mercredi 26 décembre 2012

25 décembre aux Bordes sur Arize ! (Ariège, 43° 06′ 21″ N 1° 22′ 16″ E)


Lectures Esaie 9, 1-6 ; Luc 2, 1-20

L'Evangile c'est une parole qui court parmi les vivants et qui à tout moment se délivre et nous délivre de nos doutes et de nos certitudes, de nos déprimes et de nos errances et nous donne le courage d'être à nouveau. L'Evangile nous fait naître à nouveau.
 


Alors celui qui n'a pas trouvé d'accueil, nous accueille, celui qui a vécu ses premiers jours dans l'atmosphère troublée des recensements  policiers et d’identité nationale, nous  réconforte,  celui  que seuls les bergers, routards et marginaux ont reconnu, nous reconnaît.

Telle est, frères et sœurs, la Bonne Nouvelle de Noël. Ce qui était attendu commence d'arriver, ce qui était souhaité, se passe. Les premiers chrétiens en écrivant les récits de Noël ont tenté de dire que Dieu, une fois encore,  cette  fois  surtout,  intervenait  de manière radicale  et  paradoxale dans  la vie de hommes,  des femmes et des enfants.  Ils ont pour nous concentré toutes  les  espérances  de  leur peuple ; ils  ont récapitulé et raccourci toute l'histoire afin de la faire  résonner  dans  la  réalité  d'un  petit  enfant naissant.

Si les hommes ont marché sur la lune froide et vide, voici qu'ils disent que Dieu lui même vient marcher sur la terre bruyante et pleine de la vie des femmes, des hommes et des enfants. Telle est, frères et sœurs, la foi de Noël.

C'est la foi en un vaste et puissant rapprochement, qui s'exprimera à jamais dans la faiblesse et la précarité.

Noël c'est le grand rapprochement : ce qui  était éloigné,  s'approche,  la périphérie et  le centre  se mettent en étroite relation ; un vrai rapprochement qui ne va pas se figer, s'immobiliser ou s'arrêter mais se poursuivre et permettre à tous, à chacun d'aller plus loin et continuer sa route et sa vie afin de se sentir accompagné précédé et suivi de la présence d'un vivant qui ressemble à une parole qui demande à naître toujours à nouveau.

Faisons l'inventaire de ce rapprochement de Noël. Les  auteurs  bibliques  et  Luc  en  particulier  ont souhaité  situer  leur  espérance  dans  le  cadre  de l'histoire profane, réelle des hommes : César Auguste, le  monde  entier,  Quirinus,  la  Syrie. C'est le rapprochement de Dieu  avec  l'histoire  humaine  et contemporaine, celle qui nous inquiète, nous fascine, nous menace et nous intéresse. Ce qui pourrait paraître le plus  éloigné  des  préoccupations  religieuses  des hommes : l'organisation du monde - devient la cadre de l'espérance et de la foi de Noël. L'horizon ne peut être d'abord que celui d'une solidarité humaine large et totale ; les personnages du monde,  les pouvoirs et les injustices des hommes deviennent concernés ; Celui qui est annoncé et décrit comme Sauveur et Seigneur ne ressemblera  pas  aux  seigneurs  et  sauveurs  humains, constamment fragile il ne cessera jamais d'apparaître critique et menaçant à l'égard de tous les pouvoirs : le salut des hommes n'est pas une réalisation humaine et pourtant il se tient dans l’histoire, c’est le paradoxe de la foi de Noël.

Le deuxième élément de cet inventaire réside dans sa datation, dans la cadre d'une contrainte au temps de Quirinus. On ne rejoue pas chaque année Noël, on ne -revit pas, on ne redit pas Noël. C'est fait. Il s'agit bien maintenant et cette année de dégager de mesure et de repérer l'ensemble des conséquences de cette expression de foi et d'espérance.

Rapprochement  avec  l'histoire  générale  mais  aussi rapprochement  au  cœur  de  la  tradition  du  peuple d'Israël,   au  cœur  de  la  tradition  familiale. Convergence efficace entre un homme et une femme qui deviennent le cadre de la proximité de Dieu avec son peuple.  Avec Joseph et Marie,  avec Bethléem et la Judée,  avec  David  c'est  toute  l'histoire  d'une tradition  qui  se  trouve  récapitulée  et  contestée. Israël lui même est appelé à changer ses pratiques et ses  habitudes;  si  la  nouveauté  naît  au  sein  des traditions c'est aussi pour les transformer. Ce qui a été jadis réalisé, n'est ni perdu ni oublié, mais là n'était pas le salut. Voici qu'aujourd'hui, au présent, le passé du peuple est mis à jour et à nu il est actualisé ; l'histoire d'Israël n'est pas seulement 1' histoire des ancêtres glorieux et vénérables, voici que l'attente continue d'un Messie va s'exprimer dans celle de deux illustres inconnus, Joseph et Marie.

L'histoire de Dieu sur la terre des hommes n'est plus celles des héros  mais  plus  sûrement  celles  des  oubliés  de l'histoire.   Tous   ceux  que  l'on  allait  oublier redeviennent importants. Le passé glorieux affleure dans la vie inattendue de gens ordinaires. Noël   dans   l'histoire   générale,   dans   l'histoire particulière d'un peuple, mais aussi dans l'histoire cosmique et théologique ; Noël c'est aussi la proximité du ciel et de la terre. Là encore les médiateurs sont surprenants: des bergers agents étonnés et curieux de ce rapprochement.  Ce qui les caractérise d'ordinaire c'est  plutôt  la  rudesse    1'apreté  plus  que  la bienveillance et la douceur ; les voici compromis dans l'espérance et la foi de Noël. Lorsque la foi nous permet de dire que Dieu vient parcourir la vie et la terre, des  hommes les plus éloignés de ce genre de préoccupations reçoivent la capacité d'y entrer et d'y participer. La révélation divine n'est pas promise aux mystères elle n'est pas réservée aux tourmentés,  aux amateurs  de  l'extraordinaire,  voici  qu'elle  passe désormais  par  ce que  nous pensons  souvent être  la périphérie ; non seulement les oubliés de l'histoire, mais aussi les exclus de l'histoire. Débarrassés de toutes   les   fausses   préoccupations   des   hommes, affrontés à la dure quotidienneté, aux problèmes vitaux et  réels  de  l'existence difficile  et  menacée,  les bergers  sont  les  anti-héros  et  les  porteurs  d'une révélation qui les dépasse peut être,  mais qui les concerne surtout.

 Enfin il me semble, que l'on pourrait aussi souligner un dernier rapprochement, celui qui a lieu dans la personne  même  de  Marie ;  il  est  signe  de  tout rapprochement qui s'effectue en nous-mêmes, entre le raisonnable et  l'incroyable,   entre l'acceptation personnelle et le don, le partage avec tous autres. C'est  ce  qui  se  passe  sans  cesse  en  nous  comme tiraillement entre ce qu'il est possible de faire, de croire de penser. C'est la découverte d'être soudain concerné  par  ce  qui  était  inespéré  et  sûrement incroyable. Frères et Sœurs, ces divers rapprochements sont pour nous les lieux où peut s'exprimer et s'actualiser notre foi et notre espérance de Noël.

Noël c'est l'enfant et César. Il y avait en ce temps là un César Pontifex, qui se disait Auguste et ne faisait rire personne, il imposait la présence de ses légions à tous les peuples, il se disait sauveur et réduisait les étrangers à l'esclavage, il se disait seigneur et le ciel et la terre étaient fermés à l'espérance. Là où nous sommes comme nous sommes nous avons à faire le lien et le rapprochement entre notre espérance et notre foi de Noël avec la vie de notre monde.

 Noël c'est l'enfant et Israël : II  y  avait  en  ce  temps    une  religion  et  des religieux, qui faisaient certes ce qu'ils pouvaient; mais leurs rites et leurs pratiques s'épuisaient; il y avait les purs et les autres, les bons et les autres. Là où nous sommes comme nous sommes nous avons à faire le lien et le rapprochement entre notre espérance et notre foi de Noël avec l'usage que nous faisons de la religion, de ses signes et pratiques au service d'une fidélité plus exigeante et renouvelée.

Noël c'est l'enfant et les bergers. Il y avait en ce temps là des gens de la périphérie, les banlieusards dans tous les domaines ; l'authenticité de  l'engagement  des  chrétiens  et  sa  vitalité  passe probablement aujourd'hui par la remise au centre de tous ceux et celles qui sont en manque d'humanité. Là où nous sommes et comme nous sommes, nous avons à faire le lien et le rapprochement entre notre foi et notre espérance  de  Noël  avec  ce  qu'il  ne  convient  plus d'accepter.

Noël c'est l'enfant et Marie. En ce temps là il y avait une femme promise à Joseph et à un grand avenir sans qu'elle en sache quelque chose. Dans l'existence ordinaire de sa vie, l'extraordinaire à surgi pour le meilleur et pour le pire. Elle a dit : pourquoi pas ? Là où nous sommes et comme nous sommes nous avons à faire le lien et le rapprochement  entre notre foi et notre espérance de Noël et notre propre existence. Ainsi l'enfant de Noël n'est pas seul, il n'est pas isolé, il est en relation avec notre réalité ; il fait lien, et met en relation ce qui pour nous et en nous ne l'était pas. Pour être Sauveur, Christ et Seigneur il vivra et mourra  comme un  serviteur,  pour  être  le Maître, pour nous il sera l'esclave, pour être crédible il sera incroyable. Le jour de Noël un certain silence, un certain conformisme est rompu. Noël ça fait du bruit à  l'extérieur  comme  à  l'intérieur : chez  Hérode, Quirinus, César, chez Joseph et Marie chez les bergers et même chez les anges : puissions nous ne pas mettre en sourdine l'écho de ces bruits, ils sont pour nous les signes de  l'espérance et de la foi de Noël ; comme disait Luther, arrêtons de vouloir escalader le ciel, allons plutôt à Bethléem, lorsque cela sera possible et puisque dit-on,  il n'y avait pas de place pour eux, essayons de leur en faire une,    où nous sommes et comme nous sommes, afin d'être reliés à eux, à tous les autres, à nous mêmes. Laissons-nous envahir par la foi et l'espérance de Noël.
 

« Chacun devrait connaître au moins un lieu une place dans son entourage où il peut par son initiative, adoucir une douleur, réparer une discordance, aider à découvrir une vérité, dénoncer une tension, former une amitié » C.F. von Weizacher.


 

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