samedi 29 juin 2013

Pari d'Espérance


L’espérance, un pari nécessaire

Espérer ne saurait être un engagement solitaire. Cette affirmation a quelque chose de subversif à une époque où les grandes utopies et les grands récits sociaux ont perdu leur légitimité. Aujourd’hui chacun est en effet renvoyé à son projet de vie, à son ambition individuelle, consumériste et entrepreneuriale. Insidieusement l’horizon personnel se limite, l’intérêt se rétrécit, chacun court d’abord pour ne pas être distancé.

En quelques dizaines d’années l’identité coupée de ses racines et donc fragilisée craint par-dessus tout le différent, qui a souvent le visage de l’immigré. La peur enferme dans des communautés sans perspectives. Or, c’est l’humanité toute entière qui est aujourd’hui notre partenaire ; notre terre tout entière est devenue notre jardin. L’espérance nous engage donc loin et pour longtemps. Il faut passer du fugace occasionnel au durable, et du tribal au global. Nous le pouvons !

Les croyants sont persuadés qu’il n’y a pas d’espérance sans confiance. Celui qui reçoit le Christ reçoit en même temps des frères et des soeurs à l’échelle du monde. Nous appelons donc les chrétiens à donner à leur espérance le visage du Christ des béatitudes.

Nous n’espérons pas pour les autres mais avec les autres et nous n’espérons pas seulement pour la vie ici-bas.

Sans attendre, ici et maintenant, nous lançons le pari de l’espérance et invitons tous ceux qui veulent mettre la confiance, la générosité, la simplicité et l’humilité au coeur de leur vie et de leur engagement, à signer pour l’avenir.

 
Voir le site de la Fédération protestante de France

 
 

vendredi 21 juin 2013

Qui est il ? pour moi, pour toi !

Marc 8, 27-35 :

Jésus s’en alla avec ses disciples vers les villages voisins de Césarée de Philippe. En chemin, il interrogeait ses disciples : « Qui suis–je, au dire des hommes ? »

28  Ils lui dirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres, l’un des prophètes. »

29  Et lui leur demandait : « Et vous, qui dites–vous que je suis ? » Prenant la parole, Pierre lui répond : « Tu es le Christ. »

30  Et il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne.

31  Puis il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite.

32  Il tenait ouvertement ce langage. Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander.

33  Mais lui, se retournant et voyant ses disciples, réprimanda Pierre ; il lui dit : « Retire–toi ! Derrière moi, Satan, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »

34  Puis il fit venir la foule avec ses disciples et il leur dit : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui–même et prenne sa croix, et qu’il me suive.

35  En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera.

« Qui suis-je au dire des hommes ? Et vous qui dites-vous que je suis ? »

Ces questions retentissent au centre de l’Evangile : la confession de Pierre : Tu es le Christ de Dieu, fait charnière ; elle pointe un avant, celui de l’enseignement et du compagnonnage de Jésus qui aboutit à cette affirmation si forte et un après où s’inaugure le temps du don de l’ultime et de la passion. Cette même question a deux destinataires : les foules et vous les disciples : les réponses données semblent étranges et problématiques : les réponses données des foules se perdent dans le silence de Jésus  celle donnée par Pierre provoque sa réprobation. 

Combien il eût été plus facile, si Jésus avait dit clairement qui il était. Combien ce serait mieux si c’était clair ! Si Dieu se manifestait avec éclat et de façon évidente pour tous, alors il n’y aurait  plus de problème. J’entends souvent ces objections  qui veulent voir et rendre clair la présence de Dieu.

Des gens ont vu et entendu  Jésus pendant un, deux ou trois ans, dans un petit pays, à leur côté et il pense qu’il s’agit de son cousin Jean Baptiste ou bien un prophète des temps jadis. Ils ont vu Jésus agir tellement de façon vitale tellement au petit et grand soin à l’égard des autres, qu’ils pensent qu’il est un ressuscité, d’une sorte de revenant.

Jésus reste une question qui appelle des réponses.

Si Jésus avait dit un jour : voilà ce que je suis ! On n’en parlerait plus vraiment. Tous ceux qui se sont définis eux-mêmes sont peu intéressants pour les autres. Mais dit-on vraiment cela ? Peut-on vraiment se dire soi même ?  Notre carte d’identité dit-elle vraiment qui nous sommes ? Notre réputation bonne et mauvaise à la fois, les rumeurs, les on-dit décrivent –ils bien la réalité d’une personne ordinaire et complexe.

Ceci fait penser aux enfants à peine nés chez qui on cherche à tout prix à retrouver les yeux du père, le nez de la grand-mère et les colères de l’oncle, sans voir qu’on l’enferme un peu vite dans des ressemblances qui ne disent rien en fait de ce qu’il sera, lui. Et s’il était autre chose que des petits bouts de tous ceux qui l’ont précédé ? Et si une personne était toujours plus compliquée qu’une définition ou une ressemblance, plus difficile à saisir qu’un objet que l’on étiquette ? Alors,  Jésus a peut-être à voir avec ses illustres prédécesseurs, et pourtant il ne se résume pas à ces références. Il est autre que le duplicata de ce qui s’est passé dans l’histoire de sa famille et de son peuple.

Nous ne serons jamais bien placés et qualifiés pour dire, qui nous sommes. Ce sont toujours les autres qui, à des moments très particuliers de notre existence, des moments de relation en particulier, pourront dire sans doute un aspect de ce que nous sommes pour eux ; non pas ce que nous sommes en vérité, en soi  mais ce que nous sommes pour eux pour elles. Nous sommes le produit de quelqu’un d’autre ; les autres sont là grâce à Dieu pour nous dire dans la joie et la reconnaissance comme dans la douleur et le rejet ce que nous sommes et ce que nous sommes pour eux.

Mystérieusement, il en est de même pour le Christ comme pour Dieu. Toute définition  est une faute car elle nous laisse croire que nous avons Dieu à notre disposition. Nous sommes appelés à dire sans doute ce qu’il est au delà des clichés.

Aussi il me paraît utile de considérer encore ce matin cette distinction que l’on trouve dans l’Evangile, entre la question de l’identité du Christ adressée aux foules et la même question adressée aux disciples. Nous sommes à la fois et selon les moments : comme les autres humains et en même temps comme des disciples.

Qui suis-je aux dire des hommes ? Depuis le début de l’histoire du christianisme cette question à reçu toutes sortes de réponses :

Jésus a été considéré comme un maître de sagesse, pour celles et ceux qui étaient particulièrement réceptifs à ses paroles de vie, à ses élans de méditations dans le sermon sur la montagne dans les béatitudes ou les paraboles. Si l’on veut méditer sur l’existence humaine sur le sens de la vie et des relations avec les autres il y a sous cet aspect de la matière.

Jésus a été considéré comme un thérapeute, un guérisseur, par celles et ceux qui sont attentifs au fait que la plupart de ces gestes et de ces paroles concernent effectivement le corps et les relations inter-personnelles.

Jésus a été considéré comme un révolutionnaire dans son rapport difficile avec le judaïsme de son temps, dans la subversion qu’il a apporté et manifesté dans le rejet des codes et règlements qui écrasent ; dans sa recherche et son affirmation d’un idéal de justice et d’amour dès ici-bas avec sa grande méfiance à l’égard des personnages de pouvoir civils ou religieux.

Jésus a été considéré comme une figure éminente dans la longue liste des martyrs des suppliciés injustement condamnés, en quelque sorte sacrifiés sur l’autel de la raison d’état ou d’une politique religieuse douteuse.

Jésus a été considéré comme le fondateur de la laïcité car personne mieux que lui ne l’a définie aussi bien en disant qu’il fallait rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César. 

Je pourrais et vous aussi continuer cette liste qui, comme celle que lui rapporte les disciples : en l’identifiant à Jean Baptiste, ou à Elie, ou à un prophète d’autre fois, n’est ni fausse,  ni juste. Une liste devant laquelle Jésus ne s’exprime pas et ne s’explique pas. Comme si c’était un passage nécessaire comme si il fallait en passer par là au moins pour commencer.

Une liste qui dit la personnalité multiforme de Jésus vue par d’autres ; une personnalité si riche que rien ne convient vraiment si ce n’est de venir au devant de nos envies de nos souhaits de nos goûts comme pour mieux les reconnaître et  sans doute mieux essayer de les vivre. Sous cet angle aussi Jésus n’est pas un personnage d’abord enfermé dans le cercle étroit de la religion et du sacré.

Dans la présentation de la vie de Jésus par les témoins qui ont écrit les évangiles, au fond qu’est-ce qui nous intéresse ? Est-il un modèle d’identification dont nous rêvons, que nous souhaitons, que nous attendons ou espérons comme au premier regard, comme au premier degré ? Sa personnalité vue par d’autres, vient nous rejoindre, nous rencontrer, hors du temple, hors de la religiosité et du sacré qui sont pour lui plus un carcan qu’une liberté.

Et vous –disciples- qui dites-vous que je suis ? Quelqu’un parle souvent pour les autres c’est la fonction de Pierre. Encore que d’autres diront des choses autrement, tout au long de leur travail d’annonce de l’Evangile.

Pierre dit sans comprendre vraiment. Tu es le Christ le messie, celui qui doit venir et qui est attendu mais tellement inattendu que ce n’est pas le moment d’en parler. Un Dieu lié à une croix ou de manière plus symbolique un Dieu qui va rencontrer d’abord celles et ceux qui sont chargés comme lui d’un poids trop lourd : voilà le messie qui approche la réalité du Christ de Dieu. Un messie qui ne fait pas rêver à des lendemains qui chantent, mais un messie qui se présente non sous son meilleur jour, non en étalant ses réussites mais en venant faire histoire, faire un bout de chemin avec les chargés et les fatigués de la vie et de l’histoire. 

Nous nous présentons sous notre meilleur jour ; il n’en est pas ainsi pour Jésus le Christ de Dieu, selon Pierre qui est en train de découvrir cela.. Il n’a pas essayé de combler les vides et nos insuffisances. Il vient les visiter. La religion de son temps est comprise voire vécue comme ce qui vient palier à notre faiblesse ; la foi est censée nous rendre plus fort. Un grand nombre de croyances et de pratiques spirituelles diverses s’accrochent sur ce penchant naturel de l’être humain à boucher les trous de son existence. Il n’en est pas ainsi pour Jésus le Christ de Dieu.

Qui suis-je pour vous ?

Dans ce texte de l’Evangile de Marc, à la suite du Christ, le chrétien est appelé à rencontrer Dieu dans les creux dans les plis de sa vie et non ^pas comme pour combler et boucher les trous de l’existence !

Et parce que nous savons qu’il nous nous a déjà sauvés, que nous avons déjà tout gagné, nous n’avons plus peur de perdre. Nous sommes libres d’être hommes et femmes, vivant avec nos plénitudes et nos solitudes ; avec nos richesses et nos faiblesses.

Une de nos tâches au cœur de ce monde, sera de sauvegarder un peu d’espace, un peu d’incertitudes, un peu d’histoires, un peu de diversité dans les identités de Jésus, pour le respecter comme il nous respecte ; par exemple en nous invitant à son repas où il est le maître du repas et l’invité où il est l’hôte – celui qui a plusieurs places et plusieurs rôles, celui qui invite et qui est invité, comme il peut devenir maintenant le maître et l’invité de notre vie.

Oui Il est vraiment une question qui suscite une réponse ; Il est une réponse qui appelle toujours une question !


dimanche 9 juin 2013

L'Evangile comme disproportion

Culte à Sabarat (09) le 9 juin


 Marc 12 :
 
41 Assis en face du tronc, Jésus regardait comment la foule mettait de l’argent dans le tronc. De nombreux riches mettaient beaucoup.

42  Vint une veuve pauvre qui mit deux petites pièces, quelques centimes.

43  Appelant ses disciples, Jésus leur dit : « En vérité, je vous le déclare, cette veuve pauvre a mis plus que tous ceux qui mettent dans le tronc.

44  Car tous ont mis en prenant sur leur superflu ; mais elle, elle a pris sur sa misère pour mettre tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »

 
Lecture de 1 Rois 17 :
 
9  « Lève–toi, va à Sarepta qui appartient à Sidon, tu y habiteras ; j’ai ordonné là–bas à une femme, à une veuve, de te ravitailler. »

10  Il se leva, partit pour Sarepta et parvint à l’entrée de la ville. Il y avait là une femme, une veuve, qui ramassait du bois. Il l’appela et dit : « Va me chercher, je t’en prie, un peu d’eau dans la cruche pour que je boive ! »

11  Elle alla en chercher. Il l’appela et dit : « Va me chercher, je t’en prie, un morceau de pain dans ta main ! »

12  Elle répondit : « Par la vie du SEIGNEUR, ton Dieu ! Je n’ai rien de prêt, j’ai tout juste une poignée de farine dans la cruche et un petit peu d’huile dans la jarre ; quand j’aurai ramassé quelques morceaux de bois, je rentrerai et je préparerai ces aliments pour moi et pour mon fils ; nous les mangerons et puis nous mourrons. »

13  Elie lui dit : « Ne crains pas ! Rentre et fais ce que tu as dit ; seulement, avec ce que tu as, fais–moi d’abord une petite galette et tu me l’apporteras ; tu en feras ensuite pour toi et pour ton fils.

14  Car ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu d’Israël : Cruche de farine ne se videra jarre d’huile ne désemplira jusqu’au jour où le SEIGNEUR donnera la pluie à la surface du sol. »

15  Elle s’en alla et fit comme Elie avait dit ; elle mangea, elle, lui et sa famille pendant des jours.

16  La cruche de farine ne tarit pas, et la jarre d’huile ne désemplit pas, selon la parole que le SEIGNEUR avait dite par l’intermédiaire d’Elie.

La Bonne nouvelle annoncée dans le christianisme ressemble bien souvent à une disproportion, voire à une démesure ou en tous cas à un passage, un rapport, une relation entre un presque rien et une totalité ou bien encore entre une grandeur une immensité qui devient infime et ténue. La graine enfouie en terre deviendra un grand arbre dans lequel viendront se nicher les oiseaux du ciel. Le sel est perdu dans la  pâte, comme le trésor dans la terre ; le plus grand doit devenir le plus petit comme le second ou le dernier se retrouve premier. Il y a renversement, bouleversement des situations où le riche se fait pauvre où le pauvre se découvre riche.
On pourrait dire aussi que le christianisme tel qu’il a été annoncé et vécu après Jésus n’a pas été une approbation, une stabilité, de ce qui était en place et qui soudain s’est trouvé déstabilisé. Il a été non seulement interprétation nouvelle du monde mais aussi transformation du monde ancien pour laisser percer en son sein un monde différent et neuf. Et cela non pas dans l’au-delà mais déjà ici-bas.

On dit que l’annonce de la bonne nouvelle de Jésus comme Messie comme envoyé a créé un certain désordre dans l’empire gréco-romain, mais aussi dans les habitudes de la religion juive ; désordre et changement aussi à l’intérieur des communautés chrétiennes elles-mêmes  dans la mesure où elles n’étaient pas toutes d’accord sur la compréhension, l’évaluation de la démesure annoncée dans la personne de Jésus de Nazareth le Christ de Dieu.  Comment vivre cette disproportion entre l’homme Jésus et Christ de Dieu ? Comment mettre ensemble dans un rapport cohérent, un homme et la présence même de Dieu ? Ce qui est annoncé et vécu concerne la vie concrète des personnes et non pas seulement leur espérance future, leurs rêves éveillés, leurs envies fantasmées !

Désormais la présence de Dieu au milieu des humains est une présence nourrissante, où ce qu’il faut pour vivre, dans la réalité, devient un mot d’ordre impératif, une nécessité religieuse, une base sur laquelle on peut ensuite développer, interpréter, rêver ; il faut d’abord nourrir c’est la réalité de la foi qui est contenue là totalement. Ceci est pour nous bien concret parfois trop concret et n’incite pas beaucoup à la méditation seulement spirituelle !
Se nourrir d’abord sera le mot d’ordre de la tradition juive où le repas et les repas ordinaires vont devenir extraordinaires. Où manger en famille et manger avec la communauté seront le signe d’une présence divine et l’accomplissement des ordres divins. Où ce qui est simple et basique va devenir le signe le plus élaboré de la vie de foi de la relation avec les autres comme de la relation avec Dieu. Certes les repas sacrés ont existé dans les religions anciennes, mais ici ce qui est neuf et différent sera précisément le passage du repas ordinaire et banal à une autre dimension. Ce qui est banal va devenir extraordinaire et riche en significations. La disproportion va s’installer : le culinaire va remplacer peu à peu les sacrifices qui nourrissaient les dieux et les prêtres, vont disparaître au profit du repas familial ou le père sera le prêtre nouveau où la famille sera figure du peuple où l’univers deviendra le seul vrai temple ; où le maître et ses disciples en train de se nourrir seront l’image du nouveau peuple de Dieu.

Ici la pointe de l’interpellation nous atteint et vient à notre rencontre : la foi en Dieu la foi au Christ Jésus vient elle rencontrer notre existence concrète et banale ? Ou vient-elle nous rejoindre ? comme une fidélité au passé, comme une satisfaction personnelle, comme une habitude….Y a-t-il quelque chose de nourrissant pour nous ? qui nous aide à vivre et à être en relation avec les autres par delà une tradition sympathique surtout si nous ne l’avons pas choisie mais plutôt reçue de nos ancêtres…
« Elle alla faire selon la parole d’Elie et pendant des jours elle eut de quoi manger, elle et sa maison ainsi que lui ».

   Il s’agit bien d’un rapport étrange entre une parole prononcée et l’action nourrissante où la pratique de la cuisine peut s’effectuer. Ce n’est plus de la magie mais une promesse à croire, à recevoir et à vivre ; c’est la retrouvaille d’une parole cohérente entre ce que je crois ce que je fais ce que je vis au quotidien. La première demande de la prière de Jésus sera celle de la quotidienneté et de la réception du pain. « Donne-nous aujourd’hui notre pain du jour ! » Que je sois nourri de toi ! Et que je puisse partager ce qui me fait vivre !
Il y aura toujours un écart entre ce que je vis et ce que je crois. Et cet écart provient de moi-même, de mon égo, de mon caractère, de ma conscience comme alibi ; bref je ne fais pas comme le dirait l’apôtre Paul, ce que je voudrais faire et je fais même ce que je ne voudrais pas faire ; car je m’installe volontiers comme le maître de moi-même et parfois des autres et rarement comme le serviteur de moi-même et celui des autres !

La veuve de Sarepta ou celle du Temple de Jérusalem sont des personnes dépendantes des autres du bon vouloir des autres ; elles n’ont plus de vrais droits qui les protègent vraiment. Elles sont comme des personnes qui vivent au jour le jour au gré des rencontres inattendus, celle d’un prophète étrange comme Elie ou celle de quelqu’un qui ne lui parle pas mais qui regarde de loin, comme Jésus. La veuve du temple devient le sujet de formation des disciples, elle devient intéressante, car elle n’intéresse personne et que cela ne la dérange pas. Elle donne un sens à sa vie en puisant dans sa vie son bien sa réserve presque vide. Elle ne partage presque rien. Et cela aux yeux de Jésus devient beaucoup. On passe avec elle du peu, au plus.
Ces femmes mettent en scène sans le vouloir, sans le savoir, la disproportion qui existence dès que l’on annonce l’évangile ; elles sont les témoins de la réalité de l’Eglise et de la communauté chrétienne qui ne fait pas grand-chose et qui soudain devient importante pour des personnes qui en ont soudain besoin.

Elles donnent comme l’on dit d’elles-mêmes ! Elles payent de leur personne comme si elle transmettaient de la vie, comme si elles faisaient signe au-delà du geste ordinaire de faire des gâteaux, quand on manque de tout ou de donner quelques pièces de monnaie,  les ultimes, les rares, les dernières ! 
On a souvent noté que les textes bibliques ne nous disent pas qu’il faut les imiter, faire comme elles ont fait. Elles ne deviennent pas exemplaires, elles ne sont pas des modèles à reproduire ; elles sont annonciatrices du monde neuf dans un monde vieux. Elles nous aident à croire pour vivre la disproportion qu’annonce l’Evangile de Jésus Christ. Elles disent et expriment dans leur vie une réalité plus forte, plus radicale que la banalité de l’existence quotidienne ; elles viennent à notre rencontre pour nous dire que l’extraordinaire, le nouveau, le plus, le mieux est tout proche, est à noter portée. Elles viennent nous dire une bonne nouvelle dans nos soucis, nos solitudes, nos lourdeurs et nos petites richesses.

Ce qui nous manque, ce que nous désirons et souhaitons ce qui nous ferait plaisir dépend aussi de nous et nous savons pourtant qu’il est possible de le recevoir et de la vivre comme signe de la présence de Dieu lui-même, dans la banalité de nos vies.
Etre chrétien ce n’est pas se faire voir ou se faire remarquer c’est laisser à d’autres la possibilité de voir en nous quelque chose de pas très normal dans nos gestes nos comportements nos paroles. Ainsi nous laisserons aux autres la possibilité de voir et d’entendre, une présence celle de l’extraordinaire, celle de la présence de Dieu comme une nourriture vitale au cœur de nos vies. La nouvelle construction que Dieu bâtit n’est plus celle du temple à Jérusalem ou ailleurs, c’est bien celle de nous-mêmes et de la communauté vivante qui annoncent un monde vraiment nouveau. Etre chrétien c’est sans doute bien après Ezéchiel, découvrir l’efficacité d’une Parole nourrissante.

"Il me dit : « Fils d’homme, mange le, mange ce rouleau ; ensuite tu iras parler à la maison d’Israël. »
J’ouvris la bouche et il me fit manger ce rouleau.
Il me dit : « Fils d’homme, nourris ton ventre et remplis tes entrailles de ce rouleau que je te donne. » Je le mangeai : il fut dans ma bouche d’une douceur de miel". (Ezéchiel 3)

 

mardi 4 juin 2013

Le beau temps arrive...


Histoire du  mauvais temps ....

Art. paru dans Le Monde du 2 juin 2013

Autrefois porteur de famine, un printemps capricieux peut éveiller encore en nous le sentiment de notre fragilité


 
Aujourd'hui, le mauvais temps figure très largement parmi les propos usuels des citadins, et pour cause. Il est source de plaintes incessantes : promenades annulées, inondations dans l'Aube, week-end at home devenus insupportables par leur répétition, prolongation de la coûteuse saison du chauffage.
 
Les grands hommes n'étaient pas nécessairement à l'abri  des banalités  usuelles en ce domaine : lors d'une rencontre de Charles de Gaulle avec l'un de nos écrivains les plus importants, les deux personnalités, qui par ailleurs n'avaient pas grand-chose à se dire, eurent une conversation assez plate au sujet des abats d'eau qui noyaient à ce moment les vitres du manoir de Colombey.
 
A Paris et ailleurs, ces temps-ci, les terrasses des cafés sont maintes fois désertes du fait de ce qu'un vieux militant aujourd'hui oublié, Etienne Fajon (1906-1991), lors d'une Fête de L'Humanité transformée en déluge, appelait " les éléments déchaînés " dans le style fleuri d'un instituteur de la Belle Epoque.
 
Les agriculteurs actuels ont, vis-à-vis d'un climat qu'ils tiennent à tort ou à raison pour déréglé, leurs réactions habituelles : ils blâment la tardivité saisonnière du développement des fruits et légumes dont la qualité risque de baisser cette année. Ils seront éventuellement inquiets dans le plus long terme pour leurs récoltes de céréales, qui finiraient par être affectées si le temps frais, voire pourri et hyperpluvieux, se prolongeait, comme l'affirment les bonnes âmes de la météo.
Mais cette éventualité fâcheuse, tout à fait concevable, n'est absolument pas certaine. En effet, on ne peut prévoir le temps qu'il fera avec quelque certitude qu'à huit ou dix jours de distance.
 
Et pourtant, certains spécialistes qui se considèrent peut-être avec raison comme mieux informés ne se gênent pas pour annoncer prochainement un été pourri. Comme me le disait ces jours-ci un grand agriculteur de Normandie : " Le mauvais temps, c'est le temps qui dure ", s'agissant de pluies et de froidures. Quant à la sécheresse, elle n'est point à l'ordre du jour ces temps-ci.
 
Imaginons cependant que les méchancetés printanières actuelles, avec un temps couvert et hyper pluvieux qui fait gémir, outre les presses, de nombreuses personnes depuis plusieurs mois, se prolongent au cours des semaines et des mensualités à venir. Bien entendu, c'est éventuellement l'inverse qui peut se produire, soit le retour du beau temps. Mais restons-en à l'hypothèse du pire, coutumière ces jours-ci.
 
Supposons également, hypothèse supplémentaire et contrefactuelle, que nous sommes placés dans une situation de pauvreté quasi globale, typique d'un monde médiéval ou d'Ancien Régime économique. Il s'agirait donc ci-après d'un millésime d'autrefois, " du bon vieux temps ", effectivement pourri sur presque toute la ligne, comme ce fut le cas lors des célèbres famines de 1314-1315, ou de 1692-1694 : moissons détruites par l'excès de pluviosité ; prix des céréales triplé ou quadruplé ; pain quotidien très cher ; mortalité accrue par l'extrême sous-alimentation et par les épidémies collatérales ; natalité diminuée par l'aménorrhée due à la famine ; émeutes de subsistance effectuées par les ménagères ; recherche éperdue d'un ravitaillement par importations en provenance de pays européens ou autres, non touchés par la disette ni par l'excès de pluies ; recours, messes et prières à la Vierge Marie, à des reliques ou à des saints protecteurs dont on mutilerait les statues afin de décider ces intercesseurs à être plus dynamiques contre les précipitations abondantes.
 
Au pire, on choisira un nouveau saint dont on puisse espérer qu'il sera plus efficace que ne l'était son prédécesseur, lui-même éventuellement incinéré par les fidèles pour cause d'impuissance quant au retour souhaitable des bons rendements du froment et du seigle.
 
Nous n'en sommes plus là du point de vue religieux. Mais de tels phénomènes étaient relativement fréquents du XIVe au XVIIe siècle. La chose devenait plus pressante encore, en particulier lorsque la disette due originellement aux pluies excessives, était compliquée par une situation de guerre extérieure ou, pire, de guerre civile.
 
Dans le premier cas, sous Louis XIV (1654-1715) par exemple, les impôts pour le financement des armées royales étaient lourdement accrus : la petite paysannerie et les pauvres des villes étaient durement atteints  et mouraient en masse, comme ce fut le cas lors de l'énorme crise de subsistances des années 1692-1693-1694, avec 1,3 millions de morts supplémentaires pour 19 ou 20 millions d'indigènes de l'Hexagone. Chiffre vingt fois millionnaire et démographique canonique qu'on avait enregistré dès les années 1340 et qui, après d'effroyables plongeons, était remonté à la surface au temps de Louis XIV, effectivement maître et souverain de vingt millions de " Français ", si l'on en croit l'historien Pierre Goubert (1915-2012). En effet, l'Hexagone était lui-même presque entièrement constitué dès cette époque grâce aux soins attentifs et guerriers du Roi-Soleil.
 
Au XVe siècle, le complexe guerre civile- guerre étrangère s'associe tragiquement lors des épisodes les plus défavorables, à une situation météo momentanément désastreuse pour les récoltes et pour l'alimentation populaire. Le cas fut particulièrement net lors de la seconde moitié des guerres de Cent Ans (1337-1453), avec les grandes famines de 1420, 1432 et 1437-1439. Les trois dernières étaient liées au froid et aux pluies abondantes, aggravées par les pillards et les soudards, anglais et autres, qui détruisaient les populations et finissaient par se détruire eux-mêmes à cause de ces famines qu'ils avaient provoquées, aidés en cela par une conjoncture météorologique trop agressive ou seulement trop humide.
 
Tel était, dans certains de ses aspects les plus négatifs, ce monde que nous avons perdu, The World We Have Lost, pour reprendre le titre d'un livre devenu célèbre de l'historien anglais Peter Laslett (1915-2001).
 
Les famines dues au froid et surtout à la pluie excessive ont disparu au XVIIIe siècle, malgré quelques incidents hivernaux puis pluviométriques. Par exemple en 1740, et beaucoup plus tard en 1802, ou encore sous la Restauration en 1816, à la suite de la considérable éruption du volcan indonésien Tambora qui affecta l'atmosphère de la planète, au point de produire diverses diminutions du rayonnement solaire par suite de l'interposition de poussières d'origines volcanique et " tamborienne ".
 
On citera aussi les fortes pluies des années 1828-1831, en France notamment. Elles contribuèrent, à l'encontre des moissons et même de l'élevage, au renchérissement des denrées agricoles et panifiables, cause, parmi bien d'autres, d'une certaine agitation populaire, parfois révolutionnaire à Paris en 1830 et à Lyon en 1832.
 
A partir des années 1860, la pluviosité parfois excessive continue de temps à autres à perturber nos récoltes frumentaires. Mais les importations de froment américain, argentin et australien suffisent pour désamorcer d'éventuelles émeutes de subsistance, qui, du coup, n'ont plus lieu d'intervenir en tant que telles, remplacées qu'elles sont par les offensives du mouvement syndical et ouvrier. Celles-ci s'attaquent à des problèmes bien différents de ceux qui concernaient jadis la miche à base de farine de froment ou de seigle.
 
A partir des années 1910-1913, on a même en France des émeutes ouvrières non plus pour le pain mais pour la viande. Cela fait partie d'un processus général de " viandisation " alimentaire, corrélatif d'un excès d'élevage à l'échelle mondiale, brésilienne. Celui-ci implique ipso facto la destruction des forêts dont les surfaces jadis plantées, dorénavant défrichées puis pâturées, perdent les capacités d'absorption du CO2 qui étaient les leurs avant le grand naufrage des arbres, contemporain de notre époque. Pour résumer, disparition partielle de l'immense manteau forestier spontané, accroissement du stock de CO2 disponible. En effet, il n'est plus capté par la vaste épaisseur sylvestre, laquelle n'existe plus en bien des endroits qu'au titre de souvenir et de nostalgie impuissante, particulièrement en Amérique du Sud, Amazonie et ailleurs.
 
Dans ce même contexte, à l'échelle non plus géostratégique mais quotidienne, l'ouvrier de la Belle Epoque, inconscient du processus global que nous venons de décrire - processus dont il fait quand même partie à titre individuel - cet ouvrier donc ne réclame plus seulement son pain quotidien mais aussi son bifteck, qui lui vient souvent de très loin, d'Argentine par exemple, dans les cargos frigorifiques et transatlantiques qui sillonnent l'océan jusqu'aux ports européens.
 
Du blé à la viande, du pain au bifteck, on pourrait ainsi évoquer dans le style de l'historien américain Thomas Kuhn (1922-1996), un véritable changement de paradigme. Et cela malgré les récriminations des scientifiques. Ils se plaignent avec raison de l'addiction de nos contemporains aux nourritures carnées. Celles-ci ont succédé de la sorte - faut-il dire définitivement ? - au bon vieux pain et autres bouillies céréalières dont se gargarisaient volontiers dans le temps jadis nos ancêtres les Gaulois.
 
 
Emmanuel Le Roy Ladurie
 
Historien français né en 1929, titulaire de la chaire d'histoire de la civilisation moderne au Collège de France et membre de l'Académie des sciences morales et politiques. Il fut l'un des principaux animateurs de l'école des Annales et devint une figure emblématique de la Nouvelle Histoire.Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont " Abrégé d'histoire du climat du Moyen Age à nos jours " (Fayard, 2007)net " La Civilisation rurale " (Allia, 2012).
 

 

samedi 1 juin 2013

Le christianisme nourrit-il vraiment ?

Foix (Ariège) le 2 juin

 Lectures :  Deutéronome 8, 1-16  et Luc 9, 10-17

« Il les donnait aux disciples pour les offrir à la foule »

La question du jour est assez simple et banale, même si elle demande de grandes exigences et une grande imagination : le christianisme des chrétiens est-il une nourriture ? Ou bien encore le message des évangiles, le message de Jésus est-il nourrissant non seulement pour celles et ceux qui y croient mais aussi pour le plus grand nombre de nos contemporains ; les foules que nous croisons et auxquelles nous appartenons parfois !

L’évangile du jour a souvent pour titre dans les diverses versions et traduction : multiplication des pains ; c’est sans doute le fait qu’avec peu on peut être nourrissant pour les autres. Le texte ne connaît pas le mot multiplication. On trouve aussi plus proche du récit : Jésus rassasie une foule (TOB). On devrait intituler en vérité : La distribution du pain (Fr. Bovon)  En quoi cela est-il une bonne nouvelle intéressante et utile pour notre vie et notre foi ?

Je ferai trois remarques qui essaieront de montrer la pertinence de cette « distribution » pour nous.

·        Premièrement, la nature de ce récit. Est-il un récit de miracle, la narration d’un coup magique capable d’impressionner les foules et d’en faire des adeptes ? Les diverses versions du récit dans tous les évangiles ne disent pas que pour autant tous ces gens nourris, suivirent Jésus et devinrent des disciples à la suite de leur pique-nique géant comme il en existe aujourd’hui ! Ce récit n’est pas une création, une invention du  premier siècle de l’ère chrétienne ; Il vient tout droit ou presque de l’ancien testament avec la Manne et les récits d’Elie et d’Elisée par exemple. On pourrait dire qu’il concerne une action divine à l’égard de personnes en danger.

On dit aujourd’hui que ce récit fait partie du genre « cadeau extraordinaire ». Il s’agit d’offrir des biens ordinaires naturels des vivres ou des repas. Les gens sur place ne demandent rien elles sont là pour écouter car « il leur parlait  du règne de Dieu  et il guérissait ceux qui en avaient besoin » v.11. La distribution de pain ne sert pas la cause du leader ou du chef ; elle n’est pas au service d’une Eglise ou d’un clan ; elle n’est pas encore un geste liturgique ; elle est une attention gratuite ou presque tournée vers ceux qui sont là. Un cadeau étonnant à celles et ceux qui sont peu habitués à en recevoir ; un cadeau sous forme d’un don de vie d’un rallongement d’une possibilité de vie supplémentaire ; un cadeau pour un jour de plus pour une nuit supplémentaire, sans se poser plus de question.

Le christianisme est en marche chaque fois que j’offre un peu de vie supplémentaire à quelqu’un. Chaque fois que je propose une réalité qui aide et conditionne un peu plus de vie. Vous avez noté, ici chez Luc,  il ne s’agit pas de pauvres malheureux qui font la manche ou qui attendent une allocation ; ici il s’agit de vous et de moi. C’est au milieu des siens et de son entourage habituel que la distribution a lieu. Le christianisme est une distribution de vie ; un supplément nécessaire pour vivre.

·        Deuxièmement, les personnages du récit. On vient de voir la foule qui est là. Cela devrait être notre préoccupation principale ; non pas seulement nos gens nos fréquentations, nos habitudes mais celles et ceux qui sont là et qui ne demandent rien et à qui et vers qui nous devons proposer quelque chose qui nourrit.

Les apôtres viennent raconter tout ce qu’ils ont fait au point de fatiguer Jésus qui les amène à l’écart prés de la petite ville de Bethsaïda (la maison des provisions ! selon une traduction possible cf ; Genèse 42, 25). Les disciples aiment raconter ce qu’ils ont fait comme pour plaire à leur maître. La relation que l’auteur du récit suggère entre Jésus et ses disciples, c’est « se retirer à l’écart ». Il y aura toujours dans le christianisme des disciples de Jésus, cette notion là : à l’écart, et non sur la place publique ; non pas non plus dans le secret intransmissible. Mais dans le passage de l’écart à l’accueil de la foule. Le message de Jésus n’est ni réservé au clan au cercle étroit des disciples, ni totalement public livré à tous dans une forme comme l’on dit aujourd’hui de transparence. Ni secret ni transparent : Mais plutôt dans le passage d’un privé qui devient public ; la bonne nouvelle de l’évangile se réalise en passant de l’intériorité à l’extérieur. Du dedans au dehors.

La tendance des disciples est de protéger le Maître, celui-ci veut enseigner les disciples et nourrir la  foule. Les disciples attendent du chef une idée de génie, un miracle, un truc ; le maître attend tout de ses disciples qui ne le savent pas et qui sont entrain de l’apprendre et de le découvrir. Le « Donnez-leur vous-mêmes à manger ! » résonne comme le cœur de l’expérience chrétienne. Les disciples sont appeler à entendre cela à vérifier l’impossibilité de le faire pour le réaliser enfin. Jésus ne donne pas à manger il ne sert pas la foule, il donne à entendre et recevoir une parole qui donne aux disciples le soin et la fonction de réaliser ce qu’il dit. « Et il les donnait aux disciples pour les offrir à la foules » Les disciples ne sont pas les bras ou les mains du Maître, ils deviennent dit le texte des offrants ! Non pas ceux qui distribuent comme à la banque alimentaire ou aux restos des cœurs, ce qui n’est pas si mal ; ici, ils deviennent ceux qui offrent comme une offrande servie livrée proposée.

·        Troisièmement, ce que nous avons reçu dans la foi, peut devenir une offrande.

Vous voulez rendre service : apprenez le Don ! Vous voulez que cette Eglise marche, fonctionne, témoigne, agisse en interne comme à l’extérieur : ne lui donnez pas ce dont elle a besoin,  apprenez le Don celui qui conduit à la confession de Foi à l’action de grâce ; ne payez pas parce que vous êtes contents ou satisfaits ou bien parce qu’on vous a rendu service, parce qu’on va catéchiser vos enfants ou chauffer le temple : mais apprenez le Don qui dépasse tout cela car tout cela ne dit pas encore vraiment la confession de Foi et l’action de Grâce car tout cela est bien utile mais tout cela est encore au niveau de l’échange et non du Don. Frères et sœurs, nous payons beaucoup en général, mais nous ne donnons pas assez. Nous atteignons des objectifs, pas toujours d’ailleurs, mais nous n’exprimons pas assez de confession de la foi et de l’action de grâce, manifestés par le Don ou l’Offrande.

En arrivant sur une terre nouvelle l’Israël ancien ne donne pas d’argent et ne rend pas à Dieu ce qu’il a fait pour eux. Il est bien sûr impossible de rendre ou de payer la Pâques ou de payer pour tout ce qui s’est passé dans le désert. En arrivant sur une terre nouvelle c’est le fruit de ses capacités de ses dons au sens de ses potentialités qui est mis en œuvre et qui est livré comme une offrande.

Ce sont les fruits du présent et non ceux du passé qui sont offerts comme un Don ; c’est aussi ce que firent les émigrants, les Pilgrims quittant l’Angleterre au XVIième siècle et s’installant dans le Nouveau monde. Le don comme offrande c’est le témoignage d’un présent de ce qui me met en route maintenant et non l’évocation de l’histoire qui elle trouvera sa place ensuite et ensuite seulement dans la formulation de la confession de foi.

Ma vie voudrait être une confession de foi et une action de grâce c’est le sens que Dieu lui a donnée et que j’oublie sans cesse. Ma vie est à ses yeux ce qu’il y a de plus précieux et en elle se trouve la possibilité d’un don, d’une offrande qui lui donne tout son sens.

La présence du Seigneur est un Don et une offrande c’est ce que comprirent fugacement les pèlerins d’Emmaüs ; et les Douze en route vers la maison des provisions, Bethsaïda.  Dans la vie ce qui compte ce sont les restes c’est à dire : ce qu’il en reste dans nos vies : comme capacités à donner encore ; comme possibilités d’effectuer un service dans l’Eglise et dans le monde.

Le don véritable nous conduit à la foi cela est véritablement, une bonne nouvelle. « Donnez-leur vous-mêmes à manger » !