mardi 22 décembre 2015

Heureux temps de Noël et meilleure annnée pour tous !

"L'obscurité ne peut chasser l'obscurité, seule la Lumière peut le faire !
La haine ne peut chasser la haine, seul l'Amour peut le faire" ! M.Luther King
 
 
Nuit sans fin
je pense
à ce qui viendra dans dix mille ans ! (Shiki)
 

jeudi 10 décembre 2015

C'est original ! Sensibilité et proximité de Dieu

Lire : Ps. 22, 1-9 et 23-32 puis Luc 23, 33-43.

"Ils disaient : Il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même…Si tu es le roi de juifs, sauve-toi toi-même…Sauve-toi toi-même et nous aussi"…

Par trois fois dans ce texte nous lisons cette séquence, cette exhortation ironique et cynique : « sauve-toi, sauve-toi toi-même et nous aussi » !

"Sauve-toi et sauve-nous, mais de quoi et de qui" ?

Noël approche nous allons entrer dans de ce temps de l’attente de la préparation d’une naissance signe et marque de l’advenue d’un petit enfant et voici affirmé l’Evangile du vendredi-saint ! l’Evangile du supplicié. Ce rapprochement nous empêche de penser séparément, il nous oblige à ne pas idéaliser selon nos envies et nous contraint à ne pas rester figer dans notre attrait, notre fascination parfois pour le drame et la mort. Tout se tient inséparablement comme les deux faces d’une pièce de monnaie ; Tout est à recevoir dans un même mouvement car nos vies sont pleines de ce mouvement ambigu où nos gestes nos paroles et rencontres sont aux prises avec ces deux réalités celles de la vie et de la mort.

"Sauve-toi et sauve-nous" dit un crucifié  : ce cri retentit jusqu’à nous, poussé devant la sollicitude, le retour au Père et la passivité bienveillante de Jésus : Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font !

"Sauve-toi si tu es vraiment le plus fort, sort de ce mauvais pas et de ce cruel châtiment" ! Le salut comme tentation, si tu es le fils de Dieu alors prouve-le, comme si le salut pouvait être actif, comme si le salut ne devait pas d’abord être reçu comme un don et non comme une activité volontaire ; à ce sauve-toi impossible correspond dans le texte de Luc le souviens-toi de l’autre supplicié ; il arrive bien souvent que nous désirions l’action alors qu’il faudrait simplement se souvenir comme il nous arrive de nous souvenir alors qu’il faudrait agir.

Sauve-toi toi-même et nous avec toi.. Mais de quoi ? Sauve-nous de croire que l’Evangile et la Bible sont de belles histoires simples et faciles pour de doux rêveurs, pour des êtres désincarnés, sauve –nous de croire que la violence et la force ce sont les autres ailleurs et lointains, sauve-nous de croire que le premier testament serait celui d’un Dieu méchant farouche et guerrier alors qu’avec le deuxième ou le nouveau on serait passé à des mœurs plus agréables. Sauve-nous de croire que nous avons fait des progrès dans l’ordre de la violence. La croix de Jésus et celles des deux autres sont des rappels salutaires de la réalité présente et concrète au cœur même de l’Evangile qui contient et manifeste plus de réalités physiques que métaphysiques au-delà du réel. Sauve-nous de notre propre violence et de notre fascination pour la violence même si le christianisme est né dans la violence : en l’an 6 du premier millénaire rapporte un historien (Flavius Joseph) l’empereur Varus fit crucifier non loin de Nazareth quelque 2000 révolutionnaires galiléens ; on sait que ce mode d’exécution couramment utilisé dans l’empire romain était un terrible supplice, l’agonie durait plusieurs heures ; les protestants n’aiment pas trop cette croix de Jésus, ils ne l’utilisent pas ne l’exhibe pas, ne l’adore pas et n’en font pas le signe comme pour attester aussi le rejet d’une valeur salutaire de la violence et de la souffrance. Sauve-nous de croire que la mort de Jésus sur une croix est une salutaire nécessité, sauve-nous de croire qu’elle fut unique et singulière, aide-nous à croire qu’elle fait de Jésus d’abord, le compagnon de tous les suppliciés.

Sauve-toi toi-même et nous avec toi…Mais de quoi ? Sauve-nous de nous-mêmes qui pensons et croyons si facilement que cette fin sur la croix est logique ; sauve-nous de nous accoutumer à cette fin tragique en passant vite à la réalité plus réconfortante du matin de Pâques comme pour arriver enfin la joyeuse fin et au nouveau recommencement de l’histoire. Sauve-nous de la morbidité toujours menaçante et complaisante et en même temps de l’évacuation de cette croix de cette mort pour passer à autre chose. Abandonner la mort pour passer à la vie comme si le ressuscité n’était plus le crucifié. Sauve-nous des explications trop évidentes ou habituelles comme si cette croix ne contenait pas aussi un mystère et une inconnue : Peut-on jamais répondre à ce grand Pourquoi en fût-il ainsi ? Jésus dira chez Marc : Pourquoi m’as-tu abandonné ? Jésus serait sacrifié par son Père, mais quel est ce père si peu semblable à Abraham qui lui fût retenu de sacrifier Isaac ? Il prendrait sur lui, la faute des hommes comme un bouc émissaire ? Ces langages sont certes nécessaires mais nous aident-il vraiment ? Les évangiles ont décidé de raconter longuement la fin de Jésus c’est de loin l’épisode de sa vie le plus long dans les 4 évangiles, c’est bien qu’ils ont voulu nous dire nous transmettre un message une bonne nouvelle au sein de la description du procès et du supplice de Jésus.

Pour ma part je vois au moins trois niveaux que nous pouvons maintenant préciser :
Le premier, déjà esquissé : Le christianisme est aussi un humanisme, la vie mais surtout la mort de Jésus nous entraîne à combattre là où nous sommes et comme nous sommes toutes les violences. Non pas la nier non pas croire que nous pourrions vivre sans elle mais la combattre et l’extirper sans cesse en nous et autour de nous. Désacraliser la violence et la souffrance est une exigence évangélique. La lutte pour la justice et le droit, la dignité de tout homme et de toute femme comme créature de Dieu impliquent quelles que soient nos orientations et nos conceptions du monde, notre vigilance, notre prière et notre action personnelle et communautaire. La solidarité, la proximité des souffrants et des suppliciés est au cœur de l’Evangile, elle culmine dans la mort concrète et solidaire de Jésus.

Le deuxième niveau : Dieu n’est l’auteur ni de la violence ni de la souffrance ; nous avons à annoncer diffuser et promouvoir me semble t-il cette conviction ; alors qui ? La nature dans son autonomie et ses lois spécifiques en est parfois la source et la manifestation je pense en particulier aux maladies comme aux cataclysmes ; mais surtout les humains ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui en sont les auteurs les responsables conscients et inconscients dans leur liberté, leur désir de toute puissance à faible ou grande échelle. Seuls les humains sont capables du meilleur comme du pire ; bien sûr comme nous le voyons souvent la tentation est grande de rejeter et de faire assumer par d’autres et sur d’autres y compris par Dieu et sur Dieu, leurs propres réalisations et désirs comme pour mieux s’en extraire. Dieu ou les autres sont ici encore des boucs émissaires faciles et manipulables.

Le troisième niveau est sans doute pour nous aujourd’hui le plus important et le plus décisif pour notre vie personnelle. La croix de Jésus celle folie pour les juifs et les grecs dira Paul, ce supplice et cette injustice partagés par beaucoup est un renversement complet un réel bouleversement des fantasmes religieux des hommes. La croix de Jésus est un basculement et un point d’achoppement pour quiconque croit. Sauve-nous nous aussi de croire que tout est statique et que le destin se déroule imperturbablement et que Dieu en serait le maître.

Ici et à ce niveau, Dieu lui-même ne laisse pas tout s’écouler sans rien faire, sans rien dire. Seulement il ne répond pas à nos désirs et à nos conceptions et à notre volonté. Il est le lien dynamique entre toutes les réalités et les entités qui nous constituent et qui nous animent. Dieu ne regarde pas le monde et les humains du haut d’un trône inaccessible, ils s’est approché de chacune et de chacun dans une proximité bouleversante, mystérieuse et inattendue. Lui que nous imaginons lointain il se révèle proche, lui le roi dans notre langage il se fait serviteur, lui le recours dans notre faiblesse et nos misères il vient les habiter, lui que nous voulons tout puissant il se dévêt de sa toute puissance pour devenir dans sa faiblesse une source inépuisable de créativité pour que nous puissions vivre notre faiblesse ; il est celui qui nous aide à combattre cette violence en nous , il est avec nous le courage d’affronter les rigueurs de la nature et notre propre folie ; il est celui qui nous donne même petitement la force de créer et d’inventer ce qui est beau et bon. Il est l’associé de l’aventure humaine là où nous ne l’attendions pas.  Ainsi Dieu n’est plus et n’est pas une mécanique insensible et programmée, il accepte et nous faisons ainsi un pas supplémentaire, il accepte d’être transformée par nos réalités. L’Evangile d’aujourd’hui réside en ceci : Dieu est sensible. Notre prière, notre vie nos actions atteignent sa sensibilité. Ce qui change nos envies à son égard c’est qu’il change, c’est qu’il n’est pas figé dans une identité statique et immobile. S’il est celui qui permet une nouveauté, il est lui-même renouvelé, modifié, transformé. S’il rend ce qui est possible il est lui-même une possibilité. Un théologien (J. Cobb) écrit ceci : « Si Dieu nous aime il est forcément affecté par ce que nous ressentons et endurons ».
La croix de Jésus change notre relation avec Dieu elle contrarie aussi le plan de Dieu elle ne le laisse pas insensible elle agit sur Dieu lui-même !

Autrement dit, Dieu ne peut pas tout il doit composer avec la réalité pour mieux la parcourir et la transformer à sa manière à lui. Il doit composer et peut être mis en en défaut et en échec momentanément ; la croix de Jésus contredit ce que Dieu désire ; la relation n’est pas interrompue elle ne se passe pas comme prévu.

Ce Dieu en relation est donc un Dieu qui a besoin de nous, il a besoin que nous nous laissions convaincre par lui et que nous laissions saisir par sa puissance de créativité. Si Dieu agit dans le monde le monde agit aussi sur Dieu dans lequel il se réalise. Dieu est ému devant ses croix dressées. Il entend la conversation surréaliste des trois suppliciés, il agira plus rapidement que prévu, la résurrection ce ne sera pas pour Jésus à la fin des temps comme tous pouvaient le penser mais le troisième jour qui dynamisera la réalité de Jésus lui-même et des croyants à venir.
Sauve-nous de croire que tout est toujours prévu et que rien ne change. Le Dieu de Jésus Christ sur la croix est en train de briser l’équilibre du destin, il récuse toute forme d’immobilisme. Lui répondre « signifie oublier la sécurité de ses habitudes, de ses coutumes, voire de ses croyances » pour vivre une nouveauté. La foi cette relation à Dieu n’est pas une relation abstraite elle nous inscrit dans un processus de renouvellement existentiel toujours à reprendre à ré-entreprendre qui nous rend autre et qui nous rend aux autres comme le fit Jésus même sur une croix.
Même dans une crèche s’opère ce processus dynamique et troublant ; ce n’était pas une erreur complète de nous faire lire ce matin ce texte de la croix de Jésus. La foi de Noël, celle de la passion comme celle de la résurrection nous entraîne vers Dieu qui s’est approché au point d’en être ému et transformé.
Que cette émotion et cette transformation divines nous accompagnent sur nos routes dans nos vies dans notre foi et nous, à notre tour, émus et transformés pour rencontrer les autres pour rencontrer ce Dieu si étonnant.