mardi 16 août 2022

Culte dominical à Bergerac le 14 août 2022

Lectures : Jean 1, 35-42 et Genèse 12, 1-5

L’Evangile pour nous, n’est pas un placement mais un déplacement !

 « Jésus vit Simon et André son frère, puis Jacques et Jean » Que cherchons-nous dans nos déplacements ? nos allées et nos venues ?

Partir, commencer une nouvelle vie cela peut être agréable si c’est l’expression d’un libre choix et ressemble finalement à un voyage plus ou moins organisé ; c’est la version positive agréable d’un départ qui sait que, finalement un retour est toujours possible. 

 Partir et quitter un maître, abandonner celui qui vous a formé, enseigné, nourri même avec son accord ce n’est sans doute pas évident. Mais dans la vie on quitte toujours quelqu’un pour quelqu’un ; un homme une femme un père une mère, un fils une fille etc… Vos enfants ne sont pas vos enfants, disait le poète, ils sont les fils et les filles de la vie.  Jésus avait-il besoin de disciples ?  Question saugrenue ! Rien n’est moins sûr. Il aurait pu les choisir à la fin de son périple, après les avoir enseignés, il aurait pu s’en passer, et repérer ceux qui lors de la Pentecôte étaient encore là et les désigner pour qu’ils poursuivent le voyage de la grande annonce. Jésus a besoin de personnes concrètes ; mais lui, ouvre les perspectives hors du domaine familial, même surtout pas dans la famille, excepté un certain Jacques son frère. Pour que Jésus soit Jésus le Christ de Dieu, il a besoin de gens ordinaires mais bien des personnes qui ont aussi un nom, des couples de frères travailleurs de la mer, Simon et André, Jacques et Jean les fils de Zébédée.

Au commencement il y a les autres ; certes ils ne comprendront presque rien, mais c’était difficile de le suivre, mais ils sont là, à l’inauguration du grand déplacement. Certes ils abandonneront et ne seront plus là, à la fin mais il y en aura d’autres : centurion païen mais aussi Marie de Magdala, Marie la mère de Jacques dit le petit et Salomé. A la fin il y a les autres. Ce qui engendre la foi c’est la place des autres.

Ce qui rend important nos départs et nos arrivées, c’est bien les autres qui sont là.

 L’Evangile de Jésus Christ peut se résumer ainsi : au commencement et à la fin nous ne sommes pas seuls parce que les autres sont là, non comme une masse, un groupe, une assemblée mais des personnes de la proximité des personnes de la vie la plus ordinaire qui ont un nom propre, une identité qui va s’enrichir s’épaissir et devenir un projet de vie celui de suiveur, d’accompagnateur et de témoin.

Partir c’est bien et pourtant c’est difficile lorsque la contrainte la force la misère s’y mettent ! Partir, aller vers une destination peu claire ; quitter son pays parce que la vie y est devenue impossible : voici que ce mouvement, ces départs sont aujourd’hui le sort de centaines de milliers d’êtres humains dans notre monde. Ces migrations humaines sont sans doute l’un des grands défis de nos sociétés. Comment ne pas penser et agir auprès de celles et ceux qui fuient la guerre : des millions d’Ukrainiens en Europe… celles et ceux qui fuient les tempêtes climatiques… prêts de chez nous 8000 personnes sont contraints de quitter leurs habitations en Gironde… Et même si elles toujours existé- et les protestants français du 17° siècles ont connu cela : les migrations sont devenues aujourd’hui plus visibles, elles sont devenues les causes ou les prétextes à bien des enfermements, à l’élévation de toutes sortes de barrières, comme à la manifestation de tous les replis identitaires et sécuritaires. 

 Partir, quitter, aller vers, se mettre en route, cheminer sont des verbes de mouvement au cœur des traditions bibliques ; tout le monde bouge dans un monde qui finalement n’était si éloigné du nôtre. En fait tout le monde ne bouge pas, seuls bougent ceux qui y sont contraints et se déplacent celles et ceux qui vendent ou achètent ou visitent, ou qui ont quelque chose à dire à faire connaître à faire savoir. La migration est au centre de la révélation biblique. Adam et Eve vivent l’exil du royaume, Caïn la honte comme une fuite, Noé l’errance nautique, les gens de Babel la dispersion et l’éclatement dans la diversité des langues. Vous connaissez tout cela et même la suite avec Abraham, Isaac, Jacob et Joseph

Sous des formes les plus variées : partir, quitter, aller vers, s’identifie à la foi, à la relation, à la rencontre avec le Dieu unique le Dieu des Pères qui sera compris comme un Dieu voyageur qui part et qui vient qu’il faut suivre ou annoncer. L’histoire du peuple de Dieu, du peuple juif comme lui de l’Eglise sera l’histoire et l’aventure d’une migration aux multiples visages.

Nous avons parfois l’impression ou même nous ressentons parfois que la foi, la vie en Christ, notre relation avec Dieu, serait comme un îlot de stabilité au cœur des agitations, des mouvements et des secousses du monde. Cela est vrai, en partie seulement.

Notre compréhension de Dieu, de sa Parole, de notre vie avec lui, peut être aussi comprise et vécue comme un grand voyage non pas organisé ; mais inattendu surprenant, voire même chaotique, difficile comme une migration comme un déplacement aux prises avec d’autres déplacements dans nos vies. Comme un déplacement avec un départ des étapes et des arrivées provisoires qui ne demandent qu’à se déplacer à nouveau vers d’autres lieux d’autres sites d’autres personnes d’autres paysages. Notre foi ressemble à un rallye dont Dieu seul connaîtrait l’itinéraire. Il nous arrive de résister et de vouloir organiser nous-mêmes notre propre rallye, de vouloir figer dans des mots des attitudes des habitudes, les étapes, les temps et les moments de rencontres.

Si partir, aller vers, suivre aller à la rencontre sont au centre de la révélation chrétienne alors il devient urgent et impératif de nous laisser conduire par la Parole et par celui qui conduit et qui se livre et se révèle précisément dans le déplacement.

Ce sont ces autres qui vont permettre la vie de l’aventure qui est ici inaugurée ; ces autres qui ont un nom, une place et une fonction seront autant que lui des équipiers décisifs. Et l’on sait dans la suite du voyage le rôle majeur qu’ils vont vivre pour que l’histoire et le grand rallye de son existence, s’effectue.

Jésus leur dit : « Que cherchez-vous ? Ils lui répondirent : Où demeures-tu ? Venez, leur dit-il et voyez et ils virent où il demeurait ; et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. »

Au début de son ministère public Jésus est reconnu par quelques autres, Jean d’abord et ses disciples ; Au début de son ministère Jésus est celui qui dans sa personne répond à une attente, à une interrogation : Que cherchez-vous ? Vous qui vous déplacez sans cesse ! C’est la question exprimée ou implicite qui nous est encore adressée ; c’est aussi la question que nous pouvons entendre autour de nous. Que cherchez-vous à faire à dire à vivre dans toutes vos manifestations, démarches :  que cherchez-vous à manifester lorsque vous vous réunissez en Eglise, lorsque vous agissez dans la cité lorsque vous rencontrez les plus démunis lorsque vous enseignez les plus jeunes lorsque vous exercez un ministère dans l’Eglise ?

Loin des habitudes des routines et des traditions, nous cherchons une rencontre vivante, solide, une rencontre qui ne déçoit pas, qui bouleverse même, qui oriente vers de nouveaux horizons, qui change notre manière de vivre et de croire, qui transforme nos habitudes les plus enracinées. Cette rencontre est celle de la foi en Jésus Christ, qui va permettre toutes les autres rencontres et qui va être la possibilité d’espérer et de reprendre goût et vie et qui va devenir le centre et le point fixe de nos existences.

Que cherchez-vous ? Celui que nous croyions avoir trouvé est celui qui nous interroge encore et qui nous invite à chercher encore en sachant qu’il va répondre à cette attente à cette recherche. Qui cherche, trouve ; Malheurs à celles et ceux qui ne cherchent plus.

Où demeures-tu ? Quel est ton lieu ? Ton habitation ? Nous cherchons aussi à savoir où tu habites, quelle est ta maison ? Celui qui n’avait pas de lieu où reposait sa tête ne répond pas : ma maison est une maison particulière et privée, réservée à quelques-unes unes à quelques-uns uns. Il ne dit pas ma maison c’est cette Eglise particulière et non les autres. Mais il dit « venez et voyez » ! J’habite là où celles et ceux qui invoquent mon nom se rassemblent ; Il dira plus loin dans l’Ev. de Jean que ce n’est pas sur telle ou telle montagne qu’il faut adorer mais bien plutôt en tous lieux, en esprit et en vérité.

Nous avons besoin de nos Eglises particulières elles sont nos lieux de l’expression de notre foi. Elles sont les lieux où a retentit pour nous cette Ev. qui est et reste plus grand que nos Eglises. Parfois dans l’histoire nous avons cru que cette Ev. cette bonne nouvelle adressée à tous les hommes, avait pour seule maison possible, notre Eglise. Nous avions torts car les disciples ne sont pas plus grands que le maître. Et nos prétentions ont été des contre témoignages. Nous osons croire qu’il n’en est plus ainsi de nos jours.

Nous sommes toujours questionnés : que cherchez-vous ? Nous sommes sollicités et appelés : venez et voyez. Ce qui compte c’est bien de rester en relation avec lui c’est d’être auprès de lui tous les jours comme il l’a promis. Ce qui importe c’est de garder le contact, le fil, le lien, c’est bien de manifester que les autres différents sont aussi en lien avec le maître, que nous ne possédons pas Dieu qui se donne et se livre et qui promet sa présence qui interroge sans cesse.

Ils restèrent auprès de lui ce jour-là. Etre auprès de lui n’est pas ici une mention mortuaire mais bien vivante être auprès de lui, ce sera l’accompagner sur tous les chemins du monde dans toutes les maisons dans toutes les rencontres avec celles et ceux qui, dans leur vie, ont besoin de trouver des réponses et des vis à vie pour vivre.

 Etre avec lui, c’est accepter son aventure difficile et prometteuse de vie et d’avenir. Etre avec lui c’est vivre seul et en communauté le temps de la prière et de l’action du témoignage du service. Quelques soient les adresses de celles et ceux qui cherchent, il vient à leur rencontre et les entraîne dans une vie nouvelle, une vie en abondance, une vie promise au don de son amour Lui qui nous a aimés le premier, sans condition. 

Oui l’Evangile n’est vraiment pas un placement mais un vrai déplacement !