lundi 28 octobre 2013

"Dieu de la vie, conduis-nous vers la justice et la paix"


“Dieu de la vie, conduis-nous vers la justice et la paix” – Le thème de l’assemblée du Conseil oecuménique des Églises à Busan fait écho au thème de l’assemblée du COE à Vancouver en 1983 : “Jésus-Christ, vie du monde”.

Trois décennies s’étant écoulées depuis, les différences apparaissent aussi clairement. Le thème de Vancouver était une affirmation : Christ est le fondement de la vie du monde entier – en théologie réformée, nous parlerions de la souveraineté de Christ sur le monde entier. Toutefois, à Busan, l’idée de pouvoir de la vie devient au contraire un appel à Dieu qu’il nous conduise « vers la justice et la paix ».

La toile de fond de l’assemblée de Vancouver était les menaces qui pourraient endiguer le flot de la vie, menaces venues de la course à l’armement entre l’Est et l’Ouest et le spectre d’un embrasement nucléaire, des structures d’injustice partout dans le monde – parmi lesquelles l’apartheid en Afrique du Sud, que la lutte n’avait pas encore résolue – et la prise de conscience que l’écosystème mondial lui-même était menacé. Le thème de l’assemblée, “Jésus-Christ, vie du monde” avait été choisi pour affirmer la puissance de la vie par-delà celle de la mort – vue dans la violence et la destruction, l’exploitation des ressources naturelles, la pauvreté et la faim – et la spirale de sécuritarisme, défense, destruction et mort, comme Konrad Raiser, le théologien allemand qui deviendrait plus tard secrétaire général du COE, l’avait déjà mentionné. L’assemblée elle-même donna naissance au processus conciliaire « Justice, paix et sauvegarde de la création » :

« (…) inviter les Églises membres à entreprendre un processus conciliaire d’engagement mutuel (alliance) en faveur de la justice, de la paix et de l’intégrité de toute la création. Cette orientation devrait avoir pour fondements la confession de Christ en tant que vie du monde et l’affirmation de la résistance des chrétiens aux pouvoirs démoniaques de la mort … »

C’était un "appel urgent pour une prise de position forte de la part des Églises » (Konrad Raiser) à propos de la guerre et de la violence, de la justice et de l’injustice, de la faim et de la pauvreté, et de la destruction de l’environnement.  Au centre de cet appel, il y avait un lien étroit entre l’affirmation confessante du Christ comme vie du monde et la résistance nécessaire aux pouvoirs injustes. Ici, il y a un parallèle étroit avec ce que l’on appelle en tradition protestante un statut confessionis, où la fidélité à Jésus-Christ requiert un témoignage confessant par l’Église.

Toutefois, une telle “prise de position” suppose un contexte où l’Église reste une force morale dans la société, voire même un contexte de chrétienté. C’est précisément dans un tel contexte que l’Église peut se permettre de mettre « un bâton dans la roue » (Dietrich Bonhoeffer) en s’engageant directement dans une action politique.

Trois décennies plus tard, la “vie” est de nouveau le thème central d’une assemblée du COE. Mais le contexte a changé sensiblement.

Comme Ellen Ueberschär, secrétaire générale du Kirchentag (rassemblement protestant en Allemagne), l’a récemment noté, « Si le dialogue œcuménique a été le grand sujet pour les Eglises aux 20e siècle, l’inter-religieux et la compréhension de l’autre sont le grand sujet du 21e siècle ». 

Le choix de Busan pour 2013 éclaire les changements géostratégiques et religieux des 30 dernières années. L’équilibre des pouvoirs au niveau mondial bascule de l’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord vers des pays comme le Brésil, l’Inde et la Chine. L’Asie est également un symbole du changement de visage du christianisme, qui glisse vers le Sud mondial, avec la croissance des formes pentecôtistes et évangéliques de spiritualité. Enfin, l’Asie est une région du monde qui est depuis longtemps marquée par le pluralisme religieux, pluralisme qui caractérise aujourd’hui le monde entier. Le thème de l’assemblée de Busan, « Dieu de la vie, conduis-nous vers la justice et la paix », atteste de l’émergence d’un nouveau paradigme de coexistence religieuse. 

Le thème de l’assemblée de Vancouver peut être vu comme une expression de ce que Konrad Raiser décrivait comme un « universalisme christocentrique » dans son livre Ecumenism in transition, publié en Allemagne en 1989 (puis en anglais à Genève en 1991) juste au moment où l’affrontement de la guerre froide commençait à s’effriter. Alors qu’un tel « universalisme christocentrique » était le paradigme œcuménique dominant dans les décennies suivant la 2e guerre mondiale, affirmait-il, celui-ci était remis en question de plus en plus fort par le pluralisme religieux, la logique de la mondialisation et les menaces pour la survie mondiale. Il y avait nécessité de développer un nouveau paradigme, écrivait-il, avec une accentuation nouvelle sur une orientation « théocentrique » dans une perspective trinitaire de relation entre Dieu, le monde et l’humanité, où la « vie » est comprise comme un réseau de relations réciproques, de cultures en dialogue dans une situation de pluralisme religieux et culturel.

Dans le thème de l’assemblée de Busan, à la différence de l’affirmation christocentrique de Vancouver, c’est le Dieu de la vie qui conduit vers la justice et la paix. Comme M. Young Cheol Cheon, enseignant en communication coréen, le remarque dans son mémoire “Communication pour la viedans le Cyberespace”, la vie et la communication jouent un rôle central dans ma vision du monde orientale. On peut voir cette perspective dans une déclaration faite lors d’une rencontre sur le thème de l’assemblée, tenue en Corée du Sud en mai 2012 à Busan et organisée par l’Association mondiale de communication chrétienne (World Association for Christian Communication), le COE et le comité local d’accueil de l’assemblée du COE. Intitulée « mettre en valeur une communication pour la vie, la justice et la paix », elle fait clairement référence à l’apport de la vision du monde orientale et au rôle de la communication dans un monde pluraliste en termes de religions, où « l’univers est compris comme un tout, une entité, un organisme indépendant (…) la communication est l’essence de la vie et (…) les êtres humains sont en communication avec toute la création.»

De plus, « dans un monde qui a permis à des gens d’origines, de religions et de cultures différentes d’être plus conscients les uns des autres et de leurs interconnexions, la communication a le potentiel de promouvoir la vie en commun dans la foi, l’espérance et l’amour ».

Dans un tel contexte, “les droits à la communication demandent des espaces et des ressources dans la sphère publique pour que chacun soit capable de s’engager dans un débat transparent, informé et démocratique. Ils nécessitent un environnement politique, social et culturel qui encourage l’échange libre d’une variété d’idées créatives, de connaissances et de produits culturels. Au final, les droits à la communication insistent sur la nécessité d’assurer une diversité d’identités culturelles qui valorisent et enrichissent tout ensemble le bien commun »

Comme nous approchons de l’assemblée de Busan, le programme énoncé ci-dessus nous offre un moyen de réagir à l’appel de Dieu pour que Dieu nous conduise vers la justice et la paix.

 
Stephen Brown, responsable de GlobeTheoLib
traduit par Claire Sixt-Gateuille

 

jeudi 24 octobre 2013

Préparation de l'AG du Conseil oecuménique des Eglises (début novembre en Corée)


Une communauté mondiale d'Églises, en quête d'unité, de témoignage commun et de service chrétien

Le témoignage chrétien dans un monde multireligieux

Conscients des tensions qui existent entre les personnes et les communautés de différentes convictions religieuses ainsi que des diverses interprétations du témoignage chrétien, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux (CPDI), le Conseil œcuménique des Églises (COE) et, à l’invitation du COE, l’Alliance évangélique mondiale (AEM), ont, à l’issue de cinq années de rencontre et de réflexion, élaboré le présent document, qui se veut un ensemble de recommandations pour guider le témoignage chrétien dans le monde. Ce document n’entend pas être une déclaration théologique sur la mission mais il s’attache à aborder les questions pratiques liées au témoignage chrétien dans un monde multi-religieux.

Recommandations de conduite

Préambule

La mission fait partie de la nature même de l’Église. Annoncer la Parole de Dieu et en témoigner dans le monde sont essentiels pour chaque chrétien. Il est par ailleurs nécessaire de le faire en accord avec les principes de l’Évangile, avec un respect et un amour entiers pour tous les êtres humains.

Conscients des tensions qui existent entre les personnes et les communautés de différentes convictions religieuses ainsi que des diverses interprétations du témoignage chrétien, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux (CPDI), le Conseil œcuménique des Églises (COE) et, à l’invitation du COE, l’Alliance évangélique mondiale (AEM), ont, à l’issue de cinq années de rencontre et de réflexion, élaboré le présent document, qui se veut un ensemble de recommandations pour guider le témoignage chrétien dans le monde. Ce document n’entend pas être une déclaration théologique sur la mission mais il s’attache à aborder les questions pratiques liées au témoignage chrétien dans un monde multireligieux.

Le but du présent document est d'encourager les Églises, les conseils d’Églises et les organismes missionnaires à réfléchir à leurs pratiques actuelles et à utiliser les recommandations formulées ici afin de préparer, là où cela s’avère utile, leurs propres directives sur le témoignage et la mission auprès des membres des différentes religions et auprès de ceux qui ne professent aucune religion particulière. Nous espérons que les chrétiens de par le monde étudieront ce document à la lumière de leur propre pratique du témoignage de leur foi rendu au Christ, en paroles et en actes.

Une base pour le témoignage chrétien

1.     Pour les chrétiens, c’est un privilège et une joie que de rendre compte de l'espérance qui est en eux et de le faire avec courtoisie et respect (cf. 1 P 3,15).

2.     Jésus Christ est le témoin suprême (cf. Jn 18,37). Le témoignage chrétien est toujours un partage de Son témoignage, qui prend la forme de l’annonce du Royaume, du service du prochain et du don total de soi, même si cela doit conduire à la croix. Comme le Père a envoyé le Fils dans la puissance de l’Esprit Saint, ceux qui croient sont envoyés en mission afin de témoigner en paroles et en actes de l'amour du Dieu-Trinité.

3.     L'exemple et l'enseignement de Jésus Christ et de l’Église primitive doivent servir de guide à la mission chrétienne. Pendant deux millénaires, les chrétiens ont cherché à suivre le chemin du Christ en partageant la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu (cf. Lc 4,16-20).

4.     Le témoignage chrétien dans un monde pluraliste implique d’entamer un dialogue avec des personnes de différentes religions et cultures (cf. Ac 17,22-28).

5.     Si dans certains contextes, vivre et annoncer l’Évangile est difficile, entravé, voire même interdit, les chrétiens demeurent chargés par le Christ de Lui rendre témoignage, fidèles et solidaires entre eux (cf. Mt 28,19-20 ; Mc 16,14-18 ; Lc 24,44-48 ; Jn 20,21 ; Ac 1,8).

6.     Si des chrétiens vivent la mission de façon inadéquate, en ayant recours à la supercherie et à des moyens coercitifs, ils trahissent l'Évangile et peuvent causer des souffrances aux autres. De tels manquements appellent au repentir et nous rappellent que nous avons besoin de la grâce permanente de Dieu (cf. Rm 3,23).

7.     Les chrétiens affirment que s’ils ont pour responsabilité d'être témoins du Christ, la conversion est en dernier ressort l’œuvre de l’Esprit Saint (cf. Jn 16,7-9 ; Ac 10,44-47). Ils reconnaissent que l’Esprit souffle où il veut de telle sorte qu’aucun être humain ne le contrôle (cf. Jn 3,8).

Principes

Les chrétiens sont appelés à suivre les principes suivants pour accomplir comme il se doit le mandat reçu du Christ lui-même, en particulier dans des contextes interreligieux :

1. Agir dans l'amour de Dieu. Les chrétiens croient que Dieu est la source de tout amour et, en conséquence, dans leur témoignage ils sont appelés à mener une vie marquée par l’amour et à aimer leur prochain comme eux-mêmes (cf. Mt 22,34-40 ; Jn 14,15).

2. Imiter Jésus Christ. Dans tous les aspects de la vie, et particulièrement dans leur témoignage, les chrétiens sont appelés à suivre l'exemple et les enseignements de Jésus Christ, partageant son amour, rendant gloire et honneur à Dieu le Père dans la puissance de l’Esprit Saint (cf. Jn 20,21-23).

3. Manifester les vertus chrétiennes. Les chrétiens sont appelés à se conduire avec intégrité, charité, compassion et humilité, et à surmonter toute forme d’arrogance, de condescendance et de dénigrement (cf. Ga 5,22).

4. Accomplir des actes de service et de justice. Les chrétiens sont appelés à pratiquer la justice et aimer avec tendresse (cf. Mi 6,8). Ils sont en outre appelés à servir les autres et à reconnaître ainsi le Christ dans les plus petits de leurs frères et sœurs (cf. Mt 25,45). Les actes de service tels que l'éducation, les soins de santé, le secours et les actes de justice et de défense des causes font partie intégrante du témoignage rendu à l'Évangile. L'exploitation des situations de pauvreté et de nécessité n'a aucune place dans l’action chrétienne. Les chrétiens doivent dénoncer et s'abstenir d’offrir toutes formes d'artifices, y compris des incitations et des récompenses financières, dans leurs actes de service.

5. Faire preuve de discernement dans le ministère de guérison. En tant que partie intégrante de leur témoignage rendu à l'Évangile, les chrétiens exercent des ministères de guérison. Ils sont appelés à faire preuve de discernement lorsqu'ils accomplissent ces ministères, dans le respect absolu de la dignité humaine, s'assurant que la vulnérabilité des personnes et leur besoin de guérison ne sont pas exploités.

6. Rejeter la violence. Les chrétiens sont appelés à rejeter toutes les formes de violence, y compris psychologique ou sociale, et tout abus de pouvoir dans leur témoignage. Ils rejettent également la violence, la discrimination injuste ou la répression par n'importe quelle autorité religieuse ou laïque, notamment la violation ou la destruction des lieux de culte, des symboles sacrés ou des textes.

7. Respecter la liberté de religion et de croyance. La liberté religieuse, qui comprend le droit de professer publiquement, de pratiquer, de diffuser et de changer de religion, découle de la dignité même de la personne humaine, qui se fonde sur le fait que tous les êtres humains sont créés à l'image et la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1,26). Ainsi, tous les êtres humains sont égaux en droits et en responsabilités. Quand une religion, quelle qu’elle soit, est manipulée à des fins politiques, ou quand une religion est l’objet de persécutions, les chrétiens sont appelés à rendre un témoignage prophétique dénonçant ces actions.

8. Œuvrer dans le respect mutuel et la solidarité. Les chrétiens sont appelés à s’engager à œuvrer avec tout individu dans un esprit de respect mutuel, afin de promouvoir ensemble la justice, la paix et l’intérêt commun. La coopération interreligieuse est un aspect essentiel d'un tel engagement.

9. Respecter tous les individus. Les chrétiens reconnaissent que l'Évangile remet en question et enrichit les cultures. Même si l'Évangile remet en question certains aspects des cultures, les chrétiens sont appelés à respecter tout individu. Les chrétiens sont appelés également à discerner les éléments de leur propre culture contestés par l’Évangile.

10. Renoncer à tout témoignage faussé. Les chrétiens doivent s’exprimer avec sincérité et respect ; ils doivent écouter afin de mieux connaître et comprendre les croyances et les pratiques des autres ; ils sont encouragés à reconnaître et à apprécier ce qui est vrai et bon en l’autre. Tout commentaire ou approche critique doit avoir lieu dans un esprit de respect mutuel, en veillant à ne pas rendre un témoignage faussé des autres religions.

11. Veiller au discernement personnel. Les chrétiens doivent reconnaître que tout changement de religion est un pas décisif qui doit être accompagné d’un temps suffisant pour y réfléchir et s’y préparer de manière ajustée, au moyen d’un processus qui garantisse la pleine liberté individuelle.

12. Consolider les relations interreligieuses. Les chrétiens doivent continuer à construire des relations de respect et de confiance avec les fidèles des autres religions, de manière à faciliter une plus grande intercompréhension, la réconciliation et la coopération dans l’objectif de l’intérêt commun.

Recommandations

La troisième consultation organisée par le Conseil œcuménique des Églises et le CPDI du Saint-Siège, en collaboration avec l’Alliance évangélique mondiale et avec la participation des plus importantes familles de la foi chrétienne (catholique, orthodoxe, protestante, évangélique et pentecôtiste), a travaillé dans un esprit de coopération œcuménique pour préparer le présent document à l’attention des Églises, des organisations confessionnelles nationales et régionales et des organisations missionnaires, tout particulièrement celles qui œuvrent dans des contextes interreligieux, et leur formule les recommandations suivantes :

1. Étudier les questions présentées dans le présent document et, là où cela s’avère utile, formuler desdirectives pour la conduite à suivre concernant le témoignage chrétien, selon leur contexte particulier. Dans la mesure du possible, ceci devrait se faire de manière œcuménique et en consultation avec des représentants d'autres religions.

2. Établir des relations de respect et de confiance avec les personnes de toutes les religions, en particulier au niveau institutionnel entre les Églises et les autres communautés religieuses, en entretenant un dialogue interreligieux continu dans le cadre de leur engagement chrétien. Dans certains contextes, là où des années de tension et de conflit ont engendré de profondes méfiances et ébranlé la confiance dans et entre les communautés, le dialogue interreligieux peut offrir de nouvelles possibilités de résolution des conflits, de restauration de la justice, de guérison des mémoires, de réconciliation et de consolidation de la paix.

3. Encourager les chrétiens à renforcer leur propre identité religieuse et leur foi, tout en approfondissant leur connaissance et leur compréhension des différentes religions, et ce en tenant compte également des perspectives des fidèles de ces religions. Les chrétiens doivent faire attention à ne pas se faire une opinion erronée des croyances et des pratiques des personnes pratiquant d’autres religions.

4. Coopérer avec les autres communautés religieuses en agissant concrètement au niveau interreligieux en faveur de la justice et de l’intérêt commun et, dans la mesure du possible, en faisant preuve ensemble de solidarité à l’égard des personnes qui sont dans des situations de conflit.

5. Appeler les gouvernements à faire en sorte que la liberté religieuse soit correctement et globalement respectée, en reconnaissant que, dans de nombreux pays, on entrave le travail missionnaire des institutions religieuses et des individus.

6. Prier pour leur prochain et leur bien-être, la prière faisant partie intégrante de ce que nous sommes et de ce que nous faisons, comme elle l’est de la mission du Christ.

Annexe : Contexte du document

1. Dans le monde actuel, il existe une collaboration croissante entre chrétiens ainsi qu’entre chrétiens et fidèles des différentes religions. Le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux (CPDI) du Saint-Siège et le Programme de coopération et dialogue interreligieux du Conseil œcuménique des Églises (COE-CDIR) collaborent de longue date dans ce cadre. Parmi les thèmes abordés en commun par le PCDI et le COE-CDIR figurent le mariage interreligieux (1994-1997), la prière interreligieuse (1997-1998) et la religiosité africaine (2000-2004). Le présent document est le résultat de leur travail conjoint.

2. Le monde connaît actuellement une recrudescence des tensions interreligieuses, entraînant violence et perte de vies humaines. La politique, l’économie et d'autres facteurs jouent un rôle dans ces tensions. Les chrétiens sont parfois aussi impliqués dans ces conflits, volontairement ou involontairement, qu’ils soient persécutés ou qu’ils participent à la violence. Face à cet état de fait, le PCDI et le COE-CDIR ont décidé d'aborder ces questions à travers un processus concerté visant à élaborer des recommandations communes concernant la conduite du témoignage chrétien. Le COE-CDIR a invité l’Alliance évangélique mondiale (AEM) à participer à ce processus, ce qu’elle a accepté avec joie.

3. Deux premières consultations ont eu lieu : tout d’abord à Lariano, en Italie, en mai 2006, où s’est déroulé une consultation intitulée « Évaluer la réalité ». Les représentants de différentes religions y ont fait part de leurs opinions et de leurs expériences sur la question de la conversion. Dans une déclaration publiée à cette consultation on peut lire notamment : « Nous affirmons que si toute personne a le droit d’en inviter d’autres à mieux comprendre sa religion, ceci ne doit pas se faire en violant les droits et les sensibilités religieuses d’autrui. La liberté religieuse nous donne pour responsabilité tout aussi non négociable de respecter les religions qui ne sont pas la nôtre et de ne jamais les dénigrer, les diffamer ou d’en faire des représentations faussées dans le but d’affirmer la supériorité de notre religion ».

4. La deuxième consultation, qui rassemblait des chrétiens de diverses traditions, s’est tenue à Toulouse, en France, en août 2007, pour se pencher sur les mêmes problématiques. Les thèmes touchant à la famille, la communauté, le respect d’autrui, l'économie, le commerce et la concurrence, et la violence et la politique ont été discutés en détails. Les questions pastorales et missionnaires liées à ces thèmes sont devenues la base de la réflexion théologique et des principes développés dans le présent document. Chaque question a son importance et mériterait davantage d'attention que celle qu’on peut lui accorder dans les présentes recommandations.