Le 12 février,
Jean-Luc Mélenchon était l’invité de Radio France Politique. Il a dénoncé les
dérives extrême-droitistes de la majorité, illustrées par les récentes
déclarations de Claude Guéant et Nicolas Sarkozy. Il a salué la prise de
position de François Bayrou et en a appelé aux chrétiens : "Il est
temps quand même que des chrétiens, comme lui, commencent à dire que, au fond,
il y a deux christianismes, celui des croisades et celui de Saint Martin :
partager son manteau sans aller demander les papiers à celui à qui on donne le
morceau pour qu’il ait chaud." Quelles que soient nos opinions sur
Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou ou leurs programmes, nous affirmons
fortement notre vision d’un christianisme du « manteau partagé ».
C’est ce christianisme que nous faisons vivre sur le terrain, que nous – ou nos
Eglises - défendons publiquement, sans toujours être entendus.
Nous dénonçons
l’esprit de croisade pour la défense de la « France
chrétienne » : l’extrême droite catholique s’attaque à l’art
contemporain, la présidence de la République et sa majorité affirment une
soi-disant supériorité d’une civilisation (chrétienne) sur d’autres, sans
compter le discours du Front National, et nous en passons... Nous contestons la
manipulation et l’accentuation des clivages dans notre pays : clivages
raciaux, sociaux, religieux, ethniques, de couleur de peau qui font du jeune de
banlieue, du musulman, du chômeur, du rom, le bouc-émissaire. Ces clivages sont
utilisés par les médias, les pouvoirs et certaines forces politiques pour
occulter le clivage de fond : le clivage social. Les discriminations ne
sont plus des faits isolés, elles sont un système qui s’attaque aux habitants
des quartiers populaires, aux noirs, aux arabes, aux musulmans. Elles créent
une classe de citoyens à part. Jésus était du côté des parias pour mettre à bas
les murs de séparation, nous sommes aux côtés de ceux d’aujourd’hui.
Nous défendons la
laïcité de la loi de 1905 dans son esprit et dans sa lettre. Donc nous
dénonçons son instrumentalisation pour mener l’assaut contre les musulmans et
autres minorités religieuses. Cette croisade n’est possible que parce que
d’aucuns renvoient dos à dos laïcité et religion comme deux entités
inconciliables. La laïcité ne pourrait que s’opposer à des religions toujours
présentées comme dogmatiques, obscurantistes, dangereuses. Le spirituel et ses
valeurs ne seraient réservés qu’à la sphère intime ou privée, en l’opposant à
la sphère sociale, politique, publique. Au contraire, il est urgent de
promouvoir l’esprit des pères de la loi de 1905 : une laïcité inclusive
qui n’exclut pas telle ou telle population, une laïcité qui permet le dialogue
public de positions religieuses et non religieuses. C’est pour nous le meilleur
moyen de renforcer des religions synonymes de liberté de conscience et de faire
reculer les courants religieux d’aliénation. La peur du communautarisme ne doit
pas occulter le rôle positif des communautés dans l’enrichissement du lien
social et la construction d’une société une et diverse.
Notre christianisme
est bien celui de saint Martin, mais aussi de l’abbé Pierre, de Théodore Monod,
de Dietrich Bonhoeffer, de Martin Luther King ou Desmmond Tutu. Le partage du
manteau signifie aider l’autre, frère ou sœur en humanité, qu’il ait des
papiers ou non, même si cela viole la loi. Mais il faut aller plus loin. Donner
un bout de son manteau, c’est poser le problème du partage planétaire des
richesses, rendu impossible par le système capitaliste qui repose sur la
concurrence de tous et toutes contre toutes et tous, qui produit souffrances
personnelles et violences sociales, qui permet l’émergence de peurs et de
discriminations. Nous refusons le chantage sur la dette qui place des pays
entiers sous l’emprise des banques et des systèmes financiers. Nous soutenons
le peuple grec étranglé par un nouveau plan d’austérité. Nous contestons les
politiques d’austérité qui engendrent la pauvreté pour des millions d’individus
et mettent en danger l’action publique. Cessons de diaboliser l’impôt,
instrument de la répartition des richesses, cessons de penser en
« toujours plus » de production, de consommation, d’énergie... Au
contraire, face à la crise écologique, posons-nous la question du mieux, du
bien vivre ensemble.
Le vote pour
l’extrême droite est incompatible avec les valeurs de l’évangile partagées bien
au-delà des chrétiens. Nous disons aux chrétiens de droite inquiets de la
tentation de l’extrême-droite, qu’ils se doivent d’interpeler leur camp sur les
dérives des politiques et des propos, notamment sur l’immigration, qui ont
depuis longtemps dépassé le niveau de l’humainement acceptable. Nous disons aux
dirigeants de la gauche que leurs politiques passées et leurs propositions sont
rarement à la hauteur des enjeux, que nous espérons mieux d’eux. Nous disons
aux chrétiens, aux croyants des autres religions, à tous les humanistes, aux
hommes et femmes de bonne volonté : retroussons-nous les manches ensemble,
interpelons les partis et les candidats lors des élections présidentielles et
législatives, organisons des débats, prenons position pour refuser l’esprit de
croisade et défendre celui de saint Martin.
Chrétiens sociaux,
nous continuerons à assumer dans notre travail associatif, ecclésial, diaconal,
syndical, notre part de responsabilité : apprendre à vivre ensemble,
dénoncer la manipulation des peurs, exhorter avec le message biblique à ne pas
craindre l’autre. Croire que le dépassement de tous les clivages arrivera dans
le Royaume des cieux est nécessaire, mais pas suffisant. Il faut assumer d’être
dans la différence, dans le conflit : nommer ces clivages pour les penser
et agir sur eux, travailler sur nos propres peurs, aider les personnes en
souffrance à travailler les leurs...
Oui, aujourd’hui un
profil public de la foi face aux idéologies et aux injustices est essentiel.
Oui, nous voulons soutenir une diaconie (un travail social) de protestation,
qui agisse en termes de résistance, de non-violence active, d’invention et bien
sûr de justice, d’espérance et d’amour.
Reproduction : Saint Martin et le pauvre, vers 1430, Sassetta, (Sienne, Collection Chigi
Saracini).
Bonjour Bernard
RépondreSupprimerMon cousin UMP vient de m'adresser un texte de Martin Niemöller qui donne à réfléchir...
Peux-tu me dire qui est celui à l'origine de celui sur ton blog ?
Edmond
Cette pétition énane de l'association "Christianisme social" ; le texte a été initié par Olivier Abel et a paru dans les pages "débats" dans Le Monde, il y a environ un mois.
SupprimerCordialement,
BA