vendredi 30 novembre 2012

Temps de l'Avent : Prépare, réconforte, proclame...

Lecture : Esaïe 40, 1-13 et Marc 1, 1-8

Réconfortez, réconfortez mon peuple, dit votre Dieu.

Dans le désert… une voix dit : Prépare un chemin pour le Seigneur, relève le vallon, abaisse la montagne afin que la Gloire du Seigneur soit observée, vue et reconnue ; Une autre voix dit : Proclame mais que proclamerai-je ? Tous les êtres de chair sont de l’herbe et leur consistance est comme la fleur des champs, l’herbe sèche la fleur se fane mais la parole de notre Dieu subsistera toujours.

Le temps de l’Avent c’est le temps dit-on de la préparation de la venue du Seigneur. Mais tout cela est bien liturgique et répétitif comme pour nous entraîner à essayer de dire au cœur des fêtes de Noël, l’espérance de l’évangile de Jésus Christ.

En réalité le solstice d’hiver christianisé est devenu le moment de la naissance de Jésus ; aujourd’hui cette venue et ces conséquences sont perdues de vue par nos contemporains et nous voici aux prises avec une nouvelle tentative de proclamer à nouveau une espérance celle de l’Evangile ; et pour cela nous sommes tentés par la stratégie de la rupture : ce que vivent la plupart des hommes et des femmes qui nous entourent, avec cette débauche de lumières et de paillettes, cette course frénétique à la dépense maximum sans doute utile à notre économie nationale mais qui signale davantage encore la distance avec la foi en Christ comme renversement des valeurs. Nous sommes tentés par la stratégie de l’accommodation : au fond nous ne pouvons rien faire, rien dire : laissons faire et faisons ce que nous croyons bon pour nous et notre entourage. Participons mais avec modération et retenue.

Y-a t-il une autre voie à suivre et à vivre, entre la rupture et l’accommodation ?  Y a t-il une manière de nous préparer ou de préparer le chemin du Seigneur qui éviterait à la fois, l’isolement, le quant à soi des purs et de ce qui savent, des croyants véritables et le laxisme ou le relativisme des sans scrupules, prêts à brader l’exigence évangélique aux modes et à l’air du temps ?  

Je crois que les Ecritures nous donnent comme toujours des pistes à suivre, des codes à décrypter, des conseils à vivre, des élans qui nous portent, elles nous aident à ne pas renoncer, à ne pas nous couper des autres, à ne pas nous confondre et nous dissoudre dans le monde. Il s’agit bien de retrouver avec les autres, chez les autres, comme en nous-mêmes, ce qui semblait perdu et comme inaccessible.

La première indication c’est la consolation, le réconfort. Selon un sondage chez nous en France : la religion c’est d’abord un réconfort une consolation. Consolez mon peuple ! Consoler c’est rejoindre une solitude : cum-solatio.  Parlez à son cœur ; Parler au cœur c’est annoncer et vivre de la bienveillance de quelqu’un pour quelqu’un. C’est manifester dans notre vie que le Seigneur, le grand absent du monde, celui à qui, aucune place n’est faite, habite notre vie et se soucie d’elle et du monde. La préparation du chemin du Seigneur, l’évangélisation du temps de Noël c’est manifester que nous sommes, nous-mêmes réconfortez par la foi en sa Parole qui nous dit : je viens, je reviens.

Ici la question n’est pas de rétablir une vérité que les autres ou nous-mêmes auraient oubliée : Noël c’est la naissance de Jésus c’est bien plus que cela :l’attente de la venue c’est le retour c’est la marche c’est la rencontre du Seigneur vers nous et vers les autres. Celui qui était prisonnier revient, celui qui était loin s’approche, celui qui était absent nous croyons qu’il est là ; là où nous ne l’attendions pas, il revient autrement et bien plus que dans nos souhaits et nos désirs maladroits. Oui je crois qu’il faut dire que Dieu est absent du monde pour pouvoir l’attendre en vérité. Voilà notre consolation. La prise au sérieux de son absence est le gage de son attente et de sa venue. Le monde a raison : Dieu  n’est plus là ; mais vivre sans lui, vivre sans l’autre est-ce bien vivre ? Vivre dans la foi vivre de sa consolation et de son réconfort c’est vivre avec.

Dire à nos contemporains qu’ils vivent d’une absence et qu’ils s’agitent car cette absence est difficile et qu’elle suscite tous les élans de générosité éphémères tous les bons sentiments qui animent une quête sans fin vers on ne sait plus quoi ou qui. Dire et vivre car quelqu’un vient enfin apaiser et consoler ; quelqu’un vient à la rencontre de celles et ceux qui fabriquent et produisent d’innombrables relations passagères qui donnent le vertige. Consoler le peuple, consoler mon peuple c’est dire et croire que le vertige prend fin, enfin.

Evangéliser le temps de Noël c’est aussi parler ou prêcher… dans le désert. Je suis frappé de la place du désert dans les textes de Noël et ceux de son annonce. Le désert occupe on le sait dans la Bible une place centrale entre le Jardin initial et la Ville finale ; bien plus qu’une considération géographique il devient le lieu d’une résonance essentielle, d’une rencontre essentielle.

Dans le désert retentit une Parole. Parole et désert vont ensemble. Lorsqu’un juif dit le mot désert "midebar"  il entend si j’ose dire une parole "debar". De même qu’il fallait prendre au sérieux la réalité de l’absence de Dieu pour pouvoir annoncer qu’il vient. De même il faut prendre au sérieux la réalité du désert pour entendre une Parole. Le désert c’est là où ça parle vraiment. Le désert et la Parole qui fait vivre et qui donne un sens au monde, ne font qu’un. L’oasis c’est là où l’on discute. Un livre de la Bible s’appelle Désert c’est le livre des Nombres, c’est le livre où les hébreux vont se compter pour se rassurer et les traducteurs grecs et latins fascinés par les nombres l’ont appelé ainsi ; mais c’est le livre en même temps où l’on rencontre le plus souvent cette expression : Dieu parla à Moïse dans le désert. D’où son nom hébraïque.

Parler dans le désert – comme Jean Baptiste- est devenu pour nous synonyme de parole vaine, sans effet. Evangéliser Noël c’est laisser enfin parler la Parole qui vient du désert. Préparer le chemin du Seigneur c’est faire désert en nous. Non pas faire retraite et nous retirer, mais plutôt nous laisser envahir par la voix du désert où l’essentiel est enfin à sa place.

Le désert n’est pas toujours là où on le croit, il n’est pas toujours loin mais parfois tout prêt : notre vie ressemble parfois à un désert sans Parole, le monde et son agitation peuvent être comparés à un désert sans Parole ; Je suis frappé du bruit, de la sonorité de nos villes en particulier en ce temps de préparation de fêtes, du bruit surajouté dans les rues et les magasins toute sorte de musiquettes comme pour rendre inaudible une Parole comme pour empêcher l’acuité la qualité d’une Parole qui annoncerait une vraie bonne nouvelle celle de la venue de l’absent, celle de celui qui manque au sein du grouillement et de l’agitation des foules.

Croire en celui qui vient c’est passer par le désert. Le désert c’est le lieu nécessaire de la Parole qui fait vivre. Retrouver en nous le désert positif celui où l’on peut enfin entendre. Dire et montrer à nos contemporains qu’ils vivent dans un désert ce n’est pas juger ce monde c’est atténuer tous les bruits qui ne sont vraiment pas importants afin d’écouter enfin sans peur du vide ; c’est dire le cadre où une Parole de vie et d’espérance pourra retentir.  

Dire une consolation possible et vivre de cette consolation, Dieu vient : retrouver la vie du désert celle de la rencontre et celle de la tentation, entendre à nouveau une parole au sein de tous les bruissements du monde et enfin reconnaître la beauté, la simplicité et fragilité de ce que nous sommes.

 Que proclamerai-je ? Tous les êtres de chair sont comme de l’herbe, qui sèche même la fleur se fane peut importe. Nous ne sommes pas au centre. Malgré tous les efforts pour être importants nous sommes comme de l’herbe. Ce qui n’est pas rien d’ailleurs. Même dans le désert il y de l’herbe importante. Ceux qui se sentent piétinés et que l’on piétine : leur dire qu’ils ont leur place et que tous les êtres sont comme de l’herbe. L’herbe c’est la vie possible ; Que la terre, dit Dieu, se couvre d’herbe qui rend féconde sa semence, premier élément terrestre de la création. Oui de l’herbe pour servir à autre chose que nous-mêmes. Pour la joie et la vie des autres créatures. Pour mettre en valeur cela seul qui dure une Parole qui subsiste éternellement. Au sein du provisoire et de l’éphémère qui nous entourent nous pouvons croire enfin en ce qui demeure. Non pas nous-mêmes, non pas nos œuvres ni nos paroles mais être suffisamment dépouillés et simples pour accueillir celui qu vient.  Evangéliser la préparation de la fête c’est dire à chacun et à tous, notre condition devant Dieu. Notre condition devant les autres nous passons notre temps à la justifier à la valoriser. Recevoir avec reconnaissance notre condition d’être simple et fragile mais vivant devant Dieu voilà désormais l’essentiel. Nous vivons dans le grand théâtre du monde nous y jouons notre rôle plus ou moins bien ; Dieu se plaît à regarder la pièce que nous jouons, il nous en propose une autre, celle de l’histoire d’une rencontre avec lui qui devrait rendre éblouissante et plaisante toutes celles que nous jouons devant les hommes. 

Oui en ce temps de l’Avent il est encore temps d’attendre sa venue non plus de façon répétitive et liturgique mais avec l’élan renouvelé de notre foi. Le Seigneur absent, vient à notre rencontre c’est notre consolation et celle du monde. Il nous propose une rencontre dans un désert digne de ce nom ce lieu de retentissement de sa Parole, celle qui dure. Il nous prend comme nous sommes ni plus ni moins comme de l’herbe qui fleurie et qui se fane mais qui est utile et importante pour d’autres.

Le prophète Jean Baptiste résume bien notre condition d’enfant de Dieu il nous rappelle avec instance qu’au milieu de nous et non pas ailleurs, se tient quelqu’un que nous ne connaissons pas vraiment et qui veut nous rencontrer afin que nous puissions partager sa Parole et son amour avec tous ceux qui font du bruit et qui s’agitent.    

Parole de consolation,

Parole du désert,

Parole fragile, qui vient me rejoindre.

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