lundi 9 janvier 2017

Au Grand Duché du Luxembourg


Lecture : Marc 1, 29-45




« « ils lui dirent : tout le monde te cherche ! Et il leur dit : allons ailleurs… » Marc 1, 37-38.

Une vie c’est toujours un itinéraire, pour chacune chacun de nous, mais aujourd’hui ce rappel cette évidence vaut pour chacune et chacun. Pour les pasteurs c’est souvent vrai tant ils passent d’un lieu à un autre pour y vivre leur ministère, leur vocation. C’est vrai aussi pour leur vie personnelle, où les aléas de la vie succèdent aux joies et aux nouveaux départs ; cela est vrai pour vous, pour moi mais aussi aujourd’hui. On pourrait dire aussi que cela est vrai aussi pour Jésus, pour qui le but a été vraiment le chemin, le cheminement où se vivent les rencontres banales et essentielles.

Je voudrais poursuivre l’inventaire des lieux parcourus par Jésus, pour montrer qu’ils sont en quelque sorte un code, qui va dire le chemin que doivent parcourir les suiveurs de Jésus ses disciples, une fois qu’il ne sera plus là. Ou mieux encore ce parcours sera celui des disciples et des apôtres qui vont ainsi justifier leur démarche en lui donnant pour cadre et enracinement ceux de Jésus lui-même.

Ici imiter Jésus ce n’est pas seulement essayer de vivre et d’accomplir des gestes et des paroles qui ont été les siennes ; mais imiter Jésus sera le suivre sur les lieux de son périple, le suivre sur les lieux de sa trajectoire. La démarche du Christ est un parcours, ce n’est pas tour complet une sorte de giratoire c’est une progression et un recommencement comme une boucle que l’on peut parcourir dans un sens et dans un autre ; dans le sens des aiguilles d’une montre et dans son sens contraire. Aucun lieu n’est meilleur que les autres ce qui compte c’est bien les parcourir tous.

La foi au Christ c’est se déplacer en son nom sur ces divers espaces. Ici la foi n’est plus aux prises avec le temps qui passe ou avec l’histoire ; elle est liée avec la géographie ; la foi est une topographie ; elle se déploie et s’exprime en quelque sorte dans un décor, bien précis et ressemble à un itinéraire banalisé.

« Juste en sortant de la synagogue, ils allèrent avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André » Ils y trouvèrent la belle-mère de Simon Pierre qui était malade. On était dans une sorte de domaine semi-public semi-privé comme la synagogue. Réservé plutôt aux juifs ; nous voici dans le domaine privé celui de la maison personnelle nous dit-on ; cet aspect privé devient même intime par la précision de la description même sommaire de la maladie de cette femme. On est au cœur après tout du secret médical.  Jésus ici n’est plus l’enseignant et le thérapeute de la synagogue il devient le médecin et le conseiller personnel d’une famille ; il fait une visite dans l’intimité d’une maison amicale. On est dans le cadre de la vie personnelle de ses disciples.

On pourrait dire que la foi se vit aussi bien à la synagogue qu’à la maison. Il faudrait dire que l’espérance de l’Evangile cette bonne nouvelle qui vient à notre rencontre n’est pas réservée à la synagogue à l’église au temple ou à la mosquée ; la bonne nouvelle en quelque sorte s’échappe de ces lieux pour se déployer ailleurs. En particulier dans le secret d’une intimité familiale, où se trouve la réalité de la maladie, de la conjugalité (ici représentée par la figure de la belle-mère), de la cordialité ou la vie relationnelle entre disciples, s’exprime.

En nous disant ce parcours de Jésus passant de la synagogue immédiatement à la maison, l’auteur de l’évangile de Marc nous dit son espérance et nous l’adresse. Ce que vous appris de Jésus comme enseignant ; ce que vous avez appris dans votre jeunesse comme catéchisme devient opératoire efficace aussi dans un cadre nouveau celui de l’intériorité familiale où tout parfois a l’air simple et où tout devient aussi difficile. Où tout peut être bouleversé par exemple à la suite d’une maladie. L’espérance de l’évangile de Jésus Christ nous accompagne dans notre vie la plus privé la plus personnelle. La présence de Dieu près de nous ne s’exprime pas seulement de façon visible en allant à la synagogue. Cette présence nous rejoint lorsque nous rentrons aussi à la maison. Enfin sans doute la foi c’est finalement ce qui fait que l’on va de la synagogue à la maison et de la maison à la synagogue.

« Le soir venu après le coucher du soleil on lui amenait des malades, à la porte de la ville, la ville entière était rassemblée à la porte ». C’est la dimension publique de la foi comprise comme un salut semblable à une guérison. La foi sauve ; non plus entre nous qui partageons et croyions des réalités semblables. La foi ce n’est plus une relation entre celles et ceux qui se ressemblent comme à la synagogue, ou entre celles et ceux qui habitent sous le même toit comme à la maison. Ici un nouveau lieu apparaît, résolument public, et non plus caché mais ouvert aux dimensions de la cité ; c’est à cet égard une dimension politique de l’espérance en Jésus Christ est manifestée. La foi, Dieu, la religion concerne, pas seulement ceux qui y croient, mais aussi la vie sociale, la vie en société organisée. On sait les dangers et les abus d’une telle dimension et d’un tel projet.

Il me semble que l’auteur de l’évangile est prudent. On se mit à lui amener les démoniaques… à la porte de la ville. Non pas au centre, sur la place, non pas sur l’Agora où se décide et se traite les affaires de la cité. Ce n’est pas au cœur du système que Jésus intervient. L’hôpital de la foi et de l’espérance n’est pas au centre et ne se confond pas avec les pouvoirs. Il reste à distance sur un lieu frontière entre intérieur et extérieur ; La foi se tient sur une frontière sur une zone de démarcation entre zone libre et zone occupée. Jésus comme la foi ne prend la place de personne. Il rend un service non plus aux siens, comme dans la maison, non plus seulement aux adeptes comme à la synagogue, mais à tous dans la généralité et l’anonymat de celles et ceux qui en ont besoin. La foi, notre foi trouve sa place et son enracinement aussi à la porte de la ville. Là où passent ceux qui entrent et ceux qui sortent. Là où l’étranger et celui que l’on rejette se trouve et passe nécessairement. Là où « ceux que tous repoussent, je les accueillerai au nom de mon maître » disait John Bost.

La foi au Christ concerne la vie de nos cités. Non pour y faire la loi. Non pour remplacer ceux qui ont autorité sur la cité ; mais pour y manifester une présence qui interpelle qui est active comme pour dire aussi qu’il y a encore des choses à faire et en particulier pour prendre soin de celles et ceux qui passent et qui souffrent.  Tous les Diaconats, les Entraides, les Ong, comme la Cimade par exemple, trouvent à cet endroit celui de la porte, leur raison d’être, leur justification et leur espérance.
« Au matin à la nuit noire Jésus se leva sortit et s’en alla dans un lieu désert, il priait ».  Je suis frappé de cette proximité entre l’abondance des personnes et leur rencontre comme traitement à la porte de la ville et le retirement de Jésus dans un lieu désert.
La foi c’est la traversée entre la porte de la ville et le lieu désert. C’est ce qui fait lien entre l’action sociale et la prière, entre l’enseignement et la rencontre personnelle. Pour nous en général le désert c’est la solitude et c’est souvent vrai. Dans une mentalité orientale c’est aussi le lieu de la relation essentielle sans tricher. Jésus va au désert comme son peuple est allé au désert recevoir l’essentiel de son enseignement et de sa foi au Dieu du désert et de la montagne dans le désert. Désert c’est là où on reçoit la force et la réalité d’une rencontre d’une parole d’un échange vital avec les autres comme avec Dieu.

La vie de l’Eglise comme la vie personnelle de la foi ce n’est pas l’activisme qui nous fascine pourtant et qui nous guette et nous capte ; c’est aussi cette ascèse, cette relation avec Dieu qui fonde et nourrit toutes activités et relations avec les autres. C’est dans ce lieu désert que l’on cherche le Christ et qu’on le trouve. C’est dans ce désert aussi qu’il trouve la force et la capacité de nous entraîner ailleurs : « allons ailleurs dans les bourgs voisins pour que j’y proclame aussi l’Evangile ». C’est bien de là, du fondement que tout démarre et redémarre pour que l’annonce d’une bonne nouvelle soit accomplie, soit vécue. Le sens de la mission est au cœur de l’évangile. Il y a toujours des bourgs voisins à visiter et à parcourir. L’Eglise ne peut vivre sa mission que si elle ouvre de nouveaux espaces ; elle ne vit que dans la rencontre de nouveaux venus, rencontrés par ses membres.

Dans ce programme dans cette journée de Jésus, ce sont au moins 24h bien remplies et  qui s’équilibrent et qui s’appellent dans une solidarité efficace.
La foi la relation à Dieu notre vie dans l’Eglise se compose de lieux ou de pôles différents : la synagogue (l’enseignement) la maison personnelle (l’intériorité) la porte de la ville (l’extériorité sociétale) le lieu désert (la relation à Dieu dans une ouverture la plus vaste possible) et les bourgs voisins qui attendent, nous attendent. C’est le passage de l’un à l’autre qui enrichit et dit complètement la réalité de la foi. Ce sont ces lieux qui édifient et fortifient notre foi.

Nous sommes plus sensibles et plus habitués à un ou des lieux, plus que d’autres. Le Seigneur nous attend aussi sur les autres moins connus moins familiers. Il nous y attend pour nous accompagner et soutenir notre espérance pour nous-mêmes, ceux qui nous entourent et les autres plus loin.



























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