Réconfortez,
réconfortez mon peuple, dit votre Dieu.
Dans le désert… une voix
dit : Prépare un chemin pour le Seigneur, relève le vallon, abaisse la
montagne afin que la Gloire du Seigneur soit observée, vue et reconnue ;
Une autre voix dit : Proclame mais que proclamerai-je ? Tous les
êtres de chair sont de l’herbe et leur consistance est comme la fleur des
champs, l’herbe sèche la fleur se fane mais la parole de notre Dieu subsistera
toujours.
Le temps de l’Avent c’est le temps dit-on de la
préparation de la venue du Seigneur. Mais tout cela est bien liturgique et
répétitif comme pour nous entraîner à essayer de dire au cœur des fêtes de
Noël, l’espérance de l’évangile de Jésus Christ.
En réalité le solstice d’hiver christianisé est
devenu le moment de la naissance de Jésus ; aujourd’hui cette venue et ces
conséquences sont perdues de vue par nos contemporains et nous voici aux prises
avec une nouvelle tentative de proclamer à nouveau une espérance celle de
l’Evangile ; et pour cela nous sommes tentés par la stratégie de la
rupture : ce que vivent la plupart des hommes et des femmes qui nous
entourent, avec cette débauche de lumières et de paillettes, cette course
frénétique à la dépense maximum sans doute utile à notre économie nationale
mais qui signale davantage encore la distance avec la foi en Christ comme
renversement des valeurs. Nous sommes tentés par la stratégie de l’accommodation :
au fond nous ne pouvons rien faire, rien dire : laissons faire et faisons
ce que nous croyons bon pour nous et notre entourage. Participons mais avec
modération et retenue.
Y-a t-il une autre voie à suivre et à vivre, entre
la rupture et l’accommodation ?
Y a t-il une manière de nous préparer ou de préparer le chemin du
Seigneur qui éviterait à la fois, l’isolement, le quant à soi des purs et de ce
qui savent, des croyants véritables et le laxisme ou le relativisme des sans
scrupules, prêts à brader l’exigence évangélique aux modes et à l’air du
temps ?
Je crois que les Ecritures nous donnent comme
toujours des pistes à suivre, des codes à décrypter, des conseils à vivre,
des élans qui nous portent, elles nous aident à ne pas renoncer, à ne pas nous
couper des autres, à ne pas nous confondre et nous dissoudre dans le monde. Il
s’agit bien de retrouver avec les autres, chez les autres, comme en nous-mêmes,
ce qui semblait perdu et comme inaccessible.
La première indication
c’est la consolation, le réconfort. Selon un sondage chez nous en
France : la religion c’est d’abord un réconfort une consolation. Consolez
mon peuple ! Consoler c’est rejoindre une solitude :
cum-solatio. Parlez à son cœur ;
Parler au cœur c’est annoncer et vivre de la bienveillance de quelqu’un pour
quelqu’un. C’est manifester dans notre vie que le Seigneur, le grand absent du
monde, celui à qui, aucune place n’est faite, habite notre vie et se soucie
d’elle et du monde. La préparation du chemin du Seigneur, l’évangélisation du
temps de Noël c’est manifester que nous sommes, nous-mêmes réconfortez par la
foi en sa Parole qui nous dit : je viens, je reviens.
Ici la question n’est pas de
rétablir une vérité que les autres ou nous-mêmes auraient oubliée : Noël
c’est la naissance de Jésus c’est bien plus que cela :l’attente de la
venue c’est le retour c’est la marche c’est la rencontre du Seigneur vers nous
et vers les autres. Celui qui était prisonnier revient, celui qui était loin
s’approche, celui qui était absent nous croyons qu’il est là ; là où nous
ne l’attendions pas, il revient autrement et bien plus que dans nos souhaits et
nos désirs maladroits. Oui je crois qu’il faut dire que Dieu est absent du
monde pour pouvoir l’attendre en vérité. Voilà notre consolation. La prise au
sérieux de son absence est le gage de son attente et de sa venue. Le monde a
raison : Dieu n’est plus là ; mais vivre sans lui, vivre sans
l’autre est-ce bien vivre ? Vivre dans la foi vivre de sa consolation et
de son réconfort c’est vivre avec.
Dire à nos contemporains qu’ils vivent d’une
absence et qu’ils s’agitent car cette absence est difficile et qu’elle suscite
tous les élans de générosité éphémères tous les bons sentiments qui animent une
quête sans fin vers on ne sait plus quoi ou qui. Dire et vivre car quelqu’un
vient enfin apaiser et consoler ; quelqu’un vient à la rencontre de celles
et ceux qui fabriquent et produisent d’innombrables relations passagères qui
donnent le vertige. Consoler le peuple, consoler mon peuple c’est dire et
croire que le vertige prend fin, enfin.
Evangéliser le temps de Noël
c’est aussi parler ou prêcher… dans le désert. Je suis frappé de la place
du désert dans les textes de Noël et ceux de son annonce. Le désert occupe on
le sait dans la Bible une place centrale entre le Jardin initial et la Ville
finale ; bien plus qu’une considération géographique il devient le lieu
d’une résonance essentielle, d’une rencontre essentielle.
Dans le désert retentit une
Parole. Parole et désert vont ensemble. Lorsqu’un juif dit le mot désert "midebar" il entend si j’ose dire une parole "debar". De même qu’il
fallait prendre au sérieux la réalité de l’absence de Dieu pour pouvoir
annoncer qu’il vient. De même il faut prendre au sérieux la réalité du désert
pour entendre une Parole. Le désert c’est là où ça parle vraiment. Le désert et
la Parole qui fait vivre et qui donne un sens au monde, ne font qu’un. L’oasis
c’est là où l’on discute. Un livre de la Bible s’appelle Désert c’est le livre
des Nombres, c’est le livre où les hébreux vont se compter pour se rassurer et
les traducteurs grecs et latins fascinés par les nombres l’ont appelé
ainsi ; mais c’est le livre en même temps où l’on rencontre le plus
souvent cette expression : Dieu parla à Moïse dans le désert. D’où son nom
hébraïque.
Parler dans le désert – comme
Jean Baptiste- est devenu pour nous synonyme de parole vaine, sans effet.
Evangéliser Noël c’est laisser enfin parler la Parole qui vient du désert.
Préparer le chemin du Seigneur c’est faire désert en nous. Non pas faire
retraite et nous retirer, mais plutôt nous laisser envahir par la voix du
désert où l’essentiel est enfin à sa place.
Le désert n’est pas toujours là
où on le croit, il n’est pas toujours loin mais parfois tout prêt : notre
vie ressemble parfois à un désert sans Parole, le monde et son agitation peuvent
être comparés à un désert sans Parole ; Je suis frappé du bruit, de la
sonorité de nos villes en particulier en ce temps de préparation de fêtes, du
bruit surajouté dans les rues et les magasins toute sorte de musiquettes comme
pour rendre inaudible une Parole comme pour empêcher l’acuité la qualité d’une
Parole qui annoncerait une vraie bonne nouvelle celle de la venue de l’absent,
celle de celui qui manque au sein du grouillement et de l’agitation des foules.
Croire en celui qui vient c’est
passer par le désert. Le désert c’est le lieu nécessaire de la Parole qui fait
vivre. Retrouver en nous le désert positif celui où l’on peut enfin entendre.
Dire et montrer à nos contemporains qu’ils vivent dans un désert ce n’est
pas juger ce monde c’est atténuer tous les bruits qui ne sont vraiment pas
importants afin d’écouter enfin sans peur du vide ; c’est dire le cadre où
une Parole de vie et d’espérance pourra retentir.
Dire une consolation possible
et vivre de cette consolation, Dieu vient : retrouver la vie du désert
celle de la rencontre et celle de la tentation, entendre à nouveau une parole
au sein de tous les bruissements du monde et enfin reconnaître la beauté,
la simplicité et fragilité de ce que nous sommes.
Oui en ce temps de l’Avent
il est encore temps d’attendre sa venue non plus de façon répétitive et
liturgique mais avec l’élan renouvelé de notre foi. Le Seigneur absent, vient à
notre rencontre c’est notre consolation et celle du monde. Il nous propose une
rencontre dans un désert digne de ce nom ce lieu de retentissement de sa
Parole, celle qui dure. Il nous prend comme nous sommes ni plus ni moins comme
de l’herbe qui fleurie et qui se fane mais qui est utile et importante pour
d’autres.
Le prophète Jean Baptiste
résume bien notre condition d’enfant de Dieu il nous rappelle avec instance
qu’au milieu de nous et non pas ailleurs, se tient quelqu’un que nous ne
connaissons pas vraiment et qui veut nous rencontrer afin que nous puissions
partager sa Parole et son amour avec tous ceux qui font du bruit et qui
s’agitent.
Parole de consolation,
Parole du désert,
Parole fragile, qui vient me rejoindre.
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