dimanche 24 novembre 2024

A Villeneuve sur Lot, le 24 novembre : l'Evangile selon Pilate !

Lectures : Daniel 7, 13-14 ; Apocalypse 1, 5-8 et Jean 18, 33-38 : Pilate et la Vérité

 « Ce matin je disais à Claudia (Pilate parle à son épouse) qui se prétend chrétienne, qu’il n’y aura jamais qu’une seule génération de chrétiens : ceux qui auront vu Yéchoua –Jésus ressuscité. Cette foi s’éteindra avec eux à la première génération, lorsque l’on fermera les paupières du dernier vieillard qui aura dans sa mémoire le visage et la voix de Yéchoua vivant.

-         Je ne serai donc jamais chrétien, Claudia. Car je n’ai rien vu, j’ai tout raté, je suis arrivé trop tard. Si je voulais croire, je devrais d’abord croire le témoignage des autres.

-         -Alors peut-être est-ce toi, le premier chrétien ? » lui dit-elle."

 Ainsi s’achève le roman d’Eric-Emmanuel Schmitt « l’Evangile selon Pilate ». Est-ce pensable que Pilate soit en fait le premier chrétien ? Bien sûr nous sommes là dans la fiction romanesque et pourtant cette fiction est stimulante pour la foi. Pilate est bien un personnage décisif pour la foi des témoins et des témoins écrivains des évangiles. Il est le personnage qui avec Marie la mère de Jésus, est entré dans la confession de foi dans le symbole des apôtres : « il a souffert sous Ponce Pilate » Dire sa foi son résumé c’est alors nommer sans cesse Pilate qui fait entrer l’épisode de la fin de vie de Jésus dans l’histoire. Comme Quirinius gouverneur de Syrie et César Auguste avaient ouvert le commencement de sa vie sous le registre d’un recensement, Pilate est la figure centrale du procès de Jésus ; il est le bras séculier qui sans grande conviction va dire et faire des choses essentielles. Pilate est le fonctionnaire qui veut bien faire et ne veut pas d’histoires dans sa juridiction ; il terminera son existence et sa carrière sans gloire à Rome ; on peut supposer seulement mais avec une grande probabilité qu’il n’a jamais oublié cette rencontre avec le supplicié celui qui avait eu un entretien avec lui juste avant de mourir. S’est-il souvenu des questions qu’il posa un jour au supplicié : Qu’as-tu fait ? Es-tu roi ? Qu’est-ce que la Vérité ?

Il est un personnage comme bien d’autres qui nous aide à savoir à connaître et à croire la personne même de Jésus le Christ. L’évangile selon Pilate n’est pas le roman de sa vie à lui, c’est plutôt la trace de l’identité du Christ en train de se dessiner et d’apparaître comme une révélation comme une évidence incroyable et pourtant en train de se manifester dans une rencontre. Dans un entretien comme il y eut l’entretien de Jésus avec Nicodème, avec la Samaritaine, avec la femme adultère, avec Marthe et Marie et avec les disciples pour rester dans l’évangile de Jean ou l’ultime entretien de Jésus sur la croix sera celui avec sa mère et avec Jean, Voici ton fils, voici ta mère !  Cette grande série d’entretiens et de personnages nous aident à nous positionner : et toi que dis-tu que je suis ?

 Suis –je pour toi, avec Nicodème, celui qui est venu dans le monde afin que tout homme qui croit en lui a la vie éternelle ?

Suis-je pour toi, Celui qui doit venir Celui est attendu et qui m’a dit tout ce qui m’est arrivé avec la Samaritaine ?

Suis-je pour toi Celui qui pardonne et qui renvoie vers la vie renouvelée, avec la femme adultère ?

Suis-je la résurrection et la Vie et un sujet d’amour avec Marthe et Marie ?

Suis-je le serviteur qui lave les pieds de ses disciples ? Suis-je le chemin la vérité et la vie avec Philippe ?

L’évangéliste Jean nous tend des perches, nous envoie des invitations, nous entraîne à sa suite pour que nous fassions nôtre ce personnage de Jésus qui circule de personnage en personnages de situation en situation comme pour atteindre la nôtre.

Les rabbins disaient qu’il y avait 99 manières de parler et de rencontrer Dieu. On se demande pourquoi une telle variété de situations ? C’est sans doute pour que chacun puisse nommer Dieu ; pour que chacun se trouve en situation de vis à vis en situation d’interlocuteur ; en sachant que la meilleure façon sera bien sur la 100ième celle que révèlera le Messie lui-même lorsqu’il viendra.

L’auteur Jean celui de l’Apocalypse participe lui aussi à cet inventaire pour nous faire une place pour nous rendre partenaire : Jésus le témoin fidèle, le premier né d’entre les morts, le prince des rois de la terre, Celui qui nous aime. Celui qui est, qui était et qui vient, celui dit Dieu enfin qui est l’alpha et l’oméga.

Dans cette galerie de portraits dans cet étalage de propositions de foi concernant la personne de Jésus comme Christ quelle est la part spécifique de Pilate qui voit les choses et les êtres de l’extérieur apparemment peu concerné ; comment voit-il Jésus depuis son monde à lui ?

Comme un roi dérisoire. (Rome depuis l’origine, n’aime pas la royauté !) Comme une caricature de royauté dont il connaît bien les attributs et les fastes. Jésus est roi non comme César, il le voit bien ; mais il dit lui-même que sa royauté n’est pas de ce monde ci et qu’elle concerne finalement le monde de la vie intérieure et personnelle ; un roi dérisoire aux normes du monde, un roi qui donne du prix à la vie qui donne du prix à l’espérance à l’amour qui donne du prix à la vérité. Jésus n’est pas en compétition avec César comme empereur ; il sera en compétition avec lui lorsque celui-ci se prendra pour un dieu ; comme avec les idoles, avec tout ce qui ressemble ou croit ressembler à une divinité idolâtre que les humains aiment fabriquer. Ces attributs dérisoires de royauté, le manteau de pourpre comme la couronne même d’épines critiquent, contestent malgré tout, les pouvoirs qui se croient ultimes et divins.

Pour Pilate Jésus c’est l’Homme, l'humain : Voici l’homme dira-t-il après l’entretien. On dit qu’il est Dieu qu’il est fils de Dieu ; qu’il parle avec lui comme avec son Père et voici qu’il est humain très humain trop humain et cela sera un problème insurmontable et incroyable pour tous, tant juifs que grecs ou latins. Dans l’humanité de Jésus Pilate découvre que malgré tout, ce n’est plus une faiblesse mais une force ; sa fragilité est une résistance. Paul disait déjà que c’est lorsqu’il est faible qu’il se sent fort de cette faiblesse même.

Enfin pour Pilate, Jésus est celui qui ouvre les portes de la Vérité. Notre temps est celui, bien souvent de la post-vérité ! Qu’est-ce que la Vérité ? Comme accéder au fait que la vérité c’est désormais quelqu’un et non plus une idée, que la vérité c’est ce qui est dit et écrit ; Pilate est en train de le découvrir ; il dira que ce qu’il a écrit, restera écrit à savoir que Jésus de Nazareth est le roi des juifs. Il va découvrir l’autorité de l’écriture lui qui est aussi un auteur du Nouveau Testament.

Le terme employé dans la langue de l’évangile pour dire la vérité est un terme qui commence par un « a » un alpha si vous voulez, un « a » que l’on appelle privatif car le mot qui suit traduit aussi la réalité de l’oubli. Ainsi la vérité c’est lorsqu’on n’oublie pas. La vérité c’est le contraire de l’oubli. La vérité de Jésus c’est qu’il se souvient c’est que nous nous souvenons de lui de ce qu’il a dit et fait. La vérité de Jésus c’est ne pas oublier ce qu’il a fait en nous et pour nous. Jésus le Christ dit la vérité de Dieu car il renvoie sans cesse à lui à un autre que lui-même ; il n’oublie jamais l’autre. Les entretiens de Jésus avec des personnes sont en vérité car l’autre n’est pas oublié. Le visage d’autrui, dira pour la tradition juive suivant Lévinas, le visage d’autrui dira la vérité de Dieu lui-même, comme impossibilité de passer à côté et d’oublier.

Le mot « vérité » en grec comme en hébreu commence par la première lettre de l’alphabet ; l’écriture est la possibilité de ne pas oublier car les paroles s’envolent mais les écrits restent ; écrire composer sa vie sa foi composer une confession de foi ; dire sa foi sa relation avec Dieu c’est commencer à entrer dans le monde de la vérité. Pilate ne connaît pas la vérité comme une personne vivante pourtant il a écrit le début d’une confession de foi devant le personnage Jésus. Il a commencé seulement il a cru en l’alpha qu’il avait devant lui ; il n’a pas tout compris, pas tout écrit mais il s’est engagé sur un chemin de Vérité encore il est vrai, prisonnier de son statut de sa fonction.

Jésus le Christ est un chemin de Vérité de renoncement à l’oubli ; il est un commencement et une fin ; il est l’alpha et l’oméga il est - de a à z - ce qui permet de comprendre et de croire et d’écrire une vie nouvelle ou la faiblesse sera une force ou le dénuement deviendra richesse ; ou tout ce qui est attendu deviendra réalité ou enfin la réalité de Dieu sera en proximité avec la vie des hommes et des femmes.

Pilate a dit la vérité partielle sur Jésus ; il n’a sûrement pas oublié cette rencontre ; son entretien avec Jésus nous ouvre et nous invite à la confession de l’alpha et de l’oméga pour écrire sans cesse dans nos vies une parole vraie celle qui n’oubliera pas ; écrire dans nos vies, une parole de reconnaissance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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