Evangile selon Matthieu ch. 21 :
33 « Ecoutez une autre parabole. Il y avait
un propriétaire qui planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un
pressoir et bâtit une tour ; puis il la donna en fermage à des vignerons
et partit en voyage.
34 Quand le temps des fruits approcha, il envoya
ses serviteurs aux vignerons pour recevoir les fruits qui lui revenaient.
35 Mais les vignerons saisirent ces
serviteurs ; l’un, ils le rouèrent de coups ; un autre, ils le
tuèrent ; un autre, ils le lapidèrent.
36 Il envoya encore d’autres serviteurs, plus
nombreux que les premiers ; ils les traitèrent de même.
37 Finalement, il leur envoya son fils, en se
disant : Ils respecteront mon fils.
38 Mais les vignerons, voyant le fils, se dirent
entre eux : C’est l’héritier. Venez ! Tuons–le et emparons–nous de
l’héritage.
39 Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de
la vigne et le tuèrent.
40 Eh bien ! lorsque viendra le maître de la
vigne, que fera–t–il à ces vignerons–là ? »
41 Ils lui répondirent : « Il fera
périr misérablement ces misérables, et il donnera la vigne en fermage à
d’autres vignerons, qui lui remettront les fruits en temps voulu. »
42 Jésus leur dit : « N’avez–vous
jamais lu dans les Ecritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs,
c’est elle qui est devenue la pierre angulaire ; c’est là l’oeuvre du
Seigneur : Quelle merveille à nos yeux.
43 Aussi je vous le déclare : le Royaume de
Dieu vous sera enlevé, et il sera donné à un peuple qui en produira les fruits.
44 Celui qui tombera sur cette pierre sera brisé,
et celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera. »
45 En entendant ses paraboles, les grands prêtres
et les Pharisiens comprirent que c’était d’eux qu’il parlait.
46 Ils cherchaient à l’arrêter, mais ils eurent
peur des foules, car elles le tenaient pour un prophète.
Lire aussi Evangile de Jean ch15
La vigne, les ceps et les sarments, les fruits, le
vin sont les supports, les images les
métaphores pour dire comment Dieu agit, rencontre, attend, espère et désespère.
La
vigne a fasciné toutes les cultures et religions du bassin méditerranéen :
en effet elle implique une relation nécessaire avec le soleil ; une
proximité avec lui, en est la condition première comme si la vigne n’était ni
le fruit du hasard ni du n’importe où. Fascination aussi car son fruit bon en lui-même,
peut encore être transformé en breuvage énergétique, précieux, savoureux de
mille manières, troublant jusqu’à l’ivresse, jadis assimilée au monde des
Dieux. La vigne et son produit, fruit à la fois, de la terre et du travail des
hommes sont devenus les marqueurs de cultures et de religions
Israël et ses anciennes traditions utilisent la réalité de
la vigne du vignoble et de ses fruits. Dès les premières pages de la Bible on
nous dit que Noé premier agriculteur,
planta une vigne, il en but le vin, s’enivra et se trouva nu à l’intérieur de
sa tente (Gen. 9, 20).et ses fils durent déployer pudiquement son manteau pour
cacher tout cela. La vigne c’est aussi central dans les banquets, c’est la
réalité et la possibilité d’une expérience troublante où la vie et la mort se
mêlent, mais c’est aussi la fête par la vendange et ses débordements, c’est
aussi l’échange et la richesse par le commerce. Bref la vigne et ses fruits
sont les supports possibles d’expériences fortes, limites, divines. Il n’est
donc pas étonnant que les fruits de la vigne soient admirés et craints à la
fois, utilisés ou interdits par les
religions.
2
grands chemins
sont repérables dans les traditions bibliques à propos de la vigne ; le
premier est celui de l’identification du
peuple d’Israël avec la vigne celle que
Dieu s’est choisie que Dieu a aimé et qui a déçu, c’est celui d’Esaie ; Le
2° chemin est celui de Jean et de l’identification de Jésus avec la vraie vigne. Ce qui rassemble et
réunit ces deux chemins c’est l’affirmation et la conviction que Dieu est le
vigneron. La parabole des métayers révoltés, qui est l’évangile de ce jour (Matth. 21,33-42) est un essai pour rassembler et unir ces deux
voies.
Dans
cette parabole je voudrais maintenant en relever en souligner quelques aspects qui
seront pour nous parole de vie et espérance, qui seront encouragements et
exigences qui seront pour nous breuvage et nourriture comme dans le repas
préparé et partagé.
La
vigne c’est le peuple de Dieu ce sont celles et ceux qui appartiennent au
Seigneur et qui se reconnaissent en lui. Il planta une vigne, l’entoura,
creusa, bâtit et la donna. La vigne est la part la parcelle le lot du Seigneur.
La vigne ne possède pas le propriétaire, elle ne possède rien elle est possédée
par lui.
L’Eglise ne possède rien, les chrétiens ne sont pas les propriétaires de
l’Eglise, ni de Dieu, ni des Ecritures. Alors que nous sommes si prompts a
élevé des clôtures pour nous protéger des menaces qui croyons-nous, nous
guettent, voici que l’évangile nous dit que le Seigneur s’en occupe et qu’il
est le propriétaire qui prend soin de sa propriété pour laquelle il manifeste
attention vigilance et amour.
La
vie chrétienne c’est ici la certitude que nous avons été plantés choisis,
protégés et qu’il est mis à notre disposition comme un prêt sans intérêt, ce
dont nous avons besoin pour vivre notre foi et notre vie sans crainte, dans
rien défendre en acceptant d’être là en fermage en location pour d’autres, pour
les autres et pour Dieu. Etre là pour Dieu c’est le recevoir comme propriétaire
sans accaparer ce qu’il donne.
Le
propriétaire partit en voyage. C’est le Tsimtsoum juif. Le fait que Dieu après
la création en réalité se retire et laisse place à l’humain….
Nous
aimons bien que Dieu à la rigueur nous accompagne ; nous pensons et
croyons qu’il est toujours là qu’il est toujours présent. Et voici qu’ici le
Seigneur partit en voyage, des variantes dans des paraboles nous disent même,
qu’il partît au loin dans des pays lointains. Il arrive que Dieu s’éloigne
et qu’il nous laisse là non pas livrer à nous-mêmes mais avec ce qu’il nous a
laissé. Dieu ne nous surveille pas sans cesse, il nous laisse parfois seul,
libre et responsable de ce qu’il a préparé ; Nous aimons croire qu’il est
à notre disposition et le voici ailleurs, sans doute pour d’autres ou avec
d’autres. Mais que fait Dieu ? où
est votre Dieu ? ne pourrait-il pas intervenir, voyez tout ce qu’il laisse
faire ! Oui il laisse faire ce que nous ne faisons pas suffisamment ;
oui il est momentanément indisponible pour nous ; prière de ne pas
déranger, injoignable provisoirement pour que nous existions comme ses fils et
ses filles adultes dans la vie de la foi.
Le
Seigneur est parti tranquille et confiant, il a fait ce qu’il fallait faire avant de
partir ; il n’est plus là mais il se souvient ; ce qui caractérise la
vigne comme les blés ou les arbres c’est bien la récolte, la vendange ou la
moisson. Certes dans la parabole il y eut bien vendange, la récolte précieuse a eu lieu mais elle n’est pas revenue à son
destinataire ; les héritiers de la promesse n’ont pas respecté le contrat,
ils ont compris l’absence du maître comme une bonne aubaine.
Ils
se sont servis au lieu de servir. C’est ce qui est sans doute aujourd’hui le plus
menaçant et le plus courant. C’est souvent aussi la marque des religions :
c’est ce détournement du fond, c’est le refus de rendre à qui de droit, refus
de rendre grâce, gloire, refus de rendre ce qui a été reçu comme si cette
captation d’héritage allait nous accroître notre vie notre être, notre Eglise,
notre foi. Là encore capter l’héritage c’est croire que nous pourrions être les
seuls dépositaires de ce que Dieu fait et dit pour les hommes.
Selon
l’Evangile, faire la vendange c’est rendre
la vendange. Agir dans l’Eglise, vivre notre foi dans notre travail, dans notre
famille, dans toute notre vie, ce n’est pas d’abord convaincre les autres les
ramener à nous, mais leur montrer que rendre service c’est bien rendre quelque
chose, donner ce qui ne nous appartient pas, à quelqu’un qui est peut être
parti en voyage et qui ne nous menace de rien du tout. Donner un sens à sa vie
selon l’Evangile c’est redonner,
restituer et c’est cette restitution cette grâce rendue qui donne du prix à nos
gestes nos paroles et à nos vies.
Dieu
parfois est pris par sa propre audace ; sa confiance est bien souvent
déçue les métayers s’occupent mal de la vigne. Ils veulent être héritiers et
posséder et sont prêts pour cela à tout : tuer les envoyés du Maître, tuer
les prophètes, tuer le fils. La violence ne caractérise pas notre temps. La
mort de Jésus est signe de ce refus de rendre, elle est signe de cette
incapacité de croire que Dieu peut
parler un autre langage que le nôtre.
Par
Jésus, Dieu parle une nouvelle langue, un nouveau langage qui est désormais
accessible au plus grand nombre et qui dépasse et franchit les frontières de la
race du clan et même de la foi habituelle et sans cesse répétée et ritualisée
dans la fidélité de son propre peuple.
En
voyage le Seigneur a appris toutes les langues des hommes ; il a découvert
si j’ose parler ainsi, que sa vigne n’était pas réservée aux métayers habituels
et que d’autres serviteurs étaient intéressés par ce travail si particulier de
planter de nouveaux ceps de remplacer les anciens, de creuser de nouvelles
idées de nouvelles actions, de veiller sûr la fragilité de ses serviteurs.
Réapprenons sans cesse avec l’aide de Dieu à rendre ce qui a été donnée, à
transmettre ce qui a été reçu, à élargir nos cordages, à ouvrir nos esprits et
nos cœurs, à vivre de la promesse plutôt que d’héritage.
Au
cœur de cette violence des hommes Dieu va trouver la force et le courage de
bâtir à nouveau et de planter encore. La mort du fils va devenir la pierre
d’achoppement pour celles et ceux qui ont une image de Dieu trop grandiose et
trop sacrée ; elle va devenir la pierre angulaire, la pierre d’angle, sur
qui va reposer une nouvelle
construction, d’une nouvelle vigne, de nouveaux serviteurs
sur
qui vont reposer de nouvelles relations qui produiront de nouveaux fruits.
Cette
nouvelle vigne manifestera une promesse d’amour dira l’ev. Jean entre le cep et
les sarments ; je ne vous laisserai pas orphelins et même si je pars
ailleurs sachez que je viens à vous.
La
vigne réclame beaucoup de soins elle peut produire le meilleur et le
pire ; le maître de la vigne est exigeant sur la qualité, il nous laisse
libre et responsable et nous propose encore aujourd’hui de vivre en relation
avec lui et de vivre nos vies comme un cadeau, une récolte qu’il vient recevoir
avec plaisir et reconnaissance.
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