mercredi 28 décembre 2011

Noël et Nouvel An : deux fêtes complémentaires ?


Le calendrier rapproche Noël et le jour de l'an, « fêtes à la fois antithétiques et jumelles ».

Le Nouvel An ne serait-il qu'un doublet profane de Noël, un écho appauvri, parce que privé de toute l'enveloppe mythique qui auréole la fête religieuse ?

Au plan des comportements, les deux fêtes paraissent en écho (même importance de la veillée, du repas, parallélisme des cadeaux et des étrennes, etc.) mais, au plan des représentations, elles s'opposent comme un jeu de miroirs : à l'intériorité toute familiale de Noël, centrée sur l'enfant, répond l'exubérance extravertie du Nouvel An, fête d'adultes vécue entre amis, scellant un renouvellement des relations sociales. Plus encore que cette symétrie inversée, ce qui articule les deux fêtes, c'est une certaine manière de rythmer un passage en un cérémonial de transition.

Tout se passe en effet dans le calendrier français et la culture qu'il traduit, comme si à chaque fête religieuse devait correspondre une fête profane, et comme si la profusion de la fête ne pouvait se vivre que dans ce fractionnement de la festivité. Au resserrement domestique et à l'intériorisation de Noël fait pendant l'extériorisation bruyante du Nouvel An, qui n'est pas sans rapport avec une certaine conjuration de l'angoisse, liée à la fuite du temps et à l'inconnu de l'avenir. Les deux fêtes scandent ainsi la continuité/discontinuité du temps au travers du schéma fin/recommencement.

Ce n'est pas seulement que face à la rupture du calendrier, la continuité de la vie familiale et des liens sociaux est réaffirmée symboliquement. C'est aussi que le contraste de Noël - suspension du quotidien, retour sur soi-même -et du Nouvel An - sortie vers les autres, renforcement des liens sociaux - dessine en lui-même un schéma dynamique homologue à la succession fin et  recommencement.

Heureuse fin d’année et bonne nouvelle année !




mercredi 21 décembre 2011

Marie l'indignée - Message de Noël du pasteur Claude Baty

 

Chacun se souvient de Marie transportée d’allégresse, de celle qui magnifie le Seigneur parce qu’elle, l'humble servante, a été vue par son Dieu (Luc 1.46-55). La voilà relevée !

Photo : Pascal Deloche/GODONG
Mais ce qu’on oublie souvent c’est qu'elle chante un Seigneur qui disperse les orgueilleux et renverse les trônes. Marie porte la parole de la foule des miséreux, piétinés par les puissants.
L'espérance qu’elle place dans le messie, qu'elle porte alors, n’a donc rien à voir avec le fameux esprit de Noël d’aujourd’hui. Esprit sirupeux de petit Jésus en sucre et à croquer. Le messie qu'attend Marie lui fait espérer de grands bouleversements, pas de petites consolations.
L'autre renversement, qui nous concerne tout autant, consiste à ne pas entendre ce chant de manière individualiste. Certes, Marie dit : « je magnifie le Seigneur, je suis transportée d'allégresse », tout commence par une rencontre personnelle avec son Sauveur. Mais aussitôt, son regard s’élargit dans l'espace et le temps, c’est tout un peuple, de génération en génération, qui est pris en considération.
Noël en famille, oui, mais famille élargie. L’esprit de Noël est finalement bien plus subversif que prévu.
Marie l'indignée, solidaire des oubliés, nous appelle à chanter avec elle l'hymne célébrant le Dieu qui porte son regard sur les plus petits.
Laissons-nous entraîner par l'appel de Marie pour nous réjouir d’être connus par Dieu et mieux porter l'aspiration de ceux qui n’ont pas de voix.
Je nous souhaite un Noël allègre et prophétique !
20 décembre 2011
 Pasteur Claude Baty, président de la Fédération protestante de France

samedi 17 décembre 2011

Noël : une histoire de naissance et de paternité d'abord puis de maternité bien sûr !!

Evangile selon Matthieu  ch 1 :

18 Voici quelle fut l’origine de Jésus Christ. Marie, sa mère, était accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint.

19  Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement.

20  Il avait formé ce projet, et voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint,

21  et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

22  Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète :

23  Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : « Dieu avec nous ».

24  A son réveil, Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse,

25  mais il ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.


       Moi, ce que j'aime bien dans l'histoire de Noël vue par Matthieu, c'est qu'elle est surprenante par rapport à ce que l'on entend d'habitude.

Ici, pas de crèche, encore moins d'âne et de bœuf, pas de bergers ; le héros de l'histoire, ce n'est pas vraiment Jésus, vu qu'il n'est même pas encore né, et encore moins Marie, que l'on évoque à peine. Ici, le héros, c'est Joseph.

Alors en cette avant-veille de Noël, je vais vous parler de Joseph. Le père. Enfin, un des pères. Ou plutôt, un père possible. Ou encore, une sorte de père... parce que le moins que l'on puisse dire, c'est que son histoire ne ressemble pas vraiment à celle d'un père "classique". D'abord, il n'est pas encore marié à sa femme et donc (en tout cas à l'époque) il n'aurait jamais dû être père ; et ensuite, il se demande si sa femme (future) ne l'a pas trompé avec un autre, et il en a la confirmation (biologiquement parlant en tout cas, il n'est pas le père de l'enfant à naître).

Si je résume la situation, cela donne : Joseph est le père de l'enfant d'une femme qui n'est pas la sienne, enfant qu'il n'a pas conçu et à qui il donne un nom qu'il n'a pas choisi. Sympa, enviable, comme position, non ? !
             Je ne lui en voudrais pas d'être en crise après une histoire comme ça et de se demander qu'est-ce que ça veut dire au juste d'être le père de cet enfant. Je le trouve très actuel et je me dis qu'aujourd'hui il pourrait être le père absent de beaucoup de familles dites "monoparentales", ou le père dépossédé des relations avec son enfant de certains divorces, ou simplement ce "nouveau père" qui se cherche, ne pouvant pas reproduire ce qu'a fait son propre père avec lui, parce que les temps, et surtout les femmes, ont changé.

Dur dur ! d'être Papa aujourd'hui ; père en colère, père malheureux, ou père obligé de se poser des questions sans qu'il l'ait vraiment désiré. Pas très facile tout ça ! Assez proche de l'histoire de Joseph. Lui aussi aurait pu se mettre en colère. Lui aussi a sûrement été malheureux de voir toutes ses ambitions familiales s'écrouler. Lui aussi est bien obligé de se poser des questions.

Cette histoire, c'est un peu comme quand on jette un caillou dans l'eau : on ne voit plus le caillou, alors qu'on distingue encore très bien les vagues qu'il a provoquées. La naissance de Jésus, nous n'en savons pas grand chose, surtout par la bouche de Matthieu ; c'est au détour de l'histoire de Joseph qu'elle est mentionnée : "Joseph fit ce que l'ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse mais il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eût enfanté un fils auquel il donna le nom de Jésus". C'est plutôt laconique comme description, et ne cherchez pas de plus amples détails, il n'y en a pas ! Par contre, Matthieu s'attarde sur les vagues provoquées dans la vie de Joseph par cette naissance.
Aujourd'hui, nous allons parler de Joseph. Ou plus exactement, de ce que l'histoire de Joseph nous dit de notre propre histoire avec Dieu.

On a rarement de rencontre directe avec le Seigneur. Par contre, il peut arriver d'être touché par une de ces vagues qui témoigne qu'il s'est passé quelque chose. Ces vagues, j'en vois au moins trois que je voudrais partager avec vous.

1. La première, c'est que cette naissance, pour Joseph en tout cas, ne se passe pas comme elle aurait dû. Les choses étaient prévues autrement ! Et d'ailleurs, tout, dans les lois et les usages de son époque, lui donne le droit de refuser cette naissance "hors norme". Sans d'ailleurs que l'on puisse vraiment le lui reprocher : on le comprendrait même assez bien de ne pas se laisser embarquer dans cette histoire !

C'est un juste, Joseph. Un de ceux qui a les pieds sur terre et du bon sens. Alors il voit tout de suite que, même s'il ne veut pas de faire de mal à Marie, ou le moins possible, cette histoire inhabituelle est risquée pour lui. Elle n'est pas "raisonnable" ; tout lui conseille de prendre ses jambes à son cou et de s'en aller.

Voilà, c'est comme ça que le Dieu de Jésus-Christ vient à notre rencontre : de façon imprévue et inhabituelle. J'irais même jusqu'à dire : de façon choquante pour les bonnes mœurs. Non, ce Dieu-là n'est pas "raisonnable".

Voilà qu'il bouleverse nos plans les plus sages et les plus légitimes.
Dieu ne ressemble pas à ce que nous avons prévu et imaginé. Il bouscule les règles établies, quelles qu'elles soient, même les règles religieuses. Il n'emprunte pas les autoroutes et ne se trouve pas aux rendez-vous que nous lui avons fixés d'avance. C'est peut-être dans les situations où tout nous dicte que nous devrions nous méfier le plus, qu'il vient à notre rencontre.

2. La seconde vague qui nous atteint dans cette histoire de Joseph, c'est la vague d'une certaine passivité de sa part. Il se trouve dans la position de celui qui subit.

Il n'est pas le géniteur de l'enfant à naître. Il ne décide pas de son nom. Et même quand Dieu lui parle, non seulement il ne lui avait rien demandé, mais en plus il lui parle pendant qu'il dort ; c'est presque à son insu que cette Parole se fait une place dans sa tête. Vraiment, Joseph n'y est pour rien dans cette histoire ! Il ne maîtrise rien de ce qui se passe, et se trouve être l'objet de quelque chose qui le dépasse et le concerne pourtant directement.

Voilà que sa vie va être irrémédiablement infléchie sans qu'il l'ait souhaité, et sans même qu'il ait un tant soit peu participé à ces évolutions. Le fait d'être père lui tombe dessus sans prévenir, alors qu'il aurait dû être le premier à "collaborer". Joseph doit faire le deuil d'être pour quelque chose dans la naissance de son fils. Le voici contraint à la distance et à l'humilité, il doit commencer à laisser tomber ce qui semble évident dans la paternité : pour lui, rien ne va de soi.

Qu'est-ce qu'être père ?
      Pas moyen pour lui de se raccrocher à une explication naturelle ou biologique. Pas de possibilité de rentrer non plus dans la définition légale qui s'impose dans le cadre du mariage. Pour Joseph, être père, c'est d'abord se laisser approcher sans trop résister par un événement qui lui échappe. C'est lâcher prise. C'est entrer dans une aventure qu'il n'a pas choisie et dont il n'a pas pris l'initiative. C'est commencer par accepter un mystère plutôt que de vouloir à tout prix tout maîtriser et comprendre. C'est accepter de donner à l'enfant un nom qu'il n'a pas choisi et qui dit le projet d'un autre pour cette vie à venir : Jésus, c'est-à-dire "le Seigneur sauve". Joseph doit même renoncer à réaliser ses rêves et ses désirs à travers son enfant ; accepter qu'il soit lui, et pas celui qu'il aurait rêvé qu'il soit. A Noël, Dieu vient à nous en Jésus-Christ de la même manière : comme une aventure qui s'offre à nous. Nous voici bien obligés de reconnaître qu'il y a là fondamentalement quelque chose qui nous échappe et sur lequel nous n'avons aucune prise. Ce n'est pas nous qui prenons l'initiative. Il nous faut même commencer par faire le deuil d'y être pour quelque chose, laisser tomber nos prétentions à être artisans de ce qui nous touche pourtant profondément.

Cela va complètement à l'encontre de nos manières habituelles d'envisager nos existences : nous sommes plutôt du genre "aide-toi, et le ciel t'aidera !". Ici, c'est le ciel qui vient toucher et rejoindre la terre, et nous n'y sommes pour rien. En tout cas, au point de départ.

Parce qu'ensuite, Joseph n'est plus du tout passif, il est même appelé à remplir une mission d'importance. C'est la troisième vague qui nous atteint dans cette histoire.

3. Sans Joseph, le plan de Dieu ne peut pas se réaliser. Voici que c'est à lui qu'il est demandé de donner une famille à cet enfant qui va naître. Dieu demande à Joseph d'adopter cet enfant : de lui donner une famille (en particulier une mère qui soit aussi sa femme), de l'inscrire dans une histoire en lui donnant un nom, c'est-à-dire de lui donner à la fois des racines (fils de David) et un avenir (il sera Jésus).

Dieu décide d'avoir besoin de Joseph, il a besoin que celui-ci entre dans son plan, fasse sienne cette histoire qui lui est tombée dessus sans prévenir. Il décide de ne pas se passer de lui, et même de lui donner un rôle capital pour la suite des événements, s'il l'accepte.

Voici donc qu'à Noël, Dieu offre à chacun la possibilité de faire sienne une aventure qu'il n'a pas choisie. Voici qu'il met devant nous un choix à faire, un oui à dire pour entrer dans son plan.

Non, nous ne choisissons pas grand-chose des circonstances de la rencontre avec ce Dieu qui vient vers nous et nous surprend, nous déroute et en même temps nous sollicite. Mais il nous appartient d'accepter ou non d'entrer dans cette aventure qui s'offre à nous.

La naissance de Jésus, il faut bien l'avouer, aura fait dans la vie de Joseph l'effet d'un pavé jeté dans la mare de son existence rangée :

— il pensait savoir ce qu'aimer voulait dire : désirer une femme, se marier avec elle, fonder une famille ; mais Dieu lui dit : non, aimer, ce n'est pas prévoir et organiser, c'est entrer dans une aventure ;

— il pensait savoir ce qu'être père voulait dire : transmettre des valeurs et des convictions ; mais Dieu lui dit : être père, c'est accompagner ton enfant tout en le laissant inventer sa propre histoire ;

— il pensait savoir ce que Dieu attendait de lui : qu'il soit un homme juste et conforme à ses commandements. Et Dieu lui dit : j'ai besoin de toi en tant qu'homme, avec tes limites et tes faiblesses, avec tes espérances et avec tes questions ;

— oui, Joseph, jusqu'à Noël, pensait savoir ce que vivre voulait dire : ranger sa vie au plus près de l'idéal qu'il s'était choisi. Mais Dieu lui dit : vivre, c'est plonger dans l'aventure, c'est lâcher prise pour se laisser rencontrer. Allez, vas-y, plonge ! Et n'aie pas peur : je serai avec toi, car celui qui vient s'appelle Emmanuel, "Dieu avec toi".

N'aie pas peur d'aimer Marie, je serai à tes côtés.
N'aie pas peur d'aimer l'enfant qui naît, Joseph, je serai père à tes côtés.
N'aie pas peur d'avancer, Joseph, je serai en marche à tes côtés.

En Jésus-Christ, Dieu jette un pavé dans la mare de nos propres existences plus ou moins bien arrangées. Aujourd'hui avant Noël comme à Noël, c'est à nous qu'il dit : vivre, c'est plonger. N'ayez pas peur des vagues : je suis toujours à tes côtés, hier comme aujoud'hui et demain.













vendredi 9 décembre 2011

Le christianisme est-il original ?

Les suiveurs de Jésus ont-ils voulu rompre avec la synagogue et la tradition juive, ou ont-ils essayé de la comprendre et de l’interpréter de façon nouvelle en proposant la personne du Christ à tous ?

Il n’est pas simple d’être à la fois fidèle au passé et d’en être libéré pour vivre au présent. Ce qui est nouveau est bien souvent une version modifiée, améliorée de ce qui a déjà été vu et entendu. Tous les réformateurs sont aux prises avec ce dilemme.

Parmi eux, le personnage de Paul tient une place originale parmi tous les auteurs bibliques. Renégat pour les uns : les juifs et les judéo-chrétiens (Matthieu) il est pour d’autres, le véritable inventeur du christianisme (Luc). Il promeut, par l’annonce de son Evangile, l’expansion du christianisme. Il mêle en lui l’ancien et le nouveau, parfois dans l’allégresse, parfois dans la douleur. Un petit livre : Saint Paul (Que Sais-je ? n° 3662. E. Trocmé.) pourrait  utilement accompagner nos moments de calme, de repos et alimenter nos réflexions et nos énergies. 

Souvent brocardé (trop autoritaire, anti-féministe) et souvent mis en valeur unilatéralement par les Eglises protestantes, le grand voyageur du premier siècle, devient étrangement moderne et contemporain : envie de partager ses difficultés et ses joies aux prises avec une mondialisation et la concentration des pouvoirs ; une réelle soif de liberté, un goût des rencontres et des débats, un croyant et un citoyen enraciné et déraciné, il nous invite à regarder notre vie comme lui regarde la sienne dans le miroir de l’Evangile de Jésus Christ.

 On sera heureusement surpris ainsi, que des écrits et des remarques de circonstances bien particulières adressées à d’autres il y a longtemps, soudain sont là, pour nous. Une invitation à lire une biographie et à relire une correspondance : les lettres de Paul. Ne boudons pas notre plaisir de découvrir l’originalité de Paul serviteur de l’originalité de l’Evangile.

vendredi 2 décembre 2011

La nouveauté de l'Evangile de Jésus Christ : temps de l'Avent..

 
La Bonne Nouvelle de Jésus–Christ, Fils de Dieu, commence ici.

Dans le livre du prophète Ésaïe, on lit : « Moi, Dieu, je vais envoyer mon messager devant toi, pour préparer ton chemin.
Quelqu’un crie dans le désert : "Préparez la route du Seigneur ! Faites–lui des chemins bien droits !" »
Ainsi Jean–Baptiste vient dans le désert. Il lance cet appel : « Faites–vous baptiser, pour montrer que vous voulez changer votre vie, et Dieu pardonnera vos péchés. »

Tous les habitants de la région de Judée et de la ville de Jérusalem viennent vers Jean. Ils avouent leurs péchés devant tout le monde, et Jean les baptise dans l’eau du Jourdain.

Jean porte un vêtement en poils de chameau et il a une ceinture de cuir autour de la taille. Il mange des sauterelles et du miel sauvage.

Il annonce : « Celui qui va venir après moi est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me baisser pour lui enlever ses sandales.
Moi, je vous ai baptisés dans l’eau, mais lui, il vous baptisera dans l’Esprit Saint. »

Evangile de Marc ch. 1

 

Lectures : Esaïe 40, 1-8 puis 2 Pierre 3, 8-14 et Marc 1, 1-8

 

Voici les temps de changements et de recommencements et dans ces temps troublés, y a t-il une réalité qui demeure, une réalité qui était qui est et qui vient : cette réalité ressemble à une parole, celle de Dieu, une parole comme une espérance. 

Parfois nous disons et croyons qu’avant c’était mieux ; un grand nombre de nos contemporains pensent et croient cela ; comme si nous avions besoin pour affronter les réalités difficiles d’aujourd’hui, d’embellir celles d’hier ou d’avant hier. Il est sans doute nécessaire aux humains de croire en un temps, un âge d’or ! voire en un moment stable positif agréable et heureux qui serait une aide efficace pour vivre les temps présents caractérisés souvent caricaturés parfois comme par exemple, le temps de la crise. Comme si la crise, la grande crise était celle que nous vivons celle de notre société de nos systèmes devait nécessairement s’exprimer dans l’oubli des crises violentes qu’ont vécu nos aïeux.

Nous vivons de changements en changements et peut-être de recommencements en recommencements ; non pas dans un cycle celui par exemple de l’éternel retour, mais dans un rythme parfois saccadé et peu mélodieux où nous avançons sans trop savoir où nous allons ; ces saccades de l’histoire celles de nos existences,  nous constituent.

La liturgie est le retour de ce qui est semblable et chaque fois différent car je ne suis pas le même qu’hier ou que la semaine dernière ; les saisons, les fêtes expriment ces commencements sans cesse à revivre et à recommencer. De temps en temps nous avons envie de vivre les choses autrement ; faire du neuf et du nouveau ; vivre ce temps de préparation et d’attente de Noël d’une façon différente et neuve.

« Vivre Noël autrement » un groupe de chrétiens inter-églises sont concernés par ce genre de projet : il s’agit d’arrêter de consommer pour consommer ; il s’agit de tenir compte de la planète et de se mettre en souci pour nos contemporains proches ou lointains qui eux n’ont rien et sont sans espérance aucune. Il s’agit à ce niveau de ne plus faire seulement la charité mais dans la foi et à cause d’elle de s’enquérir plus que jamais des causes de ce qui empêche des humains d’être des humains. Vivre autrement, avoir d’autres idées, d’autres réflexes, d’autres actions. Comment conjuguer, articuler le neuf ou le nouveau que nous sentons en nous avec l’ancien, la vieille histoire qui est aussi la nôtre ?

Avant ce n’était pas vraiment mieux ; il n’y a pas d’âge d’or de l’humanité. Cela est vrai, en particulier pour les premières générations de chrétiens, nos ancêtres dans la foi qui ont dû affronter des paniques et des crises si fortes qu’elles sont arrivées jusqu’à nous dans les témoignages des Ecritures qu’ils nous ont laissés.

Les textes que nous avons lus aujourd’hui dans la communion de l’Eglise universelle, disent 3 changements d’orientation et au moins 3 paroles qui peuvent nous intéresser et nous stimuler.

Le premier c’est au moment du retour de l’Exil de Babylone. Le deuxième est celui du retour non réalisé du Christ au temps de Paul et de Pierre. Le troisième c’est la fin d’une méthode celle de Jean le baptiste, le solitaire. Dans ces trois étapes ces trois moments difficiles et neufs retentit une Parole ; comme si la transmission d’une Parole résistait et accompagnait même ces grands changements. 

Le prophète Esaïe en annonçant la fin de l’Exil comme une immense nouveauté et un changement d’époque, dit une parole étonnante celle de la consolation : Consolez ! Consolez ! mon peuple dit Dieu ; le consoler de quoi, n’est il pas suffisamment satisfait de cette nouvelle ère qui s’ouvre devant lui ? Le peuple de Dieu a besoin qu’on vienne vers lui ; la consolation, cum-solatio c’est la rencontre d’une solitude. La plus grande nouvelle possible c’est la fin de la solitude triste ou joyeuse. Le peuple va rentrer chez lui et il a besoin d’être rejoint et rencontrer par quelqu’un par son Dieu. Quant tout va mal mais aussi quant tout va bien j’ai besoin d’être consoler, c’est dire que ma solitude soit rejointe par une Parole qui vient vers moi : ce qui est élevé sera abaissé ce qui est abaissé sera élevé. Par delà les vanités et les orgueils humains vient une Parole d’encouragement qui dure et demeure.

Ceci est vrai pour nous aussi, ceci nous entraîne à être les porteurs de ses paroles d’encouragements vers les autres autour de nous.

Le deuxième temps de crise est celui des apôtres eux-mêmes qui comme Jésus lui-même attendaient la fin des temps ; ce qui se passait alors dans le monde était perçu et compris comme l’inauguration de grand retour et de la fin. Il a fallu se rendre à l’évidence : Dieu ne vient pas tout régler ; il manifeste dit l’apôtre Pierre, sa patience  envers nous : « il ne souhaite pas que quelqu’un se perde, mais que tous accède à un changement radical.» Ici la parole qui vient à notre rencontre c’est l’attente et la nécessité d’une vraie conversion de nos mentalités de notre foi de notre vie. Les témoins de la foi attestent que le monde ne se dissout pas ne roule pas inexorablement vers sa perte mais reste dans les mains de Dieu : nous sommes ses témoins. La fin d’un monde ce n’est pas la fin du monde. Il a fallu que ces premiers témoins de la foi abandonne cette idée du retour imminent du Seigneur pour se mettre à vie et à agir dans cette vie dans ce monde qui semblait perdu et condamné. La communauté chrétienne va trouver l’énergie nécessaire pour faire face à un changement radical de doctrine. On croyait à la fin et on se met à croire à la durée au temps qui passe et à retrouver Dieu non pas dans la catastrophe mais dans la fidélité de l’action et de la parole quotidiennes.

La crise du monde nous entraîne à ne pas nous replier sur nous-mêmes en attendant que ça passe mais à voir les choses autrement ; à proposer d’autres manières de vivre peut-être, d’autres manières de croire, d’autres manières à inventer d’être l’Eglise de Jésus Christ dans ce monde.

 Enfin troisième temps celui de Jean le Baptiste. Au début de l’évangile de Marc nous l’avons lu retentit cette affirmation : « Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ fils de Dieu » et très vite survint Jean celui qui baptisait dans le désert. Jean représente la vieille école ; il est l’ancien régime ; il est surprenant par ses habits sa nourriture son action et ses paroles ; il est anachronique. Il ne dit pas : revenez vers l’ancien mode de vie et de croire ! Ou revenez vers les origines et le passé et vous serez sauvés ; il dit plutôt : vient après moi, celui qui est plus que moi ! C’est de l’ancien que vient le neuf ; le commencement est un recommencement. Les prophéties anciennes sont renouvelées ; un temps nouveau est là ; il faudra le saisir et en prendre acte pour en vivre. L’ancien n’est pas un regret ou une nostalgie ; il est ce qui met en route, une réalité nouvelle. La parole ancienne garde toute sa valeur elle est dite dans un langage une forme radicalement nouvelle. On n’ira plus dans le Jourdain pour être baptisé ; on ne reproduira pas les actes anciens on en fera de nouveau. Le Christ lui-même sera une nouvelle compréhension de Dieu. Jean pointe vers Jésus pour passer le flambeau difficile et redoutable.

Nous croyons parfois que ce qui est neuf et nouveau, remplace et condamne même ce qui est ancien et vieux. Nous croyons que la modernité est une critique des temps anciens qui sont souvent les nôtres et ceux que nous connaissons. Il n’en est pas ainsi dans la foi au Dieu ancien et neuf au Dieu de l’ancien testament et du nouveau testament. C’est de l’ancien que naît le neuf. Les difficultés du temps présent comme les joies du temps présent ont pris naissance dans le passé. La réconciliation entre hier et aujourd’hui est une promesse de l’Evangile. La rencontre et la réconciliation entre Jean et ses disciples avec Jésus et ses disciples est le gage de la naissance du neuf dans l’ancien.

Au cœur des crises des commencements et des recommencements nous recevons aujourd’hui des paroles qui durent qui demeurent et qui nous accompagnent :
·  La solitude des hommes et des femmes est visitée ; nous sommes les porteurs d’une parole de consolation.
·  Nous sommes appelés à voir à comprendre le monde, nous-mêmes et Dieu dans un changement radical de mentalités ; nous avons encore besoin de changer et de nous convertir à ce que Dieu attend de nous.
· L’Evangile nous donne l’assurance que ce qui est ancien et vieux chez nous n’est pas rejeté mais sert à montrer à pointer ce qui est neuf et nouveau. Dieu se sert de nous pour attester que le Dieu d’Abraham est aussi celui qui suscite Jésus le Christ pour un grand et vaste renouvellement au service des autres et du monde.

Dieu nous accompagne dans le changement et le renouvellement de notre monde.









samedi 26 novembre 2011

"Je lève les yeux vers les montagnes..." psaume 121

1 Chant de pèlerinage. Je lève les yeux vers les montagnes. Qui pourra me secourir ?
2  Le secours me vient du SEIGNEUR, qui a fait le ciel et la terre.
3  Qu’il t’empêche de glisser, qu’il ne dorme pas, ton gardien !
4  Non, il ne ferme pas les yeux, il ne dort pas, le gardien d’Israël.
5  Le SEIGNEUR est ton gardien, le SEIGNEUR te protège, il est auprès de toi.
6  Pendant le jour, le soleil ne te frappera pas, pendant la nuit, la lune ne te fera aucun mal.
7  Le SEIGNEUR te protégera de tout mal, il veillera sur ta vie.
8  Le SEIGNEUR veillera sur toi depuis ton départ jusqu’à ton retour, dès maintenant et pour toujours .

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mardi 15 novembre 2011

Il faut "y" croire !

Sur le mode de : il faut bien « y » aller ! Alors, allons –y ! Quel est le sens de ce « y » ? C’est bien sûr un adverbe de lieu, du latin ibi : là, dans cet endroit.

Il faut bien se rendre en ce lieu ; croire, est ici un déplacement vers un lieu. Je suis là, avec mes convictions, mes habitudes, mes traditions anciennes ou récentes et puis une rencontre surprenante et aimante, m’invite au déplacement, au changement.  En quelque sorte il devient nécessaire et parfois urgent que j’aille voir ailleurs en restant dans non cadre, dans ma famille, dans mon église. Il m’est alors donné de changer mon regard sur les êtres et les choses. Il devient évident que mes images toutes faites, mes clichés, mon prêt-à-penser et à croire, se trouvent bousculés et une nouvelle fraîcheur comme un nouveau regard, s’impose. Il faut bien y croire à ce grand déplacement, quand je me crois bien à l’abri, ou quand je suis malade, ou lorsque j’écoute des hommes et des femmes politiques en train de me convaincre. Il faut bien y croire que ce qui est vécu aujourd’hui sera autre demain ; que le monde va changer en pire si nous ne faisons rien et en mieux sans doute,  si nous agissons aujourd’hui.

Quel est le sens de ce « y » : Il faut bien y croire ? C’est bien sûr aussi, une sorte de pronom personnel. Il faut bien le croire lui, elle. Croire est ici une réalité vivante. Une personnalité : il faut bien « y » croire en celle ou celui qui me parle, m’interpelle, m’aime, m’entraîne. C’est aussi ma réalité et tout ce qui me fait vivre : ma manière de croire de vivre et le sens que je donne à toute ma vie.

Cette alternative d’une lettre, cette ambivalence du « y » est intéressante pour notre vie et notre foi. Dieu en Jésus Christ a effectué un vaste déplacement. Ce qui était Temple est devenu Livre par exemple. Nos images de Dieu doivent être modifiées et changées. Ce qui était loin, puissant et éternel est devenu proche, faible et mortel. Dieu en Jésus Christ est devenu personnel, quelqu’un. Non pas Personne mais un être humain digne de foi et capable de me donner confiance. En Lui, tout cela existe et prend corps.


Oui c’est sûr, il faut « y » croire et cela change vraiment : de l’inerte on passe au mouvement, du quelconque on va vers quelqu’un. On y va vraiment, comme dans la crise, comme vers un monde par delà la crise, où les relations et les horizons seraient nouveaux, inattendus, inouïs. Allons-y !


B. A.




mercredi 9 novembre 2011

Un "hymne au soleil" par Jean CALVIN


« Il n'y a vertu si noble ni admirable entre les créatures qu'est celle du soleil. Car outre qu'il éclaire le monde entier de sa lueur, quelle vertu est-ce de nourrir et faire pousser par sa chaleur tous animaux, d'inspirer par ses rayons fertilité à la terre, en échauffant la semence qu'on y jette ?

Après, la faire verdoyer de beaux herbages qu'il fait croître, en leur donnant toujours nouvelle substance, jusqu'à ce que le blé et autres grains se lèvent en épis ; et qu'il nourrit ainsi toutes semences par ses vapeurs, pour les faire venir en fleur, et de fleur en fruit, cuisant le tout jusqu'à ce qu'il l'ait amené à maturité ?

Quelle noblesse et vertu aussi est-ce de faire bourgeonner les vignes, jeter leurs feuilles et puis leurs fleurs, et en la fin leur faire apporter un fruit si excellent ? Or Dieu, pour se réserver la louange entière de toutes ces choses, a voulu avant de créer le soleil, qu'il y eût clarté au monde, et que la terre fut garnie et parée de tous genres d'herbes et de fruits (Gn 1, 3-11).

Aussi l'homme fidèle ne fera point le soleil cause principale ou nécessaire des choses qui ont été avant que le soleil même fut crée et ni produit : mais il le tiendra pour instrument, duquel Dieu se sert parce qu'il lui plaît, non pas qu'il ne peut sans tel moyen accomplir son œuvre par soi-même.»

Institution Chrétienne : vol.I, ch. XVI §2

samedi 5 novembre 2011

Sur le chemin, de quoi parliez-vous ?

Evangile selon Marc ch. 9, 30-37 :

Partis de là, ils traversaient la Galilée, et il ne voulait pas qu’on le sache. Car il instruisait ses disciples et leur disait : Le Fils de l’homme est sur le point d’être livré aux humains ; ils le tueront, et, trois jours après sa mort, il se relèvera. Mais les disciples ne comprenaient pas cette parole, et ils avaient peur de l’interroger.
Ils arrivèrent à Capharnaüm. Lorsqu’il fut à la maison, il se mit à leur demander : A propos de quoi raisonniez–vous en chemin ?
Mais eux gardaient le silence, car, en chemin, ils avaient discuté pour savoir qui était le plus grand.
Alors il s’assit, appela les Douze et leur dit : Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous.

Il prit un enfant, le plaça au milieu d’eux et, après l’avoir pris dans ses bras, il leur dit :
Quiconque accueille en mon nom un enfant, comme celui–ci, m’accueille moi–même ; et quiconque m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais celui qui m’a envoyé

Du chemin à la maison puis de la maison au chemin : la vie chrétienne et la foi sont comme en route et de passage, de l’extérieur vers l’intérieur du public au privé. La vie chrétienne et la foi sont aussi un échange, un dialogue, parfois même une querelle sur le chemin, sur le chemin de nos vies comme sur celui de l’histoire des hommes. La conversion ressemble souvent à une conversation ; la rencontre avec Dieu n’est pas seulement une rumination personnelle comme une introspection ; elle concerne aussi les autres sur le chemin et les autres dans la maison. Un cheminement, un déroulement avec ses arrêts, ses accélérations et ses lenteurs. Autant si ce n’est plus encore que celui de Paul et son chemin de Damas, le chemin de Jérusalem pour Jésus et ses disciples ressemblent à nos routes sur lesquelles tout se dit et s’échange et ou les surprises sont nombreuses.
On sait que l’évangéliste Marc est le spécialiste de la route et du chemin c’est en quelque sorte le routard des évangiles, comme l’avait été à sa manière l’apôtre Paul ; chez Marc, le chemin est encore un lieu et le cadre des rencontres agréables et désagréables, c’est le lieu de l’enseignement aux disciples, semblable en cela aux méthodes d’enseignement de la philosophie grecque.

Finalement, pour l’Evangéliste Jean le chemin deviendra la personne même du Christ qui dira qu’il est le chemin la vérité et la vie.

C’est en chemin presque à la dérobée qu’une nouvelle est annoncée ; une nouvelle à moitié bonne et à moitié mauvaise ; en tous les cas une nouvelle difficilement compréhensible ; le Fils de l’homme doit être tué par les hommes et il doit ressusciter.   « Ils ne comprenaient pas cette parole et craignaient de l’interroger. Un peu comme s’il fallait du temps pour comprendre et digérer une révélation effectivement complexe et troublante. Les annonces  successives de la mort de Jésus par lui même, sont en général peu comprises ; Certains évangiles en particuliers ceux qui ne sont pas canoniques les ont purement et simplement supprimés. Il arrive que certaines nouvelles agréables ou plus graves, nous n’arrivons pas, comme l’on dit, à les digérer, à les croire ; Il faut du temps, il faut parfois, comme on dit encore, en faire une sorte de deuil ou se pincer pour croire quelque chose d’agréable nous arrive vraiment.

Le christianisme est né aussi de ce trouble et de cette incompréhension et de cette crainte d’interroger. Passer de cette crainte à la possibilité de rendre compte de ce qui est difficilement croyable sera l’enjeu de la transmission de la foi ou de la mission de des témoins. Passer de l’état de disciple à celui de témoins ou d’apôtres, de celui d’élève à celui d’envoyé vers les autres sera le commencement en acte sur les routes et dans les maisons de la diffusion de la bonne nouvelle de Jésus le Christ.

Le christianisme n’est pas né à partir de celles et ceux qui avaient tout compris. Mais bien à partir de celles et ceux qui n’avaient rien compris ou qui avouaient qu’ils n’osaient pas questionner et comprendre. Si vous rencontrez des personnes qui ont tout compris de la Foi, de Dieu, de Jésus-Christ, des Evangiles, de l’Eglise  etc… méfiance car ils ne sont pas des disciples au sens ou ils ne sont plus en chemin vers la maison de Capharnaüm, où l’enseignement du maître les attend encore… Si vous rencontrez des personnes qui disent que dans la foi il n’y à rien à comprendre et tout à accepter ; méfiance car la vie et la foi chrétienne seront des chemins de vie où ensemble, avec bien d’autres, il faudra expliciter pour croire et croire pour comprendre, rendre compte, communiquer et transmettre en paroles et en actes audibles et compréhensibles, pour tous.
Le cheminement de Jésus et de ses disciples sur le chemin de Capharnaüm,  est exemplaire du contenu et du mouvement de la foi. Elle ressemble à une marche et un enseignement d’abord sur soi même ainsi que l’acceptation de l’enseignement de l’autre.

De quoi peut-on bien discuter en chemin lorsqu’on croit en un bon projet ? De quoi peut –on discuter en chemin lorsqu’on est plusieurs et qu’en général la succession du maître se fait par le choix d’un seul. Le commentateur du NT Fr. Vouga parle ici de « querelles fondatrices ». Les disciples en chemin ne sont plus là avec le maître, ils sont ailleurs ou plus exactement ils ne sont non plus derrière lui mais devant lui, pour envisager l’après Jésus. Qui sera le chef ? On croit rêver ; qui sera non seulement le chef mais plus exactement qui sera le plus grand ! Le plus grand des disciples, le plus grand des ministres, des serviteurs. Oui querelle fondatrice : après avoir entendu et vu Jésus en paroles et en actions à la rencontre des autres, après nourriture des foules et transfiguration, après la confession de Pierre ; on en est là qui sera le plus grand ? Les disciples ont peu profité de l’enseignement du Christ ; ils n’ont rien compris ; un peu comme nous qui souvent avons changé les expressions et les modes de querelles. Un peu comme on le lit parfois dans la presse où le christianisme veut donner des leçons à d’autres religions ; comme si on avait bien entendu l’enseignement du maître.

Certes la course à la domination du monde et des esprits est peut être lancée ; faut-il pour autant se mettre en piste et en course ou bien, entendre quoiqu’il en coûte, entendre à nouveau l’enseignement de Christ ?  Ils se taisaient car finalement ils avaient honte d’envisager la suite comme s’ils savaient comme si Jésus n’était plus là comme s’ils prenaient enfin les rênes pour des lendemains promis à l’enchantement du monde.
Oui il y a encore des gens honnêtes qui croient savoir ce qu’il faut faire pour que leurs causes, économique politique religieuse, gagnent. Selon la foi chrétienne décrite par les évangiles sur le chemin comme dans la maison, avec le Christ, il n’en est pas ainsi.

Le christianisme, comme la foi au Christ prend naissance dans une conversation sur le chemin, dans l’écoute de ce qui n’est pas compris ; la foi prend aussi naissance non par-delà, mais avec, nos envies de pourvoir, de puissance même modeste ; nos envies de croire vraiment et mieux parfois que d’autres ; tout cela n’est pas balayé mais assumé : sur la route, tout compte, tout est pris en compte même les faiblesses et les abus et les anticipations de pouvoir des disciples ; tout compte en vue du paradoxe ; la Foi c’est du paradoxe ; ce qui semble évident ne l’est pas, ne l’est plus, ce qui est acceptable devient incroyable ; ce qui semblait incroyable est en fait assez banal. La foi des disciples est en train de grandir pour qu’ils deviennent les serviteurs de tous. 

Si quelqu’un veut être le premier même pour la bonne cause ; le premier à accepter le Christ le premier à croire et à comprendre ; qu’il soit le dernier dit Marc, de tous et le serviteur non en soi, mais le serviteur de tous.
Le service est élevé au rang de valeur suprême ; à la question qu’est-ce qui compte  le  plus dans la foi ? Comme démarche et comme contenu ? La réponse ressemble à cela : le service et l’accueil de l’autre sans condition sans réciprocité. Oui mais, bien d’autres sont au service au-delà du christianisme,  alors que des miracles et des signes et des conversions seraient préférables pour établir notre petit pouvoir. Pour prouver que c’est vrai et que nous avons raison !
Peu importe : deviens le serviteur de tous. Mets-toi en situation de service non pas contrôlé ou estampillé par une institution ; mais sois le serviteur de tous ; pas seulement des tiens de celles et ceux qui croient ou pensent comme toi. Mais de tous dit Marc dans sa radicalité, si forte qu’elle a été gommée par Matthieu et Luc. 

Et prenant un enfant il le plaça au milieu d’eux et leur dit : qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là m’accueille moi-même et celui qui m’a envoyé ! L’enseignement du Jésus est en avance sur son temps il est même décalé ; A cette époque, l’enfant n’est pas roi ; il n’a pas son mot à dire,  il est une charge, un poids dont on se passerait bien volontiers ; il est une bouche à nourrir ; il est mis au travail très vite et devient l’esclave des siens et de tous.

Le christianisme, la foi chrétienne prend et reprend naissance en nous et autour de nous lorsque nos envies nos souhaits s’arrêtent et sont dérangés par la place qui est faite à l’autre ; Dieu se tient sur le chemin comme dans la maison, lorsque l’autre, y trouve une place.

John Bost disait au milieu 19ième siècle : « ceux que tous repoussent, je les accueillerai au nom de mon Maître ! »  Une devise qui prend naissance dans cette illustration et ce geste de Jésus enseignant des grands à devenir des petits au sens ou la prise en compte de la dépendance devient une affaire de relation nécessaire ; où la maison ne sera plus fermée mais ouverte à l’autre inattendu et encombrant ; où le cercle des sérieux sera bousculé par l’intrus.  

Martin Luther au cœur du 16ième siècle, dira : « le chrétien est la personne la plus libre de tous les hommes, il n’est assujetti à personne ; le chrétien est la personne la plus servante de tous les hommes, il est le serviteur de tous. »

En résumé, la foi qui est la nôtre, c’est :

·        Accepter de ne pas comprendre

·        Prendre en compte nos faiblesses et nos désirs de puissance

·        Entendre toujours à nouveau la question du maître

·        Comprendre ce qu’il fait lorsqu’il accueille, l’autre, l’intrus.

Se grandir devant Dieu, c’est bien se faire le serviteur, la servante de tous, sur le chemin comme à la maison !


Texte utilisé le 6 novembre au temple de la Fondation John Bost (La Force)






dimanche 30 octobre 2011

La "doxa" comme origine de "la gloire"














Ἀπεκρίθη Ἰησοῦσ, Ἐὰν ἐγὼ δοξάζω  ἐμαυτόν, ἡ δόξα μου οὐδέν ἐστιν: ἔστιν ὁ πατήρ μου ὁ δοξάζων με, ὃν ὑμεῖσ λέγετε ὅτι Θεὸσ ἡμῶν ἐστιν,


Jésus répondit : Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien. C'est mon père qui me glorifie, lui que vous dites être votre Dieu,
La gloire : celle exprimée dans les écrits du NT traduit le terme « doxa » plus de 200 occurrences. C’est "l’opinion" dans le grec classique, ou encore le sentiment, l’avis, le jugement ; mais aussi ce à quoi on s’attend, ce que l’on croit possible, la croyance, la doctrine, le ou les dogmes. Mais aussi encore la réputation, la bonne ou la mauvaise (selon Bailly). La "doxa" a quelque chose de visible, de l’ordre de l’apparence, le verbe « dokéo » signifie paraître, semble, donner l’apparence de, donner à voir…
La doxa commune c’est l’opinion générale, c’est ce qui semble pensé et cru par le plus grand  nombre ; c’est "l’opinion" manifestée dans des sondages  par exemple ou par les effets de la mode.
La doxa christique est moins évidente. La gloire que manifeste le Christ Jésus est à découvrir non dans des actes de puissance mais dans la rencontre, le soin, la parole partagée, la créativité mise en œuvre, bref dans une proximité ou se découvre une grandeur inattendue, une présence surprenante, une idée ou une croyance un peu folle et si j’ose dire « para-doxale » littéralement décalée ou à coté de l’idée commune et attendue.
On trouve  dans l’évangile selon Jean ce terme de  « gloire » dans la bouche même du Christ sur le départ, dans les discours d’adieux avant la Passion. Ici la plus grande gloire du Christ sera sa Croix. Son élévation sur celle qui prendra forme sur la croix. Sa gloire ne sera pas celle des hommes en quête de gloriole passagère mais celle d’une présence étonnante, inattendue, inouïe, qui viendra à tout jamais crucifier nos désirs de gloire, ou nos croyances traditionnelles sur la condition divine.

Καὶ νῦν δόξασόν με σύ, πάτερ, παρὰ σεαυτῷ τῇ δόξῃ ᾗ εἶχον πρὸ τοῦ τὸν κόσμον εἶναι παρὰ σοί.
Et maintenant toi, Père, glorifie-moi auprès de toi-même de la gloire que j'avais auprès de toi avant que le monde fût.

L’évangéliste veut sans doute dire que désormais, nos points de vue sur Dieu sur le Christ sur le sens de toutes choses doivent être revus, changés, pour laisser place à du neuf et de l’original. Le Christ est venu apporter un point de vue nouveau sur Dieu, les autres, la vie, le monde. Il attend que nous ayant un point de vue nouveau, neuf, renouvelé sur lui-même comme sur nous mêmes ; ainsi nous ne répèterons  pas la doxa commune, nous affirmerons celle qui est en train de naître en nous, lorsque nous lisons l’Evangile et y discernons la trace de Dieu dans le Christ Jésus.
L’apôtre Paul trouvera les bons mots pour décrire la nouvelle doxa dans son Epître aux Philippiens :

Comportez–vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus Christ :
6 lui qui est de condition divine n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu.
7 Mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme,
8 il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix.
9 C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au–dessus de tout nom,
10 afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, dans les cieux, sur la terre et sous la terre,
11 et que toute langue confesse que le Seigneur, c’est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père.




Merci à Philippe qui a permis ce commentaire.