mercredi 17 janvier 2018

Visite à Berlin

Berlin le 14 janvier 2018. Lecture : Matthieu 2, 13-18
Installation Martine Matthey
Qu’est ce qui a motivé, décidé Matthieu à décrire brièvement "la fuite en Egypte" après avoir raconté la naissance de Jésus ? On peut penser à plusieurs raisons que je veux parcourir devant vous maintenant !
La première raison relève de l’évidence : partir ou quitter c’est vivre ! Le déplacement le mouvement c’est bien la vie elle-même.
Partir, commencer une nouvelle vie cela peut être agréable si c’est l’expression d’un libre choix et ressemble finalement à un voyage plus ou moins organisé ; c’est la version positive agréable d’un départ qui sait que, finalement un retour est toujours possible. Aujourd’hui, ici nous accueillons Martine qui elle aussi est partie sereinement et résolument ! 
Partir, aller vers une destination peu claire ; quitter son pays parce que la vie y est devenue impossible : voici que ce mouvement, ces départs sont aujourd’hui le sort de centaines de milliers d’êtres humains dans notre monde. Ces migrations humaines sont sans doute l’un des grands défis de nos sociétés. Et même si elles toujours existé- et les protestants français du 17° siècle ont connu cela et ici à Berlin en particulier -  elles sont devenues aujourd’hui plus visibles, elles sont devenues les causes ou les prétextes à bien des enfermements, à l’élévation de toutes sortes de barrières, comme à la manifestation de tous les replis identitaires et sécuritaires.
La deuxième raison : Partir ou quitter est une réalité biblique décisive et sans doute Matthieu s’adresse à des gens qui connaissent bien ce critère biblique.
Partir, quitter, aller vers, se mettre en route, cheminer sont des verbes de mouvement au cœur des traditions bibliques ; tout le monde bouge dans un monde qui finalement n’était si éloigné du nôtre. En fait tout le monde ne bouge pas, seuls bougent ceux qui y sont contraints et se déplacent celles et ceux qui vendent ou achètent ou visitent, ou qui ont quelque chose à dire à faire connaître à faire savoir. La migration est au centre de la révélation biblique. Adam et Eve vivent l’exil du royaume, Caïn la honte comme une fuite, Noé l’errance nautique, les gens de Babel la dispersion et l’éclatement dans la diversité des langues. Vous connaissez tout cela et même la suite avec Abraham, Isaac, Jacob et Joseph.
Et voici un nouveau Joseph !  « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, fuis- en Egypte et restes y, jusqu’à je te le dise … »
Troisième raison : La confiance en Dieu, la foi, ce qui nous attend dans la vie croyante n’est jamais hors de l’histoire mais dans l’histoire. Dans le concret d’une histoire tragique, violente et éprouvante… La foi n’est jamais idyllique comme pour nous faire rêver et pour échapper à la vie incarnée réelle des humains. Dieu vient en Jésus Christ au cœur d’une histoire chahutée, bouleversante et mortelle. 
On pourrait dire ici que la Bonne Nouvelle de Noël est inséparable de la fin et de la croix du Golgotha !
Nous avons parfois l’impression ou même nous ressentons parfois que la foi, la vie en Christ, notre relation avec Dieu, serait comme un îlot de stabilité au cœur des agitations, des mouvements et des secousses du monde.
Oui notre foi personnelle et notre vie d’Eglise se situe dans l’histoire du monde et en même temps cette histoire n’est jamais un destin, n’est jamais fermée à l’espérance. Dans la vie du monde mais nous sommes conduits et guidés comme va l’être Joseph lui-même : « Pars mais je te dirai la suite et les signes qui te permettront de revenir ! Tu n’es pas seul, tu es malgré tout accompagné ! »

Matthieu a bien fait de nous décrire sobrement cet élément tragique, il nous apporte beaucoup, nous interpelle et nous réconforte au cœur même de notre vie et de notre foi. Il accompagnera Martine et cette communauté non pas tragiquement mais avec la confiance que le Seigneur nous conduit et conduit notre histoire.
Je vous laisse 2 images : l’une tranquille celle du tableau de Rembrandt « la fuite en Egypte » dans l’obscurité la famille s’avance entre ombre et lumière, elle avance au pas de la monture, résolument. L’autre image plus dure : celles des hommes et des femmes dans nos villes sur nos écrans qui franchissent pays et mers pour trouver chez nous et ailleurs une espérance pour vivre. Notre foi est concernée par leurs départs et leurs arrivées ! Oui Dieu nous conduit et conduit notre histoire.