jeudi 2 décembre 2021

Dimanche 28 novembre à Villeneuve sur Lot : notes pour la prédication

Textes : Jérémie 33, 14-16 et Luc 21, 25-36

1 - Nous aimons bien souvent les apocalypses…lorsque les choses vont mal…les romans , les films, les séries, les faits divers catastrophiques attirent non seulement nos regards, nos curiosités, notre intérêt ! Orwell, Orange mécanique…the House of Cards… Melancholia…Armagedon…sans le savoir consciemment… nous sommes scotchés comme malgré notre conscience claire par ce qui va mal se termine mal, qui nous surprend contre toute raison claire, nous voici entrainés vers un tourbillon réel, imaginatif, projectif vers des réalités que l’on nomme dystopiques ; dystopie, vers ce qui tourne mal, un peu parallèle à utopie, vers ce qui tourne bien. On pourrait ajouter que les actualités de nos vies, les moments de nos vies les plus concrets, sont dystopiques au sens où nos vies se terminent… plutôt mal… au sens où elles sont 100% mortelles…

2 – Les textes bibliques eux-mêmes sont pleins de dystopies ; les textes aux différentes couleurs :  parmi les nombreux genres littéraires qui composent la Bibles les apocalypses sont en bonne place ; l’Apocalypse conclue même le NT ! On pourrait dire qu’au commencement même le tohu-bohu initial ressemble à une dystopie qui s’organise, qui est organisée et qui devient une utopie peu à peu vivante et viable…

Toute la littérature inter-testamentaire, comme tous les apocryphes n’hésitent pas à décrire le temps de la fin comme un grand combat entre le mal et le bien, et l’on ne sait plus très bien si cela relève de la croyance de la description voilée et cryptée de la réalité sociale et politique où l’empire romain devient la grande prostituée, ou bien décrit les communautés à typiques originales et schismatiques…si l’on doit tuer son chien il est plus subtil de dire qu’il avait la rage…

Peut-on faire encore un pas de plus et voir dans la vie de Jésus décrite par les évangiles comme un signe de la présence apocalyptique toujours là comme à l’affût ; sa naissance sera associée au massacre des Innocents, sa mort et sa résurrection seront associées aux troubles cosmiques, tremblement de terre, obscurcissement, déchirement….

Les évangiles synoptiques contiennent des apocalypses comme l’Ev de Luc et le texte de ce jour : les nuées, la terreur, l’angoisse des nations, les cieux ébranlés, la proximité annoncée du Royaume de Dieu semble impliquer ces manifestations dystopiques. Il faut dire que lorsque les premiers chrétiens commencent à rédiger des textes et les faire circuler, ils sont aux prises avec des réalités terrifiantes : comme par exemple la prise de Jérusalem par Titus, l’anéantissement du temple lieu central de la piété ancestrale des juifs et des juifs devenus chrétiens…terrifiante manifestation aussi celle de l’irruption du Vésuve en l’an 79 et la fin de Pompéi qui bouleversa la vie de l’organisation de l’empire…et la compréhension de toute foi et de toute espérance !

Nous ne sommes pas insensibles à la catastrophe écologique souvent décrite et annoncée et toute notre organisation humaine est concernée par ses conséquences sur nos modes de vie et nos modes de compréhension comme notre manière de croire et de penser :  notre église et notre foi, sont concernées. La catastrophe, la dystopie devient non seulement une réalité possible mais surtout un langage, une structure de compréhension, une réalité qui suscite débats, tensions et conflits possibles…

3 - Tournons-nous maintenant vers l’utopie ou plus exactement tournons vers ce qui au sein de la dystopie ressemble à une bonne nouvelle pour nous pour le monde pour les autres avec nous….

L’Ev de Luc retient un élément pour faire face à la venue catastrophique celle de la venue de la fin sous le signe du fils de l’homme comme l’annonçait déjà le livre de Daniel…. Devant les éléments que je ne contrôle pas, devant ce qui n’est pas maitrisable ce qui reste c’est la vigilance et la prière…veillez et priez, c’est la vigilance liée à : la prière comme une vigilance de la prière elle-même.

On est loin ici de la prière recette ou de la prière remède ou de la prière qui sollicite le magique du coup de baguette disponible…Devant ce qui arrive, devant l’inéducable, veillez et priez, cela signifie que je reste quoiqu’il arrive en relation avec moi-même (veillez…) et priez : je suis en relation avec l’autre avec Quelqu’un est là …pour moi, pour nous. Quelqu’un est là, toujours là ! Cela est une bonne nouvelle tant nous sommes prompts à dire que nous sommes seuls avec nos problèmes…que nous sommes tristement minoritaires, qu’on ne voit pas la relève… Etre là, quelqu’un est là avec…nous on dira qu’il est Emmanuel…ceci n’est pas une consolation facile, quelqu’un qui aura le visage de Jésus qui se fera semblable à nous…oui il y a quelqu’un… c’est sans doute le message réduit et essentiel : un Dieu semblable à nous au centre de tout ce qui nous dépasse…La vigilance de la prière, c’est aussi comme en creux : nous ne pouvons pas tout régler, et cela nous entraine à un déplacement … du centre à la périphérie ; C’est Lui le centre, celui qui est là pour et avec nous… C’est toujours l’Autre que moi-même qui est au centre…ce sera la diaconie chrétienne essentielle car cet autre est une image de Dieu même. Notre rassemblement ce matin en ce premier dimanche de l’Avent de la venue de l’autre, est la communauté de celles et ceux qui se déplacent de leur propre centre vers la périphérie pour laisser place aux autres à l’Autre….

Enfin il y a une autre manière de décrire la bonne nouvelle face à la dystopie… et c’est Jérémie qui nous le dit : « En ces jours-là, je ferai éclore à David un germe de justice, il pratiquera la justice...on l’appellera l’Eternel notre justice ! »

La Bonne nouvelle prophétique contre toute attente, alors que Jérusalem au VIième va subir un siège, une déportation catastrophique, il annonce une germination, non pas celle d’un printemps, mais celle d’une sorte de naissance possible encore invisible et pourtant déjà et ce renouveau n’est pas là pour arrêter le malheur mais en vue une pratique oubliée, voire inconnue, celle de la pratique inattendue de la justice ! Pratiquer la justice voilà la marque le signe qui conteste la dystopie…Celui qui vient annonce une pratique de la justice d’une équité qui met chacun à égale distance de l’essentiel, à égale distance de Celui qui se tient là pour nous. Pour nous une écoute une présence, pour le plus grand nombre la pratique de la justice…tout le reste parait alors secondaire…

La dimension personnelle, spirituelle c’est la vigilance de la prière, la dimension communautaire sociale, politique c’est la pratique de la justice…

Il n’est plus question de dire que nous ne savons que faire, il n’est plus question ou de dire que le monde s’écroule : nous restons personnellement et collectivement sous le regard de Dieu qui nous invite à priez à nous décentrer et à pratiquer et promouvoir la justice ou chacune et chacun est reconnu, à sa place et à égale distance de l’essentiel…

Oui « malgré l’affrontement avec les forces de la mort, l’Evangile n’imagine pas l’esprit des humains dompté et écrasé ! » J. Assaël.