vendredi 7 mars 2014

Libre, oui mais de qui et de quoi ? Vrai, mais qu'est ce la Vérité ?


Textes à lire : Esaïe 43, 16-21 et Philippiens 3, 8-14 et Jean 8, 1-11

La rencontre avec la femme adultère pourrait être éclairée et même comprise par cette affirmation de l’évangéliste Jean :

«  Si vous demeurez dans ma parole, vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres  v. 31-32 ; ils répliquèrent : nous sommes la descendance d’Abraham et jamais personne ne nous à réduits à la servitude : comment peux-tu prétendre que nous allons devenir des hommes libres ? »

Vérité et Liberté : quelle relation ? Qu’est ce qui me rend libre ? Les religions révélées peuvent-elles rendre libres ? Celles qui croient que leur révélation est unique sont-elles des espaces et des propositions de liberté ?

Au fond est-ce qu’ « une parole de liberté » qui  peut rendre libre et libre de quoi et de qui ?

Le message d’aujourd’hui est simple et clair : le christianisme, tel qu’on le lit dans les textes bibliques, est une proposition de liberté en vérité ; ou encore le christianisme à la suite de Jésus est une vérité qui rend libre.

Mais peut être direz-vous à l’instar des interlocuteurs de Jésus dans l’évangile de Jean : nous sommes et nous nous sentons libres, alors pourquoi faudrait-il le devenir ?  

Si on interroge en effet nos contemporains et qu’on leur demande d’associer un mot une idée une formule à celle de liberté, ils ne diront jamais le mot religion ni même Dieu ni  encore celui d’Eglise ; ces réalités ont en effet a reçu une connotation négative, plus proche de la soumission de  la dépendance voire même de l’aliénation ;  loin donc de la liberté de la libération ou de l’épanouissement de soi.

Aujourd’hui être libre pour nos voisins nos proches nos contemporains pour nous mêmes parfois c’est ne dépendre de personne, c’est être auto-suffisant, ne rien devoir à personne, être riche et bien portant et pouvoir se déplacer sans entrave.

Aujourd’hui ce qui est vrai pour nos voisins nos proches nos contemporains et pour nous mêmes parfois, ce qui est vrai c’est ce que l’on ressent, ce que l’on peut éprouver et qui correspond à ce que l’on pense et croit. Ce qui est vrai ce n’est pas une vérité extérieure externe mais plutôt une réalité intérieure ; une vérité n’est pas dictée par une instance, une institution, un parti, un état. Ou alors il faut que cette instance externe cherche en nous ce qu’elle veut nous faire croire comme vrai ; cela s’appelle aussi de la propagande.

En définitive nous vivons ce que l’on appelle parfois l’ère du sujet ; celle de l’individu et parfois mieux de la personne qui doit décider de tout et vérifier en elle même ce qui juste et bon pour elle c’est à dire alors aussi pour les autres.

Tout ou presque peut être ainsi justifié. Il m’arrive de penser parfois que ce qui est bon pour moi devrait être bon pour les autres. Je suis devenu le centre non seulement de ma vie mais aussi de celle des autres.

Nous sommes passés d’un extrême à l’autre ; d’un extrémisme à l’autre ; d’une radicalité à une autre radicalité.

Auparavant c’était le groupe, le statut social, l’appartenance sociale et religieuse, c’était l’institution dans laquelle je me trouvais sans le décider, par tradition qui régenter la vie et les modes de vie sans que le sujet, la personne ne soit autorisée  avec quelques exceptions bien sûr, à changer une façon de penser, d’agir ou de croire. D’autres décidaient pour moi, ma famille, mon Eglise, mon rang dans la société.

Dans l’empire gréco-romain, les classes sociales bien avant Marx, existaient de façons radicales ; les citoyens dirigeaient, les hommes libres commerçaient, les esclaves travaillaient. En proposant à des juifs de devenir libres, Jésus ou l’auteur de l’Evangile s’autorise une incongruité : se pourrait-il que des juifs fassent partie de la sphère de l’esclavage ? Eux qui étaient reconnus comme hommes libres et parfois même comme citoyens ?

« Nous sommes de la descendance, de la famille d’Abraham ». Et revoilà la venue de groupe, de  la famille et du clan !  Voilà à nouveau l’introduction du cadre sans lequel il n’y a plus d’existence possible. Changer de cadre c’est changer de vie ce qui est presque impossible.

Le christianisme invente un nouveau cadre ; change le cadre existant et ce n’est pas une catastrophe, c’est seulement difficile à croire et à vivre : on peut être du clan d’Abraham et être esclave de ce cadre. Etre enraciné ne veut pas dire rejeter toute autre racine qui ne serait pas mienne ; être enraciné en Christ veut dire que désormais toute racine est relativisée ; toute situation, tout cadre n’est pas suffisant pour vivre et être en relation avec les autres. 

Mon enracinement dans ma famille, dans mon Eglise, dans mon métier, dans mon pays, dans mes convictions politiques, ne sont pas une garantie de véracité, de vérité. Ce ne sont pas des vérités ultimes et dernières mais seulement provisoires et avant-dernières et la vérité vraie, la vérité ultime avec un grand V se s’épuisera jamais dans ces réalités.

Je suis capable devant et dans tout ce qui me détermine, de dire « Je » ; de dire oui lorsque tout me pousse à dire non ; de dire non lorsque tout me contraint et s’attend à ce que je dise oui.

C’est ici que le texte bizarre à propos de la femme adultère revêt une grande importance ; cette femme est ballottée entre le regard et le jugement du groupe, des autres et le poids personnel d’une conscience coupable et mal à l’aise. L’auteur du texte et probablement Jésus lui-même font la distinction entre l’acte l’action et la personne elle-même ; il y a un écart entre je que je fais et ce que je suis. Je ne suis pas ce seulement ce que je réalise. Cette femme vaut davantage que l’acte qui veut la définir.

Elle doit faire avec Jésus l’expérience de l’entrée dans une Parole de Liberté.

«  Si vous demeurez dans ma parole, vous connaîtrez la vérité qui fera de vous des hommes et des femmes libres » Au fond c’est bien cela qui doit valoir et qui doit être une attestation un témoignage pour les autres pour moi-même comme pour Dieu.

L’Evangile ne dit pas : si vous adhérer à ma personne, si vous votez pour moi,  si vous m’êtes fidèles etc.…il dit : si vous demeurez dans ma parole : si vous venez habiter non pas les mots que j’ai prononcés ; mais la Parole : la parole que je me suis autorisée de dire et de proclamer contre toutes les paroles magiques ou autoritaires et religieuses qui sont prononcés par beaucoup.  Jésus ne dit pas à cette femme : viens et suis-moi ! Elle est libre de le faire ou de ne pas le faire ; il ne lui dit pas ; ta foi t’a sauvée ! Car une foi prisonnière du regard et de l’opinion des autres n’est pas une foi libre. Il lui dit simplement et librement : va t-en   ! Tu es libre de partir désormais c’est pourquoi tu peux dans cette liberté même devenir responsable. Tu peux répondre de tes actes et non plus être identifiée à eux seuls.

Une parole qui vient dire qu’il existe encore d’autres enfants d’Abraham libres et responsables  et d’autres modes d’appartenance. L’Ecriture inconnue de Jésus sur le sol pourrait être l’écriture d’une loi nouvelle et neuve. Une parole qui vient ouvrir l’espérance à celles et ceux qui sont encerclés enfermés en eux-mêmes, comme dans un carcan. Le christianisme qui va accueillir les païens et infidèles coupables et non responsables pour qu’ils deviennent des humains qui vont redécouvrir l’humanité qui est en eux et qui feront confiance  en une Parole de vie et de vérité. 

Une parole qui ouvre la bouche et non la ferme ! Une parole qui dit : Ouvre-toi ; non seulement à Dieu lui-même directement, mais aussi aux autres ;  ouvre-toi enfin à toi-même !

A cet égard le christianisme sera une proposition radicalement nouvelle et étrange pour beaucoup. Au fond cela deviendra une religion non religieuse ; une sorte de religion qui parlera de la sortie de la religion.

A ce niveau la vérité comme la liberté ne se confondra jamais avec une pratique rituelle et servile ; elle ne se confondra pas avec une appartenance qui ne se discuterait pas.

A ce niveau, celui de la rencontre de Jésus avec une femme prisonnière est le type même de la liberté de la foi entrain de se mettre en route.

La Vérité existe et même si je le la ressens pas, je peux la croire. La Liberté existe pour moi car précisément je ne suis pas indépendant ; mais bien dépendant d’une parole de vérité prononcée par quelqu’un d’autre.

Les chrétiens ne formeront jamais un groupe ou tout le monde devrait croire de la même manière et ils ne formeront jamais un groupe où chacun pense ce qu’il veut. Où chacun se justifie par ses actes en se cachant dans une bonne conscience qui sépare qui isole qui enferme.

La communauté chrétienne  deviendra ce rassemblement provisoire ou chacun entendra à sa manière une parole de vérité qui le ou la rendra encore plus libre et plus vrai.

La vérité chrétienne, la parole de vérité ne se confondra jamais avec les vérités que nous nous fabriquons et que l’on nous fabrique sans cesse. Un au-delà des vérités du monde est proposé ; l’objectif à atteindre et promis c’est bien celui d’une liberté vraie et d’une vérité libre.