vendredi 4 janvier 2013

Epiphanie : ce qui est manifeste ou manifesté, ce qui se laisse voir....


« A la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie… ils lui rendirent hommage et … se retirèrent par un autre chemin » Matthieu 2, 1-12

C’est l' Epiphanie, c’est à dire en français une manifestation, qui a pour fonction de se faire voir. Les dieux et les déesses dans l’Antiquité restent le plus souvent dans le monde des dieux et des déesses mais de temps en temps ils s’offrent une manifestation sur un autre terrain celui des humains par exemple. Ils se font voir et admirer. Aujourd’hui ce ne sont plus les dieux mais bien des humains de chair et de sang qui se font voir, et se manifestent ! Par exemple :  l’armée israélienne a fait son épiphanie ! en entrant dans le territoire de Gaza...

Un roi grec régnant sur la Judée ancienne se fit appeler Antiochus IV Epiphane (175-164 av JC); il se révéla un persécuteur des juifs qui se révoltèrent et furent persécutés ; il se vit voir, se manifesta en dédiant le temple de Jérusalem à Zeus Olympien, ce fut la désolation de la désolation !

C’est l’Epiphanie de Jésus ; il se révèle sans rien demander à personne, il n’envahit personne et  se fait voir à ceux et celles qui le veulent bien. Il nous en reste des traces, visuelles et gustatives, celles des rois mages avec la galette des rois qui se manifeste comme une couronne et qui suscite par la fève trouvée la possibilité d’être à notre tour des rois et des reines éphémères qui peuvent venir à leur tour rendre leurs hommages : on a perdu seulement la fin de l’histoire et sa signification relative à l’enfant de la crèche !

Le texte de l’Epiphanie de Jésus dans la description de la venue des rois mages vient nous interpeller dans plusieurs directions.

1- La mondialisation d’abord. Elle n’est  pas une nouveauté ; le monde gréco-romain s’identifiait au monde ; certes on savait qu’il y avait de la périphérie mais au-delà du périphérique ! C’était bien des barbares. Ici avec Matthieu apparaît concernant la place et le rôle de Jésus la venue d’un autre monde positif, cultivé, savant, riche, et laudatif. Dés le début de son évangile, Matthieu qui avait institué la venue du Christ au cœur du peuple d’Israël, voici que l’universalité du personnage de la crèche est reconnue par un ailleurs qui vient de loin et qui n’est plus menaçant. 

Désormais et selon lui, il faudra se méfier du centre et de l’intérieur représenté par Hérode et voir d’un autre œil ceux qui viennent de loin et qui savent aussi et qui croient aussi.

La personne de Jésus, ses actes et ses paroles, sa destinée même, de la crèche à la croix et pour la foi de ses témoins de la croix à la crèche, tout cela doit être accessible à tous, doit revêtir une forme d’universalité.

La foi chrétienne est peu sensible à la mondialisation si cela signifie : concentration de connivence et d’absence de pluralité. La foi chrétienne est sensible surtout le jour de l’Epiphanie à l’universel. C’est à dire à l’événement particulier qui a lieu une fois pour toute, dans un cadre bien précis et qui s’ouvre et qui est accessible au plus lointain. Le message du Christ est pour tous. L’universel et le lointain sont participants de l’événement spécifique. Quelqu’un a dit que l’universel « c’est le particulier moins les murs » !

Tous les évangiles vont être sensibles à ces deux dimensions qui se rejoignent : le lointain et le proche, le public et le privé, le politique et le religieux, l’intérieur et l’extérieur, le particulier et l’universel. L’évangéliste Luc remplacera les mages par les bergers comme pour dire qu’on reste avec lui à l’intérieur du cadre mais que l’on va chercher dans cet intérieur les plus ordinaires et les plus frustes des personnages de l’histoire. Le plus juif des évangiles celui de Matthieu a besoin d’air et d’élargissement avec les Mages. Lui qui ne croit qu’en l’Ecriture et la parole de Dieu, il va donner droit à une autre culture qui va lire non pas son Ecriture juive mais l’écriture du ciel celle du parcours de l’astre, qui les remplit de joie.

Tout cela nous concerne, frères et sœurs. Et tout cela revêt pour les Eglises chrétiennes une grande importance aujourd’hui. On pourrait dire qu’il y va de notre crédibilité et de notre fidélité au message premier de l’Evangile de Jésus le Christ.

2- Si l’Epiphanie c’est bien une manifestation universelle de Jésus comme Christ, faut-il dire que ce christianisme est universel et qu’il concerne toutes les cultures et tous peuples ? C’est bien comme cela qu’il s’est répandu qu’il a gagné en audience et qu’il est allé avec souffrances parfois de Jérusalem à Rome en passant par Athènes et Constantinople. C’est, selon cette stratégie de l’universel qu’il a été dominant et dominateur, absorbant tout apport étranger et rejetant surtout toute discordance au nom d’une d’unité qui se voulait universelle.

Nous n’en sommes plus là. Nous disons aujourd’hui : chacun sa zone d’influence ; si vous appartenez à telle culture par ex. l’indonésienne vous serez plutôt musulman, si vous êtes Indien vous serez indou, si vous êtes occidental vous serez chrétien… Les chrétiens ont renoncé à convertir le monde. Il se trouve que d’autres religions ont des tendances universalistes très fortes aussi  ne sont-elles pas prêtes à renoncer au prosélytisme et à la conquête.

Il arrive qu’aujourd’hui au nom du respect de chacun, nous renoncions à la proclamation à l’annonce ou en ce jour à l’Epiphanie du Christ nous renoncions à affirmer sa pertinence non seulement sur ma vie mais aussi sur la vie de monde entier tel qu’il est.

Nous savons bien quelles erreurs et tragédies peuvent conduire des aveuglements et des fanatismes chrétiens. Aujourd’hui il arrive que ce ne sont plus les chrétiens qui imposent ou persécutent ; mais il arrive qu’ils soient persécutés et qu’ils n’arrivent plus ni à dire leur foi ni même à exister comme chrétiens ou comme Eglises du Christ.

Y-a-t-il une autre voie entre une indifférence trop respectueuse et une domination roulant comme un rouleau compresseur ?

3- Il me semble que cette autre voie se décline par l’engagement personnel de chaque chrétien. Cette autre voie renonce définitivement à passer par l’intermédiaire des pouvoirs humains pour dire la foi chrétienne. A cet égard, le texte de l’Epiphanie est subtil. La relation avec le roi Hérode s’établit à l’arrivée ; après la rencontre de l’enfant de la crèche, elle est délibérément rejetée. « Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner vers Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin ».

Nous sommes appelés à découvrir à inventer et à parcourir cet autre chemin. L’Epiphanie nous entraîne non sur des chemins trop connus, ceux que l’histoire a bien souvent parcourus ; mais sur un ou des chemins nouveaux, ceux sur lesquels notre foi dans une version non timide mais assurée, ira à la rencontre de tous et de chacun quelque soit son passé, son enracinement, quelque soit sa culture. La foi chrétienne n’est peut être pas la seule foi possible mais nous croyons que c’est sans doute la moins pire ! 

Certes chacun peut exprimer sa religion, sa foi, ses croyances, dans le respect des autres différents ; la foi chrétienne ne renonce pas à être transmise et annoncée pour que d’autres la rencontre et se mette à en vivre. La foi chrétienne qui rencontre l’universel le jour de l’Epiphanie n’abdique pas et ne s’enferme pas dans des murs et des églises ; elle ne s’enferme pas dans des consciences individuelles mais elle est résolument tournée vers les autres différents ; la foi chrétienne née à l’intérieur et ne vit que dans une extériorité celles des autres différents.

Il se pourrait que les chrétiens soient trop timides, par respect des autres. Il se pourrait que notre foi soit trop timide car trop limitée à nous-mêmes, trop enfermée dans notre for intérieur.

      Le jour de l’Epiphanie, cette foi ose la rencontre et ose se dire à d’autres afin qu’ils connaissent aussi comme les mages en Judée et comme les chrétiens, une vraie et grande joie.

     Comme le disait déjà le prophète Esaïe : « Mets–toi debout et deviens lumière, car elle arrive, ta lumière : la gloire du SEIGNEUR sur toi s’est levée ! »

 

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