Lectures : 2 Samuel 7, 1-16 – Jean 2, 13-25
« Le Seigneur t’annonce que le Seigneur te fera une
maison »
2 Samuel 7, 11.
Où
est Dieu ? Cette question simple et directe affleure derrière
l’affirmation du prophète Nathan devant le roi David ; elle se dissimule
aussi cette question de l’habitation divine dans l’action spectaculaire de
Jésus qui pour l’évangéliste Jean inaugure le ministère de Jésus. Alors que
cette attitude critique va clore pour les autres évangiles le ministère de
Jésus.
Où
est Dieu ? C’est une question tardive pour le peuple d’Israël puisque
avant David la question n’a pas de sens puisque l’évidence s’affiche
clairement : Dieu se tient complètement dans l’alliance dans la relation
qu’il a établie avec son peuple. Bien sûr, il fallût bien concrétiser tout
cela, est ce fut le rôle de l’arche précisément de l’Alliance itinérante,
devant laquelle dansa David.
Dieu
se tient dans sa Parole écrite, celle qui rappelle l’élection, l’alliance la
solidarité inaliénable entre Lui et son peuple. David le bien-aimé à qui tout
réussi ou presque veut aller plus loin et répondre à la face du monde à cette
question : c’est le projet de la construction du Temple.
On connaît la suite, destructions et
reconstructions scanderont la vie du peuple d’Israël et le risque sera grand de
figer la foi, dans des pierres ; et même des murs en ruines, sont
aujourd’hui au centre des processus de guerres et de paix.
Où est Dieu ? Le voici pour les premiers
chrétiens dans la personne de Jésus, le Fils et le messie attendu et
inattendu : le voici à l’œuvre dans sa vie, ses rencontres, ses paroles,
sa mort et sa résurrection. En lui la coïncidence entre Dieu le Père et l’homme
est presque parfaite.
Où est Dieu ? Dans le ciel comme pour dire
qu’il n’est plus ici comme une idole et comme pour dire que rien ne peut le
localiser ni l’enfermer. Là est bien la différence entre une idole et le Dieu
de Jésus Christ. On peut décrire l’idole on ne peut pas décrire Dieu et ses
représentations bien que souvent interdites, n’arrivent pas à le rendre présent
ni à le voir. Alors où est Dieu ?
Il est là, on
va le voir, où on ne l’attend pas, où on
ne l’attend plus ; il est là dans des lieux et des temps qui ne sont
souvent pas dignes d’un Dieu. Il est là dans des constructions imprévisibles et
qui sont fragiles car elles sont vivantes et dévoyées à la fois puisque le
risque est grand d’en faire un commerce, par des sacrifices fructueux pour
l’institution sacerdotale, d’organiser aussi un pèlerinage ; d’en faire
aussi et de fabriquer même des reliques et reliquaires de toutes sortes.
Les hommes et les femmes de tous les temps aiment
construirent, bâtir, édifier.
Cela fut sans doute nécessaire, pour se protéger des
climats et des autres, toujours menaçants. On peut facilement raconter
l’histoire humaine par la description de
leurs constructions : depuis l’aménagement ou la construction de
grottes préhistoriques, en passant par les huttes, les cités lacustres, les
pyramides, les remparts, les châteaux forts, les villas, les palais, les
immeubles et les tours, sans oublier les temples et les cathédrales, les
minarets et les mosquées et les synagogues, les maisons, les oratoires.
Construire, toujours construire, c’est la raison et
la grandeur de l’humain. Et cela est bon.
Mais où est Dieu, est-il dans ces
constructions ? Pas vraiment mais un
peu tout de même. La construction nécessaire est là pour incarner matérialiser
la présence car nous ne sommes pas de purs esprits, et avons besoin de repères
concrets et signifiants. Les lieux, nos maisons, nos appartements, nos lieux de
rencontres disent une certaine solidité, une certaine sécurité ; ils
peuvent exprimer à la fois l’intime, le privé et la relation et l’ouverture aux
autres, le passage.
Au peuple d’Israël, au temps de David, au faîte de
sa puissance, le Seigneur dit : tu veux construire un Temple ; c’est
moi qui vais construire pour toi une maison.
Au projet normal où se confond royauté, sainteté,
prêtrise, est substituée l’annonce de la descendance et des générations
successives qui vont combler et rendre évident nos besoins d’édification et de
construction.
Où est Dieu ? dans la relation entre toi et les
autres entre toi et les tiens entre ton peuple et les peuples entre ta famille
et les autres tribus et clans ; Où est Dieu sinon entre toi et toi let les
autres.
A David, le prophète Nathan donne, c’est son nom,
donne l’ordre et indique qu’il est urgent d’arrêter de construire pour Dieu,
car construire pour Dieu c’est se faire
un nom comme à Babylone. Et voici qu’en guise de construction figée grandiose
et immobile, Dieu donne la promesse d’un avenir vivant turbulent et
incontrôlable celui d’une dynastie, d’une descendance qui en étonnera plus
d’un.
Pour Jésus, Dieu n’investit plus dans la pierre qui
est devenu et qui risque toujours de devenir un enfermement, un dévoiement de
la présence.
Déjà pour David, Dieu n’investissait plus dans la
pierre, il le fera avec Salomon ; Dieu investit et s’investit dans la
relation au cœur d’une famille, au sein des générations. Avec David, Dieu
renouvelle de façon grandiose la promesse faite à Abraham en instituant une
construction nouvelle, comme un service à vivre, dans la vie concrète d’une
famille, celle du berger devenu le grand roi.
Deux personnages David et Jésus : parents et
étrangers l’un pour l’autre, un roi et un serviteur ; deux sortes de
bergers : ils sont au commencement d’une nouvelle histoire pour eux-mêmes
comme pour leur peuple.
La maison de Dieu est en construction, ces plans ne
seront ni ceux ni de David ni ceux de Jésus ; l’un avait rêvé d’une plus
grande gloire, l’autre d’anonymat ; leur destinée est changée, mais la
construction est à l’œuvre par eux, plus encore que pour eux.
Toute proportion gardée, nous sommes au bénéfice de
la parole annoncée et donnée à David par Nathan le prophète ; et nous
sommes au bénéfice de l’action initiale de Jésus qui nous dit le risque de
privilégier le rite ; de mettre en avant les à-côtés de la relation avec
Dieu au détriment de l’annonce et d’une relation qui deviendra prière. Nous
sommes les sujets d’une annonce : Dieu vient de façon troublante et
inattendue à notre rencontre.
Nous voudrions faire plus pour lui et avec lui,
comme si nous savions où il est et qu’elle est sa demeure. Il vient faire sa
maison chez nous, il vient habiter nos espaces personnels et faire vivre en
nous l’assurance d’un avenir dans lequel il se tiendra.
Nous voulions nous rassurer avec lui, il vient
habiter nos incertitudes et nos insécurités d’aujourd’hui et de demain ;
nous voulions être tranquilles, nous ne demandions rien à personne, satisfait
de notre sort même fragile et de nos bonnes relations avec Dieu ; habitués
à une langue des signes des habitudes ;
Nous voici
propulsés, envoyés au devant de la scène sans connaître le contenu de la pièce,
sans connaître le programme, appelés à faire confiance, à faire corps avec un
projet énorme : dire Dieu dans la rencontre et dans la relation ;
Si Dieu ne bâtit la maison ceux qui bâtissent,
construisent en vain. David et Jésus
sont aussi à leur manière les fondateurs de la communauté des croyants.
Ils accueillent une parole vivent d’une parole qui construit
en eux et au-delà d’eux-mêmes un nouveau modèle relations à vivre.
Ils sont les créateurs d’une communauté de foi, de
confiance car ils acceptent de recevoir le don d’une promesse ; celle d’un
avenir accompagné, la promesse d’un futur habité, humanisé, concret avec ses
moments faciles et heureux et ses temps de difficulté de doutes et d’amertume
dans lequel le Seigneur sera présent.
Voilà enfin l’habitation et la demeure de Dieu. Au
milieu des hommes et des femmes et en particulier auprès de celles et ceux qui
lui font confiance pour le présent et pour l’avenir.
Avec David et sa parole, avec Jésus et son geste
réformateur, la communauté de l’Eglise, à travers l’histoire de ces grandeurs
et de ses faiblesses est la réceptrice d’une double annonce celle d’une
promesse de construction et de reconstruction en nous ; et celle d’une
présence toujours disponible
Ceci n’est pas un principe ni un dogme ni un
théorème ni un postulat sur lequel nous pourrions échafauder, je ne sais quelle
théorie.
Cela ne peut devenir une certitude, que si nous
acceptons cette annonce pour nous. Cela devient une certitude si nous acceptons
que Dieu construise en nous sa vie, pour bâtir la nôtre où la confiance
l’espérance et l’amour se mettront à renaître et où le service du prochain
deviendra, le service de Dieu. Cela devient vrai lorsque nous laissons ce qui
encombre ce qui parasite ce qui détourne pour viser à nouveau le centre
l’important, l’essentiel ; Dieu est là proche et nul ne peut mettre la
main sur lui
Celui qui construit et reconstruit chez nous et en
nous, nous invite à construire et
reconstruire son amour et sa fidélité.
Nathan, David et Jésus, sont aussi nos ancêtres dans
la foi ; Ils sont les accompagnateurs de nos vies, ils nous donnent une
nouvelle famille ; ils sont pour nous, une promesse d’espérance pour notre
présent et notre avenir, là où est Dieu ; Là où il se tient, décidément,
pour nous : dans un geste de rencontre, dans une parole qui met en
relation.