dimanche 9 février 2014

Vous êtes Lumière et Sel !


Textes à lire et relire :   Esaïe 58, 9b-12. « On t’appellera Réparateur des brèches, restaurateur des ruelles pour qu’on y habite ".

Matthieu 5, 13-16. " Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde. "

Dans la genèse la premier de la parole créatrice de Dieu : Il dit : « Que la lumière soit ! et Dieu vit que la lumière était bonne ». 1,3.

La lumière et le sel, après les béatitudes dans le sermon sur la montagne et avant la loi nouvelle  radicalisée par le Christ ; voici une claire affirmation de notre identité de chrétien dans la foi ; voici une claire indication de ce que nous sommes et de ce que nous sommes appelés à devenir toujours mieux toujours de façon renouvelée.

Dans la grande série des - je suis-  et  des - vous êtes- on aurait pu attendre une inversion  des  valeurs : je suis la lumière du monde  et vous êtes des reflets bien pâles de ce que je suis ;  je suis le sel de la terre aurait pu dire Jésus et vous êtes des effets des substituts ou des ersatz bien fades de ce que je suis.  Non c’est bien vous qui êtes la lumière et qui êtes le sel ; je suis seulement Celui qui vous le dit et qui vous l’annonce. Le Seigneur dira ou préfèrera dire dans l’évangile de Jean : je suis le cep, vous êtes les sarments, la porte, le chemin, la vérité, la vie…. Seul Jean vint en témoin car il n’était pas la lumière mais il vint pour rendre témoignage à la lumière.

La vie chrétienne sous le signe de la lumière et du sel ; à une époque non encore inondée nuit et jour, de lumière, de néons de lampes allogènes, de lumières artificielles, à une époque qui a besoin de lumière pour vivre et agir et qui ne connaît que celle souvent rude et terrible du soleil ; dans ce temps sombre et qui voit dans l’astre du jour et de la nuit des divinités plutôt que de simples étoiles, dans ce cadre là il est relativement osé de dire à des disciples vous êtes la lumière du monde : ils sont esseulés, persécutés, on leur promet des réalités difficiles à affronter et on leur dit : vous êtes lumière pour ce monde ; vous êtes là non pour vous rassembler dans des catacombes, non pour vous cacher comme une secte bizarre, vous êtes là, non pour vivre à l’intérieur de vous-mêmes, comme celles et ceux qui disent moi, j’ai ma religion à moi ! comme je l’entends parfois...

Non vous êtes là pour sortir, non pour vous faire voir seulement, mais pour dire montrer révéler la manière dont vous vivez et que, ce que vous croyez donne du sens et de la vigueur à votre vie et peut être transmis et annoncé à d’autres ; vous êtes là, pour être des exemples, non pas satisfaits et imbus mais des exemples de vie nouvelle : dans laquelle sera à l’œuvre, les œuvres que vous entreprenez ; les actions que vous réalisez, les relations que vous tissez les uns avec les autres ; afin qu'elles soient vues et crues dans vos existences. Cette nouveauté de vie, aussi importante que la lumière pour la vie réelle se manifeste, se réalise, elle devient utile non seulement à nos besoins spirituels mais aussi à la communauté humaine au sein de laquelle nous sommes placés.

La lumière pour la lumière cela ne sert pas à grand chose.

La lumière, c’est pour quelque chose d’autre qu’elle-même ; pour voir, montrer, éclairer, pour faire, pour conduire, et pour dire aussi et révéler les couleurs et les noirceurs du monde et de la vie parfois.

La lumière, c’est la première réalité dite et parler et créer par Dieu comme si c’était la condition initiale et première. Nous sommes cette condition première et initiale, non en nous même mais en Christ mais en Dieu. Nous mêmes ou nos contemporains parlent plus volontiers de cette petite lumière qui brille en nous, par-ci, par-là. Comme si, en nous, était recueillie ou présente une petite étincelle de vie ou de Dieu, comme si nous étions réceptacle de la réalité divine qui nous fournirait la vie et l’espérance nécessaire pour vivre.

Dans l’Antiquité on pensait comme aujourd’hui d’ailleurs, que les humains étaient des effets, des éclats des poussières de lumière, des poussières d’étoiles.

Eh bien non ! Dans la foi et dans la radicalité du sermon sur la montagne ici, il s’agit plus que cela : nous sommes lumière ou pas d’ailleurs ; nous ne sommes pas réceptacle de quoi que ce soit ; nous sommes poussières pour attester que nous ne sommes pas immortels et que notre fondement c’est la terre et nous sommes dans la foi, lumière pour que d’autres rendent gloire à Dieu à leur tour.

Ici, il s’agit non pas de se montrer pour se faire connaître comme on le fait bien souvent ; se faire connaître passer à la télé, être sous les feux des projecteurs ; vous êtes la lumière du monde signifie vous êtes les projecteurs qui révèlent et disent aux autres ce qu’ils sont, ce que nous sommes ensemble, pour que la fin de toute chose, le sens de toute chose, l’objectif essentiel, la visée centrale ce soit un autre que nous-mêmes, ce soit Dieu lui-même :  Dégagé j’allais dire libéré, de tous les habillages que les traditions religieuses l’ont revêtu, lui Dieu, au point de le rendre inconnaissable, inaccessible, incroyable à nos frères et sœurs en humanité.

Si les autres ne sont pas intéressés ce n’est pas toujours leur faute ; parfois, souvent : nous ne sommes pas assez lumière, lunimeux, tant nous sommes éteints;

Parfois, souvent même, nous ne sommes pas assez lumière de vie d’espérance et d’amour pour les autres c’est à dire aussi pour Dieu.

Parfois aussi et souvent même, les chrétiens certains chrétiens se sont crus eux-mêmes les dépositaires officiels de la lumière de Dieu ; l’histoire des Eglises est pleine de ces moments de ces temps de domination sur les autres : alors on a oppressé, condamné, jugé, annexé, guerroyé ; nous savons bien que cela existe encore dans toutes les religions surtout lorsqu'elles ont le vent en poupe ! surtout lorsqu’elles se sentent affaiblies et fragiles, alors tout devient plus offensif.

Alors il me semble que l’image et la réalité du sel vient, à point nommé, comme pour corriger ou en tous cas atténuer la violence et la fulgurance de la réalité de la lumière. C’est sans doute la raison pour laquelle Matthieu associe si fort les deux réalités : sel et lumière.

Certes, vous êtes le sel de la terre vient nous dire comme avec la lumière le caractère indispensable et unique de cette réalité. Sans sodium pas de vie possible ; sans sel, pas de saveur et c’est moins la réalité de la saveur du sel qui compte que celle qu’elle révèle ; le sel est caché en quantité minime il fait l’essentiel, il dit et manifeste le goût de l' autre, des autres réalités dans lesquelles il est non visible, enfoui. Le sel peut être aussi important que la lumière mais sa marque propre c’est qu’il ne se voit pas car même caché, ça marche ! C’est l’antidote de l’excès de lumière ou d’une lumière au service de soi et non des autres.

Vous êtes le sel de la terre : Etre disciple, ce n’est pas un acte héroïque et surnaturel ; devenir disciple du Christ c’est simplement mais fermement redécouvrir la valeur et la saveur du sel ; Ce n’est pas être sous la lumière mais être lumière. L’évangile de Jésus Christ ressemble à du sel ; on pourrait dire qu’il n’a en soi de vraie valeur car on découvre plutôt sa pertinence, son rôle, sa valeur et son prix au contact d’autre chose que lui-même ; le parfait disciple qui ne rencontrerait jamais la réalité la banalité, l’ordinaire de la vie serait un parfait disciple à qui il manquerait une bonne dose de sel et de lumière.

Le Sel de l’évangile c’est du sel en bon état capable de donner du piquant et de rendre le reste et les autres meilleurs. Le disciple n’est pas meilleur, il rend les autres meilleurs ; il donne de la saveur à autre chose que lui-même : en cela il renonce à sa propre valeur, qui est enfoui pour révéler le goût des autres.

L’évangile de ce jour nous invite à redécouvrir en nous, ce qui donne du goût à notre existence et à celles des autres ; il nous invite à trouver pour nous, le chemin d’un renoncement dans nos vies à tout vouloir, tout dans l’extériorité ou tout dans l’intériorité ;  il nous invite à construire dans la durée et à découvrir le chemin de la vie à l’extérieur comme à l’intérieur de nous-mêmes.

Finalement avec ces réalités sel et lumière les disciples du Christ sont équipés, sont munis de ce qui les rend utiles et bienveillants pour les autres pour indiquer sans ostentation, un chemin, un chemin de vie et de vérité. L’Eglise du Christ est celle qui comme l’affirmait bien des siècles avant Jésus, le prophète Esaïe : l’Eglise du Christ est appelée avec son sel et sa lumière comme outils vivants à devenir « réparatrice de brèches, restauratrice de ruelles pour qu’on y habite ».

Des brèches à restaurer, des ruelles à éclairer il en existence partout en nous et autour de nous. Nous sommes invités à entrer dans le chantier ou chacune et chacun a une place.

Permettre la vie en société, y être visible, et y être humble et modeste c’est la condition paradoxale d’une vie d’Eglise, sans cesse alimentée en lumière et en sel. 

Vous êtes le sel de la terre ; oui, le sel c’est une bonne chose ; que le Seigneur nous donne l’énergie suffisante pour découvrir en nous le prix du sel de l’évangile ! Vous êtes la lumière du monde, oui la lumière comme au commencement du monde Dieu vit que cela était bon.

Qu’il nous donne la joie de vivre dans cette espérance à commencer par le partage du pain et du vin de la lumière et du sel, pour aujourd’hui et les jours qui viennent.