dimanche 9 juin 2013

L'Evangile comme disproportion

Culte à Sabarat (09) le 9 juin


 Marc 12 :
 
41 Assis en face du tronc, Jésus regardait comment la foule mettait de l’argent dans le tronc. De nombreux riches mettaient beaucoup.

42  Vint une veuve pauvre qui mit deux petites pièces, quelques centimes.

43  Appelant ses disciples, Jésus leur dit : « En vérité, je vous le déclare, cette veuve pauvre a mis plus que tous ceux qui mettent dans le tronc.

44  Car tous ont mis en prenant sur leur superflu ; mais elle, elle a pris sur sa misère pour mettre tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »

 
Lecture de 1 Rois 17 :
 
9  « Lève–toi, va à Sarepta qui appartient à Sidon, tu y habiteras ; j’ai ordonné là–bas à une femme, à une veuve, de te ravitailler. »

10  Il se leva, partit pour Sarepta et parvint à l’entrée de la ville. Il y avait là une femme, une veuve, qui ramassait du bois. Il l’appela et dit : « Va me chercher, je t’en prie, un peu d’eau dans la cruche pour que je boive ! »

11  Elle alla en chercher. Il l’appela et dit : « Va me chercher, je t’en prie, un morceau de pain dans ta main ! »

12  Elle répondit : « Par la vie du SEIGNEUR, ton Dieu ! Je n’ai rien de prêt, j’ai tout juste une poignée de farine dans la cruche et un petit peu d’huile dans la jarre ; quand j’aurai ramassé quelques morceaux de bois, je rentrerai et je préparerai ces aliments pour moi et pour mon fils ; nous les mangerons et puis nous mourrons. »

13  Elie lui dit : « Ne crains pas ! Rentre et fais ce que tu as dit ; seulement, avec ce que tu as, fais–moi d’abord une petite galette et tu me l’apporteras ; tu en feras ensuite pour toi et pour ton fils.

14  Car ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu d’Israël : Cruche de farine ne se videra jarre d’huile ne désemplira jusqu’au jour où le SEIGNEUR donnera la pluie à la surface du sol. »

15  Elle s’en alla et fit comme Elie avait dit ; elle mangea, elle, lui et sa famille pendant des jours.

16  La cruche de farine ne tarit pas, et la jarre d’huile ne désemplit pas, selon la parole que le SEIGNEUR avait dite par l’intermédiaire d’Elie.

La Bonne nouvelle annoncée dans le christianisme ressemble bien souvent à une disproportion, voire à une démesure ou en tous cas à un passage, un rapport, une relation entre un presque rien et une totalité ou bien encore entre une grandeur une immensité qui devient infime et ténue. La graine enfouie en terre deviendra un grand arbre dans lequel viendront se nicher les oiseaux du ciel. Le sel est perdu dans la  pâte, comme le trésor dans la terre ; le plus grand doit devenir le plus petit comme le second ou le dernier se retrouve premier. Il y a renversement, bouleversement des situations où le riche se fait pauvre où le pauvre se découvre riche.
On pourrait dire aussi que le christianisme tel qu’il a été annoncé et vécu après Jésus n’a pas été une approbation, une stabilité, de ce qui était en place et qui soudain s’est trouvé déstabilisé. Il a été non seulement interprétation nouvelle du monde mais aussi transformation du monde ancien pour laisser percer en son sein un monde différent et neuf. Et cela non pas dans l’au-delà mais déjà ici-bas.

On dit que l’annonce de la bonne nouvelle de Jésus comme Messie comme envoyé a créé un certain désordre dans l’empire gréco-romain, mais aussi dans les habitudes de la religion juive ; désordre et changement aussi à l’intérieur des communautés chrétiennes elles-mêmes  dans la mesure où elles n’étaient pas toutes d’accord sur la compréhension, l’évaluation de la démesure annoncée dans la personne de Jésus de Nazareth le Christ de Dieu.  Comment vivre cette disproportion entre l’homme Jésus et Christ de Dieu ? Comment mettre ensemble dans un rapport cohérent, un homme et la présence même de Dieu ? Ce qui est annoncé et vécu concerne la vie concrète des personnes et non pas seulement leur espérance future, leurs rêves éveillés, leurs envies fantasmées !

Désormais la présence de Dieu au milieu des humains est une présence nourrissante, où ce qu’il faut pour vivre, dans la réalité, devient un mot d’ordre impératif, une nécessité religieuse, une base sur laquelle on peut ensuite développer, interpréter, rêver ; il faut d’abord nourrir c’est la réalité de la foi qui est contenue là totalement. Ceci est pour nous bien concret parfois trop concret et n’incite pas beaucoup à la méditation seulement spirituelle !
Se nourrir d’abord sera le mot d’ordre de la tradition juive où le repas et les repas ordinaires vont devenir extraordinaires. Où manger en famille et manger avec la communauté seront le signe d’une présence divine et l’accomplissement des ordres divins. Où ce qui est simple et basique va devenir le signe le plus élaboré de la vie de foi de la relation avec les autres comme de la relation avec Dieu. Certes les repas sacrés ont existé dans les religions anciennes, mais ici ce qui est neuf et différent sera précisément le passage du repas ordinaire et banal à une autre dimension. Ce qui est banal va devenir extraordinaire et riche en significations. La disproportion va s’installer : le culinaire va remplacer peu à peu les sacrifices qui nourrissaient les dieux et les prêtres, vont disparaître au profit du repas familial ou le père sera le prêtre nouveau où la famille sera figure du peuple où l’univers deviendra le seul vrai temple ; où le maître et ses disciples en train de se nourrir seront l’image du nouveau peuple de Dieu.

Ici la pointe de l’interpellation nous atteint et vient à notre rencontre : la foi en Dieu la foi au Christ Jésus vient elle rencontrer notre existence concrète et banale ? Ou vient-elle nous rejoindre ? comme une fidélité au passé, comme une satisfaction personnelle, comme une habitude….Y a-t-il quelque chose de nourrissant pour nous ? qui nous aide à vivre et à être en relation avec les autres par delà une tradition sympathique surtout si nous ne l’avons pas choisie mais plutôt reçue de nos ancêtres…
« Elle alla faire selon la parole d’Elie et pendant des jours elle eut de quoi manger, elle et sa maison ainsi que lui ».

   Il s’agit bien d’un rapport étrange entre une parole prononcée et l’action nourrissante où la pratique de la cuisine peut s’effectuer. Ce n’est plus de la magie mais une promesse à croire, à recevoir et à vivre ; c’est la retrouvaille d’une parole cohérente entre ce que je crois ce que je fais ce que je vis au quotidien. La première demande de la prière de Jésus sera celle de la quotidienneté et de la réception du pain. « Donne-nous aujourd’hui notre pain du jour ! » Que je sois nourri de toi ! Et que je puisse partager ce qui me fait vivre !
Il y aura toujours un écart entre ce que je vis et ce que je crois. Et cet écart provient de moi-même, de mon égo, de mon caractère, de ma conscience comme alibi ; bref je ne fais pas comme le dirait l’apôtre Paul, ce que je voudrais faire et je fais même ce que je ne voudrais pas faire ; car je m’installe volontiers comme le maître de moi-même et parfois des autres et rarement comme le serviteur de moi-même et celui des autres !

La veuve de Sarepta ou celle du Temple de Jérusalem sont des personnes dépendantes des autres du bon vouloir des autres ; elles n’ont plus de vrais droits qui les protègent vraiment. Elles sont comme des personnes qui vivent au jour le jour au gré des rencontres inattendus, celle d’un prophète étrange comme Elie ou celle de quelqu’un qui ne lui parle pas mais qui regarde de loin, comme Jésus. La veuve du temple devient le sujet de formation des disciples, elle devient intéressante, car elle n’intéresse personne et que cela ne la dérange pas. Elle donne un sens à sa vie en puisant dans sa vie son bien sa réserve presque vide. Elle ne partage presque rien. Et cela aux yeux de Jésus devient beaucoup. On passe avec elle du peu, au plus.
Ces femmes mettent en scène sans le vouloir, sans le savoir, la disproportion qui existence dès que l’on annonce l’évangile ; elles sont les témoins de la réalité de l’Eglise et de la communauté chrétienne qui ne fait pas grand-chose et qui soudain devient importante pour des personnes qui en ont soudain besoin.

Elles donnent comme l’on dit d’elles-mêmes ! Elles payent de leur personne comme si elle transmettaient de la vie, comme si elles faisaient signe au-delà du geste ordinaire de faire des gâteaux, quand on manque de tout ou de donner quelques pièces de monnaie,  les ultimes, les rares, les dernières ! 
On a souvent noté que les textes bibliques ne nous disent pas qu’il faut les imiter, faire comme elles ont fait. Elles ne deviennent pas exemplaires, elles ne sont pas des modèles à reproduire ; elles sont annonciatrices du monde neuf dans un monde vieux. Elles nous aident à croire pour vivre la disproportion qu’annonce l’Evangile de Jésus Christ. Elles disent et expriment dans leur vie une réalité plus forte, plus radicale que la banalité de l’existence quotidienne ; elles viennent à notre rencontre pour nous dire que l’extraordinaire, le nouveau, le plus, le mieux est tout proche, est à noter portée. Elles viennent nous dire une bonne nouvelle dans nos soucis, nos solitudes, nos lourdeurs et nos petites richesses.

Ce qui nous manque, ce que nous désirons et souhaitons ce qui nous ferait plaisir dépend aussi de nous et nous savons pourtant qu’il est possible de le recevoir et de la vivre comme signe de la présence de Dieu lui-même, dans la banalité de nos vies.
Etre chrétien ce n’est pas se faire voir ou se faire remarquer c’est laisser à d’autres la possibilité de voir en nous quelque chose de pas très normal dans nos gestes nos comportements nos paroles. Ainsi nous laisserons aux autres la possibilité de voir et d’entendre, une présence celle de l’extraordinaire, celle de la présence de Dieu comme une nourriture vitale au cœur de nos vies. La nouvelle construction que Dieu bâtit n’est plus celle du temple à Jérusalem ou ailleurs, c’est bien celle de nous-mêmes et de la communauté vivante qui annoncent un monde vraiment nouveau. Etre chrétien c’est sans doute bien après Ezéchiel, découvrir l’efficacité d’une Parole nourrissante.

"Il me dit : « Fils d’homme, mange le, mange ce rouleau ; ensuite tu iras parler à la maison d’Israël. »
J’ouvris la bouche et il me fit manger ce rouleau.
Il me dit : « Fils d’homme, nourris ton ventre et remplis tes entrailles de ce rouleau que je te donne. » Je le mangeai : il fut dans ma bouche d’une douceur de miel". (Ezéchiel 3)

 

2 commentaires:

  1. Merci Bernard pour cette lecture nouvelle des textes bibliques, en particulier sur la disproportion à vivre.
    J'ai bien aimé aussi ton commentaire sur le don à partir des textes de Marc et Rois.
    Il rétablit les choses par rapport au discours culpabilisant qu'on entend souvent dans l’Église Réformée devenue EPUF.
    A quand un commentaire, une réflexion sur l'Israël biblique et l'Israël d'aujourd'hui pour répondre au discours de certains sur Résistance et Dhimmitude ?
    Amitiés

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  2. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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