compte comme dépendants, incapables, fragiles,
assistés, losers de toute nature, ce n’est pas par devoir ; c’est par
lucidité et par gratitude.
 
La confiance est toujours d’abord reçue. Etant reçue, elle peut donner
naissance à la gratitude et ainsi à la confiance partagée. Célébrer la
naissance de l’Eglise protestante unie, c’est attester cette confiance
reçue. Reçue de Dieu et manifestée en Jésus-Christ.
 
Cette confiance reçue est, ensuite, une confiance qui fait vivre.
Et j’aimerais m’arrêter ici un instant sur les métamorphoses
considérables que vit, en ce moment même, notre protestantisme, et dont
la création de l’Eglise unie est un signe.
 
Depuis son apparition et pendant cinq siècles, être protestant en France,
ce fut ne pas être catholique. Les protestants ont constitué une sorte
d’alternative ultra-minoritaire au culte dominant. C’était pour leur
malheur, en période de persécutions. C’était pour leur fierté, quand ils
étaient identifiés du côté du progrès, de la République ou de la laïcité.
Et ce fut une ressource identitaire inépuisable et, au fond, confortable :
le protestantisme vivait en quelque sorte appuyé contre le catholicisme.
Il a donc développé une manière d’être Eglise adaptée à ce contexte. Il
s’est compris comme un petit troupeau, pour reprendre une image
biblique. Un petit troupeau se serrant les coudes, tissant des solidarités
internes fortes, aimant les marqueurs discrets et perceptibles par les
seuls initiés, vérifiant régulièrement sa fidélité. Cette manière d’être
Eglise, pertinente alors, lui a permis de traverser les épreuves et les
siècles.
 
Mais ce monde a changé. Et même, il a disparu. Les institutions
religieuses sont désormais marginales, les convictions sont
individualisées, les affiliations sont fluctuantes. Depuis 2008, les
personnes agnostiques et athées déclarées sont majoritaires en France.
Le catholicisme, bien sûr, mais aussi l’ensemble cumulé des cultes est de
plus en plus minoritaire. Le protestantisme français ne peut donc plus
exister en s’appuyant contre un autre culte. Il ne faut pas s’en désoler.
C’est ainsi. Et c’est sans doute la chance de trouver une nouvelle
manière d’être Eglise, pertinente dans ce monde-ci.
 

C’est notre grand défi, pour cette génération : intégrer ce renversement
complet de ce que nous avons longtemps été, pour être fidèles
aujourd’hui et demain à l’Evangile que nous avons reçu, à notre
manière de le comprendre et de le partager. Il s’agit, pour notre
protestantisme, de passer de la connivence au partage, de l’entre-soi à
la rencontre, d’une Eglise qui se serre les coudes à une Eglise qui ouvre
ses bras. D’une Eglise de membres à une Eglise de témoins.
 
Cette mutation n’est pas à venir, elle est en cours, nous y sommes déjà
engagés. De multiples signes le montrent, par exemple dans bien des
paroisses qui osent des projets hors les murs, dans le recrutement plus
diversifié des responsables locaux, dans les étudiants de nos facultés de
théologie venus des horizons les plus variés, dans la volonté de
renforcer les liens avec les associations et mouvements d’origine
protestante.
 
C’est encore le sens de la dynamique « Ecoute ! Dieu nous parle…, qui a accompagné le création de l’Eglise unie, et dans laquelle le « nous » ne signifie précisément pas un petit troupeau privilégié, mais le désir d’une écoute partagée – et je vous donne rendez-vous tout à l’heure,
dans le village de tentes sur le quai, pour avoir un aperçu de la richesse de cette dynamique.
 
C’est également le sens du projet qui sera lancé le samedi 11 octobre 

2014 et qui nous conduira jusqu’en 2017, sous le titre : Protester pour
Dieu, protester pour l’Homme. Quelles sont nos thèses pour l’Evangile
aujourd’hui ? Dans la perspective des 500 ans de la Réforme, nous nous
inspirerons de Martin Luther pour nous interroger, tous ensemble et le
plus largement possible : quelles sont nos « thèses », c’est-à-dire nos
convictions engagées, pour l’Evangile aujourd’hui ? Loin de nous
contenter de répéter ce que nos pères dans la foi nous ont transmis,
comment nous approprions-nous l’Evangile que nous avons reçu et qui
nous fait vivre ? Personnellement et collectivement, quels sont nos mots
pour le goûter, le célébrer, le partager ? Comment le manifesterons nous ?
Ce que nous pouvons percevoir dans toutes ces mutations du petit
protestantisme luthérien et réformé français, des mutations plus radicales
que ce que nous pensons souvent, c’est une confiance à l’oeuvre.
 
Une confiance reçue, je l’ai dit, et une confiance qui fait vivre. Autrement dit :
 
une confiance en demain. Oui, demain vaut la peine d’aujourd’hui. Demain vaut la joie d’aujourd’hui.
Demain vaut l’espérance lucide et active d’aujourd’hui.
Les mille raisons – sociales, économiques, financières, écologiques… de considérer l’avenir comme menaçant et, pire encore comme illisible, ne sauraient abattre ceci : celui qui en Jésus-Christ a plongé au coeur de la condition humaine, celui qui a laissé le tombeau vide, celui qui le premier nous fait confiance, nous donne rendez-vous demain. Il nous y précède et il y vient à notre rencontre.
Célébrer la naissance de l’Eglise protestante unie, c’est attester une
confiance reçue. C’est attester une confiance qui fait vivre et qui fera
vivre demain. Et c’est pourquoi, c’est attester une confiance qui engage.
 
Une confiance qui engage – et je terminerai par là.
Nous croyons que Dieu aime le monde. Nous croyons même qu’il… le
« kiffe » ! Non pas qu’il le « kiffe grave », mais qu’il le kiffe en grand,
comme ce sera vécu et fêté fin juillet, à Grenoble, lors du rassemblement
jeunesse de notre Eglise et au-delà ! Et c’est parce que Dieu aime le
monde et ses habitants qu’il s’y est fait connaître comme un serviteur.
 
Au coeur de l’Evangile tel que la Réforme le reçoit, il y a cette
découverte que Dieu vient non pas pour être servi mais pour servir. Pour
nous servir. En Christ, le Dieu vivant se met à nos pieds. La hauteur où
Dieu se trouve, désormais, c’est au ras du sol. Quand nos osons nous
abandonner à ce service renversant, alors nous éprouvons que notre vie
entière est entre ses mains, que ce qui semble humble devient glorieux,
que ce qui est faible devient fort. Par amour, pour rien, par grâce, il
nous dégage de toute fausse valeur, de tout pouvoir, de toute fatalité.
 
Surtout, il nous dégage du souci de nous-mêmes.
 
Et c’est d’être ainsi dégagé de nous-mêmes qui nous engage au service
des hommes. C’est pourquoi l’Eglise protestante unie n’a pas sa fin en
soi, mais dans un renouveau de sa mission, de son service. C’est le motif
pour lequel elle a été créée. C’est la raison pour laquelle nous sommes
ici. La confiance reçue de Dieu, cette confiance qui fait vivre, est une
confiance qui nous engage.
 
Nous voulons donc attester qu’il est bon de servir. Il est bon de servir en
s’engageant dans la prière, qui élargit notre vie aux dimensions de
l’amour de Dieu pour le monde. Il est bon de servir en s’engageant
dans la diaconie, le service social, qui nous rend vulnérables aux autres
et à Dieu. Il est bon de servir en s’engageant dans le témoignage
explicite, qui sème à tous vents les graines du règne de Dieu. Ce sont là
les trois dimensions du service pour lequel Christ nous libère et dans
lequel il nous engage. Et c’est ainsi que nous rendons contagieuse la
confiance que nous avons reçue et qui nous fait vivre.
 
Oui, nous l’attestons, il y a du bonheur à servir les autres, à s’engager
pour eux. Pourtant, tout nous pousse à n’avoir le souci que de soi. Tout,
à commencer par la transformation du moindre événement même intime
en spectacle, ou par l’idéologie du marché quand elle devient une
religion qui imprègne tout et qui fait de mes envies la seule mesure qui
vaille.
 
Mais nous croyons – et bien plus : nous éprouvons – qu’il y a du
bonheur à servir plus qu’à se servir. C’est le service qui tisse patiemment
la confiance
 
Il nous faut le redire d’abord à nous-mêmes : construire la confiance est
le contraire d’un quiétisme béat ; c’est une pratique, c’est un effort, c’est
une lutte, bien souvent contre soi d’abord et contre la méfiance toujours
recommencée ensuite. Il nous faut aussi partager cette conviction et la
rappeler à toutes celles et tous ceux qui exercent une responsabilité
sociale, qu’elle soit politique, en entreprise, médiatique, éducative, que
sais-je encore. Et nous pouvons, précisément à cause de la foi de Jésus-
Christ qui nous est donnée, ne pas craindre de nous engager, nous-mêmes,
dans le champ de la responsabilité sociale.
 
La confiance reçue – et que nous affirmons recevoir de Dieu le premier,
c’est là le coeur de l’Evangile –, la confiance qui nous fait vivre, est une
confiance qui nous engage. Rendre cette confiance contagieuse, c’est
notre vocation. C’est le sens de la création de cette Eglise unie. C’est le
chemin qui lui est ouvert.
 
C’est pourquoi, ce samedi matin, dans cet entre-deux par lequel l’Eglise
repasse toujours, je voudrais, tranquillement mais clairement, affirmer
que ce chemin est ouvert comme un chemin de bénédiction.
Le chemin qui est ouvert devant nous est un chemin de bénédiction, si…
Si nous nous y engageons en comptant non pas sur nos forces propres,
mais sur le souffle de Dieu. Si nous délaissons nos identités lorsqu’elles
nous entravent, pour recevoir celle que Dieu nous donne. Si nous osons
être attestataires d’Evangile.
 
Bien plus, le chemin qui est ouvert devant nous est un chemin de
bénédiction, parce que… Parce que si je n’ai aucune idée de quoi
demain sera fait, je sais que Christ nous y accueille et nous y donne
rendez-vous. Parce qu’il nous accompagne, là où nous sommes, chaque
jour.
 
Et le chemin qui est ouvert devant nous est un chemin de bénédiction,
pour… Pour servir les hommes. Pour y rendre contagieuse la confiance
reçue de Dieu. Pour bénir, puisque c’est à cela que nous sommes
appelés.
 
Frères et soeurs, nous pouvons faire monter à Dieu notre reconnaissance
quand nous regardons le passé, le passé dans la longue durée et le
passé plus proche qui nous a conduits jusqu’ici. Et désormais, enracinés
dans la confiance reçue, la confiance qui nous fait vivre, la confiance
qui nous engage, nous sommes appelés à marcher sur ce chemin de
bénédiction.
Désormais, nous sommes appelés à être fidèles à l’avenir.
 
Laurent SCHLUMBERGER,
pasteur, président du conseil national de l’Eglise protestante unie de France
 

vendredi 10 mai 2013

Søren Kierkegaard


Nous fêtons cette année le 200e anniversaire du penseur et écrivain danois Søren Kierkegaard. Né à Copenhague le 5 mai 1813, il meurt 42 ans plus tard, le 11 novembre 1855. De cette brève existence, tourmentée, il résulte une œuvre impressionnante, non seulement par son étendue, mais aussi par sa constitution originale

 
 Les Œuvres philosophiques et théologiques, très souvent publiées sous des noms pseudonymes; discours édifiants, une sorte de prédications écrites, méditant des textes bibliques; articles ; papiers inédits, sous la forme de notes de journal intime. La nouvelle édition complète, éditée ces dernières années à Copenhague en vue du jubilé, comporte trente gros volumes ! Comme Kierkegaard a tout écrit en danois, il faudra attendre les premières traductions, en allemand notamment, pour qu’il commence à devenir célèbre, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.

Or, l’essentiel, c’est la tâche de vivre sa vie en vérité, ce qui passe par l’effort de se connaître et de s’assumer soi-même. C’est pourquoi Kierkegaard s’associe volontiers le philosophe grec Socrate, se considérant parfois même comme le Socrate de Copenhague !

Il en va de même pour la foi, que Kierkegaard revendique contre ce qu’en a fait l’Eglise danoise. En régime de chrétienté, il est devenu aussi facile de croire que d’enfiler chaque matin ses chaussettes !

Kierkegaard s’attache à rappeler sans cesse, non sans humour dans sa polémique, le sérieux de l’effort qui consiste à devenir chrétien, dans le tissu de la vie quotidienne.
 
 

Le motif central de l'œuvre de Kierkegaard est l’existence de l’être humain. Il ne sert à rien d’élaborer de grands systèmes de pensée s’ils ne se répercutent pas dans la vie. Ils sont alors d’immenses bâtisses dans lesquelles personne n’habite.
selon P. Bühler in Protestinfo.
 
 

 

mardi 7 mai 2013

Ascension selon le livre des Actes


 Chapitre 1 :

7 Il leur dit : « Vous n’avez pas à connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité ;

8  mais vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »

9  A ces mots, sous leurs yeux, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs regards.

10  Comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se trouvèrent à leur côté

11  et leur dirent : « Gens de Galilée, pourquoi restez–vous  là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui vous a été enlevé pour le ciel viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. »

12  Quittant alors la colline appelée Mont des Oliviers, ils regagnèrent Jérusalem – cette colline n’en est distante que d’un chemin de sabbat.

Que signifie ce récit de l'Ascension ? C'est une séparation. Et c'est le début d'une grande aventure. Voilà ce qui arrive à ces apôtres que Jésus va quitter. Le maître, on ne le verra plus. Et aujourd'hui encore, sur la terre, ses disciples vivent sans lui, dans un temps... d'autonomie. Le maître n'est pas ici, il est parti. Ailleurs, dans le monde de Dieu, un monde qui n'est pas le nôtre. C'est comme un abandon, il faut voler de ses propres ailes. Ce n'est pas rassurant. Oui, mais c'est une aventure.

Quand on prend ainsi son autonomie, il y a d'abord un temps où l'on fait de gros efforts pour être à la hauteur. On a tout à fait conscience que l'on peut se tromper. On n'est pas sûr de soi. C'est vrai dans la vie professionnelle, c'est vrai aussi lorsqu'on entame une vie à deux. C'est vrai aussi à la naissance du premier enfant. C'est vrai quand on se retrouve seul après un deuil. Suivant le cas, il y a des doutes, des soins, des inquiétudes, des angoisses, des larmes. Il peut y avoir aussi de la bonne volonté, de l'ardeur à bien faire et à bien vivre. Et que de nouvelles possibilités à explorer...

Et puis l'habitude s'installe. On a le sentiment, alors, de maîtriser la situation, et cela de mieux en mieux au fur et à mesure que le temps s'écoule. Pour peu qu'il n'y ait pas de grande catastrophe, on suit de plus en plus tranquillement son petit bonhomme de chemin. On se met à dominer les situations... et parfois, on se met aussi à dominer les gens qui nous entourent. On risque de faire des bêtises. On risque de se compromettre dans des situations qu'on aurait au départ jugé malsaines.

Après deux mille ans de christianisme, les chrétiens ont souvent suivi cette courbe. Les premiers temps ont été difficiles, mais combien passionnants ! De la ferveur, de la pureté, du courage ! Et puis, petit à petit, on s'installe, on prend du poids dans le monde, on dirige, on enseigne, on domine, et même : on écrase. On se fourvoie dans toutes sortes de compromissions.

Notez qu'il est arrivé aussi qu'elles se soient rapidement développées, les Eglises, pleines de foi et d'enthousiasme, et puis qu'elles se soient lentement délitées, au cours du temps. La ferveur initiale disparaît lentement. Le temps a passé, la vie a tout raboté.

La communauté chrétienne qui vit sous le signe de l’Ascension est celle qui a derrière elle : la croix et la résurrection et devant elle : Pentecôte ; c’est la communauté du souvenir de l’espérance et de l’attente.

C’est une communauté qui évite des risques pas tous sans doute, mais au moins deux grands risques :

1- Celui de se  replier et de s’enfouir, disparaître aux yeux de tous. Le Maître n’est plus là faisons comme lui, devenons une réalité une communauté invisible qui se rassemblera comme se rassemble des initiés qui auront accès aux codes et au mystère du Ciel ; c’est la communauté des purs et des élus qui refusent la relation et la compromission avec les autres comme avec le monde.   

Ce type de forme d’Eglise a existé existe encore peut être ; en tous les cas c’est une risque que nous courrons à titre individuel lorsque nous disons : ma foi cela ne regarde que moi ; elle est de l’ordre de l’intime conviction et de regarde personne : j’ai mes croyances et la relation à moi. Je rencontre souvent de personnes qui disent me disent qu’elles savent toutes seules, bien mieux que les églises et les chrétiens ce qu’il est bon de croire et de vivre. L’autonomie tout seul peut devenir est une illusion.

Se replier s’enfouir c’est aussi l’Eglise du secret ou plus exactement l’église qui a caché des secrets aux autres. Nous sommes alors en pleine actualité avec les débats sur le Da Vinci Code par exemple. Des mystères on été confisqués ; les secrets du Ciel résidence principale de Dieu ont été révélés à quelques uns ; il s’agit de les garder de les préserver avec de grands risques de répression de condamnation des autorités officielles toujours manipulatrices et possessives. 


L’Eglise de Jésus Christ n’a rien à voir avec tout cela le message du Christ se déploie dans une longue chaîne d’interprétation faite par des hommes et des femmes dans le concret de leur histoire aux prises avec la réalité du monde avec ses souffrance set ses bonheurs ; l’Eglise de Jésus Christ est une Eglise de la Vie et dans la vie une communauté et des communautés historiques et précises qui rencontrent et accueillent mon histoire ma vie mon existence toujours mystérieuses mais toujours concrètes.

2- Le deuxième risque est celui qui est contraire au premier et qui a été longtemps parcouru par le christianisme à divers moment de son histoire : non plus le repli mais la présence exubérante qui occupe toute la place. Le Christ n’est plus là peut importe nous sommes là et nous allons le remplacer. C’est l’Eglise qui comble qui remplace qui tient lieu ; ce sont les croyants qui ne font plus de différence entre privé et public entre intérieur et extérieur entre cités des hommes et cité de Dieu pour le dire avec St Augustin.

C’est l’Eglise où le Grand Inquisiteur sait de la part de Dieu et mieux que lui, ce qu’il faut faire : en général extirper l’hérésie et qui le fait en général en éliminant tout ce qui gêne.  C’est ici l’Eglise ou les croyants qui se prennent pour Dieu qui croient qu’ils sont les seuls dépositaires du message du Christ et de leur Dieu qu’ils ont assimilé au point de le faire parler et agir par leur bouche et leur institution. Loin de l’enfouissement c’est la religion qui occupe toute la place. Il arrive que les petites communautés, les petites Eglises rêvent de grandeur et rêvent de ce modèle qui éblouit mais qui est en fait proche de la secte militante et qui se donne les moyens de réussir ; plus proche de la volonté de pouvoir que d’un service plus obscur et moins valorisant. On retrouve aujourd’hui des tendances dans le christianisme et bien sûr ailleurs dans toutes les religions ce regret cette nostalgie de l’affirmation de soi. On ne sait jamais remis vraiment de la conversion de l’empereur Constantin qui permit au christianisme de s’affirmer et de dominer sur les corps et sur les esprits.

La communauté chrétienne qui vit sous le signe de l’Ascension est celle qui a derrière elle la croix et la résurrection et devant elle : Pentecôte ; c’est la communauté du souvenir de l’espérance et de l’attente.

Une communauté du souvenir, non pas une communauté qui cultive les manifestations du souvenir de son histoire glorieuse ; mais une communauté  de foi qui sait d’où elle vient ce qu’elle doit aux témoins souvent martyrs de la foi qui on transmis contre vents et marées leur espérance, leur idée leur compréhension et leur vision du monde et de la vie. C’est doute pour cela d’ailleurs que furent Ecrits les textes, les Ecritures ; en quelque sorte pour lutter contre l’instantanée le ponctuel et un présent qui se suffirait à lui-même.

Israël est appelé à faire mémoire et à se souvenir de ce que Dieu a fait et fait encore nous sommes aussi en ce domaine les héritiers de ce mouvement qui va rendre présent et actuel ce qui jadis a été vu compris et cru par d’autres qui nous ont livré leur témoignage celui du mémorial du souvenir en acte rendu actif et opérant au moment où on le vit où on l’exprime ; les grands faits de Dieu dans l’histoire, deviennent vrais et présents pour nous. Pour eux le Maître n’est plus là mais ce qu’il a dit ce qu’il a fait va devenir peu à peu important pour eux. 

Une communauté et une foi arrimées à une espérance. C’est une manière de dire aussi l’avenir. L’espérance que nous ne sommes pas à la fin d’une trajectoire fatale. Le Maître n’est plus là mais tout ne s’achève pas tout ne s’écroule pas immédiatement mais tout ou presque reste encore à vivre. L’espérance c’est la certitude que quoiqu’il arrive demain aura lieu. On interrogea un jour M. Luther : si la fin du monde arrivait demain, que ferais-tu ? Je planterai aujourd’hui un pommier ! Pas très religieux, mais ferme assurance et foi enracinées dans l’espérance. Celle de la vie, espérance que notre trajet terrestre est conduit et guidé de bout en bout comme celui du Christ ; même si tout n’est pas compris.

Enfin c’est avec et après l’Ascension se constitue une communauté en attente ; faire mémoire, être et vivre dans et de l’espérance apportée en Jésus Christ c’est aussi l’attendre. « Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Celui qui vous a été enlevé viendra de la même manière que vous l’avez vu aller vers le ciel. On sait que de nombreux groupes chrétiens ont tout misé sur ce retour ; ils en on parfois prévu la date et montrer les signes fallacieux. Non nous ne savons pas, ne faisons pas de prévision comme pour mieux vivre l’attente comme pour qu’elle reste calme et serine.

Comme pour dire que Dieu conduit et continue de conduire le monde comme notre vie, notre histoire. Comme pour attester qu’il a été là qu’il est encore là malgré tout et qu’il sera là ! Lui qui été qui est et qui vient. Lui dont nous avons à nous remémorer les gestes et les paroles, nous souvenir pour les rendre vivants et présents. Lui qui place au cœur de notre vie une espérance de vie semblable à sa vie sur la terre des humains. Oui la communauté des croyants est en attente comme le veilleur attend l’aurore, comme l’ami attend l’ami, comme Dieu attend avec patience et bienveillance.

L’Ascension est un départ, qui laisse des témoins étonnés et joyeux, toujours aux prises avec la tentation de l’enfouissement ou de l’arrogance ; le départ de l’Ascension laisse toute sa place à la foi en Christ qui nous invite à nous souvenir, à espérer sans cesse et à l’attendre avec fidélité.

 

lundi 29 avril 2013

Du pain et des fleurs...






Il faut, pour vivre, du pain et des fleurs.
Et dix paroles murmurées à l’oreille de la mer, quand le désert s’essouffle à nous tenir la main.

Tu n’auras pas d’idoles, dit Dieu, et tu ne devras rendre compte à personne. Moi seul serai ton juge et ton maître. Tu ne mangeras pas, jamais, le pain de l’esclavage. Tu ne plieras pas l’échine. Tu seras libre comme le vent dans les joncs.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et l’absolue liberté de n’avoir sur terre aucun seigneur.

Tu parleras pour toi-même. Ta parole sera claire et sincère, et tes yeux auront la transparence des lacs de haute montagne.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et tu te tairas devant les flatteurs pour mieux hurler devant les injustices.

Tu ne courras pas après ton ouvrage comme si ta vie en dépendait. Tu t’arrêteras un jour, tu te reposeras. Tu laisseras le monde se reposer. Tu prendras soin de toi-même.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et tu dormiras dans les bras de l’innocence.

Tu t’enracineras dans ton histoire, aussi douloureuse soit-elle. Tu feras la lumière sur ce que les anciens t’ont gravé dans le coeur. Tu retourneras les secrets de famille en nouveaux commencements.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et tu te découvriras une tendresse pour ceux qui ont souffert avant toi.

Tu ne tueras pas. Tu sauras que tu es responsable de tous ceux, êtres humains, animaux, océans et forêts, que ton mode de vie détruit.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et tu veilleras à ce que le blé et les fleurs ne soient pas cultivés par des paysans que ces cultures affament.

Tu ne dévoreras pas ceux que tu aimes. Tu te tiendras loin de la jalousie. Tu n’accepteras jamais qu’un couple soit un lieu de violences. Tu dénonceras les maltraitances.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et tu veilleras à ce qu’il n’y aie pas de coups dans tes histoires d’amour.

Tu ne t’accapareras pas la planète qui est donnée pour tous et toutes.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs. Tu ne prendras rien à personne, car le pain et les fleurs te seront toujours donnés.

Tu ne mentiras pas. Tu ne dénigreras pas. Tu ne diras pas d’un autre des mots qui le feraient se sentir diminué jusqu’à ce que l’ombre l’épuise. Tu ne te permettras pas de colporter des on dit. Tu ne jugeras pas. Et tu porteras au coeur la nécessaire conviction que tous les êtres humains sont égaux en dignité.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et tu ne diras jamais, jamais, que le pain doit t’être réservé.

Tu ne prendras pas les terres des autres, tu ne les changeras pas en grands champs de mort, tu ne puiseras pas dans ses cavernes, et tu ne feras pas la guerre, et tu n’asservira pas les fragiles et les pauvres.
Il ne te faudra, pour vivre, que du pain et des fleurs, et tu laisseras choir tes privilèges comme un vieux manteau usé.

Que du pain et des fleurs.
C’est tout ce qu’il te faut pour vivre.
Ton steak, ton gsm, ton compte en banque, l’asservissement des femmes et des migrants, le rejet des gens différents de toi, et la certitude de valoir plus que quelqu’un d’autre, tu n’en a pas besoin.
De piller et asservir, tu n’en as pas besoin.
De haïr et détruire, tu n’en as pas besoin.
De te rendre indigne de la beauté du monde,
TU N’EN AS PAS BESOIN.

Il ne te faut, pour vivre, que du pain et des fleurs.
Et dix paroles murmurées à l’oreille de la mer, quand le désert s’essouffle à te tenir la main.



Paru in blog christianisme social

mardi 9 avril 2013

"Venez déjeuner !"


Lire : Actes  5, 27- 41 et  Jean  21, 1- 19

Jésus leur dit : «Venez déjeuner. » Aucun des disciples n’osait lui posait la question : "Qui es-tu ? » Ils savaient  bien que c’était le Seigneur.  Alors Jésus vient ; il prend le pain et le leur donne ; il fit de même avec le poisson »

1- Jean 21 comme un appendice. Un ajout. Un post-scriptum.  Un  « bis » comme on dit au concert . Un surplus,  comme une prime à celles et ceux qui ont lu ou reçu les 20 premiers ch. L’évangile est de cet ordre : la bonne nouvelle est un bis, une prime, une valeur ajoutée, car elle est au-delà de la limite ; on pourrait dire qu’elle nous entraine hors du cadre habituel dans un premier temps.  La foi, notre foi comme un appendice ? Un post-scriptum ? Une prime ? Même si elle n’est pas au centre, elle compte comme une périphérie vivante .

2-Jésus se manifeste aux siens. Pâques c’était la découverte du vide et de l’absence. Le temps suivant c’est le temps de la présence. Une présence originale et troublante car l’après ressemble à l’avant. Après la victoire de la vie plus grande que la mort ; voici le retour dans la banalité de l’existence. Voir le retour d’Ulysse à Ithaque. Voir la mort de Socrate et sa présence dans l’écriture de ses disciples et en particulier de Platon.  Avant le temps de la disparition de la nouvelle et radicale absence voici le temps de la présence ordinaire.

3- Le lieu de cette présence n’est pas quelconque ; il est troublant. Ce n’est ni le temple, ni la chambre haute comme une présence réservée aux siens ; ce n’est pas une présence intériorisée dans leur conscience ou leur esprit ; ce n’est pas une illumination, ou une révélation avec des signes divins ou cosmiques.  Le lieu de la présence c’est l’activité, le travail des hommes, des humains. Après le temps de la vie normale ce fut le temps de la « suivance » de Jésus ; après le temps de la déception  ce fut le temps de la perte et de l’absence. C’est maintenant et sans doute pour toujours, le temps de la présence sur le lieu même de la vie aux prises avec les réalités les plus ordinaires.

4- L’action du vivant s’opère dans un certain anonymat qui stimule transcende les proches et les témoins. Le lundi matin dans la tradition johannique on ne se lamente pas ; on rassemble ses amis au-delà du cercle habituel, des nouveaux sont là. Et Pierre annonce souverain : je vais à la pêche !

Chez Matthieu on disait ce que vous avez fait à l’inconnu l’un des plus petits c’est à moi que vous l’avez fait ! L’action du Vivant, sa présence s’opère au quotidien, en vue de la nourriture de tous !

5- Ils deviennent  enfin de bons  ouvriers, de bons pêcheurs ; eux qui ne comprenaient pas grand-chose ;  ils sont nés de nouveau pour une efficacité qui concerne non seulement eux-mêmes mais leur horizon change , on sait que les fameux 153 peut signifier une totalité ; ils ne devront plus se restreindre se réduire mais augmenter et faire fructifier leur action et leur travail. Ils deviennent bons dans ce qu’ils font, dans ce qu’ils sont ;  ils deviennent  en même temps des invités presque timides ! Sans prétention.

 
6- la vocation chrétienne, notre vie dans la foi est ainsi décrite et parcourue ; elle est un appel à répondre à l’invitation de Pierre : Je vais à la pêche  je vais travailler non pour me changer les idées mais pour vivre ; c’est là que se trouve désormais le Seigneur ; notre foi qui rejoint notre vie c’est aussi répondre à l’invitation du Seigneur : Venez déjeuner ! Non seulement comme une Cène, mais comme un appel comme une présence au quotidien, comme une affirmation de sa présence dans une rencontre dans un échange dans un partage.  En réalité, l’Etre, la Présence, le Nom, le Christ vient nous saisir dans un « être-là » en situation et non dans le ciel ni dans le ciel des idées ou des imaginations.  Puissions entendre : « je vais à la pêche ! »  Pour  travailler d’une part, et « venez déjeuner ! » comme invitations et appels à la rencontre nourrissante.

 

lundi 1 avril 2013

Résurrection comme souvenir et rencontre de l'autre vivant


Pâques 31 mars 2013 à Pamiers et Saverdun


« Rappelez-vous comment il vous a parlé quand il était en Galilée ; alors elles se rappelèrent ses paroles, elles revinrent du tombeau et rapportèrent tout cela au Onze et à tous les autres ; C’étaient Marie de Magdala et Jeanne et Marie de Jacques ; Les autres compagnes le disaient aussi aux apôtres. » Luc 24, 1-12.

La fête de Pâques est un exode, c’est un exil ; c’est un passage et une sortie ; c’est une libération, c’est une sortie de prison ; c’est une naissance comme éblouissement ; la fête de Pâques ce sont toutes les forces de vie qui entourent et font diminuer toutes les forces de mort.

Pâques c’est la foi en une création qui fait vivre et qui s’exprime par la rencontre vitale de tous les autres ; c’est la célébration du premier jour ; dans le déroulement inexorable des semaines et des jours, Voici l’arrêt et l’étonnement au cœur de ce premier jour de ce temps nouveau, neuf, comme une nouvelle étape de vie pour des témoins surpris. Tout ne se déroule pas sans fin, tout ne coule pas comme le disaient les Grecs ; il y a des jours et des moments usés et des jours et des moments neufs ; il y a des temps qui inaugurent, il y a des temps de ressaisissement, de recueillement et de récupération.

Après et avec l’échec et la capitulation voici venu le temps de la récapitulation, avec et après le temps de la mort voici venu celui de la vie.

Les auteurs évangéliques et Luc en particulier, en écrivant dans la foi, les récits de Pâques ont été confrontés à une grande difficulté fondatrice du christianisme et de la foi elle-même : il fallait montrer et dire la bonne nouvelle de la vie, la bonne nouvelle de Jésus le Christ vivant en tenant compte à la fois de la réalité, de l’objectivité et d’un certain réalisme : il fallait qu’il n’y ait pas de doute : le Vivant le ressuscité, c’était bien Jésus de Nazareth, le crucifié ; et c’est alors l’insistance dans les textes des mentions de mort, celles des aromates celles des bandelettes, celle de la pierre, celle du corps et du tombeau. A ce niveau là il fallait affirmer que l’action de Dieu et son projet concernent bien Jésus mort : on parlait bien du même. Mais en même temps, il fallait exprimer et annoncer que la résurrection et Pâques ne ressemblaient en rien, n’avaient rien à voir, avec un joyeux happy end, une fin heureuse, une bonne conclusion à un épisode de la vie mouvementée et tragique.

Le jour de Pâques,  il fallait, il faudra et il faut annoncer que la foi qui prend naissance le premier jour de la semaine n’est pas fondée sur la régénération d’un cadavre qui aurait un jour à nouveau mourir. On ne nous raconte pas la sortie victorieuse et en gloire du tombeau. Tous les évangélistes ont pris soins d’éloigner les apparitions du ressuscité du tombeau lui-même. On ne décrit pas la sortie on ne raconte pas la résurrection, on ne détaille pas le comment, on affirme  et c’est la marque de l’Evangile de Luc, la disparition de Jésus, il n’est plus là. La victoire de Dieu sera dite par et dans l’absence : ce que les femmes étaient venues rencontrer, le corps de Jésus, elles ne le trouvèrent pas et en furent très décontenancées, dit le texte.

La foi de Pâques tient en ces deux perspectives : réalisme de la mort et du tombeau et en même temps béance, vacuité de ce tombeau désormais sans objet, sans corps. Absence et vide qui laissent place à des mots  à des paroles qui vont atténuer le choc et la brutalité de cette disparition qui vont orienter la foi et l’espérance en train de naître. Le corps mort de Jésus n’est pas objet de foi ni d’adoration, seul le corps absent seules les paroles vivantes fondent la foi de Pâques.  

En ce premier jour de la semaine nous sommes invités à nous mettre à l’écoute de cette foi de cette confiance en train de naître : la foi de Pâques, l’espérance vitale et dynamique qu’elle contient a pour cadre le réalisme de l’existence humaine qui s’exprime par le vide la béance et l’absence dans un tombeau désormais inutile car il ne répond plus à sa fonction.

Dieu intervient dans le cadre et non hors du cadre de l’existence humaine et son intervention peut s’opérer sous le signe du vide et de l’absence habités par des paroles vivantes pour des personnes en train de vivre et de revivre.

Ce sont bien des personnages de chair et de sang des êtres qui nous ressemblent ; ce sont des hommes, mais surtout des femmes apeurées et meurtris qui vont découvrir l’efficacité de Dieu l’efficacité de sa parole, la réalisation de ses promesses sur le lieu même de l’absence et du vide. Jésus n’est plus là mais finalement qu’importe, les marques, les traces, l’écho, le souvenir de son passage, de sa vie de ses actions sont ce jour-là tellement là, que sa disparition son éloignement va se transformer en dynamisme nouveau, en responsabilité nouvelle, en nouvelle marche, nouvelle parole en semaine nouvelle, en création nouvelle. Il n’est plus là ! Mais qu’importe, nous sommes là ;  les disciples sont là,  porteurs de son espérance, porteurs de ses réalisations à vivre, annonciateurs de son projet de vie. Le premier jour de la semaine, le jour de Pâques, soudain les disciples déconcertés et affolés, découvrent qu’ils deviennent utiles et nécessaires, qu’ils sont les agents préférentiels et agréés de la vie de Jésus.

Le miracle incompréhensible de Pâques réside là tout entier. L’action souveraine de Dieu est à jamais inséparable de la vie de  ses témoins. Pâques n’aurait aucun sens et nous ne serions pas là pour le célébrer encore, si les témoins du premier jour de la semaine ne s’étaient pas mis à l’œuvre pour annoncer de grand bouleversement de grand déplacement :

Le tombeau de Jésus n’est pas le bon lieu, il nous est inconnu il échappe à toutes nos tentations et nos envies de figer dans l’espace et le temps la réalité de Pâques.

On ne parlera plus ce jour là de Jérusalem et de la Judée lieux des pouvoirs et de la gloire fragile. – On ne parle plus du temple, lieu du sacré et de pèlerinage

Le jour de Pâques seule la Galilée compte, lieu de la mouvance et des déplacements de Jésus, lieu des rencontres avec celles et ceux qui en manquaient. Là où Jésus avait rencontré les paralysés de l’existence, là où il avait enseigné. Cet espace et ces moments historiques acquièrent soudain une dimension universelle et éternelle. Ce qui était un coin de terre devient figure du monde entier. Dans l’évangile de Luc la Galilée devient l’espace de la résurrection. Rappelez-vous comment il vous a parlé en Galilée. Ce qui s’y était passé et dit devient ce qui se passera toujours et partout.

La foi de Pâques prend figure de l’épopée galiléenne. Le passé soudain devient présent qui est orienté vers un avenir à vivre, non à répéter mais à reconstruire, nos vies, nos histoires nos espaces. Les frontières sont repoussées. La fête de Pâques grâce à Dieu c’est l’élargissement de tous les lieux étriqués, même ceux que Jésus avaient parcouru. Celui qui est vivant vivifie les espaces les tempos et les moments, il vivifie celles et ceux qui désormais auront pour raison de vivre l’annonce de cet élargissement possible et indispensable.

Des femmes d’abord  qui reçoivent une mission une identité elles qui découvrent l’impossibilité de rencontrer Jésus rencontrent deux hommes vivants parlant disant le sens et la perspective nouvelle. Celui qui est mort n’est plus là, mais faites de la vie en Galilée l’affaire de votre vie, allez le dire et le faire. La peur la crainte, le visage de la tristesse se transforme peu à peu en message porteur de vie et d’espérance tellement porteur de vie et de simplicité que les hommes y voient de  la folie.

Des hommes ensuite : Deux hommes ont pris la place du corps mort de Jésus. Seul Luc a  cette audace, les autres parlent d’anges ! Le premier jour de la semaine ce que Jésus auraient pu dire des hommes découvrent qu’ils peuvent le dire et le faire, ils comprennent que le Vivant c’est bien pour des vivants. Ils comprennent que la Galilée c était important, tout y était contenu : la croix, les rencontres les signes, la vie. Désormais il faudra vivre de tout cela. Les Onze et les autres et Pierre en particulier reçoivent de la part de Dieu, par des femmes et des hommes neufs leur ultime enseignement. Certes ils iront, Pierre ira vérifier la béance et la vacuité du tombeau, mais il faudra repartir avec le souvenir puissant de la Galilée et de la vie.


Pâques n’est pas une théorie, un dogme, c’est la rencontre d’une possibilité de vivre autrement et vraiment. En ce premier jour d’une semaine nouvelle nous sommes appelés à nous mettre à l’écoute des témoins de Pâques : ouverture d’un tombeau, disparité, parole et souvenir, découverte que sans témoins e train de se mettre en marche Pâques risque d’être une pseudo réalité magique. ; le Vivant ne joue pas avec la mort il dit le primat de la vie, il propose dans l’étonnement une parole et une action pour des hommes et des femmes celles de devenir des disciples des annonciateurs des témoins d’un monde transformé et transfiguré pour leur propre vie pour la vie des hommes et des femmes autour de nous.

 On ne peut pas vivre et croire Pâques en restant immobile dans nos vies nos conceptions nos orientations nos projets. Seuls des hommes et des femmes ressuscités et grâce à Dieu en train de le devenir reçoivent pleinement l’annonce, la force et la joie de ce jour. Ressusciter c’est faire mémoire, c’est être rendu capable de faire mémoire des gestes et des paroles de Jésus lorsqu’il était en Galilée. Nous avons tous des Galilées personnelles, nos vies et nos habitudes à revisiter, la rencontre avec la Galilée de Jésus va élargir nos espaces et les parcourir d’espérances à vivre.

Alors, rappelez-vous comment il vous a parlé lorsqu’il était en Galilée ! 

Le pain multiplié et le vin en abondance comme à Cana, sont partagés en Cène ; ils  sont le souvenir vivant de cette vie et de cette mort transfigurées, à recevoir et à annoncer. En les partageant puissions-nous là où nous sommes et comme nous sommes, découvrir des signes de résurrection. Grâce à Dieu Il est Vivant pour que nous vivions.