Foix (Ariège) le 2 juin
« Il les donnait aux
disciples pour les offrir à la foule »
La
question du jour est assez simple et banale, même si elle demande de grandes
exigences et une grande imagination : le christianisme des chrétiens
est-il une nourriture ? Ou bien encore le message des évangiles, le
message de Jésus est-il nourrissant non seulement pour celles et ceux qui y
croient mais aussi pour le plus grand nombre de nos contemporains ; les foules
que nous croisons et auxquelles nous appartenons parfois !
L’évangile
du jour a souvent pour titre dans les diverses versions et traduction :
multiplication des pains ; c’est sans doute le fait qu’avec peu on peut
être nourrissant pour les autres. Le texte ne connaît pas le mot
multiplication. On trouve aussi plus proche du récit : Jésus rassasie
une foule (TOB). On devrait intituler en vérité : La distribution du pain
(Fr. Bovon) En quoi cela est-il une bonne
nouvelle intéressante et utile pour notre vie et notre foi ?
Je
ferai trois remarques qui essaieront de montrer la pertinence de cette
« distribution » pour nous.
·
Premièrement, la nature
de ce récit.
Est-il un récit de miracle, la narration d’un coup magique capable
d’impressionner les foules et d’en faire des adeptes ? Les diverses
versions du récit dans tous les évangiles ne disent pas que pour autant tous
ces gens nourris, suivirent Jésus et devinrent des disciples à la suite de leur
pique-nique géant comme il en existe aujourd’hui ! Ce récit n’est pas une
création, une invention du premier
siècle de l’ère chrétienne ; Il vient tout droit ou presque de l’ancien
testament avec la Manne et les récits d’Elie et d’Elisée par exemple. On
pourrait dire qu’il concerne une action divine à l’égard de personnes en
danger.
On dit aujourd’hui que ce récit fait partie du
genre « cadeau extraordinaire ». Il s’agit d’offrir des biens
ordinaires naturels des vivres ou des repas. Les gens sur place ne demandent
rien elles sont là pour écouter car « il leur parlait du règne de
Dieu et il guérissait ceux qui en avaient besoin » v.11. La
distribution de pain ne sert pas la cause du leader ou du chef ; elle
n’est pas au service d’une Eglise ou d’un clan ; elle n’est pas encore un
geste liturgique ; elle est une attention gratuite ou presque tournée vers
ceux qui sont là. Un cadeau étonnant à celles et ceux qui sont peu habitués à
en recevoir ; un cadeau sous forme d’un don de vie d’un rallongement d’une
possibilité de vie supplémentaire ; un cadeau pour un jour de plus pour
une nuit supplémentaire, sans se poser plus de question.
Le
christianisme est en marche chaque fois que j’offre un peu de vie
supplémentaire à quelqu’un. Chaque fois que je propose une réalité qui aide et conditionne un peu
plus de vie. Vous avez noté, ici chez Luc,
il ne s’agit pas de pauvres malheureux qui font la manche ou qui
attendent une allocation ; ici il s’agit de vous et de moi. C’est au
milieu des siens et de son entourage habituel que la distribution a lieu. Le
christianisme est une distribution de vie ; un supplément nécessaire pour
vivre.
·
Deuxièmement, les
personnages du récit. On vient de voir la foule qui est là. Cela devrait être notre
préoccupation principale ; non pas seulement nos gens nos fréquentations,
nos habitudes mais celles et ceux qui sont là et qui ne demandent rien et à qui
et vers qui nous devons proposer quelque chose qui nourrit.
Les apôtres viennent raconter tout ce qu’ils ont
fait au point de fatiguer Jésus qui les amène à l’écart prés de la petite ville
de Bethsaïda (la maison des provisions ! selon une traduction possible
cf ; Genèse 42, 25). Les disciples aiment raconter ce qu’ils ont fait
comme pour plaire à leur maître. La relation que l’auteur du récit suggère
entre Jésus et ses disciples, c’est « se retirer à l’écart ». Il y
aura toujours dans le christianisme des disciples de Jésus, cette notion
là : à l’écart, et non sur la place publique ; non pas non plus dans
le secret intransmissible. Mais dans le passage de l’écart à l’accueil de la foule.
Le message de Jésus n’est ni réservé au clan au cercle étroit des disciples, ni
totalement public livré à tous dans une forme comme l’on dit aujourd’hui de
transparence. Ni secret ni transparent : Mais plutôt dans le passage d’un
privé qui devient public ; la bonne nouvelle de l’évangile se réalise en
passant de l’intériorité à l’extérieur. Du dedans au dehors.
La tendance des disciples est de protéger le
Maître, celui-ci veut enseigner les disciples et nourrir la foule. Les disciples attendent du chef une
idée de génie, un miracle, un truc ; le maître attend tout de ses
disciples qui ne le savent pas et qui sont entrain de l’apprendre et de le
découvrir. Le « Donnez-leur
vous-mêmes à manger ! » résonne comme le cœur de l’expérience
chrétienne. Les disciples sont appeler à entendre cela à vérifier
l’impossibilité de le faire pour le réaliser enfin. Jésus ne donne pas à manger
il ne sert pas la foule, il donne à entendre et recevoir une parole qui donne
aux disciples le soin et la fonction de réaliser ce qu’il dit. « Et il les donnait aux disciples pour les
offrir à la foules » Les disciples ne sont pas les bras ou les mains
du Maître, ils deviennent dit le texte des offrants ! Non pas ceux qui
distribuent comme à la banque alimentaire ou aux restos des cœurs, ce qui n’est
pas si mal ; ici, ils deviennent ceux qui offrent comme une offrande
servie livrée proposée.
·
Troisièmement, ce que
nous avons reçu dans la foi, peut devenir une offrande.
Vous voulez rendre
service : apprenez le Don ! Vous voulez que cette Eglise marche,
fonctionne, témoigne, agisse en interne comme à l’extérieur : ne lui
donnez pas ce dont elle a besoin, apprenez
le Don celui qui conduit à la confession de Foi à l’action de grâce ;
ne payez pas parce que vous êtes contents ou satisfaits ou bien parce qu’on
vous a rendu service, parce qu’on va catéchiser vos enfants ou chauffer le
temple : mais apprenez le Don qui dépasse tout cela car tout cela
ne dit pas encore vraiment la confession de Foi et l’action de Grâce car tout
cela est bien utile mais tout cela est encore au niveau de l’échange et non du
Don. Frères et sœurs, nous payons beaucoup en général, mais nous ne donnons
pas assez. Nous atteignons des objectifs, pas toujours d’ailleurs,
mais nous n’exprimons pas assez de confession de la foi et de l’action de
grâce, manifestés par le Don ou l’Offrande.
En arrivant sur une terre
nouvelle l’Israël ancien ne donne pas d’argent et ne rend pas à Dieu ce qu’il a
fait pour eux. Il est bien sûr impossible de rendre ou de payer la Pâques ou de
payer pour tout ce qui s’est passé dans le désert. En arrivant sur une terre
nouvelle c’est le fruit de ses capacités de ses dons au sens de ses
potentialités qui est mis en œuvre et qui est livré comme une offrande.
Ce sont les fruits du présent et non ceux du passé qui sont offerts
comme un Don ; c’est aussi ce que firent les émigrants, les Pilgrims
quittant l’Angleterre au XVIième siècle et s’installant dans le Nouveau monde. Le
don comme offrande c’est le témoignage d’un présent de ce qui me met en route
maintenant et non l’évocation de l’histoire qui elle trouvera sa place ensuite
et ensuite seulement dans la formulation de la confession de foi.
Ma vie voudrait être une confession de foi et une action de grâce c’est le sens que Dieu
lui a donnée et que j’oublie sans cesse. Ma vie est à ses yeux ce qu’il y a de
plus précieux et en elle se trouve la possibilité d’un don, d’une offrande qui
lui donne tout son sens.
La présence du Seigneur est un Don et une offrande c’est ce que
comprirent fugacement les pèlerins d’Emmaüs ; et les Douze en route vers
la maison des provisions, Bethsaïda.
Dans la vie ce qui compte ce sont les restes c’est à dire : ce
qu’il en reste dans nos vies : comme capacités à donner encore ;
comme possibilités d’effectuer un service dans l’Eglise et dans le monde.
Le don véritable nous conduit à la foi cela est véritablement, une
bonne nouvelle. « Donnez-leur vous-mêmes à manger » !
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