Textes : Jérémie 33, 14-16 et Luc 21, 25-36
1 - Nous aimons bien souvent les
apocalypses…lorsque les choses vont mal…les romans , les films, les séries, les
faits divers catastrophiques attirent non seulement nos regards, nos
curiosités, notre intérêt ! Orwell, Orange mécanique…the House of Cards… Melancholia…Armagedon…sans
le savoir consciemment… nous sommes scotchés comme malgré notre conscience
claire par ce qui va mal se termine mal, qui nous surprend contre toute raison
claire, nous voici entrainés vers un tourbillon réel, imaginatif, projectif
vers des réalités que l’on nomme dystopiques ; dystopie, vers ce qui tourne
mal, un peu parallèle à utopie, vers ce qui tourne bien. On pourrait
ajouter que les actualités de nos vies, les moments de nos vies les plus
concrets, sont dystopiques au sens où nos vies se terminent… plutôt mal… au
sens où elles sont 100% mortelles…
2 – Les textes bibliques
eux-mêmes sont pleins de dystopies ; les textes aux différentes
couleurs : parmi les nombreux
genres littéraires qui composent la Bibles les apocalypses sont en bonne
place ; l’Apocalypse conclue même le NT ! On pourrait dire qu’au
commencement même le tohu-bohu initial ressemble à une dystopie qui s’organise,
qui est organisée et qui devient une utopie peu à peu vivante et viable…
Toute la littérature inter-testamentaire,
comme tous les apocryphes n’hésitent pas à décrire le temps de la fin comme un
grand combat entre le mal et le bien, et l’on ne sait plus très bien si cela
relève de la croyance de la description voilée et cryptée de la réalité sociale
et politique où l’empire romain devient la grande prostituée, ou bien décrit
les communautés à typiques originales et schismatiques…si l’on doit tuer son
chien il est plus subtil de dire qu’il avait la rage…
Peut-on faire encore un pas de
plus et voir dans la vie de Jésus décrite par les évangiles comme un signe
de la présence apocalyptique toujours là comme à l’affût ; sa naissance
sera associée au massacre des Innocents, sa mort et sa résurrection seront
associées aux troubles cosmiques, tremblement de terre, obscurcissement,
déchirement….
Les évangiles synoptiques
contiennent des apocalypses comme l’Ev de Luc et le texte de ce jour :
les nuées, la terreur, l’angoisse des nations, les cieux ébranlés, la proximité
annoncée du Royaume de Dieu semble impliquer ces manifestations dystopiques. Il
faut dire que lorsque les premiers chrétiens commencent à rédiger des textes et
les faire circuler, ils sont aux prises avec des réalités terrifiantes : comme
par exemple la prise de Jérusalem par Titus, l’anéantissement du temple lieu
central de la piété ancestrale des juifs et des juifs devenus
chrétiens…terrifiante manifestation aussi celle de l’irruption du Vésuve en l’an
79 et la fin de Pompéi qui bouleversa la vie de l’organisation de l’empire…et
la compréhension de toute foi et de toute espérance !
Nous ne sommes pas insensibles
à la catastrophe écologique souvent décrite et annoncée et toute notre
organisation humaine est concernée par ses conséquences sur nos modes de vie et
nos modes de compréhension comme notre manière de croire et de penser : notre église et notre foi, sont concernées. La
catastrophe, la dystopie devient non seulement une réalité possible mais
surtout un langage, une structure de compréhension, une réalité qui suscite
débats, tensions et conflits possibles…
3 - Tournons-nous maintenant
vers l’utopie ou plus exactement tournons vers ce qui au sein de la
dystopie ressemble à une bonne nouvelle pour nous pour le monde pour les
autres avec nous….
L’Ev de Luc retient un élément
pour faire face à la venue catastrophique celle de la venue de la fin sous le
signe du fils de l’homme comme l’annonçait déjà le livre de Daniel…. Devant les
éléments que je ne contrôle pas, devant ce qui n’est pas maitrisable ce qui
reste c’est la vigilance et la prière…veillez et priez, c’est la vigilance liée
à : la prière comme une vigilance de la prière elle-même.
On est loin ici de la prière
recette ou de la prière remède ou de la prière qui sollicite le magique du coup
de baguette disponible…Devant ce qui arrive, devant l’inéducable, veillez et
priez, cela signifie que je reste quoiqu’il arrive en relation avec moi-même
(veillez…) et priez : je suis en relation avec l’autre avec Quelqu’un
est là …pour moi, pour nous. Quelqu’un est là, toujours là ! Cela est
une bonne nouvelle tant nous sommes prompts à dire que nous sommes seuls avec
nos problèmes…que nous sommes tristement minoritaires, qu’on ne voit pas la
relève… Etre là, quelqu’un est là avec…nous on dira qu’il est Emmanuel…ceci
n’est pas une consolation facile, quelqu’un qui aura le visage de Jésus qui se
fera semblable à nous…oui il y a quelqu’un… c’est sans doute le message réduit
et essentiel : un Dieu semblable à nous au centre de tout ce qui nous
dépasse…La vigilance de la prière, c’est aussi comme en creux : nous ne
pouvons pas tout régler, et cela nous entraine à un déplacement … du centre à
la périphérie ; C’est Lui le centre, celui qui est là pour et avec nous…
C’est toujours l’Autre que moi-même qui est au centre…ce sera la diaconie
chrétienne essentielle car cet autre est une image de Dieu même. Notre
rassemblement ce matin en ce premier dimanche de l’Avent de la venue de
l’autre, est la communauté de celles et ceux qui se déplacent de leur propre
centre vers la périphérie pour laisser place aux autres à l’Autre….
Enfin il y a une autre manière de
décrire la bonne nouvelle face à la dystopie… et c’est Jérémie qui nous le
dit : « En ces jours-là, je ferai éclore à David un germe de
justice, il pratiquera la justice...on l’appellera l’Eternel notre
justice ! »
La Bonne nouvelle prophétique contre
toute attente, alors que Jérusalem au VIième va subir un siège, une déportation
catastrophique, il annonce une germination, non pas celle d’un
printemps, mais celle d’une sorte de naissance possible encore invisible et
pourtant déjà et ce renouveau n’est pas là pour arrêter le malheur mais en vue une
pratique oubliée, voire inconnue, celle de la pratique inattendue de la
justice ! Pratiquer la justice voilà la marque le signe qui
conteste la dystopie…Celui qui vient annonce une pratique de la justice d’une
équité qui met chacun à égale distance de l’essentiel, à égale distance de
Celui qui se tient là pour nous. Pour nous une écoute une présence, pour le
plus grand nombre la pratique de la justice…tout le reste parait alors
secondaire…
La dimension personnelle,
spirituelle c’est la vigilance de la prière, la dimension communautaire
sociale, politique c’est la pratique de la justice…
Il n’est plus question de dire
que nous ne savons que faire, il n’est plus question ou de dire que le monde
s’écroule : nous restons personnellement et collectivement sous le
regard de Dieu qui nous invite à priez à nous décentrer et à pratiquer et
promouvoir la justice ou chacune et chacun est reconnu, à sa place et à égale
distance de l’essentiel…
Oui « malgré l’affrontement
avec les forces de la mort, l’Evangile n’imagine pas l’esprit des humains
dompté et écrasé ! » J. Assaël.