samedi 1 juin 2013

Le christianisme nourrit-il vraiment ?

Foix (Ariège) le 2 juin

 Lectures :  Deutéronome 8, 1-16  et Luc 9, 10-17

« Il les donnait aux disciples pour les offrir à la foule »

La question du jour est assez simple et banale, même si elle demande de grandes exigences et une grande imagination : le christianisme des chrétiens est-il une nourriture ? Ou bien encore le message des évangiles, le message de Jésus est-il nourrissant non seulement pour celles et ceux qui y croient mais aussi pour le plus grand nombre de nos contemporains ; les foules que nous croisons et auxquelles nous appartenons parfois !

L’évangile du jour a souvent pour titre dans les diverses versions et traduction : multiplication des pains ; c’est sans doute le fait qu’avec peu on peut être nourrissant pour les autres. Le texte ne connaît pas le mot multiplication. On trouve aussi plus proche du récit : Jésus rassasie une foule (TOB). On devrait intituler en vérité : La distribution du pain (Fr. Bovon)  En quoi cela est-il une bonne nouvelle intéressante et utile pour notre vie et notre foi ?

Je ferai trois remarques qui essaieront de montrer la pertinence de cette « distribution » pour nous.

·        Premièrement, la nature de ce récit. Est-il un récit de miracle, la narration d’un coup magique capable d’impressionner les foules et d’en faire des adeptes ? Les diverses versions du récit dans tous les évangiles ne disent pas que pour autant tous ces gens nourris, suivirent Jésus et devinrent des disciples à la suite de leur pique-nique géant comme il en existe aujourd’hui ! Ce récit n’est pas une création, une invention du  premier siècle de l’ère chrétienne ; Il vient tout droit ou presque de l’ancien testament avec la Manne et les récits d’Elie et d’Elisée par exemple. On pourrait dire qu’il concerne une action divine à l’égard de personnes en danger.

On dit aujourd’hui que ce récit fait partie du genre « cadeau extraordinaire ». Il s’agit d’offrir des biens ordinaires naturels des vivres ou des repas. Les gens sur place ne demandent rien elles sont là pour écouter car « il leur parlait  du règne de Dieu  et il guérissait ceux qui en avaient besoin » v.11. La distribution de pain ne sert pas la cause du leader ou du chef ; elle n’est pas au service d’une Eglise ou d’un clan ; elle n’est pas encore un geste liturgique ; elle est une attention gratuite ou presque tournée vers ceux qui sont là. Un cadeau étonnant à celles et ceux qui sont peu habitués à en recevoir ; un cadeau sous forme d’un don de vie d’un rallongement d’une possibilité de vie supplémentaire ; un cadeau pour un jour de plus pour une nuit supplémentaire, sans se poser plus de question.

Le christianisme est en marche chaque fois que j’offre un peu de vie supplémentaire à quelqu’un. Chaque fois que je propose une réalité qui aide et conditionne un peu plus de vie. Vous avez noté, ici chez Luc,  il ne s’agit pas de pauvres malheureux qui font la manche ou qui attendent une allocation ; ici il s’agit de vous et de moi. C’est au milieu des siens et de son entourage habituel que la distribution a lieu. Le christianisme est une distribution de vie ; un supplément nécessaire pour vivre.

·        Deuxièmement, les personnages du récit. On vient de voir la foule qui est là. Cela devrait être notre préoccupation principale ; non pas seulement nos gens nos fréquentations, nos habitudes mais celles et ceux qui sont là et qui ne demandent rien et à qui et vers qui nous devons proposer quelque chose qui nourrit.

Les apôtres viennent raconter tout ce qu’ils ont fait au point de fatiguer Jésus qui les amène à l’écart prés de la petite ville de Bethsaïda (la maison des provisions ! selon une traduction possible cf ; Genèse 42, 25). Les disciples aiment raconter ce qu’ils ont fait comme pour plaire à leur maître. La relation que l’auteur du récit suggère entre Jésus et ses disciples, c’est « se retirer à l’écart ». Il y aura toujours dans le christianisme des disciples de Jésus, cette notion là : à l’écart, et non sur la place publique ; non pas non plus dans le secret intransmissible. Mais dans le passage de l’écart à l’accueil de la foule. Le message de Jésus n’est ni réservé au clan au cercle étroit des disciples, ni totalement public livré à tous dans une forme comme l’on dit aujourd’hui de transparence. Ni secret ni transparent : Mais plutôt dans le passage d’un privé qui devient public ; la bonne nouvelle de l’évangile se réalise en passant de l’intériorité à l’extérieur. Du dedans au dehors.

La tendance des disciples est de protéger le Maître, celui-ci veut enseigner les disciples et nourrir la  foule. Les disciples attendent du chef une idée de génie, un miracle, un truc ; le maître attend tout de ses disciples qui ne le savent pas et qui sont entrain de l’apprendre et de le découvrir. Le « Donnez-leur vous-mêmes à manger ! » résonne comme le cœur de l’expérience chrétienne. Les disciples sont appeler à entendre cela à vérifier l’impossibilité de le faire pour le réaliser enfin. Jésus ne donne pas à manger il ne sert pas la foule, il donne à entendre et recevoir une parole qui donne aux disciples le soin et la fonction de réaliser ce qu’il dit. « Et il les donnait aux disciples pour les offrir à la foules » Les disciples ne sont pas les bras ou les mains du Maître, ils deviennent dit le texte des offrants ! Non pas ceux qui distribuent comme à la banque alimentaire ou aux restos des cœurs, ce qui n’est pas si mal ; ici, ils deviennent ceux qui offrent comme une offrande servie livrée proposée.

·        Troisièmement, ce que nous avons reçu dans la foi, peut devenir une offrande.

Vous voulez rendre service : apprenez le Don ! Vous voulez que cette Eglise marche, fonctionne, témoigne, agisse en interne comme à l’extérieur : ne lui donnez pas ce dont elle a besoin,  apprenez le Don celui qui conduit à la confession de Foi à l’action de grâce ; ne payez pas parce que vous êtes contents ou satisfaits ou bien parce qu’on vous a rendu service, parce qu’on va catéchiser vos enfants ou chauffer le temple : mais apprenez le Don qui dépasse tout cela car tout cela ne dit pas encore vraiment la confession de Foi et l’action de Grâce car tout cela est bien utile mais tout cela est encore au niveau de l’échange et non du Don. Frères et sœurs, nous payons beaucoup en général, mais nous ne donnons pas assez. Nous atteignons des objectifs, pas toujours d’ailleurs, mais nous n’exprimons pas assez de confession de la foi et de l’action de grâce, manifestés par le Don ou l’Offrande.

En arrivant sur une terre nouvelle l’Israël ancien ne donne pas d’argent et ne rend pas à Dieu ce qu’il a fait pour eux. Il est bien sûr impossible de rendre ou de payer la Pâques ou de payer pour tout ce qui s’est passé dans le désert. En arrivant sur une terre nouvelle c’est le fruit de ses capacités de ses dons au sens de ses potentialités qui est mis en œuvre et qui est livré comme une offrande.

Ce sont les fruits du présent et non ceux du passé qui sont offerts comme un Don ; c’est aussi ce que firent les émigrants, les Pilgrims quittant l’Angleterre au XVIième siècle et s’installant dans le Nouveau monde. Le don comme offrande c’est le témoignage d’un présent de ce qui me met en route maintenant et non l’évocation de l’histoire qui elle trouvera sa place ensuite et ensuite seulement dans la formulation de la confession de foi.

Ma vie voudrait être une confession de foi et une action de grâce c’est le sens que Dieu lui a donnée et que j’oublie sans cesse. Ma vie est à ses yeux ce qu’il y a de plus précieux et en elle se trouve la possibilité d’un don, d’une offrande qui lui donne tout son sens.

La présence du Seigneur est un Don et une offrande c’est ce que comprirent fugacement les pèlerins d’Emmaüs ; et les Douze en route vers la maison des provisions, Bethsaïda.  Dans la vie ce qui compte ce sont les restes c’est à dire : ce qu’il en reste dans nos vies : comme capacités à donner encore ; comme possibilités d’effectuer un service dans l’Eglise et dans le monde.

Le don véritable nous conduit à la foi cela est véritablement, une bonne nouvelle. « Donnez-leur vous-mêmes à manger » !

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