dimanche 31 juillet 2016

Culte à Avignon le 24 juillet


« Nul n’est prophète en son pays ! » Luc 4, 24

Les dictons et les proverbes fruits et réflexions ou observations pragmatiques et populaires à la fois disent parfois à l’instar d’un croquis, disent mieux et autrement qu’un long discours

Les 30 chapitres du livre de Proverbes disent entre autres, cette sagesse populaire et ce bon sens dans lequel et par lequel nous devons essayer d’entendre une parole de Dieu :

« L’homme qui flatte son prochain tend un filet sous ses pas » ( 29,5) ; « mieux vaut réprimande ouverte qu’amitié dissimulée » (27,5) « Point de bœuf crèche vide mais taureau vigoureux, abondant revenu » (14,4). « On ne méprise pas le voleur qui vole pour se remplir le gosier quand il a faim » (6,30).

Ou encore « le charme vaut mieux qu’argent et or » 22, 1 – « qui sème l’injustice moissonnera la calamité » 22, 8 – « Ventre plein piétine les rayons de miel et à ventre affamé tout est doux même le fiel ! » - « Biens mal acquis ne profitent jamais mais la générosité délivre de la mort » 10, 2. Mais : « Aide-toi et le ciel t’aidera » vient plutôt de La Fontaine que de la Bible 

Les dictons et proverbes à cause de leur origine disent vrai mais en même temps ils ne disent pas tout de la réalité. Ils en disent une partie importante et n’ont jamais la prétention de tout dire, de tout décrire et de tout rassembler. Ils attirent notre attention sur un aspect important du réel ; ils illustrent une conversation ou un débat ; ils sont comme une ponctuation dans une parole en dialogue. 

Que pouvons- nous faire de ce : « nul n’est prophète en son pays » ! Qui signifie simplement que les gens connus par les leurs, par l’entourage n’arrivent plus à être surpris par ce qui est dit ou annoncé. Comme si une connaissance, une relation trop proche tuait détruisait l’étonnement et la faculté de la surprise accessible et recevable. La personne de Jésus n’est pas recevable pour les siens même s’ils reconnaissaient qu’une parole de grâce sortait de sa bouche qui les laissait perplexes et dubitatifs : N’est-ce pas le fils de Joseph ? Peut-il sortir quelque chose de bon du fils du charpentier comme l’écrit Matthieu. Peut-il se faire qu’un charpentier dira Marc, commente l’Ecriture et se mette à dire un accomplissement possible à travers sa personne même. Non, cela n’est décidemment pas possible !

Trop de connaissances des autres, tue la rencontre parfois avec les autres d’une part et d’autre part le renversement des réalités qui est ici opéré rend difficile une relation plausible, audible, possible.

Les hiérarchies des valeurs sont chahutées et dans la bouche de Jésus l’évangéliste Marc, prend un malin plaisir à la provocation. C’est bien Jésus qui « dictonne » et provoque ses auditeurs comme si sa parole, même vraie ne pouvait être pertinente pour celles et ceux qui l’ont vu grandir et s’établir dans la vie aux côtés de son père. « Nul n’est prophète en son pays » car on se connaît trop bien et l’étonnement véritable celui qui est créateur de questionnement est quasiment impossible. Peut-il venir quelque chose de bon d’un fils de charpentier et de même peut-il sortir quelque chose de bon d’une bourgade comme Bethléem.
La foi va naître lorsque deux images vont se superposer : celle du fils de Joseph et du charpentier et celle du Messie attendu qui réalise les projets de Dieu : car la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres, la libération aux captifs, le retour à la vue aux aveugles une année de grâce annoncée au cœur des tribulations du monde.
La foi va ne naître non pas d’une considération tranquille ; non pas de l’adéquation entre une attente et sa réalisation, non pas dans le droit fils de ce qui est connu et attendu depuis toujours. Non la foi va prendre naissance et prendre corps : dans la rupture, dans l’association des contraires, dans l’ambivalence des mots et des réalités, dans l’opposition apparente et bien réelle entre le fils de Joseph et le fils de Dieu. C’est dans le choc et l’opposition, c’est bien dans une tension entre des groupes et des personnes que va se tenir un chemin pour une bonne nouvelle difficile à croire et pourtant en train de naître.
La foi en Jésus Christ comme la foi de Jésus c’est bien une relation de confiance entre des personnes, des individus des sujets avant d’être une reconnaissance des statuts sociaux.

C’est sans doute cela qui est en train de se faire jour dans le rejet de Jésus par les siens. « Nul n’est prophète en son pays » car le fils ou la fille du pays est connu par les autres par son statut familial, social ; dans l’Antiquité et au début de l’ère chrétienne le sujet, l’individu n’existe pas en réalité. Il est une partie il fait partie d’un groupe plus vaste, social ou religieux ; on sait d’autre part que ce système de confréries en quelque sorte, a été très protecteur et très utile et qu’il a duré fort longtemps ; jusqu’à aujourd’hui d’une manière un peu folklorique
Au 1ier siècle de l’ère chrétienne, il est la structure même de l’Empire : les esclaves, les hommes libres, les grecs et les barbares, mais aussi, les collecteurs d’impôts, les aveugles et les sourds, les prostituées, les pharisiens, les gens de Béthanie, la parenté de Jésus, les scribes et les foules et bien d’autres encore ; l’évangile sera une bonne nouvelle qui va parcourir ces groupes et ses instances et en même temps la foi sera comprise comme une rencontre et une relation confiante entre quelqu’un Jésus et quelqu’un d’autre comme Zachée, Marie Madeleine Marthe et Marie, Nicodème et Paul par ex. Non pas des cas, non pas des numéros, des représentants officiels mais des hommes et des femmes enracinés dans la réalité qui reçoivent une nomination, une reconnaissance qui sont appelés par leur nom car désormais ils existent seul devant Dieu ; ils existent sans passer obligatoirement par leur statut social toujours utiles et dans les évangiles toujours valorisés.
La foi, se sont des personnes qui la vivent et en vivent ; des personnes et non des entités ; des personnes spécifiques en train de se libérer de leur statut en train de reconnaître dans l’homme Jésus et son histoire une histoire de Dieu pour elles pour eux.  Des personnes reconnues et qui acceptent d’être autres reconnues autrement que par leurs liens sociaux et personnels.
Le cadre, le statut :  l’artisan, le prof, le religieux, l’actif le retraité comme le chômeur, le bien portant comme le malade mais aussi sans doute le juif le protestant le catholique l’orthodoxe ou aujourd’hui « le musulman » ne disent pas bien qui nous sommes. C’est peut-être cela qui fait bondir les auditeurs de Jésus à Nazareth car ils sont comme nous d’ailleurs très attachés à leur groupe et très sûr que Jésus fait partie lui aussi d’un groupe bien précis.
La foi qui est en train de naître est celle qui sera en Christ : il faudra bien associer dans un choc et une tension difficile ce qui nous semble si liée et si évident : Jésus et Christ ; deux images deux réalités : la primauté de la personne, un homme Jésus et une fonction à laquelle rien ne semblait le prédisposer celle de Messie de Christ ; fonction qui porte les espérances d’un peuple.

Lorsque Jésus rencontre Zachée, Zachée rencontre Jésus comme Christ celui qui n’aurait jamais dû venir chez lui. Marie, un jour dit-on rencontre quelqu’un qu’elle prit pour un jardinier, une fonction qui se mit l’appeler par son nom et qu’elle reconnut alors sans pouvoir le garder pour elle.  Nul n’est prophète en son pays » ! Car pour entendre la parole prophétique il faut qu’elle fasse un détour par l’ailleurs par l’étrange par un circuit qui n’est pas en voie directe afin qu’au-delà d’une fonction réelle ou supposée, apparaisse quelqu’un comme une personne unique. Parfois il est plus facile de parler à des étrangers qu’aux gens de la maison. 

Parfois il est plus facile d’évangéliser au loin plutôt qu’auprès. Il est plus facile parfois de parler de Dieu à d’autres qu’aux personnes de sa propre famille. Parfois il est plus facile de parler à des étrangers qu’aux gens de la maison.
Ceci ne doit pas nous rendre pessimistes mais cela nous fait entrevoir que la foi que la relation à Dieu nous dépouille de ce à quoi nous tenons : notre cheminement, notre formation, nos propres découvertes.



La foi ici nous dépouille comme pour atteindre une forme si particulière que Paul appelle « Amour » et qui est identique à Dieu et non pas à ce que nous essayons de faire et de vivre. La foi comme la découverte du Dieu Amour qui pardonne tout, qui croit tout qui excuse tout qui prend patience qui ne plastronne pas et qui ne disparaît jamais.
La foi, la relation à Dieu par Jésus le Christ ce n’est plus ici la connaissance de notre environnement social ou familial mais la reconnaissance que Dieu nous a connu et comme il le dit à Jérémie, a et aura un projet de vie pour nous ; car dit-il au prophète : je suis et serai avec toi. « Nul n’est prophète en son pays » tant que ne tombe pas nos carapaces, nos étiquettes, nos préjugés et nos regards habituels sur les uns et les autres ; tant que ne tombent pas nos habitudes envers Dieu lui-même !