vendredi 30 novembre 2012

Temps de l'Avent : Prépare, réconforte, proclame...

Lecture : Esaïe 40, 1-13 et Marc 1, 1-8

Réconfortez, réconfortez mon peuple, dit votre Dieu.

Dans le désert… une voix dit : Prépare un chemin pour le Seigneur, relève le vallon, abaisse la montagne afin que la Gloire du Seigneur soit observée, vue et reconnue ; Une autre voix dit : Proclame mais que proclamerai-je ? Tous les êtres de chair sont de l’herbe et leur consistance est comme la fleur des champs, l’herbe sèche la fleur se fane mais la parole de notre Dieu subsistera toujours.

Le temps de l’Avent c’est le temps dit-on de la préparation de la venue du Seigneur. Mais tout cela est bien liturgique et répétitif comme pour nous entraîner à essayer de dire au cœur des fêtes de Noël, l’espérance de l’évangile de Jésus Christ.

En réalité le solstice d’hiver christianisé est devenu le moment de la naissance de Jésus ; aujourd’hui cette venue et ces conséquences sont perdues de vue par nos contemporains et nous voici aux prises avec une nouvelle tentative de proclamer à nouveau une espérance celle de l’Evangile ; et pour cela nous sommes tentés par la stratégie de la rupture : ce que vivent la plupart des hommes et des femmes qui nous entourent, avec cette débauche de lumières et de paillettes, cette course frénétique à la dépense maximum sans doute utile à notre économie nationale mais qui signale davantage encore la distance avec la foi en Christ comme renversement des valeurs. Nous sommes tentés par la stratégie de l’accommodation : au fond nous ne pouvons rien faire, rien dire : laissons faire et faisons ce que nous croyons bon pour nous et notre entourage. Participons mais avec modération et retenue.

Y-a t-il une autre voie à suivre et à vivre, entre la rupture et l’accommodation ?  Y a t-il une manière de nous préparer ou de préparer le chemin du Seigneur qui éviterait à la fois, l’isolement, le quant à soi des purs et de ce qui savent, des croyants véritables et le laxisme ou le relativisme des sans scrupules, prêts à brader l’exigence évangélique aux modes et à l’air du temps ?  

Je crois que les Ecritures nous donnent comme toujours des pistes à suivre, des codes à décrypter, des conseils à vivre, des élans qui nous portent, elles nous aident à ne pas renoncer, à ne pas nous couper des autres, à ne pas nous confondre et nous dissoudre dans le monde. Il s’agit bien de retrouver avec les autres, chez les autres, comme en nous-mêmes, ce qui semblait perdu et comme inaccessible.

La première indication c’est la consolation, le réconfort. Selon un sondage chez nous en France : la religion c’est d’abord un réconfort une consolation. Consolez mon peuple ! Consoler c’est rejoindre une solitude : cum-solatio.  Parlez à son cœur ; Parler au cœur c’est annoncer et vivre de la bienveillance de quelqu’un pour quelqu’un. C’est manifester dans notre vie que le Seigneur, le grand absent du monde, celui à qui, aucune place n’est faite, habite notre vie et se soucie d’elle et du monde. La préparation du chemin du Seigneur, l’évangélisation du temps de Noël c’est manifester que nous sommes, nous-mêmes réconfortez par la foi en sa Parole qui nous dit : je viens, je reviens.

Ici la question n’est pas de rétablir une vérité que les autres ou nous-mêmes auraient oubliée : Noël c’est la naissance de Jésus c’est bien plus que cela :l’attente de la venue c’est le retour c’est la marche c’est la rencontre du Seigneur vers nous et vers les autres. Celui qui était prisonnier revient, celui qui était loin s’approche, celui qui était absent nous croyons qu’il est là ; là où nous ne l’attendions pas, il revient autrement et bien plus que dans nos souhaits et nos désirs maladroits. Oui je crois qu’il faut dire que Dieu est absent du monde pour pouvoir l’attendre en vérité. Voilà notre consolation. La prise au sérieux de son absence est le gage de son attente et de sa venue. Le monde a raison : Dieu  n’est plus là ; mais vivre sans lui, vivre sans l’autre est-ce bien vivre ? Vivre dans la foi vivre de sa consolation et de son réconfort c’est vivre avec.

Dire à nos contemporains qu’ils vivent d’une absence et qu’ils s’agitent car cette absence est difficile et qu’elle suscite tous les élans de générosité éphémères tous les bons sentiments qui animent une quête sans fin vers on ne sait plus quoi ou qui. Dire et vivre car quelqu’un vient enfin apaiser et consoler ; quelqu’un vient à la rencontre de celles et ceux qui fabriquent et produisent d’innombrables relations passagères qui donnent le vertige. Consoler le peuple, consoler mon peuple c’est dire et croire que le vertige prend fin, enfin.

Evangéliser le temps de Noël c’est aussi parler ou prêcher… dans le désert. Je suis frappé de la place du désert dans les textes de Noël et ceux de son annonce. Le désert occupe on le sait dans la Bible une place centrale entre le Jardin initial et la Ville finale ; bien plus qu’une considération géographique il devient le lieu d’une résonance essentielle, d’une rencontre essentielle.

Dans le désert retentit une Parole. Parole et désert vont ensemble. Lorsqu’un juif dit le mot désert "midebar"  il entend si j’ose dire une parole "debar". De même qu’il fallait prendre au sérieux la réalité de l’absence de Dieu pour pouvoir annoncer qu’il vient. De même il faut prendre au sérieux la réalité du désert pour entendre une Parole. Le désert c’est là où ça parle vraiment. Le désert et la Parole qui fait vivre et qui donne un sens au monde, ne font qu’un. L’oasis c’est là où l’on discute. Un livre de la Bible s’appelle Désert c’est le livre des Nombres, c’est le livre où les hébreux vont se compter pour se rassurer et les traducteurs grecs et latins fascinés par les nombres l’ont appelé ainsi ; mais c’est le livre en même temps où l’on rencontre le plus souvent cette expression : Dieu parla à Moïse dans le désert. D’où son nom hébraïque.

Parler dans le désert – comme Jean Baptiste- est devenu pour nous synonyme de parole vaine, sans effet. Evangéliser Noël c’est laisser enfin parler la Parole qui vient du désert. Préparer le chemin du Seigneur c’est faire désert en nous. Non pas faire retraite et nous retirer, mais plutôt nous laisser envahir par la voix du désert où l’essentiel est enfin à sa place.

Le désert n’est pas toujours là où on le croit, il n’est pas toujours loin mais parfois tout prêt : notre vie ressemble parfois à un désert sans Parole, le monde et son agitation peuvent être comparés à un désert sans Parole ; Je suis frappé du bruit, de la sonorité de nos villes en particulier en ce temps de préparation de fêtes, du bruit surajouté dans les rues et les magasins toute sorte de musiquettes comme pour rendre inaudible une Parole comme pour empêcher l’acuité la qualité d’une Parole qui annoncerait une vraie bonne nouvelle celle de la venue de l’absent, celle de celui qui manque au sein du grouillement et de l’agitation des foules.

Croire en celui qui vient c’est passer par le désert. Le désert c’est le lieu nécessaire de la Parole qui fait vivre. Retrouver en nous le désert positif celui où l’on peut enfin entendre. Dire et montrer à nos contemporains qu’ils vivent dans un désert ce n’est pas juger ce monde c’est atténuer tous les bruits qui ne sont vraiment pas importants afin d’écouter enfin sans peur du vide ; c’est dire le cadre où une Parole de vie et d’espérance pourra retentir.  

Dire une consolation possible et vivre de cette consolation, Dieu vient : retrouver la vie du désert celle de la rencontre et celle de la tentation, entendre à nouveau une parole au sein de tous les bruissements du monde et enfin reconnaître la beauté, la simplicité et fragilité de ce que nous sommes.

 Que proclamerai-je ? Tous les êtres de chair sont comme de l’herbe, qui sèche même la fleur se fane peut importe. Nous ne sommes pas au centre. Malgré tous les efforts pour être importants nous sommes comme de l’herbe. Ce qui n’est pas rien d’ailleurs. Même dans le désert il y de l’herbe importante. Ceux qui se sentent piétinés et que l’on piétine : leur dire qu’ils ont leur place et que tous les êtres sont comme de l’herbe. L’herbe c’est la vie possible ; Que la terre, dit Dieu, se couvre d’herbe qui rend féconde sa semence, premier élément terrestre de la création. Oui de l’herbe pour servir à autre chose que nous-mêmes. Pour la joie et la vie des autres créatures. Pour mettre en valeur cela seul qui dure une Parole qui subsiste éternellement. Au sein du provisoire et de l’éphémère qui nous entourent nous pouvons croire enfin en ce qui demeure. Non pas nous-mêmes, non pas nos œuvres ni nos paroles mais être suffisamment dépouillés et simples pour accueillir celui qu vient.  Evangéliser la préparation de la fête c’est dire à chacun et à tous, notre condition devant Dieu. Notre condition devant les autres nous passons notre temps à la justifier à la valoriser. Recevoir avec reconnaissance notre condition d’être simple et fragile mais vivant devant Dieu voilà désormais l’essentiel. Nous vivons dans le grand théâtre du monde nous y jouons notre rôle plus ou moins bien ; Dieu se plaît à regarder la pièce que nous jouons, il nous en propose une autre, celle de l’histoire d’une rencontre avec lui qui devrait rendre éblouissante et plaisante toutes celles que nous jouons devant les hommes. 

Oui en ce temps de l’Avent il est encore temps d’attendre sa venue non plus de façon répétitive et liturgique mais avec l’élan renouvelé de notre foi. Le Seigneur absent, vient à notre rencontre c’est notre consolation et celle du monde. Il nous propose une rencontre dans un désert digne de ce nom ce lieu de retentissement de sa Parole, celle qui dure. Il nous prend comme nous sommes ni plus ni moins comme de l’herbe qui fleurie et qui se fane mais qui est utile et importante pour d’autres.

Le prophète Jean Baptiste résume bien notre condition d’enfant de Dieu il nous rappelle avec instance qu’au milieu de nous et non pas ailleurs, se tient quelqu’un que nous ne connaissons pas vraiment et qui veut nous rencontrer afin que nous puissions partager sa Parole et son amour avec tous ceux qui font du bruit et qui s’agitent.    

Parole de consolation,

Parole du désert,

Parole fragile, qui vient me rejoindre.

samedi 24 novembre 2012

Le livre ou l’histoire de Ruth...

Chapitre 3 par exemple :

1  Noémi sa belle–mère lui dit : « Ma fille, n’ai–je pas à chercher pour toi un état qui te rende heureuse ?

2  Et maintenant, n’est–il pas notre parent, ce Booz avec les domestiques de qui tu as été ? Le voici qui vanne l’orge sur l’aire cette nuit.

3  Lave–toi donc, parfume–toi, mets ton manteau et descends sur l’aire. Mais ne te fais pas connaître de cet homme jusqu’à ce qu’il ait achevé de manger et de boire.

4  Quand il se couchera, tu sauras le lieu où il se couche : arrive, découvre ses pieds et couche–toi. Lui t’indiquera ce que tu auras à faire. »

5  Elle lui dit : « Je ferai tout ce que tu m’as dit. »

6   Elle descendit donc sur l’aire et fit tout à fait comme le lui avait commandé sa belle–mère.

7  Booz mangea et but, et son coeur fut heureux ; et il vint se coucher au bord du tas. Alors elle vint furtivement, découvrit ses pieds et se coucha.

8  Puis, au milieu de la nuit, l’homme eut un frisson ; il se pencha donc en avant : voici qu’une femme était couchée à ses pieds !

9  « Qui es–tu ? » dit–il. Elle dit : « C’est moi, Ruth, ta servante. Epouse ta servante, car tu es racheteur. »

10  Alors il dit : « Bénie sois–tu du SEIGNEUR, ma fille. Tu as montré ta fidélité de façon encore plus heureuse cette fois–ci que la première, en ne courant pas après les garçons, pauvres ou
      riches.

11  Maintenant donc, ma fille, n’aie pas peur. Tout ce que tu diras je le ferai pour toi. Car tout le monde chez nous sait bien que tu es une femme de valeur.
 

 
L’abondance au passage des frontières….

L’homme frissonna. De froid, d’effroi, d’émoi. Il se tourna : et voici qu’une femme était couchée à ses pieds ! L’histoire est sublime, sobre mais de feu, toute de sensualité - des corps qui se découvrent - mais accordée à la pudeur - un tact de l’âme. Peut-on exprimer plus en disant moins ?

            La scène de nuit raconte un temps complet et une pointe du temps. Elle pourrait être une métonymie de tout le récit, contenir et déployer ce dont Noémi est le nom : ma douceur, ma grâce. L’histoire a commencé par une inversion et la grâce passe par une étrangère. Noémi est revenue amère des champs de Moab qui l’ont nourrie en période de famine mais lui ont dévoré ses hommes, époux et fils. La Juive exilée est de reste dans cette désolation : une peau de chagrin. En surplus cependant l’une de ses belles-filles, Ruth, l’étrangère, se fait compagne sur le chemin du retour, et comme retournée elle aussi du pays du malheur, offre une douceur de réserve au début de la saison des orges, présage source et ressources. Elle prend le relais, signifie un désir de vie, de jour a l’initiative et glane, de nuit se laisse conduire, accepte de s’exposer comme un épi sur le lopin de terre à racheter. A l’image de la jeune femme, le récit a un charme naturel, cultivé aussi, une élégance : de la grâce. Par son chant, la grâce de Dieu, son amour solidaire, sa bonté qui veille, s’écrit en minuscules dans les histoires humaines ; elle se joue dans la fidélité, l’acte de piété par excellence, et trouve ainsi grâce aux yeux d’autrui. Grains et corps, nourriture et filiation circulent en cette histoire qui raconte l’humain, pense les alliances, travaille aux frontières. Les deux registres élémentaires de la vie, se nourrir et s’épouser, superposent leurs figures et parfois les échangent,  pour traverser les distances, inventer aux oppositions du réel une médiation heureuse. Comme la nourriture est apprêtée, au repas des moissonneurs où la glaneuse est conviée - pain, vinaigrette, épis grillés -, le corps s’apprête pour la nuit de la rencontre - la peau est lavée, parfumée, revêtue. Et dans la réponse, la rondeur du châle où Booz a versé le grain, en abondance, à l’aube encore tiède où les formes restent floues, parle déjà, en secret, d’enfant.

            Au milieu de la nuit, à l’extrémité d’un tas d’orge, un frisson court à fleur de peau. L’homme s’éveille et découvre à ses pieds découverts une femme qui désire l’aile de son manteau pour la couvrir tout entière. Deux corps s’effleurent en leur frontière, la peau. Deux entités se touchent à travers eux, Israël, terre du Dieu roi, et Moab, antique contrée des filles de Lot qui ont extorqué à leur père ivre, en son sommeil, une descendance. Ruth rejoue le scénario autrement, elle qui a quitté père et mère, et pays natal, elle en qui Booz a reconnu ainsi une fille d’Abraham. Le récit ouvre-t-il une trace à la grâce dans les histoires d’inceste ? En tout cas, le frisson sépare la nuit en deux, il prélude à la reconnaissance. Une parole se lève dans le corps à corps, un dialogue s’instaure, l’admiration modèle la tendresse, l’estime se fait jour dans l’inégalité même et se montre réciproque. L’homme de valeur, le parent puissant qui peut racheter, n’est pas guerrier conquérant, il est celui qui reconnaît la femme de valeur. Sous le désir il déchiffre la loyauté et y accorde la sienne, il accueille le don mais respectera le droit. En un contrat social, il honorera la surabondance : elle se dévoile dans l’intimité mais fait passer les ponts.

dimanche 11 novembre 2012

dimanche 4 novembre 2012

Pierres Vivantes ...c'est Vous !

 Culte au temple de Libourne le 4 novembre 2012


Lire aussi : Josué 4, 9-24 – Actes 6, 1-7 et 7, 55 à 8,1.

 1 Pierre 2, 4-10 : « Vous aussi vous êtes comme des pierres vivantes ! Entrez dans la construction de la maison habitée par l’Esprit »

Depuis que l’humanité a quitté l’âge de pierre, elle n’a pas cessé de construire, d’édifier, de construire. Le travail de la pierre, son usage, sa complexité ont été les signes visibles d’une humanité qui s’est développé en construisant et en détruisant. La pierre c’est ce qui permet l’édification et en même temps ce qui permet la destruction : pierre sur pierre jusqu’à la pierre d’angle c’est le sommet de la construction et le caillou de la fronde comme le boulet du canon ou de la bombarde sont les premiers éléments les premières armes de la guerre. Il est un temps pour tout,  disait le sage : « un temps pour amasser des pierres et un temps pour lancer des pierres ».

Les pierres sont anciennes ; les grandes civilisations d’Assour à Babylone, des statuts géantes de l’Asie en passant par les ziggourats babyloniennes ou les pyramides d’Egypte , les routes, les arcs de triomphe, les aqueducs romains sont notre héritage direct comme le sont aussi les théâtres ou les amphithéâtres grecs ; la vie des hommes est lisible dans les pierres.  Pensons à la chute des tours jumelles à New York !

On pourrait dire que nos cultures et civilisations bien au-delà de nos individualités de nos personnes, sont de vastes lithographies c’est à dire littéralement des écrits sur de la pierre ou bien encore des pierres écrites. Même si nous ne les comprenons pas toujours comme les pierres dressées et sculptées de la civilisation celtique par exemple.

Dans cette permanence et cette priorité de la pierre construite détruite et reconstruite, apparaît le désir des hommes de se montrer, forts et puissants et en même temps signifier qu’il est utile important et nécessaire de durer. La pierre dans toutes ses manifestations apparaît comme le signe d’une espérance et d’une forme d’immortalité ou comme un gage contre l’oubli, un signe de mémoire, ce que deviendra ensuite le mémorial. Malgré l’usure ces monuments sont l’expression d’une volonté d’être là longtemps comme signe et gage de vérité ; les cathédrales qui deviennent des lieux de visites sont de cet ordre, un témoignage d’une foi d’une histoire passée et qui viennent à notre rencontre.

Le peuple d’Israël est probablement le seul peuple ancien qui n’est pas visible dans ces constructions et ces monuments. Comme s’il n’avait pas tout misé sur ce genre d’apparence ! Le mur du temple est particulièrement récent il est surtout symbolique et n’est pas un vrai monument : il ne se compare pas aux pyramides d’Egypte. Même si « un jour dans tes parvis en vaut mille ailleurs » et même si dit le psalmiste déjà : « j’ai choisi de rester  au seuil de la maison de mon Dieu et de loger sous la tente des infidèles » (Ps. 84,11) Le peuple d’Israël comme les autres a été fasciné par la capacité constructrice des hommes :  de Salomon en particulier discutant avec la reine Saba.

Mais la destruction a été plus forte et a été fondatrice de nouvelle  identité de nouvelle manière de vivre ensemble ; non plus autour ou dans le temple mais autour et dans une parole à lire à comprendre à prier à vivre.

Le Seigneur lui seul est mon rocher, ma forteresse, ma citadelle, mon asile protecteur.

On pourrait dire encore que la captivité égyptienne était celle de l’épreuve de la pierre à construire à édifier pour la gloire du pharaon ; casser des cailloux a toujours et partout signe d’humiliation du vaincu pour construire la gloire du vainqueur. Le peuple d’Israël ne se remettra jamais vraiment du souvenir reconstitué de cette épreuve de la dureté et il sera sera toujours présent.

De plus et comme pour renforcer ce souvenir difficile les tables de pierres celle de la loi divine directement écrite devront être brisées et détruites comme pour dire que cette loi fondatrice est gravée ailleurs que dans des pierres mais dans des vies dans des cœurs dans des histoires personnelles et communautaires. Bref, même les parvis, les degrés, les colonnes, les murs impressionnants, de tout cela, il ne restera pas pierre sur pierre.

"Tu es Petros et sur cette Pétra, c’est le latin de roc et rocher, j‘édifierai mon église" (Matth 16,18) Non pas je pétrifierai mon église, ni sur un trône ni dans un tombeau ; mais je la rendrai vivante comme le miracle d’une pierre vivante. Mon Eglise ne sera pas de pierre car elle risquerait de se lézarder sans cesse.

Etrange aventure de ce mot et cette réalité de la pierre. Jésus va s’en servir pour dire une nouvelle loi ou pour renouveler la loi de Dieu ; vous pouviez lapider et bien désormais c’est fini. Que celui d’entre vous qui est sans pécher lui jette la première pierre ! et le cercle se brisa et ils partirent les uns après les autres en commençants par les plus vieux. Et lui écrivait sur le sol (Jean 8, 1-11.) sur la poussière du sol…

Jeter des pierres non plus du faible vers le fort pour se libérer comme David à l’égard de Goliath, mais jeter des pierres par les forts vers le faible : jeter des pierres comme les gardiens du temple de la foi et de l’orthodoxie en jettent toujours et partout,  vers celui et ceux qui osent dire et faire une réalité, une parole et un geste nouveau. Ce sera par exemple, le meurtre d’Etienne le premier martyr ; ce sera l’approbation de ce meurtre par Paul ce sera son écharde à tout jamais au cœur de sa vie et de son corps.

Toujours une histoire de pierre. Qui nous ôtera la pierre, non seulement celle du tombeau qui nous empêche d’approcher du corps mais aussi la pierre qui pèse sur notre vie. Notre pierre, ce poids qui est là en nous et qui nous plombe disons-nous parfois. Le Seigneur, le Père, Dieu lui-même, vient ôter la pierre, trop lourde ; comme si quelqu’un était l à toujours là pour nous aider à remonter la pierre, pour la porter avec nous, tels de nouveaux Sisyphes ; pour la supporter, pour la remplacer par une autre peut être moins lourde.

Les pierres dressées par Josué au début de la conquête à Guilgal et cercle qui deviendra la Galilée, les 12 pierres dressées sont devenues vivantes ; elles se sont animées ; on pourrait dire qu’elles sont devenues les 12 fils les 12 tribus, les 12 apôtres, les premiers témoins de la foi à l’œuvre et en marche. Elles n’ont pas été transportées, adorées, elles n’avaient en elles-mêmes ni beauté ni prestance pour attirer nos regards ; elles étaient des signes, des réalités à imiter, des objets inanimés qui soudain avaient une âme, une vie pour la vie de l’autre et des autres.

L’image est étonnante : la pierre vivante. Il est plus usuel que les hommes soient transformés en pierre en statue pour qu’on ne les oublie pas. Ils sont morts et pétrifier propice parfois à l’adoration des autres.

Pierre et c’est un comble que ce soit uniquement Pierre l’apôtre ou son Eglise qui nous parle lui, de tout le contraire : « Approchez-vous de lui la pierre principale rejetée par les hommes mais choisie par Dieu, elle est précieuse ».

Devenez comme des pierres vivantes ! Ne devenez pas un poids lourds et morts  pour les autres mais soyez bien vivants !

Vous avez votre place, quelque soit votre forme voter compétence votre assurance votre foi, pour être un témoin actif et vivant de la construction commune ; ne méprisez pas les pierres, vous en êtes une ; observée votre place : où êtes-vous, du côté de la fondation, dans les murs qui ne se voient guère, du côté des façades, du côté du sol peut-être bref, il est sans doute possible de changer de place de faire l’expérience d’une nouvelle fonction d’un nouveau service.

Non pour la gloire de l’édifice, non pour la gloire des autres pierres, mais pour la seule gloire de la vraie pierre celle qui nous fait tenir tous ensemble pour que d’autres se sentent à leur tour pierres vivantes ; c’est dire témoins qui durent et s’usent mais attestent que la construction est en nous au service des autres pour les aider à porter et supporter ; grâce à Celui qui sans cesse est là pour transformer nos cœurs de pierres en cœurs de chair.

Pour nous aider à passer de la dureté qui est en nous, celle de notre cœur, de notre foi de notre regard à la miséricorde et à la compassion. Pierre dira : « vous qui n’aviez pas obtenu miséricorde mais qui maintenant avez obtenu miséricorde » !  Vivez de cela !  L’Eglise de Jésus Christ n’a besoin d’aucun objet d’adoration d’aucune personne supérieure aux autres d’aucuns lieux sacrés ou magiques.

L’Eglise de Jésus Christ a besoin de tous et de chacun c’est une communauté où personne ne peut dire : on n’a pas besoin de moi ; car nous sommes tous et chacun des pierres vivantes belles et plaisantes aux yeux de Dieu, qui crient et annoncent l’espérance et l’amour possible en ce monde.

Nous ne sommes pas là pour partager des pierres, mais le repas du Seigneur. Souvenez-vous : « si quelqu’un te demande du pain, quel est celui parmi vous qui lui donnera une pierre » ? (Matthieu 7,9) Le Christ invitant n’est pas pétrifié, il devient pour nous une puissance de partage.


jeudi 1 novembre 2012

Le lien de la mort et de la vie ?

Job 19 :

23 Ah ! si seulement on écrivait mes paroles, si on les gravait en une inscription !
24  Avec un burin de fer et du plomb, si pour toujours dans le roc elles restaient incisées !
25  Je sais bien, moi, que mon rédempteur est vivant, que le dernier, il surgira sur la poussière.
26  Et après qu’on aura détruit cette peau qui est mienne, c’est bien dans ma chair que je contemplerai Dieu.
27  C’est moi qui le contemplerai, oui, moi ! Mes yeux le verront, lui, et il ne sera pas étranger. Mon coeur en brûle au fond de moi.
« Moi je sais que mon Goël « rédempteur » est vivant… »
 
Jean 5, 24 :
 
En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit en celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle ; il ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie.
 
 Aucune religion n’échappe aux questions et aux réponses concernant l’au-delà, l’après. Comme chacun est concerné, pour lui-même comme avec ses proches, chacun apporte fortement et clairement ou timidement ou même en silence, des éléments de réponses à cette interrogation légitime, celle de l’après.
Au fond ce qui compte c’est l’avant et l’après ; et il faut bien dire que l’on s’est souvent servi de l’après pour justifier pour supporter le présent : les religions en ce sens ont été l’opium des peuples au sens où elles ont permis de justifier tous les malheurs et les crises dans l’espérance de jours meilleurs. La récompense, au futur a été un moteur pas toujours efficace d’ailleurs, de l’histoire. Lorsqu’on choisit la mort comme avec les terrorismes par exemple on espère des récompenses vitales dans le paradis, dans un au-delà. La conception de l’au-delà comme possibilité réparatrice du présent est une projection commode mais stérile ; elle peut être aussi un délire mystique qui ont conduit tous les illuminés chrétiens au martyr pour la bonne cause : comme pour hâter « un plus prés » de toi seigneur !
 
Sans aller parcourir les religions anciennes, il se trouve que dans la société civile il en est de même, l’au-delà s’est échappé du présent, le monde magique celui des sorciers, ou bien les autres mondes galactiques sont des manières relativement nouvelles de parler de l’au-delà.
 En Israël, au temps de Jésus, il y a débat et il y aura toujours débat. Certains croient en la résurrection des morts d’autres non. D’ailleurs peu de textes bibliques pour parler de cela, ce seront des textes tardifs et apocryphes qui s’en chargeront. La question de l’au-delà ne va pas de soi et heurte le réalisme, l’incarnation de l’action de Dieu dans l’histoire et dans la vie des hommes. Le Dieu d’Israël est dans la réalité lorsqu’on attend ou espère en l’avenir on voit plutôt une naissance dont on devient le père  ou la mère ou un bout de terre dont on devient l’acquéreur ou le gestionnaire.  L’avenir est un avenir terrestre pour nous ou pour nos enfants ou nos descendants ou nos alliés.
 
Que dit alors l’Evangile ? Dieu est le Dieu des vivants ; les chrétiens restent    fidèles à l’ancienne compréhension hébraïque ; la vie c’est plus que tout, c’est la valeur et la richesse ultime. Oui en ce sens là il y a résurrection comme un surgissement. Il y a résurrection en chaque vie, en chaque moment de l’existence.
La vie c’est aussi la dépendance totale à l’égard des autres comme de Dieu. Devenir en permanence, humain c’est attester ce primat de la vie donnée et reçue plus grande et plus forte que toutes les forces de la mort.
Ce n’est plus la lutte entre la vie et la mort comme le bien contre le mal ;  c’est une sorte d’affirmation que la vie est toujours là et sera toujours là car il y aura toujours quelqu’un de vivant qui devra s’occuper de la réalité de la mort ; seuls les vivants, au fond, s’occupe bien des morts.
Seuls des vivants s’occupent bien ou plus ou moins bien des lieux et des souvenirs ; c’est ce que l’on voit en ce moment dans les cimetières où le commerce de la fleur d’or témoigne d’une vie bien réelle et où le caractère incorruptible de l’or attesté par le chrysanthème s’oppose au caractère corruptible du corps enseveli.
Les évangiles disent aussi : il n’y a pas continuité entre le monde des hommes et le monde de Dieu : il y a rupture. Ce qui vaut aujourd’hui n’a pas cours dans l’au-delà ; c’est la raison pour laquelle toute description et tout calcul pour maîtriser le monde Dieu n’a aucun sens. L’avenir l’au-delà ne dépend pas de nous c’est bien le monde et la responsabilité de Dieu seul ; au fond nous n’y  pouvons rien, ni assurance ni contrôle ni maîtrise. La vie, l’existence humaine n’est ni un destin, une fatalité mais plutôt la possibilité d’une préoccupation des moments de la quotidienneté et un essai dé-préoccupation de l’au-delà.
Nos calculs et nos pronostics ne sont pas les calculs et les probabilités de Dieu.
Mais en disant cela L’Evangile ne répond pas complètement à la préoccupation métaphysique des humains. Mais est-ce bien utile de répondre ? Il faudra sans doute l’entendre cette préoccupation et trouver des mots pour l’exprimer et l’apaiser parfois.
« Moi je sais que mon Goël rédempteur est vivant… »
« Celui qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle… »
  • Job d’abord et Jean ensuite. Job sait de quoi il parle, il sait ce qu’il est en train de vivre. Il est l’humain, l’archétype humain dans sa radicalité. Pour lui, la mort ce n’est pas seulement après c’est bien au cœur de sa vie ; dans son corps, et dans son cœur dans ses oreilles, car il doit subir les bons discours de ses amis, qui expliquent et justifient ce qui lui arrive. Job est assailli de maladies mortelles et il est assailli par toutes sortes de croyances et les religions qui viennent dire leur solution, leur réponse.  
Au fond les traditions bibliques n’exposent pas de façon systématique et organisée ce que serait le dogme à croire à accepter au sujet de l’au-là. Il n’y a pas un condensé un résumé des réalités qu’il faudrait accepter et croire. Les Ecritures comme toujours comme pour nous aider de façon humaine et divine à la fois, nous raconte une histoire ; comme si le récit valait mieux que des articles de foi ; comme si l’histoire disait à sa manière un aspect particulier qu’il est intéressant de recevoir non pour croire dans l’après mais pour espérer pour aujourd’hui et sans doute demain.
 Dans sa souffrance et dans sa mort qui gagne sans cesse, le personnage de Job ne croit pas, il sait ; il sait que Dieu est vivant. Qu’il n’est pas mort, lui. Lui va sans doute mourir mais sa certitude pour l’au-delà c’est encore la présence d’un Vivant. Il sait que son Goël son défenseur, son aide, son avocat : le Nouveau Testament avec Jean dira son Paraclet ; il sait la présence non l’absence ; il sait la réalité d’une personne vivant et non la présence de la mort représentée. Il sait qu’il aura un entretien, une rencontre, il sait qu’il va au devant d’une parole avec sa parole mortelle et souffrante. Il est bientôt sans parole, il va rencontrer une parole non plus explicative et justificative mais une parole présente, une parole de Celui qui est là, Dieu lui-même comme la présence d’une Parole.
·         Jean aussi est là. La vie éternelle est un présent sous la forme d’une parole qu’il s’agit d’écouter et de recevoir et sous la forme d’une foi, d’une confiance en quelqu’un qui a envoyé quelqu’un d’autre. Jésus lui-même n’est pas une fin en soi il n’est pas l’ultime qui réside en celui qui l’a envoyé.
 
Ici nous trouvons l’affirmation centrale celle de la foi en celui qui a un projet pour quelqu’un. Dieu a un projet pour lui comme pour moi comme pour toi. De même qu’il y a toujours un semeur qui sortira pour semer de même il y a toujours quelqu’un qui a un projet pour quelqu’un d’autre. La présence du projet c’est Dieu lui-même qui a un projet pour moi comme il a un projet pour chacun comme il a un projet pour Jésus le Christ.
 La relation entre le Père et le Fils dans l’évangile de Jean va dire de façon continue, que la relation et la dépendance sont essentielles dans la transmission de la vie comme dans la transmission d’une Parole de Vie. L’écoute de la Parole et la relation avec celui qui envoie sans cesse fait passer de la mort à la vie.

Voilà une espérance nouvelle, neuve et simple comme une source d’espérance : il y a toujours quelqu’un pour nous, pour moi comme pour toi. Ces remarques de Jésus dans l’évangile de Jean se situe entre le signe de Cana et la multiplication du pain qui sera appelé le Pain de Vie.  Il y a toujours quelqu’un visible ou invisible qui s’occupe des convives, qui renouvelle les habitudes, qui donne en abondance et qui partage sans modération !
 
 
Notre visite des cimetières peut se faire de manière simple et tranquille ; se souvenir n’est pas un détail de notre vie mais sans doute une réalité essentielle. Si nous nous souvenons nous pouvons croire aussi que Dieu se souvient de nous.
Notre vie comme notre mort sont et seront dans la mémoire de Dieu lui-même ; c’est sans doute aussi l’au-delà. Etre tourné vers et croire en celui qui a un projet pour nous et qui nous adresse une Parole de Vie ; croire qu’il est le Vivant quoiqu’il arrive, reste notre seule et ferme espérance ; tout le reste, tout ce qu’on raconte, tout ce que l’on fabrique, toutes les descriptions des religions ne sont que littérature plus ou moins bonne !
Le pain et le vin de la Cène restent les signes les plus réalistes d’une vie et d’une mort dans lesquelles réside à tout jamais une espérance pour le temps et pour l’éternité.