mercredi 12 mai 2021

Jeudi de l'Ascension

 

Texte : Actes 1/1-11

Que signifie ce récit de l'Ascension ? C'est une séparation. Et c'est le début d'une grande aventure. Voilà ce qui arrive à ces apôtres que Jésus va quitter. Le maître, on ne le verra plus. Et aujourd'hui encore, sur la terre, ses disciples vivent sans lui, dans un temps... d'autonomie. Le maître n'est pas ici, il est parti. Ailleurs, dans le monde de Dieu, un monde qui n'est pas le nôtre. C'est comme un abandon, il faut voler de ses propres ailes. Ce n'est pas rassurant. Oui, mais c'est une aventure.


Quand on prend ainsi son autonomie, il y a d'abord un temps où l'on fait de gros efforts pour être à la hauteur. On a tout à fait conscience que l'on peut se tromper. On n'est pas sûr de soi. C'est vrai dans la vie professionnelle, c'est vrai aussi lorsqu'on entame une vie à deux. C'est vrai aussi à la naissance du premier enfant. C'est vrai quand on se retrouve seul après un deuil. Suivant le cas, il y a des doutes, des soins, des inquiétudes, des angoisses, des larmes. Il peut y avoir aussi de la bonne volonté, de l'ardeur à bien faire et à bien vivre. Et que de nouvelles possibilités à explorer !

Et puis l'habitude s'installe. On a le sentiment, alors, de maîtriser la situation, et cela de mieux en mieux au fur et à mesure que le temps s'écoule. Pour peu qu'il n'y ait pas de grande catastrophe, on suit de plus en plus tranquillement son petit bonhomme de chemin. On se met à dominer les situations... et parfois, on se met aussi à dominer les gens qui nous entourent. On risque de faire des bêtises. On risque de se compromettre dans des situations qu'on aurait au départ jugé malsaines.

Après deux mille ans de christianisme, les chrétiens ont souvent suivi cette courbe. Les premiers temps ont été difficiles, mais combien passionnants ! De la ferveur, de la pureté, du courage ! Et puis, petit à petit, on s'installe, on prend du poids dans le monde, on dirige, on enseigne, on domine, et même : on écrase. On se fourvoie dans toutes sortes de compromissions.

Notez qu'il est arrivé aussi qu'elles se soient rapidement développées, les Eglises, pleines de foi et d'enthousiasme, et puis qu'elles se soient lentement délitées, au cours du temps. La ferveur initiale disparaît lentement. Le temps a passé, la vie a tout raboté.

La communauté chrétienne qui vit sous le signe de l’Ascension est celle qui a derrière elle ; la croix et la résurrection et devant elle : Pentecôte ; c’est la communauté du souvenir de l’espérance et de l’attente.

C’est une communauté qui évite des risques pas tous sans doute, mais au moins deux grands risques :

1- Celui de se replier et de s’enfouir, disparaître aux yeux de tous. Le Maître n’est plus là, faisons comme lui, devenons une réalité une communauté invisible qui se rassemblera comme se rassemble des initiés qui auront accès aux codes et au mystère du Ciel ; c’est la communauté des purs et des élus qui refusent la relation et la compromission avec les autres comme avec le monde.   

Ce type de forme d’Eglise a existé existe encore peut être ; en tous les cas c’est un risque que nous courrons à titre individuel lorsque nous disons : ma foi cela ne regarde que moi ; elle est de l’ordre de l’intime conviction et de regarde personne : j’ai mes croyances et la relation à moi. Je rencontre souvent de personnes qui disent me disent qu’elles savent toutes seules, bien mieux que les églises et les chrétiens ce qu’il est bon de croire et de vivre. L’autonomie tout seul peut devenir est une illusion.

 


Se replier s’enfouir c’est aussi l’Eglise du secret ou plus exactement l’église qui a caché des secrets aux autres. Nous sommes alors en pleine actualité avec les débats sur le Da Vinci Code. Des mystères ont été confisqués ; les secrets du Ciel résidence principale de Dieu ont été révélé à quelques uns ; il s’agit de les garder de les préserver avec de grands risques de répression de condamnation des autorités officielles toujours manipulatrices et possessives. 

L’Eglise de Jésus Christ n’a rien à voir avec tout cela le message du Christ se déploie dans une longue chaîne d’interprétation faite par des hommes et des femmes dans le concret de leur histoire aux prises avec la réalité du monde avec ses souffrance set ses bonheurs ; l’Eglise de Jésus Christ est une Eglise de la Vie et dans la vie une communauté et des communautés historiques et précises qui rencontrent et accueillent mon histoire ma vie mon existence toujours mystérieuses mais toujours concrètes.

2- Le deuxième risque est celui qui est contraire au premier et qui a été longtemps parcouru par le christianisme à divers moments de son histoire : non plus le repli mais la présence exubérante qui occupe toute la place. Le Christ n’est plus là peut importe nous sommes là et nous allons le remplacer. C’est l’Eglise qui comble qui remplace qui tient lieu ; ce sont les croyants qui ne font plus de différence entre privé et public entre intérieur et extérieur entre cités des hommes et cité de Dieu pour le dire avec St Augustin.

C’est l’Eglise où le Grand Inquisiteur sait de la part de Dieu et mieux que lui, ce qu’il faut faire : en général extirper l’hérésie et qui le fait en général en éliminant tout ce qui gêne.  C’est ici l’Eglise ou les croyants qui se prennent pour Dieu qui croient qu’ils sont les seuls dépositaires du message du Christ et de leur Dieu qu’ils ont assimilé au point de le faire parler et agir par leur bouche et leur institution. Loin de l’enfouissement c’est la religion qui occupe toute la place. Il arrive que les petites communautés, les petites Eglises rêvent de grandeur et rêvent de ce modèle qui éblouit mais qui est en fait proche de la secte militante et qui se donne les moyens de réussir ; plus proche de la volonté de pouvoir que d’un service plus obscur et moins valorisant. On retrouve aujourd’hui des tendances dans le christianisme et bien sûr ailleurs dans toutes les religions ce regret cette nostalgie de l’affirmation de soi. On ne sait jamais remis vraiment de la conversion de l’empereur Constantin qui permit au christianisme de s’affirmer et de dominer sur les corps et sur les esprits.


La communauté chrétienne qui vit sous le signe de l’Ascension est celle qui a derrière elle la croix et la résurrection et devant elle : Pentecôte ; c’est la communauté du souvenir de l’espérance et de l’attente.

Une communauté du souvenir, non pas une communauté qui cultive les manifestations du souvenir de son histoire glorieuse ; mais une communauté de foi qui sait d’où elle vient ce qu’elle doit aux témoins souvent martyrs de la foi qui on transmis contre vents et marées leur espérance, leur idée leur compréhension et leur vision du monde et de la vie. C’est doute pour cela d’ailleurs que furent Ecrits les textes, les Ecritures ; en quelque sorte pour lutter contre l’instantanée le ponctuel et un présent qui se suffirait à lui-même.

Israël est appelé à faire mémoire et à se souvenir de ce que Dieu a fait et fait encore nous sommes aussi en ce domaine les héritiers de ce mouvement qui va rendre présent et actuel ce qui jadis a été vu compris et cru par d’autres qui nous ont livré leur témoignage celui du mémorial du souvenir en acte rendu actif et opérant au moment où on le vit où on l’exprime ; les grands faits de Dieu dans l’histoire, deviennent vrais et présents pour nous. Pour eux le Maître n’est plus là mais ce qu’il a dit ce qu’il a fait va devenir peu à peu important pour eux. 

Une communauté et une foi arrimées à une espérance. C’est une manière de dire aussi l’avenir. L’espérance que nous ne sommes pas à la fin d’une trajectoire fatale. Le Maître n’est plus là mais tout ne s’achève pas tout ne s’écroule pas immédiatement mais tout ou presque reste encore à vivre. L’espérance c’est la certitude que quoiqu’il arrive demain aura lieu. On interrogea un jour dit-on, M. Luther : si la fin du monde arrivait demain, que ferais-tu ? Je planterai aujourd’hui un pommier ! Pas très religieux, mais ferme assurance et foi enracinées dans l’espérance. Celle de la vie, espérance que notre trajet terrestre est conduit et guidé de bout en bout comme celui du Christ ; même si tout n’est pas compris.


Enfin c’est avec et après l’Ascension se constitue une communauté en attente ;
faire mémoire, être et vivre dans et de l’espérance apportée en Jésus Christ c’est aussi l’attendre. « Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Celui qui vous a été enlevé viendra de la même manière que vous l’avez vu aller vers le ciel. On sait que de nombreux groupes chrétiens ont tout misé sur ce retour ; ils en ont parfois prévu la date et montrer les signes fallacieux. Non nous ne savons pas, ne faisons pas de prévision comme pour mieux vivre l’attente comme pour qu’elle reste calme et serine.

Comme pour dire que Dieu conduit et continue de conduire le monde comme notre vie, notre histoire. Comme pour attester qu’il a été là qu’il est encore là malgré tout et qu’il sera là ! Lui qui été qui est et qui vient. Lui dont nous avons à nous remémorer les gestes et les paroles, nous souvenir pour les rendre vivants et présents. Lui qui place au cœur de notre vie une espérance de vie semblable à sa vie sur la terre des humains. Oui la communauté des croyants est en attente comme le veilleur attend l’aurore, comme l’ami attend l’ami, comme Dieu attend avec patience et bienveillance.

L’Ascension est un départ, qui laisse des témoins étonnés et joyeux, toujours aux prises avec la tentation de l’enfouissement ou de l’arrogance ; le départ de l’Ascension laisse toute sa place à la foi en Christ qui nous invite à nous souvenir, à espérer sans cesse et à l’attendre avec fidélité.

 





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