dimanche 23 avril 2017

Mamoudzou, c'est à Mayotte


Dimanche 23 avril 2017 :  Jean  21,12


Jésus leur dit : «Venez déjeuner. » Aucun des disciples n’osait lui posait la question : "Qui es-tu ? » Ils savaient  bien que c’était le Seigneur.  Alors Jésus vient ; il prend le pain et le leur donne ; il fit de même avec le poisson »

1- Jean 21 comme un appendice. Un ajout. Un post-scriptum.  Un  « bis » comme on dit au concert . Un surplus,  comme une prime à celles et ceux qui ont lu ou reçu les 20 premiers ch. L’évangile est cet ordre : la bonne nouvelle est un bis, une prime, une valeur ajoutée, car elle est au-delà de la limite ; on pourrait dire qu’elle nous entraine hors du cadre habituel dans un premier temps.  La foi, notre foi comme un appendice ? Un post-scriptum ? Une prime ? Même si elle n’est pas au centre, elle compte comme une périphérie vivante.
2- Jésus se manifeste aux siens. Pâques c’était la découverte du vide et de l’absence. Le temps suivant c’est le temps de la présence. Une présence originale et troublante car l’après ressemble à l’avant. Après la victoire de la vie plus grande que la mort ; voici le retour dans la banalité de l’existence. Voir le retour d’Ulysse à Ithaque. Voir la mort de Socrate et sa présence dans l’écriture de ses disciples et en particulier de Platon.  Avant le temps de la disparition de la nouvelle et radicale absence voici le temps de la présence ordinaire.

3- Le lieu de cette présence n’est pas quelconque ; il est troublant. Ce n’est ni le temple, ni la chambre haute comme une présence réservée aux siens ; ce n’est pas une présence intériorisée dans leur conscience ou leur esprit ; ce n’est pas une illumination, ou une révélation avec des signes divins ou cosmiques.  Le lieu de la présence c’est l’activité, le travail des hommes, des humains. Après le temps de la vie normale ce fut le temps de la « suivance » de Jésus ; après le temps de la déception  ce fut le temps de la perte et de l’absence. C’est maintenant et sans doute pour toujours, le temps de la présence sur le lieu même de la vie aux prises avec les réalités les plus ordinaires.


4- L’action du vivant s’opère dans un certain anonymat qui stimule transcende les proches et les témoins. Le lundi matin dans la tradition johannique on ne se lamente pas ; on rassemble ses amis au-delà du cercle habituel, des nouveaux sont là. Et Pierre annonce souverain : je vais à la pêche !

Chez Matthieu on disait ce que vous avez fait à l’inconnu l’un des plus petits c’est à moi que vous l’avez fait ! L’action du Vivant, sa présence s’opère au quotidien, en vue de la nourriture de tous !


5- Ils deviennent  enfin de bons  ouvriers, de bons pêcheurs ; eux qui ne comprenaient pas grand-chose ;  ils sont nés de nouveau pour une efficacité qui concerne non seulement eux-mêmes mais leur horizon change , on sait que les fameux 153 peut signifier une totalité pas vraiment réalisée ; ils ne devront plus se restreindre se réduire mais augmenter et faire fructifier leur action et leur travail. Ils deviennent bons dans ce qu’ils font, dans ce qu’ils sont ;  ils deviennent  en même temps des invités presque timides ! Sans prétention.




6- la vocation chrétienne, notre vie dans la foi est ainsi décrite et parcourue ; elle est un appel à répondre à l’invitation de Pierre : Je vais à la pêche  je vais travailler non pour me changer les idées mais pour vivre ; c’est là que se trouve désormais le Seigneur ; notre foi qui rejoint notre vie c’est aussi répondre à l’invitation du Seigneur : Venez déjeuner ! Non seulement comme une Cène, mais comme un appel comme une présence au quotidien, comme une affirmation de sa présence dans une rencontre dans un échange dans un partage.  En réalité, l’Etre, la Présence, le Nom, le Christ vient nous saisir dans un « être-là » en situation et non dans le ciel ni dans le ciel des idées ou des imaginations.  Puissions entendre : « je vais à la pêche ! »  Pour  travailler d’une part, et « venez déjeuner ! » comme invitations et appels à la rencontre nourrissante.


samedi 15 avril 2017

Samedi et Dimanche : du silence à la lumière

A l'aube de Pâques, les disciples n'assistent pas à la Résurrection de Jésus, ils ne voient pas ce que tant de tableaux représentent : un Christ, véritable Hercule, plein de force et de puissance qui force les portes de son tombeau, ou qui le piétine avec à sa main le sceptre des empereurs victorieux ! Rien de tel au matin de Pâques selon les évangiles, rien de spectaculaire! Il n'y a qu'un tombeau vide… et tout reste encore à interpréter de cet événement mystérieux.

Un tombeau vide...Il y a un certain risque en effet à Pâques de vouloir imposer une sorte de joie obligatoire, une certitude sans failles, une foi inébranlable, mais qui risque
de n'être qu'une parenthèse dans les brouillards de nos vies quotidiennes, des luttes que nous avons à mener contre nos peurs, nos questions, nos réticences. Pâques pourra alors être célébré rituellement, être chanté avec ferveur, prêché avec conviction, mais le retour à la réalité peut faire mal, et les enthousiasmes artificiels nous décevoir.

Avant d'exulter de la joie pascale, peut-être vaut-il mieux suivre le chemin moins triomphant, plus modeste de Marie de Magdala : Chemin, passage, Pâque du coeur vide de tristesse et de détresse, à la parole pleine du témoignage. Chemin, passage ; Pâques de l'obsession mortifère, qui nous replie sur nous-mêmes, nous isole et nous cloue sur place, rivés à notre chagrin, à la mission qui nous conduit à la rencontre des frères et soeurs porteurs d'une parole de vie. Tant il est vrai que dans ce récit, il est avant tout question de la résurrection ...de Marie de Magdala, de sa foi ressuscitée , ressuscitée par la Parole d'appel de son Seigneur …plus que d'un reportage sur la résurrection "objective", "historique" de Jésus. Ou, pour le dire autrement, nous ne pouvons avoir accès à la Résurrection de Jésus que par l'intermédiaire des vies ressuscitées des disciples et de leurs paroles porteuses de confiance et d'espérance. Il ne peut y avoir de connaissance froide, rationnelle, scientifique de l'événement de Pâques, des preuves évidentes aux yeux de tous de la Résurrection de Jésus...Mais il ne peut y avoir qu'une connaissance chaude, existentielle, qui concerne toute notre vie, une reconnaissance dans la foi .C'est seulement quand le Christ nous appelle par notre nom, quand il nous rappelle à notre vocation, alors que nous doutions de tout, et surtout de nous ! que nous pouvons entrer dans ce mouvement de reconnaissance.
 
Il nous faut nous-mêmes opérer un passage, une pâque, un retournement ...pour pouvoir témoigner de façon crédible de la Pâque du Seigneur.




mercredi 5 avril 2017

A Bad Godesberg - Bonn

Lectures :Juges 9, 7-15
Jean 1, 43-50 : « Alors que tu étais sous le figuier, je t’ai vu… dit Jésus à Nathanaël. »
L’Arbre, les arbres ont toujours exercé dans l’esprit et la vie des humains une sorte de fascination positive. Ils ont été les supports naturels de la cueillette, ils ont alimenté les feux et les foyers, ils sont des agents non négligeables de production agricole et les médiateurs nécessaires au renouvellement de l’oxygène sur notre planète. Bref les arbres sont des réalités importantes et encore bien souvent sujets de débats lorsqu’il faut les abattre ou les conserver et sujet à la fois consternation et de renouveau lorsque la tempête en éradique un très grand nombre. L’arbre n’est pas une réalité neutre. On peut y voir la force et l’élégance, la nourriture et la boisson, l’ombre et la lumière et, de plus, la grande variété d’arbres sous nos latitudes donne libre cours à notre goût et à nos préférences. 
La Bible connaît aussi et aime les arbres ; en son début et dans le jardin il y a des arbres porteurs de possibilités et d’interdits ils incarnent la loi nécessaire et vitale ; Abraham est lié au chêne de Mamré, les premiers éclaireurs découvrant Canaan voient d’abord des fruits ; les luttes pour le pouvoir et le grand débat sur la royauté est illustré par la fable de Yotan qui comme dans toutes les fables fait parler les arbres ;  puis la construction du temple sera aussi la découverte de la richesse arboricole de la reine de Saba et des cèdres du Liban. Les prophètes vont utiliser les arbres comme des signes qui illustrent les prophéties : Que vois-tu Jérémie ? Ce que je vois est une branche d’amandier C’est bien vu ! Je veille dit Dieu à l’accomplissement de ma Parole. Puis le seigneur me fit voir deux corbeilles de figues et le Seigneur posa avec complaisance son regard sur les déportés et les fera revenir.. Jonas se reposait sous son ricin. Le cantique des cantiques utilisera la métaphore des arbres et des fruits pour dire l’amour humain signe de l’amour de Dieu lui-même ; Dans le NT nous connaissons le sycomore et le petit Zachée, les arbres de la foi qui se déracinent et s’enracinent même dans la mer, enfin le figuier stérile que l’on va conserver encore une année en espérance d’une production prochaine. Cette brève liste n’est pas exhaustive elle veut cependant vous convaincre de ce que vous savez déjà : on ne peut pas vivre sans arbres. Heureux êtes-vous, si vous avez un arbre, si vous aimez les  arbres, lieu de vie et de promenades ; en planter un, est devenu dans notre société signe de la joie du commencement et du temps nécessaire à la réalisation d’une entreprise.

C’est dans ce cadre général que nous observons la mention particulière du figuier associé à Nathanaël. D’où me connais-tu ? Lui dit Nathanaël et Jésus de répondre : avant même que Philippe ne t’appelât, alors que tu étais sous le figuier, je t’ai vu. Au milieu de ces appels de premiers témoins voici la mention de l’arbre, voici le figuier.
La manière de constituer le groupe des premiers disciples n’est pas anodine. André va trouver son frère Simon et lui dit nous avons trouvé le Messie, Jésus trouve ensuite Philippe et lui dit : suis-moi qui lui-même va trouver Nathanaël plutôt septique sur l’origine trop banale de Jésus venant de Nazareth bourgade inconnue de la tradition biblique. Cette série de rencontres en cascade est l’origine du christianisme qui est une trouvaille. Tout le monde trouve quelqu’un à qui ont dit que l’on a trouvé qui est le mot le plus employé dans l’ensemble de ce texte. Ceci est l’occasion d’une première remarque :

La naissance et le développement du christianisme est une vaste trouvaille. Forte, inattendue et continue : il suffit que quelqu’un trouve quelqu’un et lui dise qu’il a été trouvé, celui que l’on attendait ou cherchait. Tous rencontrent et trouvent. Chacun dit à la manière du vieux et génial Archimède : eurêka, j’ai trouvé ou mieux encore : eurêkamen, nous avons trouvé celui est notre nouveau sens à notre existence ; Notre attente trouve son point d’application et de réalisation nous ne sommes plus dans la quête sans fin du sens de notre vie : eurêkamen, nous avons trouvé ; certes cette trouvaille n’est pas fermée ni définitive, elle contient de nombreuses surprises, de nouvelles inconnues qui vont nous mettre en route, en marche, mais c’est fait. Et si le vieux et génial Archimède disait avoir trouvé que tout corps plongé dans l’eau recevait une poussée, une force s’exerçant de bas en haut, égale à la masse de ce corps, nous pourrions dire que désormais et de façon semblable tout être humain par la trouvaille de la présence de Dieu dans sa vie reçoit, par son baptême, plongé lui aussi dans l’eau reçoit une possibilité, une force qui lui permet de ne de pas couler au fond de l’existence mais de rester à la surface pour vivre en relation avec les autres. 

Nous nous interrogeons parfois sur la survie du christianisme ou même plus modestement de l’Eglise ou sur le désintérêt dont elle parfois l’objet. Certes cette survie dépend d’abord de Dieu lui-même qui a sans doute un projet et un plan sur cette question mais cette survie dépend aussi de nous. Il faut et il suffit que quelqu’un trouve quelqu’un et lui dise eurêka, j’ai trouvé et mieux encore eurêkamen, nous avons trouvé et nous allons continuer de trouver ensemble. La vie de l’Eglise comme une promesse, est dans les mains de Dieu mais aussi dans les nôtres. Dans la rencontre de Dieu et dans la rencontre des uns et des autres ceux qui croient malgré leurs doutes avoir trouvé quelqu’un et ceux qui cherchent en vain qui tournent en rond et sont quête d’une rencontre. Imaginez la suite, si chacun d’entre nous, aller à la rencontre et trouver quelqu’un ! Avec le souci  bienveillant de partager la trouvaille.
Le début du christianisme commence bien par une série de rencontres dans laquelle la trouvaille du maître et du serviteur est partagée. Certains réagissent spontanément le regard silencieux et la parole de Jésus : suis-moi, suffit. Ce n’est pas le cas pour d’autres, ce n’est pas le cas pour Nathanaël qui est rencontré et trouvé par Philippe, lui résiste et c’est alors qu’apparaît le syndrome du figuier. Non je n’ai pas oublié les arbres ; Que vient faire dans cette affaire le figuier ? C’est le sujet de ma deuxième remarque :

A l’ombre de son arbre, à l’ombre du figuier Nathanaël vivait heureux ! Etre sous son figuier est dans la tradition hébraïque être heureux, en paix et en prospérité ; mieux encore la tradition rabbinique indique que sous le figuier sous son ombre c’est l’endroit idéal pour lire et méditer la loi la Thora c’est l’endroit parfait pour se suffire à soi même au point où l’on n’ose pas déranger celui qui se tient là. Nathanaël est un disciple atypique, il n’est ni pauvre, ni pécheur il a un nom bien israélite, il est fidèle et pieux et ne se pose pas des questions au-delà du nécessaire ; un véritable israélite en qui il n’est point d’artifice dira Jésus dans le texte de l’Ev. Jean. Pour lui à la fois Philippe et Jésus, d’abord Philippe puis Jésus vont le déraciner. L’ombre était avantageuse, le vent léger, les fruits succulents, la méditation des Ecritures passionnantes. Pourquoi bouger ? Parce que je t’ai dit que je t’avais vu sous le figuier, tu crois, Tu verras des choses bien plus grandes encore. Nathanaël a été vu et comme surpris et dévoilé non pas dans une action délictueuse et grave mais plutôt au cœur de son existence personnelle, religieuse, confortable, habituelle répétitive, ancestrale. Il se lèvera et suivra son maître ; il ira et il verra d’autres figuiers à découvrir, à habiter, il fera connaître à d’autres de nouveaux figuiers dans l’anonymat le plus complet dans l’ombre et la discrétion absolue. Il ne sera plus fait mention de lui. Il restera dans la tradition biblique à jamais lié à son figuier.
Frères et sœurs, notre vie et notre foi ressemblent à un arbre. Je ne sais pas lequel, vous sans doute, pouvez-vous, vous-même, le nommer, l’imaginer, ou le désirer. Notre vie ressemble, dit le texte de Jean, à un figuier où elle aspire à le devenir avec son ombre et sa fraîcheur accueillante, ses racines et ses fruits ; Notre vie ressemble à un arbre plus ou moins vigoureux plus ou moins éprouvé qui a donné et qui donne encore du fruit ; La réalité de l’Evangile comme parole et regard nous atteint sous notre arbre et nous donne la possibilité de nous connaître vraiment : D’où me connais-tu, dit Nathanaël, je te connais comme identifié au figuier ; Sors de ton ombre, même agréable et devient quelqu’un d’autre encore sois un nouvel arbre : aménage tes racines, fais de la place aux oiseaux du ciel, aux autres, tolère la présence d’autres arbres, produit les fruits du partage ne reste pas continuellement ce que tu es ; Ton arbre ne doit pas cacher la forêt ni l’occulter car elle existe avec toutes sortes d’essences. Un arbre est vivant, la vie c’est comme un arbre qui existe car il est en relation et qu’il régénère l’atmosphère, en cela notre vie et notre foi sont précieuses aux yeux de Dieu et celles et ceux qui nous entourent, c’est là que Dieu vient nous voir, nous trouver et nous retrouver.

Le christianisme est une forêt qu’il nous faut cultiver, tailler, changer, aérer, organiser. Chacun y a sa place chacun y est un arbre qui ne sera pas le lieu de l’immobilité paisible voire rassurante mais de la découverte qu’il est possible de devenir autre. 
La foi chrétienne est une trouvaille disions-nous ; elle ressemble aussi à un arbre promis à l’activité, au dérangement, au déracinement, à de nouvelles fondations. Remarquons que Philippe dans le texte de Jean n’est pas celui qui fait bouger Nathanaël et qui lui promet monts et merveilles ; Philippe trouve et appelle : viens et vois dit-il ; Seul le maître véritable sylviculteur de l’existence, approfondit le travail et permet le déplacement. Les disciples doivent faire leur travail : trouver quelqu’un et annoncer. La suite sera relayée par Celui qui fera connaître l’existence de nouveaux arbres.
Puissions frères et sœurs, redécouvrir le sens de la trouvaille au cœur de nos vies comme des arbres sous lesquels le Seigneur nous voit et nous rencontre encore aujourd’hui. Il nous a donné la capacité de travailler dans sa forêt pour la respiration du monde, il a donné à chacune et a chacun la capacité de produire du fruit pour la joie et le partage avec les autres. Oui, comme à Nathanaël, il a donné tout cela c’est bien d’ailleurs, ce que son nom veut dire.
Dimanche 2 avril 2017