lundi 30 avril 2012

Pour un christianisme du partage et non de la croisade. Chrétiens, nous votons Saint Martin !


Le 12 février, Jean-Luc Mélenchon était l’invité de Radio France Politique. Il a dénoncé les dérives extrême-droitistes de la majorité, illustrées par les récentes déclarations de Claude Guéant et Nicolas Sarkozy. Il a salué la prise de position de François Bayrou et en a appelé aux chrétiens : "Il est temps quand même que des chrétiens, comme lui, commencent à dire que, au fond, il y a deux christianismes, celui des croisades et celui de Saint Martin : partager son manteau sans aller demander les papiers à celui à qui on donne le morceau pour qu’il ait chaud." Quelles que soient nos opinions sur Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou ou leurs programmes, nous affirmons fortement notre vision d’un christianisme du « manteau partagé ». C’est ce christianisme que nous faisons vivre sur le terrain, que nous – ou nos Eglises - défendons publiquement, sans toujours être entendus.

Nous dénonçons l’esprit de croisade pour la défense de la « France chrétienne » : l’extrême droite catholique s’attaque à l’art contemporain, la présidence de la République et sa majorité affirment une soi-disant supériorité d’une civilisation (chrétienne) sur d’autres, sans compter le discours du Front National, et nous en passons... Nous contestons la manipulation et l’accentuation des clivages dans notre pays : clivages raciaux, sociaux, religieux, ethniques, de couleur de peau qui font du jeune de banlieue, du musulman, du chômeur, du rom, le bouc-émissaire. Ces clivages sont utilisés par les médias, les pouvoirs et certaines forces politiques pour occulter le clivage de fond : le clivage social. Les discriminations ne sont plus des faits isolés, elles sont un système qui s’attaque aux habitants des quartiers populaires, aux noirs, aux arabes, aux musulmans. Elles créent une classe de citoyens à part. Jésus était du côté des parias pour mettre à bas les murs de séparation, nous sommes aux côtés de ceux d’aujourd’hui.

Nous défendons la laïcité de la loi de 1905 dans son esprit et dans sa lettre. Donc nous dénonçons son instrumentalisation pour mener l’assaut contre les musulmans et autres minorités religieuses. Cette croisade n’est possible que parce que d’aucuns renvoient dos à dos laïcité et religion comme deux entités inconciliables. La laïcité ne pourrait que s’opposer à des religions toujours présentées comme dogmatiques, obscurantistes, dangereuses. Le spirituel et ses valeurs ne seraient réservés qu’à la sphère intime ou privée, en l’opposant à la sphère sociale, politique, publique. Au contraire, il est urgent de promouvoir l’esprit des pères de la loi de 1905 : une laïcité inclusive qui n’exclut pas telle ou telle population, une laïcité qui permet le dialogue public de positions religieuses et non religieuses. C’est pour nous le meilleur moyen de renforcer des religions synonymes de liberté de conscience et de faire reculer les courants religieux d’aliénation. La peur du communautarisme ne doit pas occulter le rôle positif des communautés dans l’enrichissement du lien social et la construction d’une société une et diverse.

     Notre christianisme est bien celui de saint Martin, mais aussi de l’abbé Pierre, de Théodore Monod, de Dietrich Bonhoeffer, de Martin Luther King ou Desmmond Tutu. Le partage du manteau signifie aider l’autre, frère ou sœur en humanité, qu’il ait des papiers ou non, même si cela viole la loi. Mais il faut aller plus loin. Donner un bout de son manteau, c’est poser le problème du partage planétaire des richesses, rendu impossible par le système capitaliste qui repose sur la concurrence de tous et toutes contre toutes et tous, qui produit souffrances personnelles et violences sociales, qui permet l’émergence de peurs et de discriminations. Nous refusons le chantage sur la dette qui place des pays entiers sous l’emprise des banques et des systèmes financiers. Nous soutenons le peuple grec étranglé par un nouveau plan d’austérité. Nous contestons les politiques d’austérité qui engendrent la pauvreté pour des millions d’individus et mettent en danger l’action publique. Cessons de diaboliser l’impôt, instrument de la répartition des richesses, cessons de penser en « toujours plus » de production, de consommation, d’énergie... Au contraire, face à la crise écologique, posons-nous la question du mieux, du bien vivre ensemble.

Le vote pour l’extrême droite est incompatible avec les valeurs de l’évangile partagées bien au-delà des chrétiens. Nous disons aux chrétiens de droite inquiets de la tentation de l’extrême-droite, qu’ils se doivent d’interpeler leur camp sur les dérives des politiques et des propos, notamment sur l’immigration, qui ont depuis longtemps dépassé le niveau de l’humainement acceptable. Nous disons aux dirigeants de la gauche que leurs politiques passées et leurs propositions sont rarement à la hauteur des enjeux, que nous espérons mieux d’eux. Nous disons aux chrétiens, aux croyants des autres religions, à tous les humanistes, aux hommes et femmes de bonne volonté : retroussons-nous les manches ensemble, interpelons les partis et les candidats lors des élections présidentielles et législatives, organisons des débats, prenons position pour refuser l’esprit de croisade et défendre celui de saint Martin.

Chrétiens sociaux, nous continuerons à assumer dans notre travail associatif, ecclésial, diaconal, syndical, notre part de responsabilité : apprendre à vivre ensemble, dénoncer la manipulation des peurs, exhorter avec le message biblique à ne pas craindre l’autre. Croire que le dépassement de tous les clivages arrivera dans le Royaume des cieux est nécessaire, mais pas suffisant. Il faut assumer d’être dans la différence, dans le conflit : nommer ces clivages pour les penser et agir sur eux, travailler sur nos propres peurs, aider les personnes en souffrance à travailler les leurs...

Oui, aujourd’hui un profil public de la foi face aux idéologies et aux injustices est essentiel. Oui, nous voulons soutenir une diaconie (un travail social) de protestation, qui agisse en termes de résistance, de non-violence active, d’invention et bien sûr de justice, d’espérance et d’amour.

 Reproduction : Saint Martin et le pauvre, vers 1430, Sassetta, (Sienne, Collection Chigi Saracini).

 

jeudi 26 avril 2012

Le Bon Berger !

« Le Seigneur est mon berger »  Psaume 23

« Je suis le bon berger : le bon berger se dessaisit de sa vie pour ses brebis » Jean 10, 11

« Je suis le bon berger ». Parmi les formules, les affirmations évangéliques simples et claires, celle-là en est une bien connue, bien célèbre, elle a été le thème constant de l’iconographie chrétienne :  tableaux, vitraux, livres etc... Parmi tous les modèles d’identification, c’est celui du Berger qui a prévalu, face à d’autres qui ont écarté : par ex. celui du charpentier, du pêcheur, du guérisseur, du rabbin, du maître de sagesse et bien d’autres encore.

Ce choix est d’abord celui de l’évangéliste Jean qui en quelque sorte tente de répondre aux trois autres, Matthieu, Marc, Luc, qui ne cessent de poser la question de l’identité et de l’être même de Jésus. Qui dit-on que je suis ?

Qui dites-vous que je suis ? Si les 3 premiers évangiles poussent les interlocuteurs du Christ à confesser leur foi en lui, le 4° évangile, Jean affirme et atteste la singularité du Maître qu’il s’agit de suivre et de reconnaître comme Celui qui est : la lumière, le chemin, la vérité, la vie, la porte, la résurrection, la vraie vigne et aujourd’hui le vrai Berger. Oui il s’agit bien d’une affirmation solennelle qui va mêler le divin à l’humain qui va faire le lien avec la compréhension du Dieu de la première alliance comme celui qui est et qui sera.
A nos questions, à toutes nos questions, à toute notre foi, à toutes les manifestations de notre foi, à nos hésitations et tous  nos engagements, il y a une réponse, il y a un socle, une fondation : quelqu’un dit : je suis… pour toi. Dans un monde qu’on voudrait nous faire apparaître comme virtuel, dans ce monde on l’on veut nous faire rêver en consommant toujours plus, dans ce monde ou les certitudes passent comme des modes, dans le spectacle du monde, quelqu’un dit : pour toi, je suis… là pour toi, comme une boussole, comme un chemin sur lequel tu peux t’aventurer, comme une porte que tu peux franchir, comme une vérité donnée à recevoir, comme une vie à partager, comme une vigne dont on attend des fruits. L’être de Dieu s’exprime par un je suis.. qui nous précède comme si au commencement il y avait quelqu’un d’autre que nous mêmes. Un je suis qui appelle, qui entraîne, qui met et remet en route, un je suis là comme une parole dans le silence ou dans le bruit.

Je vous propose ce matin dans ce premier temps d’entendre et de recevoir  l’affirmation du : Je suis aussi pour toi Celui qui entend et qui te rencontre sans condition ; ce qui me fait être dit Dieu c’est cela que je te transmets. Tu peux être à ton tour car moi, je suis. Dans la banque de données de l’existence humaine, voici qu’il y a une réserve d’être, une source d’être ; lorsque nous croyons que tout s’épuise, voici encore de la ressource, de l’être à vivre, du don à donner et recevoir, de la présence à rencontrer, de la parole à échanger et à prier. Dieu c’est une réserve d’être qui se manifeste dans sa parole ; le Christ en disant rarement mais fortement : Je suis se révèle comme une possibilité toujours là, d’être celui qui est disponible pour donner vigueur et sens à notre existence, pour transmettre de l’être dans nos vies qui en manque bien souvent.

Cette présence s’affiche et s’affirme dans une réalité bien précise : Je suis le bon, le vrai le seul Berger. Seule profession commune en ce temps et banale à la fois accolée à la présence divine. Dieu dans la Bible n’est pas un horloger, il n’est pas une force, une vapeur, un code inconnu, un être supérieur, il est celui qui parle de l’être qui met à disposition de l’être sous la forme sous les apparences d’un Berger. Jésus lui-même est confessé comme le Dieu d’Israël sous la forme du Berger. Même si nos civilisations ont marginalisé cette fonction – elle parle encore, sous nos latitudes à nos mentalités rurales. L’humain et le divin se mêlent sans cesse. C’est David en Israël qui est l’image du Berger, que l’on va chercher de derrière son troupeau, pour être reconnu comme roi, comme chef et c’est lui qui installera Dieu comme véritable Berger d’Israël. A la fonction guerrière souvent exercée pourtant va se substituer prioritairement la fonction caritative, la fonction soignante et l’attention bienveillante portée à ceux qui sont gardés soignés accompagnés vers si possible de verts pâturages ; l’image et le symbole seront forts en un temps ou la rudesse, la ruse et le trafic des bergers s’exerçait et où ils n’avaient pas toujours bonne réputation. Ce  sont eux les bergers qui entendront et verront dans la nuit l’annonce d’une bonne nouvelle pour tout le peuple, lors de la naissance de Jésus selon l’évangile de Luc. Comme si les bergers allaient reconnaître dans le petit enfant naissant, l’un des leurs.
Les prophètes en Israël fustigeront les mauvais bergers, les conducteurs du peuple qui renonçent à leur fonction d’accompagnement au profit de leurs propres intérêts. Le bon berger est celui qui renonce à lui-même dans l’intérêt des autres et dont il a la garde provisoire. Sa fonction est d’être là, de faire face, de parler pour dire sa présence et d’éloigner le mal ou le loup toujours présent. Sa fonction c’est bien de permettre l’éclosion et la durée de la vie c’est bien de transmettre l’être qu’il a à ceux qui en manquent. Le premier berger de la Bible c’est Abel tué par son frère Caïn le cultivateur. Le nomadisme du Berger est insupportable au sédentaire. Non seulement le Berger, le bon et le vrai manifeste son attention bienveillante à son troupeau, mais il bouge et se déplace vers tous les lieux de vie propices à ses brebis. La fonction de Berger c’est aussi la tension voire l’opposition entre le déplacement et la stabilité. Cette tension court tout au long de l’Ecriture ; mais c’est toujours le nomadisme qui gagne.

L’Etre, la vie, c’est le déplacement ; notre vie dans la foi, notre foi orientée vers le bon Berger, c’est une foi en marche accompagnée de Celui qui marche en avant ou en arrière, avec nous. Notre foi notre espérance et l’exhortation à la bienveillance envers les autres se manifestent dans le déplacement : dans tous les sens, vers là où se tient la nourriture…. Il n’y aurait pas d’Eglise, pas de communautés croyantes si les premiers témoins ne s’étaient pas déplacés munis de la certitude que quelqu’un d’essentiel se déplaçait aussi avec eux. La stabilité de la foi est une incohérence ou alors il faut dire et croire que la stabilité même se déplace sans cesse ; non pour le plaisir de se déplacer mais par nécessité pour que la vie et l’être, pour que l’annonce de la parole s’effectuent, se manifestent.

Dire aujourd’hui comme hier, le Seigneur est mon Berger ou bien regarder et confesser le Christ en train de dire, je suis le bon Berger, c’est entrer dans un vaste déplacement : non seulement regarder autour de nous pour transmettre une espérance vitale, mais nous déplacer dans notre foi même : ce que nous avons l’habitude de dire et faire reçoit la force de s’exprimer et de se manifester autrement encore. Nous ne sommes pas arrêter dans notre manière de vivre cette foi et cette espérance ; nos traditions ne seront vivantes et utiles aux autres que si nous faisons mouvement vers eux en écoutant et recevant des autres leurs attentes, leurs questions leurs situations, leurs souhaits leurs désirs, en les accompagnant à partir de leurs réalités sans les contraindre ni les pousser impérativement vers où nous voudrions qu’ils aillent. Faire partager notre foi et notre espérance c’est accompagner les autres vers des lieux encore inconnus pour nous.

Le bon Berger lui, s'est déplacé vers des lieux inconnus, étrangers et étranges, il a mangé avec ceux qui n’avaient pas bonne réputation, il a rencontré celles et ceux qui ne lui ressemblaient pas, il a renoncé bien souvent à la doctrine de ses pères pour en dire une nouvelle, il a osé des mots et des gestes que personne n’avait osé dire ou faire ; bref il ne s’est pas prévalu de ce qu’il était, il a accepté de fondre le "Je suis" dans l’ensemble de la réalité, il ne s’est pas prévalu de sa condition divine, il y a renoncé pour donner de l’être et de la vie à d’autres, c’est pour cela dira l’apôtre Paul que Dieu l’a souverainement élevé.       

Etre l’Eglise du Bon Berger, c’est non seulement entendre sa voie et suivre son exemple, c’est aussi reconnaître le nomadisme de Dieu pour devenir des nomades dans la foi. C’est parfois renoncer à nous identifier à un troupeau pour devenir à notre tour les bergers les uns des autres, acceptant de livrer l’être qui nous constitue car dans cet abandon et cette livraison nous découvrirons la présence et l’accompagnement du seul vrai Berger qui ne retient pas qui ne garde pas, mais qui donne ce qu’il est Etre l’Eglise du bon Berger c’est savoir l’existence d’une réserve d’être d’une solidité qui assure et rasure nos existences bien légères…





dimanche 15 avril 2012

Connaissez-vous ce mot ?

Schibboleth

Selon Littré :

1      Se dit d’une difficulté insurmontable ou d’une épreuve qui doit décider sans réplique de la capacité ou de l’incapacité d’une personne, par allusion à un passage de l’Ecriture, Juges 12, 6 où l’on voit que les fuyards de la tribu d’Ephraïm étaient reconnus, par les gens de Galaad qui les poursuivaient, parce qu’ils prononçaient sibboleth. Schibboleth veut dire épi.

2      Fig. Langage ou manières qui appartiennent à des groupes exclusifs, et qui désignent ceux qui en sont et excluent ceux qui n’en sont pas.

Citation : livre des Juges selon Pléiade (Dhorme) :

12, 5-6 : «  Puis Galaad s’empara des gués du Jourdain, vers Ephraïm. Lors donc qu’un des fuyards d’Ephraïm disait : « je veux passer ! » les hommes de Galaad lui disaient : « Es-tu d’Ephraïm ? » Et s’il disait : Non ! ils lui disaient : « prononce donc Shibboleth » et il prononçait Sibboleth, car il ne réussissait pas à parler correctement… »

Note du traducteur : La population d’Ephraïm se distinguait des autres tribus par une prononciation défectueuse de la chuintante Shin qui devenait Sin dans leur bouche. Le mot choisi comme test est shibboleth « épi », qui correspond à l’araméen shubaltâ et à l’assyro-babylonien shubultu. A noter qu’en arabe le mot commence par in sin, comme dans la prononciation éphraïmite : Sunbulat


Dans le NT on trouve l’épisode célèbre du reniement du Pierre qui est reconnu selon la seule version de Matthieu par son accent :


26, 73 Tob : « Peu après, ceux qui étaient là s’approchèrent et dirent à Pierre : « A coup sûr, toi aussi tu es des leurs ! Et puis ton accent te trahit. »


Note du traducteur : On pouvait distinguer le dialecte galiléen et le judéen par certains détails caractéristiques de grammaire et de prononciation.

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·         « Ton accent » : -lalia sou- : ta petite parole originaire, ta manière de parler lorsque tu as appris au commencement de ton existence ! Ta langue maternelle ou paternelle…ta langue clanique, ton particularisme qui résiste à l’universel de la condition humaine.



·         Nous avons tous nos accents nos manières nos shibbolets, nos tics de langage. Ils sont souvent pittoresques, agréables. Ils peuvent devenir redoutables et dangereux.



·         Venons-nous vraiment d’un lieu, galaad, galilée, judée, nord, sud… oui et non sans doute. Jésus a rassemblé des accents variés ? Paul a mis à table des gens différents et c’est précisément cela qui a fait du christianisme une religion différente où il n’y avait plus de moule identitaire, où le sujet est une valeur sûre en dépit de ses origines ou capacités…


dimanche 8 avril 2012

Jour de Pâques !

     « Rappelez-vous comment il vous a parlé quand il était en Galilée ; alors elles se rappelèrent ses paroles, elle revinrent du tombeau et rapportèrent tout cela au Onze et à tous les autres ; C’étaient Marie de Magdala et Jeanne et Marie de Jacques ; Les autres compagnes le disaient aussi aux apôtres. »



La fête de Pâques est un exode, c’est un exil ; c’est un passage et une sortie ; c’est une libération, c’est une sortie de prison ; c’est une naissance comme éblouissement ; la fête de Pâques ce sont toutes les forces de vie qui entourent et font diminuer toutes les forces de mort.

Pâques c’est la foi en une création qui fait vivre et qui s’exprime par la rencontre vitale de tous les autres ; c’est la célébration du premier jour ; dans le déroulement inexorable des semaines et des jours, Voici l’arrêt et l’étonnement au cœur de ce premier jour de ce temps nouveau, neuf, comme une nouvelle étape de vie pour des témoins surpris. Tout ne se déroule pas sans fin, tout ne coule pas comme le disaient les Grecs ; il y a des jours et des moments usés et des jours et des moments neufs ; il y a des temps qui inaugurent, il y a des temps de ressaisissement, de recueillement et de récupération.

Après et avec l’échec et la capitulation voici venu le temps de la récapitulation, avec et après le temps de la mort voici venu celui de la vie.

Les auteurs évangéliques et Luc en particulier, en écrivant dans la foi, les récits de Pâques ont été confrontés à une grande difficulté fondatrice du christianisme et de la foi elle-même : il fallait montrer et dire la bonne nouvelle de la vie, la bonne nouvelle de Jésus le Christ vivant en tenant compte à la fois de la réalité, de l’objectivité et d’un certain réalisme : il fallait qu’il n’y ait pas de doute : le Vivant le ressuscité, c’était bien Jésus de Nazareth, le crucifié ; et c’est alors l’insistance dans les textes des mentions de mort, celles des aromates celles des bandelettes, celle de la pierre, celle du corps et du tombeau. A ce niveau là il fallait affirmer que l’action de Dieu et son projet concernent bien Jésus mort : on parlait bien du même. Mais en même temps, il fallait exprimer et annoncer que la résurrection et Pâques ne ressemblaient en rien, n’avaient rien à voir, avec un joyeux happy end, une fin heureuse, une bonne conclusion à un épisode de la vie mouvementée et tragique.

Le jour de Pâques il fallait, il faudra et il faut annoncer que la foi qui prend naissance le premier jour de la semaine n’est pas fondée sur la régénération d’un cadavre qui aurait un jour à nouveau mourir. On ne nous raconte pas la sortie victorieuse et en gloire du tombeau. Tous les évangélistes ont pris soins d’éloigner les apparitions du ressuscité du tombeau lui-même. On ne décrit pas la sortie on ne raconte pas la résurrection, on ne détaille pas le comment, on affirme  et c’est la marque de l’Evangile de Luc, la disparition de Jésus, il n’est plus là. La victoire de Dieu sera dite par et dans l’absence : ce que les femmes étaient venues rencontrer, le corps de Jésus, elles ne le trouvèrent pas et en furent très décontenancées, dit le texte.

La foi de Pâques tient en ces deux perspectives : réalisme de la mort et du tombeau et en même temps béance, vacuité de ce tombeau désormais sans objet, sans corps. Absence et vide qui laissent place à des mots  à des paroles qui vont atténuer le choc et la brutalité de cette disparition qui vont orienter la foi et l’espérance en train de naître. Le corps mort de Jésus n’est pas objet de foi ni d’adoration, seul le corps absent seules les paroles vivantes fondent la foi de Pâques.  

En ce premier jour de la semaine nous sommes invités à nous mettre à l’écoute de cette foi de cette confiance en train de naître : la foi de Pâques, l’espérance vitale et dynamique qu’elle contient a pour cadre le réalisme de l’existence humaine qui s’exprime par le vide la béance et l’absence dans un tombeau désormais inutile car il ne répond plus à sa fonction.

 Dieu intervient dans le cadre et non hors du cadre de l’existence humaine et son intervention peut s’opérer sous le signe du vide et de l’absence habités par des paroles vivantes pour des personnes en train de vivre et de revivre.

Ce sont bien des personnages de chair et de sang des êtres qui nous ressemblent ; ce sont des hommes, mais surtout des femmes apeurées et meurtris qui vont découvrir l’efficacité de Dieu l’efficacité de sa parole, la réalisation de ses promesses sur le lieu même de l’absence et du vide. Jésus n’est plus là mais finalement qu’importe, les marques, les traces, l’écho, le souvenir de son passage, de sa vie de ses actions sont ce jour-là tellement là, que sa disparition son éloignement va se transformer en dynamisme nouveau, en responsabilité nouvelle, en nouvelle marche, nouvelle parole en semaine nouvelle, en création nouvelle. Il n’ est plus là ! mais qu’importe, nous sommes là ;  les disciples sont là,  porteurs de son espérance, porteurs de ses réalisations à vivre, annonciateurs de son projet de vie. Le premier jour de la semaine, le jour de Pâques, soudain les disciples déconcertés et affolés, découvrent qu’ils deviennent utiles et nécessaires, qu’ils sont les agents préférentiels et agréés de la vie de Jésus.

 Le miracle incompréhensible de Pâques réside là tout entier. L’action souveraine de Dieu est à jamais inséparable de la vie de  ses témoins. Pâques n’aurait aucun sens et nous ne serions pas là pour le célébrer encore, si les témoins du premier jour de la semaine ne s’étaient pas mis à l’œuvre pour annoncer de grand bouleversement de grand déplacement :

-         Le tombeau de Jésus n’est pas le bon lieu, il nous est inconnu il échappe à toutes nos tentations et nos envies de figer dans l’espace et le temps la réalité de Pâques.

-         – On ne parlera plus ce jour là de Jérusalem et de la Judée lieux des pouvoirs et de la gloire fragile. – On ne parle plus du temple, lieu du sacré et de pèlerinage

-         – Le jour de Pâques seule la Galilée compte, lieu de la mouvance et des déplacements de Jésus, lieu des rencontres avec celles et ceux qui en manquaient. Là où Jésus avait rencontré les paralysés de l’existence, là où il avait enseigné. Cet espace et ces moments historiques acquièrent soudain une dimension universelle et éternelle. Ce qui était un coin de terre devient figure du monde entier. Dans l’évangile de Luc la Galilée devient l’espace de la résurrection. (actualité) Rappelez-vous comment il vous a parlé en Galilée. Ce qui s’y était passé et dit devient ce qui se passera toujours et partout.

La foi de Pâques prend figure de l’épopée galiléenne. Le passé soudain devient présent qui est orienté vers un avenir à vivre, non à répéter mais à reconstruire, nos vies, nos histoires nos espaces. Les frontières sont repoussées. La fête de Pâques grâce à Dieu c’est l’élargissement de tous les lieux étriqués, même ceux que Jésus avaient parcouru. Celui qui est vivant vivifie les espaces les tempos et les moments il vivifie celles et ceux qui désormais auront pour raison de vivre l’annonce de cet élargissement possible et indispensable.

Des femmes d’abord  qui reçoivent une mission une identité elles qui découvrent l’impossibilité de rencontrer Jésus rencontrent deux hommes vivants parlant disant le sens et la perspective nouvelle. Celui qui est mort n’est plus là, mais faites de la vie en Galilée l’affaire de votre vie, allez le dire et le faire. La peur la crainte le visage de la tristesse se transforment peu à peu en message porteur de vie et d’espérance tellement porteur de vie et de simplicité que les hommes y voient de  la folie.

Des hommes ensuite. Deux hommes ont pris la ^place du corps mort de Jésus. Seul Luc a  cette audace, les autres parlent d’anges ! . Le premier jour de la semaine ce que Jésus auraient pu dire des hommes découvrent qu’ils peuvent le dire et le faire, ils comprennent que le Vivant c’est bien pour des vivants. Ils comprennent que la Galilée c était important, tout y était contenu : la croix, les rencontres les signes, la vie. Désormais il faudra vivre de tout cela. Les Onze et les autres et Pierre en particulier reçoivent de la part de Dieu, par des femmes et des hommes neufs leur ultime enseignement. Certes ils iront, Pierre ira vérifier la béance et la vacuité du tombeau, mais il faudra repartir avec le souvenir puissant de la Galilée et de la vie.

 Pâques n’est pas une théorie c’est la rencontre d’une possibilité de vivre autrement et vraiment. En ce premier jour d’une semaine nouvelle nous sommes appelés à nous mettre à l’écoute des témoins de Pâques : ouverture d’un tombeau, disparité, parole et souvenir, découverte que sans témoins e train de se mettre en marche Pâques risque d’être une pseudo réalité magique. ; le Vivant ne joue pas avec la mort il dit le primat de la vie, il propose dans l’étonnement une parole et une action pour des hommes et des femmes celles de devenir des disciples des annonciateurs des témoins d’un monde transformé et transfiguré pour leur propre vie pour la vie des hommes et des femmes autour de nous.


On ne peut pas vivre et croire Pâques en restant immobile dans nos vies nos conceptions nos orientations nos projets. Seuls des hommes et des femmes ressuscités et grâce à Dieu en train de le devenir reçoivent pleinement l’annonce, la force et la joie de ce jour. Ressusciter c’est faire mémoire ,c’est être rendu capable de faire mémoire des gestes et des paroles de Jésus lorsqu’il était en Galilée. Nous avons tous des Galilées personnelles, nos vies et nos habitudes à revisiter, la rencontre avec la Galilée de Jésus va élargir nos espaces et les parcourir d’espérances à vivre.

Alors, rappelez-vous comment il vous a parlé lorsqu’il était en Galilée ! 

Le pain multiplié et le vin en abondance comme à Cana, sont partagés ; ils  sont le souvenir vivant de cette vie et de cette mort transfigurées, à recevoir et à annoncer. En les partageant puissions-nous là où nous sommes et comme nous sommes, découvrir des signes de résurrection. Grâce à Dieu Il est Vivant pour que nous vivions.

Amen ! 

Culte de Pâques à Libourne le 8 avril 2012

samedi 7 avril 2012

Face au tombeau

                                                                          
 Le samedi saint est un jour étrange au point q'il passe inaperçu, tant nous avons hâte du lendemain. C'est le jour des préparatifs de la fin, c'est aussi le temps des vraies rumeurs chez les opposants. L'incident Jésus est clos comme un tombeau. C'est le jour du vide où la foi est en échec où le passé proche est anéanti, où l'espérance est morte. Ne pas tricher avec ces réalités devient une exigence ; accompagner ces moments et ces lieux est sans doute un service que nous devons aux endeuillés. La mort ici n'est pas  comprise comme un passage, est est aussi et surtout un point final et fatal. Au moment où certains s'adonnent à la préparation de la fête de demain, d'autres vivent la fin d'une brève épopée. De plus il ne s'agit plus de laisser croire que le corps pourrait disparaitre, tout est bien fermé. Le vainqueur sera toujours le crucifié mis au tombeau. Celui qui ouvre nos vies à l'espérance sera toujours celui qui a été enfermé et qui a signifié un jour, la fin de l'espérance. Le silence face au tombeau fait partie de notre foi.

vendredi 6 avril 2012

Passion selon l'évangile de Jean

Evangile selon Jean ch 18 :

Pilate reprit : « Me faut–il crucifier votre roi ? » Les grands prêtrerépondirent : « Nous n’avons pas d’autre roi que César. »

16  C’est alors qu’il le leur livra pour être crucifié. Ils se saisirent donc de Jésus.

17  Portant lui–même sa croix, Jésus sortit et gagna le lieu dit du Crâne, qu’en hébreu on nomme Golgotha.

18  C’est là qu’ils le crucifièrent ainsi que deux autres, un de chaque côté et, au milieu, Jésus.

19  Pilate avait rédigé un écriteau qu’il fit placer sur la croix : il portait cette inscription : « Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs. »

20  Cet écriteau, bien des Juifs le lurent, car l’endroit où Jésus avait été crucifié était proche de la ville, et le texte était écrit en hébreu, en latin et en grec.

21  Les grands prêtres des Juifs dirent à Pilate : « N’écris pas le roi des Juifs, mais bien cet individu a prétendu qu’il était le roi des Juifs. »

22  Pilate répondit : « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. »

23  Lorsque les soldats eurent achevé de crucifier Jésus, ils prirent ses vêtements et en firent quatre parts, une pour chacun. Restait la tunique : elle était sans couture, tissée d’une seule pièce depuis le haut.

24  Les soldats se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, tirons plutôt au sort à qui elle ira », en sorte que soit accomplie l’Ecriture : Ils se sont partagé mes vêtements, et ma tunique, ils l’ont tirée au sort. Voilà donc ce que firent les soldats.

25  Près de la croix de Jésus se tenaient debout sa mère, la soeur de sa mère, Marie, femme de Clopas et Marie de Magdala.

26  Voyant ainsi sa mère et près d’elle le disciple qu’il aimait, Jésus dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. »

27  Il dit ensuite au disciple : « Voici ta mère. » Et depuis cette heure–là, le disciple la prit chez lui.

28  Après quoi, sachant que dès lors tout était achevé, pour que l’Ecriture soit accomplie jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif »;

29  il y avait là une cruche remplie de vinaigre, on fixa une éponge imbibée de ce vinaigre au bout d’une branche d’hysope et on l’approcha de sa bouche.

30  Dès qu’il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est achevé » et, inclinant la tête, il remit l’esprit.

31  Cependant, comme c’était le jour de la Préparation, les Juifs, de crainte que les corps ne restent en croix durant le sabbat–ce sabbat était un jour particulièrement solennel, demandèrent à Pilate de leur faire briser les jambes et de les faire enlever.

32  Les soldats vinrent donc, ils brisèrent les jambes du premier, puis du second de ceux qui avaient été crucifiés avec lui.

33  Arrivés à Jésus, ils constatèrent qu’il était déjà mort et ils ne lui brisèrent pas les jambes.

34  Mais un des soldats, d’un coup de lance, le frappa au côté, et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau.

35  Celui qui a vu a rendu témoignage, et son témoignage est conforme à la vérité, et d’ailleurs celui–là sait qu’il dit ce qui est vrai afin que vous aussi vous croyiez.

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Dieu notre Père,

Donne-nous de lire la passion de Jésus, comme un engagement à accompagner et soulager la souffrance autour de nous et en nous.

Dieu notre Père,

Aide-nous à ne pas être fasciner, attirer par la souffrance et la mort, ni à nous y habituer ; aide-nous à les parcourir en regardant à Toi comme puissance de Vie.

Dieu notre Père,

Entraine-nous à la suite de Jésus, à garder en mémoire les paroles anciennes, les chants et les psaumes de ton peuple pour qu’ils orientent et interprètent nos vies.

Loué  sois-tu pour ta présence, hier, aujourd’hui et demain.    

Amen !


jeudi 5 avril 2012

Ecce homo !

"Voici l'humain" c'est la confession de foi de Pilate : la plus courte, la plus forte, la plus originale :


1 Samuel 9, 17 : "Samuel aperçut Saül. Aussitôt le Seigneur lui souffla : Voici l'homme ! dont je t'ai dit : c'est lui qui tiendra mon peuple en main".

Jean 19, 5 : Jésus vint alors à l'extérieur ; il portait la couronne d'épines et le manteau de pourpre. Pilate leur dit : "Voici l'homme ! "

mardi 3 avril 2012

Passions



Peinture de Grünewald (fin XVième)  comme retable (3 volets) à Isenheim




P. Picasso interprête aussi la Passion (1930)




Avec Rembrandt la Passion devient Présence et Rencontre à Emmaüs