Marc 12
:
Lecture de 1 Rois 17 :
9 « Lève–toi, va à Sarepta qui appartient à
Sidon, tu y habiteras ; j’ai ordonné là–bas à une femme, à une veuve, de
te ravitailler. »
41 Assis en face du tronc, Jésus
regardait comment la foule mettait de l’argent dans le tronc. De nombreux
riches mettaient beaucoup.
42 Vint une veuve pauvre qui mit deux petites
pièces, quelques centimes.
43 Appelant ses disciples, Jésus leur dit : « En
vérité, je vous le déclare, cette veuve pauvre a mis plus que tous ceux qui
mettent dans le tronc.
44 Car tous ont mis en prenant sur leur
superflu ; mais elle, elle a pris sur sa misère pour mettre tout ce
qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »
10 Il se leva, partit pour Sarepta et parvint à
l’entrée de la ville. Il y avait là une femme, une veuve, qui ramassait du
bois. Il l’appela et dit : « Va me chercher, je t’en prie, un peu
d’eau dans la cruche pour que je boive ! »
11 Elle alla en chercher. Il l’appela et
dit : « Va me chercher, je t’en prie, un morceau de pain dans ta main ! »
12 Elle répondit : « Par la vie du
SEIGNEUR, ton Dieu ! Je n’ai rien de prêt, j’ai tout juste une poignée de
farine dans la cruche et un petit peu d’huile dans la jarre ; quand
j’aurai ramassé quelques morceaux de bois, je rentrerai et je préparerai ces
aliments pour moi et pour mon fils ; nous les mangerons et puis nous
mourrons. »
13 Elie lui dit : « Ne crains
pas ! Rentre et fais ce que tu as dit ; seulement, avec ce que tu as,
fais–moi d’abord une petite galette et tu me l’apporteras ; tu en feras
ensuite pour toi et pour ton fils.
14 Car ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu
d’Israël : Cruche de farine ne se videra jarre d’huile ne désemplira
jusqu’au jour où le SEIGNEUR donnera la pluie à la surface du sol. »
15 Elle s’en alla et fit comme Elie avait
dit ; elle mangea, elle, lui et sa famille pendant des jours.
16 La cruche de farine ne tarit pas, et la jarre
d’huile ne désemplit pas, selon la parole que le SEIGNEUR avait dite par
l’intermédiaire d’Elie.
La Bonne nouvelle annoncée dans
le christianisme ressemble bien souvent à une disproportion, voire à une
démesure ou en tous cas à un passage, un rapport, une relation entre un presque
rien et une totalité ou bien encore entre une grandeur une immensité qui
devient infime et ténue. La graine enfouie en terre deviendra un grand arbre
dans lequel viendront se nicher les oiseaux du ciel. Le sel est perdu dans la pâte, comme le trésor dans la terre ; le
plus grand doit devenir le plus petit comme le second ou le dernier se retrouve
premier. Il y a renversement, bouleversement des situations où le riche se fait
pauvre où le pauvre se découvre riche.
On pourrait dire aussi que le
christianisme tel qu’il a été annoncé et vécu après Jésus n’a pas été une
approbation, une stabilité, de ce qui était en place et qui soudain s’est
trouvé déstabilisé. Il a été non seulement interprétation nouvelle du monde
mais aussi transformation du monde ancien pour laisser percer en son sein un
monde différent et neuf. Et cela non pas dans l’au-delà mais déjà ici-bas. On dit que l’annonce de la bonne nouvelle de Jésus comme Messie comme envoyé a créé un certain désordre dans l’empire gréco-romain, mais aussi dans les habitudes de la religion juive ; désordre et changement aussi à l’intérieur des communautés chrétiennes elles-mêmes dans la mesure où elles n’étaient pas toutes d’accord sur la compréhension, l’évaluation de la démesure annoncée dans la personne de Jésus de Nazareth le Christ de Dieu. Comment vivre cette disproportion entre l’homme Jésus et Christ de Dieu ? Comment mettre ensemble dans un rapport cohérent, un homme et la présence même de Dieu ? Ce qui est annoncé et vécu concerne la vie concrète des personnes et non pas seulement leur espérance future, leurs rêves éveillés, leurs envies fantasmées !
Désormais la présence de Dieu au
milieu des humains est une présence nourrissante, où ce qu’il faut pour vivre,
dans la réalité, devient un mot d’ordre impératif, une nécessité religieuse,
une base sur laquelle on peut ensuite développer, interpréter, rêver ; il
faut d’abord nourrir c’est la réalité de la foi qui est contenue là totalement.
Ceci est pour nous bien concret parfois trop concret et n’incite pas beaucoup à
la méditation seulement spirituelle !
Se nourrir d’abord sera le
mot d’ordre de la tradition juive où le repas et les repas ordinaires vont
devenir extraordinaires. Où manger en famille et manger avec la communauté
seront le signe d’une présence divine et l’accomplissement des ordres divins.
Où ce qui est simple et basique va devenir le signe le plus élaboré de la vie
de foi de la relation avec les autres comme de la relation avec Dieu. Certes
les repas sacrés ont existé dans les religions anciennes, mais ici ce qui est
neuf et différent sera précisément le passage du repas ordinaire et banal à une
autre dimension. Ce qui est banal va devenir extraordinaire et riche en
significations. La disproportion va
s’installer : le culinaire va remplacer peu à peu les sacrifices qui
nourrissaient les dieux et les prêtres, vont disparaître au profit du repas
familial ou le père sera le prêtre nouveau où la famille sera figure du
peuple où l’univers deviendra le seul vrai temple ; où le maître et ses
disciples en train de se nourrir seront l’image du nouveau peuple de Dieu.
Ici la pointe de l’interpellation nous atteint
et vient à notre rencontre : la foi en Dieu la foi au Christ
Jésus vient elle rencontrer notre existence concrète et banale ? Ou vient-elle
nous rejoindre ? comme une fidélité au passé, comme une satisfaction
personnelle, comme une habitude….Y a-t-il quelque chose de nourrissant pour
nous ? qui nous aide à vivre et à être en relation avec les autres par
delà une tradition sympathique surtout si nous ne l’avons pas choisie mais
plutôt reçue de nos ancêtres…
« Elle alla faire selon la
parole d’Elie et pendant des jours elle eut de quoi manger, elle et sa maison
ainsi que lui ».
Il s’agit bien d’un rapport étrange entre une parole prononcée et
l’action nourrissante où la pratique de la cuisine peut s’effectuer. Ce n’est
plus de la magie mais une promesse à croire, à recevoir et à vivre ; c’est
la retrouvaille d’une parole cohérente entre ce que je crois ce que je fais ce
que je vis au quotidien. La première demande de la prière de Jésus sera celle
de la quotidienneté et de la réception du pain. « Donne-nous aujourd’hui
notre pain du jour ! » Que je sois nourri de toi ! Et que je
puisse partager ce qui me fait vivre !
Il y aura toujours un écart entre
ce que je vis et ce que je crois. Et cet écart provient de moi-même, de mon
égo, de mon caractère, de ma conscience comme alibi ; bref je ne fais pas
comme le dirait l’apôtre Paul, ce que je voudrais faire et je fais même ce que je
ne voudrais pas faire ; car je m’installe volontiers comme le maître de
moi-même et parfois des autres et rarement comme le serviteur de moi-même et
celui des autres !
La veuve de Sarepta ou celle du
Temple de Jérusalem sont des personnes dépendantes des autres du bon vouloir des
autres ; elles n’ont plus de vrais droits qui les protègent vraiment.
Elles sont comme des personnes qui vivent au jour le jour au gré des rencontres
inattendus, celle d’un prophète étrange comme Elie ou celle de quelqu’un qui ne
lui parle pas mais qui regarde de loin, comme Jésus. La veuve du temple devient
le sujet de formation des disciples, elle devient intéressante, car elle
n’intéresse personne et que cela ne la dérange pas. Elle donne un sens à sa vie
en puisant dans sa vie son bien sa réserve presque vide. Elle ne partage
presque rien. Et cela aux yeux de Jésus devient beaucoup. On passe avec elle du
peu, au plus.
Ces femmes mettent en scène sans
le vouloir, sans le savoir, la disproportion qui existence dès que l’on annonce
l’évangile ; elles sont les témoins de la réalité de l’Eglise et de la
communauté chrétienne qui ne fait pas grand-chose et qui soudain devient
importante pour des personnes qui en ont soudain besoin.
Elles donnent comme l’on dit
d’elles-mêmes ! Elles payent de leur personne comme si elle transmettaient
de la vie, comme si elles faisaient signe au-delà du geste ordinaire de faire
des gâteaux, quand on manque de tout ou de donner quelques pièces de
monnaie, les ultimes, les rares, les
dernières !
On a souvent noté que les textes
bibliques ne nous disent pas qu’il faut les imiter, faire comme elles ont fait.
Elles ne deviennent pas exemplaires, elles ne sont pas des modèles à
reproduire ; elles sont annonciatrices du monde neuf dans un monde vieux.
Elles nous aident à croire pour vivre la
disproportion qu’annonce l’Evangile de Jésus Christ. Elles disent et
expriment dans leur vie une réalité plus forte, plus radicale que la banalité
de l’existence quotidienne ; elles viennent à notre rencontre pour nous
dire que l’extraordinaire, le nouveau, le plus, le mieux est tout proche, est à
noter portée. Elles viennent nous dire une bonne nouvelle dans nos soucis, nos
solitudes, nos lourdeurs et nos petites richesses.
Ce qui nous manque, ce que nous
désirons et souhaitons ce qui nous ferait plaisir dépend aussi de nous et nous
savons pourtant qu’il est possible de le recevoir et de la vivre comme signe de
la présence de Dieu lui-même, dans la banalité de nos vies.
Etre chrétien ce n’est pas se
faire voir ou se faire remarquer c’est laisser à d’autres la possibilité de
voir en nous quelque chose de pas très normal dans nos gestes nos comportements
nos paroles. Ainsi nous laisserons aux autres la possibilité de voir et
d’entendre, une présence celle de l’extraordinaire, celle de la présence de
Dieu comme une nourriture vitale au cœur de nos vies. La nouvelle construction
que Dieu bâtit n’est plus celle du temple à Jérusalem ou ailleurs, c’est bien
celle de nous-mêmes et de la communauté vivante qui annoncent un monde vraiment
nouveau. Etre chrétien c’est sans doute bien après Ezéchiel, découvrir
l’efficacité d’une Parole nourrissante.
"Il me dit : « Fils d’homme, mange le,
mange ce rouleau ; ensuite tu iras parler à la maison d’Israël. »
J’ouvris la bouche et il me fit
manger ce rouleau.
Il me dit : « Fils
d’homme, nourris ton ventre et remplis tes entrailles de ce rouleau que je te
donne. » Je le mangeai : il fut dans ma bouche d’une douceur de miel".
(Ezéchiel 3)
Merci Bernard pour cette lecture nouvelle des textes bibliques, en particulier sur la disproportion à vivre.
RépondreSupprimerJ'ai bien aimé aussi ton commentaire sur le don à partir des textes de Marc et Rois.
Il rétablit les choses par rapport au discours culpabilisant qu'on entend souvent dans l’Église Réformée devenue EPUF.
A quand un commentaire, une réflexion sur l'Israël biblique et l'Israël d'aujourd'hui pour répondre au discours de certains sur Résistance et Dhimmitude ?
Amitiés
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