Lectures : Actes 4, 32-35 et 1 Jean 5, 1-6 et
Jean 20, 19-31
Les premiers témoins du Christ ressuscité vont déployer
une grande énergie pour nous dire qu’ils ne sont pas des illuminés, que ce qui
s’est passé à Pâques et ce qui se passe sans cesse n’a rien à voir avec du
spiritisme ou une spiritualité de pacotille qui accepterait que Dieu agisse
hors du cadre de l’histoire des hommes. La tentation est grande d’imaginer que Dieu agit prioritairement hors
de l’histoire. La foi nouvelle en train de naître sera précisément de croire
qu’il agit encore dans l’histoire des hommes et des femmes :
l’au-delà est déjà là dans l’en deçà.
« Il faut le voir pour le croire » est une
expression populaire et usuelle par laquelle un événement considérable dans sa
réalisation vient combler notre manque d’imagination ou notre incapacité à
anticiper et prévoir. Il faut le voir pour le croire ! Nous n’aurions
jamais pensé, imaginé et prévu un jour sortir de l’attraction terrestre et
visiter d’autres planètes ni prévu que nous devrions partir et laisser un pays
une culture ni prévu de trouver un travail nouveau ni prévu d’être heureux
comme nous le sommes ; nos vies sont tissées d’imprévus heureux et
dangereux faciles et difficiles à la fois.
Nous l’avons
abondamment vu et donc nous l’avons cru et avons cru que cela désormais
devenait possible c’est à dire crédible. Ce qui était impossible à notre esprit
est devenu pensable car nos yeux en ont été témoins. En fait nous n’osons pas
croire de grandes choses positives ou négatives, nous sommes le plus souvent
dans la voie moyenne, médiane, nous voulons bien espérer encore mais surtout
nous voulons voir des signes tangibles, concrets, visibles. D’accord les
paroles c’est bien, les promesses à la rigueur,
mais surtout des actes bien visibles ; nous jugerons sur
pièce ! Nous jugerons sur les actes ! C’est probablement la raison
pour laquelle l’évangéliste Luc a écrit la suite de son évangile que l’on appelle les Actes. Nous
jugerons sur les actes ; sur ce qui est visible ; Des choses
impensables et impossible se voient et se manifestent désormais : des dons
des donations des legs inattendus s’opèrent et se réalisent pour que la vie de
l’Eglise soit pérennisée !
Pourtant nous savons bien que nos sens nous trompent,
que nous voyons ce que l’on veut bien
nous montrer et ce que nous voulons bien voir. L’évidence ou la vérité du
visible est souvent un leurre. Le spectacle divertit et ne garantit rien du
tout.
Heureux ceux
qui sans avoir vu, ont cru !
A la fin de son évangile Jean a la bonté de penser
enfin à nous, les croyants de seconde main, (ceux qui n’ont rien vu) vous et
moi qui avons cru ou qui nous mettons en marche sur le chemin de la foi, sans
assurance concrète et visible.
Enfin je suis injuste Jean pense à nous depuis le
début mais il nous le dit ici qu’à la fin comme dans une relation maladroite.
Lui qui a montré l’aventure de Jésus aux prises avec
l’histoire visible et invisible, avec ce qui se voit et ce qui se croit et
s’interprète : le chemin, la vérité, la vie, la porte, les sarments, la
Samaritaine, la lumière et les ténèbres, les noces et Lazare, l’aveugle et
Nicodème, la Parole venue et rejetée ; lui qui refuse de parler de
miracles trop spectaculaires mais de signes c’est lui qui vient nous faire
signe enfin pour nous dire : continuez, continuez à faire confiance à ces
récits ils parlent d’une bonne nouvelle et ils parlent de vous, continuez à
vivre sous l’empire des signes qui font vivre et donnent un sens à votre vie,
ne vous découragez pas vous avez là, l’essentiel de ce qu’il faut pour croire,
de ce qu’il est possible de vivre ; n’allez pas chercher ailleurs.
Vous avez une mission celle de devenir témoins de
l’action étonnante et souvent cachée de Dieu lui-même. Ce qui s’est passé avec
les premiers témoins c’est aussi pour vous, un encouragement une stimulation et
un défi pour votre vie.
C’est désormais dans leur for intérieur c’est le
soir que le Seigneur vient. C’est lorsqu’il n’est plus là, lorsque tout semble fermé et clos
qu’une présence qu’une parole est dite : vous n’êtes plus seuls, la paix
est avec vous ; c’est bien dans la nuit de la crainte et sous les verrous
que l’étau se desserre, que l’équilibre s’annonce.
Il n’y a plus désormais de lieux, d’espaces et de
temps sacrés, il n’y a plus de terre sainte qui mériterait que l’on se batte
pour elle, il n’y a plus d’organisation ecclésiale qui puisse à elle seule
contenir le message.
Le déplacement des lieux et des
temps s’opèrent dans un élargissement qui va prendre corps qui va prendre
forme. Il n’y a plus rien à répéter mais tout est à inventer. Il n’y a plus de
vie monotone et plate, il n’y a plus de modèle à reproduire mais comme toujours
le premier jour de la semaine comme au matin du monde tout reste à faire et à
devenir. Au commencement était la Parole avait dit Jean voici que cette parole
devient une parole d’envoi : J’ai été envoyé, la preuve c’est que je vous
envoie à mon tour, pour que vous annonciez le tout est toujours possible vous
avez désormais d’annoncer que cela est désormais possible. Il y a un au-delà à
l’absence.
C’est cela le message du Shalom de la paix qui est
dite et redite comme un refrain dans la bouche du ressuscité. Il ne dit pas
seulement bon-jour que ce jour soit beau et bon pour vous. Il dit : La
paix soit avec vous, sur vous ! Soyez réconciliés, retrouvés votre
identité votre entièreté, malgré la crise, la séparation le changement opéré
dans une situation nouvelle vous êtes en état de d’être envoyés ! Vous
êtes bon pour le service.
Jusque là tout va bien et l’Evangile de Jean annonce
de façon harmonieuse c’est aussi ce que signifie le Shalom – du départ de Jésus et du
nouveau mode de sa présence. Mais Jean est aussi un pédagogue un catéchète. Ils
pensent à celles et ceux qui ne sont pas sous le coup de l’émotion sous le coup
de la présence du Christ ; ils pensent à ceux qui viennent peu souvent au
culte et il va déployer pour les croyants occasionnels souvent les plus
compliqués et les plus exigeants – il va déployer pour eux un chemin
nouveau : ce sera Thomas que l’on appelle Didyme le jumeau. Il y avait eu
Jean et Pierre et leur course vers un tombeau vide ; il y avait eu
Marie de Magdala et le jardinier – il y a maintenant le présent et l’absent,
celui qui a toujours quelque chose à faire ailleurs ; celui qui est
composé d’une partie qui croit et qui fait partie des disciples et une autre
partie jumelle qui n’est jamais là où il faut au moment où il faut.
Il est irréaliste et réaliste à la fois. Au moment
de la mort de Lazare il dit aux autres disciples : Allons nous aussi et
nous mourrons avec lui comme si c’était la fin des temps ; mais réaliste
aussi il dit aussi quelques temps
après alors que Jésus disait qu’il s’en allait : qu’il ne connaissait
pas le chemin et qu’il ne savait pas ce que Jésus voulait dire !
Lui aussi a besoin de réconciliation pour lui-même,
lui aussi a besoin de se retrouver lui-même et retrouvait les autres ; lui
aussi a besoin de retrouver son Maître sans tout vérifier s’en croire que ce
qui existe doit se voir et se toucher. Comme si lui était vraiment le
vérificateur l’artisan officiel de la preuve de l’existence de la Vérité, du
Chemin de la Vie.
C’est bien pour cela que Thomas est utile, ce qu’il
voit ce n’est pas une preuve objective et scientifique c’est une trace de
présence, une trace d’amour, une marque de relation avec une force et une
réalité qui déborde de confiance te d’espérance. Thomas réalise que son
Seigneur lui fait confiance que son Maître entre en relation avec lui dans son
être même et que désormais il n’y a plus de peur celle du fantôme, celle
des esprits, celle des signes à interpréter, désormais c’est le sens de son
existence qui est en train de se vivre, pour qu’en croyant que cela soit
possible, vous ayez la vie en son nom. Désormais Thomas pourra appeler Jésus le
Christ comme sa raison de vivre et non plus comme une preuve de son existence.
L’Evangile de Jean nous fait confiance. Il atteste
pour nous et avec nous que le Christ vivant et le souvenir de vie est une vraie
raison de vivre, une vraie espérance au cœur de nos vies, une vraie trace de la
présence de Dieu parmi nous.
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