samedi 17 décembre 2011

Noël : une histoire de naissance et de paternité d'abord puis de maternité bien sûr !!

Evangile selon Matthieu  ch 1 :

18 Voici quelle fut l’origine de Jésus Christ. Marie, sa mère, était accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint.

19  Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement.

20  Il avait formé ce projet, et voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint,

21  et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

22  Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète :

23  Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : « Dieu avec nous ».

24  A son réveil, Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse,

25  mais il ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.


       Moi, ce que j'aime bien dans l'histoire de Noël vue par Matthieu, c'est qu'elle est surprenante par rapport à ce que l'on entend d'habitude.

Ici, pas de crèche, encore moins d'âne et de bœuf, pas de bergers ; le héros de l'histoire, ce n'est pas vraiment Jésus, vu qu'il n'est même pas encore né, et encore moins Marie, que l'on évoque à peine. Ici, le héros, c'est Joseph.

Alors en cette avant-veille de Noël, je vais vous parler de Joseph. Le père. Enfin, un des pères. Ou plutôt, un père possible. Ou encore, une sorte de père... parce que le moins que l'on puisse dire, c'est que son histoire ne ressemble pas vraiment à celle d'un père "classique". D'abord, il n'est pas encore marié à sa femme et donc (en tout cas à l'époque) il n'aurait jamais dû être père ; et ensuite, il se demande si sa femme (future) ne l'a pas trompé avec un autre, et il en a la confirmation (biologiquement parlant en tout cas, il n'est pas le père de l'enfant à naître).

Si je résume la situation, cela donne : Joseph est le père de l'enfant d'une femme qui n'est pas la sienne, enfant qu'il n'a pas conçu et à qui il donne un nom qu'il n'a pas choisi. Sympa, enviable, comme position, non ? !
             Je ne lui en voudrais pas d'être en crise après une histoire comme ça et de se demander qu'est-ce que ça veut dire au juste d'être le père de cet enfant. Je le trouve très actuel et je me dis qu'aujourd'hui il pourrait être le père absent de beaucoup de familles dites "monoparentales", ou le père dépossédé des relations avec son enfant de certains divorces, ou simplement ce "nouveau père" qui se cherche, ne pouvant pas reproduire ce qu'a fait son propre père avec lui, parce que les temps, et surtout les femmes, ont changé.

Dur dur ! d'être Papa aujourd'hui ; père en colère, père malheureux, ou père obligé de se poser des questions sans qu'il l'ait vraiment désiré. Pas très facile tout ça ! Assez proche de l'histoire de Joseph. Lui aussi aurait pu se mettre en colère. Lui aussi a sûrement été malheureux de voir toutes ses ambitions familiales s'écrouler. Lui aussi est bien obligé de se poser des questions.

Cette histoire, c'est un peu comme quand on jette un caillou dans l'eau : on ne voit plus le caillou, alors qu'on distingue encore très bien les vagues qu'il a provoquées. La naissance de Jésus, nous n'en savons pas grand chose, surtout par la bouche de Matthieu ; c'est au détour de l'histoire de Joseph qu'elle est mentionnée : "Joseph fit ce que l'ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse mais il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eût enfanté un fils auquel il donna le nom de Jésus". C'est plutôt laconique comme description, et ne cherchez pas de plus amples détails, il n'y en a pas ! Par contre, Matthieu s'attarde sur les vagues provoquées dans la vie de Joseph par cette naissance.
Aujourd'hui, nous allons parler de Joseph. Ou plus exactement, de ce que l'histoire de Joseph nous dit de notre propre histoire avec Dieu.

On a rarement de rencontre directe avec le Seigneur. Par contre, il peut arriver d'être touché par une de ces vagues qui témoigne qu'il s'est passé quelque chose. Ces vagues, j'en vois au moins trois que je voudrais partager avec vous.

1. La première, c'est que cette naissance, pour Joseph en tout cas, ne se passe pas comme elle aurait dû. Les choses étaient prévues autrement ! Et d'ailleurs, tout, dans les lois et les usages de son époque, lui donne le droit de refuser cette naissance "hors norme". Sans d'ailleurs que l'on puisse vraiment le lui reprocher : on le comprendrait même assez bien de ne pas se laisser embarquer dans cette histoire !

C'est un juste, Joseph. Un de ceux qui a les pieds sur terre et du bon sens. Alors il voit tout de suite que, même s'il ne veut pas de faire de mal à Marie, ou le moins possible, cette histoire inhabituelle est risquée pour lui. Elle n'est pas "raisonnable" ; tout lui conseille de prendre ses jambes à son cou et de s'en aller.

Voilà, c'est comme ça que le Dieu de Jésus-Christ vient à notre rencontre : de façon imprévue et inhabituelle. J'irais même jusqu'à dire : de façon choquante pour les bonnes mœurs. Non, ce Dieu-là n'est pas "raisonnable".

Voilà qu'il bouleverse nos plans les plus sages et les plus légitimes.
Dieu ne ressemble pas à ce que nous avons prévu et imaginé. Il bouscule les règles établies, quelles qu'elles soient, même les règles religieuses. Il n'emprunte pas les autoroutes et ne se trouve pas aux rendez-vous que nous lui avons fixés d'avance. C'est peut-être dans les situations où tout nous dicte que nous devrions nous méfier le plus, qu'il vient à notre rencontre.

2. La seconde vague qui nous atteint dans cette histoire de Joseph, c'est la vague d'une certaine passivité de sa part. Il se trouve dans la position de celui qui subit.

Il n'est pas le géniteur de l'enfant à naître. Il ne décide pas de son nom. Et même quand Dieu lui parle, non seulement il ne lui avait rien demandé, mais en plus il lui parle pendant qu'il dort ; c'est presque à son insu que cette Parole se fait une place dans sa tête. Vraiment, Joseph n'y est pour rien dans cette histoire ! Il ne maîtrise rien de ce qui se passe, et se trouve être l'objet de quelque chose qui le dépasse et le concerne pourtant directement.

Voilà que sa vie va être irrémédiablement infléchie sans qu'il l'ait souhaité, et sans même qu'il ait un tant soit peu participé à ces évolutions. Le fait d'être père lui tombe dessus sans prévenir, alors qu'il aurait dû être le premier à "collaborer". Joseph doit faire le deuil d'être pour quelque chose dans la naissance de son fils. Le voici contraint à la distance et à l'humilité, il doit commencer à laisser tomber ce qui semble évident dans la paternité : pour lui, rien ne va de soi.

Qu'est-ce qu'être père ?
      Pas moyen pour lui de se raccrocher à une explication naturelle ou biologique. Pas de possibilité de rentrer non plus dans la définition légale qui s'impose dans le cadre du mariage. Pour Joseph, être père, c'est d'abord se laisser approcher sans trop résister par un événement qui lui échappe. C'est lâcher prise. C'est entrer dans une aventure qu'il n'a pas choisie et dont il n'a pas pris l'initiative. C'est commencer par accepter un mystère plutôt que de vouloir à tout prix tout maîtriser et comprendre. C'est accepter de donner à l'enfant un nom qu'il n'a pas choisi et qui dit le projet d'un autre pour cette vie à venir : Jésus, c'est-à-dire "le Seigneur sauve". Joseph doit même renoncer à réaliser ses rêves et ses désirs à travers son enfant ; accepter qu'il soit lui, et pas celui qu'il aurait rêvé qu'il soit. A Noël, Dieu vient à nous en Jésus-Christ de la même manière : comme une aventure qui s'offre à nous. Nous voici bien obligés de reconnaître qu'il y a là fondamentalement quelque chose qui nous échappe et sur lequel nous n'avons aucune prise. Ce n'est pas nous qui prenons l'initiative. Il nous faut même commencer par faire le deuil d'y être pour quelque chose, laisser tomber nos prétentions à être artisans de ce qui nous touche pourtant profondément.

Cela va complètement à l'encontre de nos manières habituelles d'envisager nos existences : nous sommes plutôt du genre "aide-toi, et le ciel t'aidera !". Ici, c'est le ciel qui vient toucher et rejoindre la terre, et nous n'y sommes pour rien. En tout cas, au point de départ.

Parce qu'ensuite, Joseph n'est plus du tout passif, il est même appelé à remplir une mission d'importance. C'est la troisième vague qui nous atteint dans cette histoire.

3. Sans Joseph, le plan de Dieu ne peut pas se réaliser. Voici que c'est à lui qu'il est demandé de donner une famille à cet enfant qui va naître. Dieu demande à Joseph d'adopter cet enfant : de lui donner une famille (en particulier une mère qui soit aussi sa femme), de l'inscrire dans une histoire en lui donnant un nom, c'est-à-dire de lui donner à la fois des racines (fils de David) et un avenir (il sera Jésus).

Dieu décide d'avoir besoin de Joseph, il a besoin que celui-ci entre dans son plan, fasse sienne cette histoire qui lui est tombée dessus sans prévenir. Il décide de ne pas se passer de lui, et même de lui donner un rôle capital pour la suite des événements, s'il l'accepte.

Voici donc qu'à Noël, Dieu offre à chacun la possibilité de faire sienne une aventure qu'il n'a pas choisie. Voici qu'il met devant nous un choix à faire, un oui à dire pour entrer dans son plan.

Non, nous ne choisissons pas grand-chose des circonstances de la rencontre avec ce Dieu qui vient vers nous et nous surprend, nous déroute et en même temps nous sollicite. Mais il nous appartient d'accepter ou non d'entrer dans cette aventure qui s'offre à nous.

La naissance de Jésus, il faut bien l'avouer, aura fait dans la vie de Joseph l'effet d'un pavé jeté dans la mare de son existence rangée :

— il pensait savoir ce qu'aimer voulait dire : désirer une femme, se marier avec elle, fonder une famille ; mais Dieu lui dit : non, aimer, ce n'est pas prévoir et organiser, c'est entrer dans une aventure ;

— il pensait savoir ce qu'être père voulait dire : transmettre des valeurs et des convictions ; mais Dieu lui dit : être père, c'est accompagner ton enfant tout en le laissant inventer sa propre histoire ;

— il pensait savoir ce que Dieu attendait de lui : qu'il soit un homme juste et conforme à ses commandements. Et Dieu lui dit : j'ai besoin de toi en tant qu'homme, avec tes limites et tes faiblesses, avec tes espérances et avec tes questions ;

— oui, Joseph, jusqu'à Noël, pensait savoir ce que vivre voulait dire : ranger sa vie au plus près de l'idéal qu'il s'était choisi. Mais Dieu lui dit : vivre, c'est plonger dans l'aventure, c'est lâcher prise pour se laisser rencontrer. Allez, vas-y, plonge ! Et n'aie pas peur : je serai avec toi, car celui qui vient s'appelle Emmanuel, "Dieu avec toi".

N'aie pas peur d'aimer Marie, je serai à tes côtés.
N'aie pas peur d'aimer l'enfant qui naît, Joseph, je serai père à tes côtés.
N'aie pas peur d'avancer, Joseph, je serai en marche à tes côtés.

En Jésus-Christ, Dieu jette un pavé dans la mare de nos propres existences plus ou moins bien arrangées. Aujourd'hui avant Noël comme à Noël, c'est à nous qu'il dit : vivre, c'est plonger. N'ayez pas peur des vagues : je suis toujours à tes côtés, hier comme aujoud'hui et demain.













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