Pâques 31 mars 2013 à Pamiers et Saverdun
« Rappelez-vous
comment il vous a parlé quand il était en Galilée ; alors elles se
rappelèrent ses paroles, elles revinrent du tombeau et rapportèrent tout cela
au Onze et à tous les autres ; C’étaient Marie de Magdala et Jeanne et
Marie de Jacques ; Les autres compagnes le disaient aussi aux
apôtres. » Luc 24, 1-12.
La
fête de Pâques est un exode, c’est un exil ; c’est un passage et une
sortie ; c’est une libération, c’est une sortie de prison ; c’est une
naissance comme éblouissement ; la fête de Pâques ce sont toutes les
forces de vie qui entourent et font diminuer toutes les forces de mort.
Pâques
c’est la foi en une création qui fait vivre et qui s’exprime par la rencontre
vitale de tous les autres ; c’est la célébration du premier jour ;
dans le déroulement inexorable des semaines et des jours, Voici l’arrêt et
l’étonnement au cœur de ce premier jour de ce temps nouveau, neuf, comme une
nouvelle étape de vie pour des témoins surpris. Tout ne se déroule pas sans
fin, tout ne coule pas comme le disaient les Grecs ; il y a des jours et
des moments usés et des jours et des moments neufs ; il y a des temps qui
inaugurent, il y a des temps de ressaisissement, de recueillement et de récupération.
Après
et avec l’échec et la capitulation voici venu le temps de la récapitulation,
avec et après le temps de la mort voici venu celui de la vie.
Les
auteurs évangéliques et Luc en particulier, en écrivant dans la foi, les récits
de Pâques ont été confrontés à une grande difficulté fondatrice du
christianisme et de la foi elle-même : il fallait montrer et dire la bonne
nouvelle de la vie, la bonne nouvelle de Jésus le Christ vivant en tenant
compte à la fois de la réalité, de l’objectivité et d’un certain réalisme :
il fallait qu’il n’y ait pas de doute : le Vivant le ressuscité, c’était
bien Jésus de Nazareth, le crucifié ; et c’est alors l’insistance dans les
textes des mentions de mort, celles des aromates celles des bandelettes, celle
de la pierre, celle du corps et du tombeau. A ce niveau là il fallait affirmer
que l’action de Dieu et son projet concernent bien Jésus mort : on parlait
bien du même. Mais en même temps, il fallait exprimer et annoncer que la
résurrection et Pâques ne ressemblaient en rien, n’avaient rien à voir, avec un
joyeux happy end, une fin heureuse, une bonne conclusion à un épisode de la vie
mouvementée et tragique.
Le
jour de Pâques, il fallait, il faudra et il faut annoncer que la foi qui prend
naissance le premier jour de la semaine n’est pas fondée sur la régénération
d’un cadavre qui aurait un jour à nouveau mourir. On ne nous raconte pas la
sortie victorieuse et en gloire du tombeau. Tous les évangélistes ont pris
soins d’éloigner les apparitions du ressuscité du tombeau lui-même. On ne
décrit pas la sortie on ne raconte pas la résurrection, on ne détaille pas le
comment, on affirme et c’est la marque
de l’Evangile de Luc, la disparition de Jésus, il n’est plus là. La victoire de
Dieu sera dite par et dans l’absence : ce que les femmes étaient venues
rencontrer, le corps de Jésus, elles ne le trouvèrent pas et en furent très
décontenancées, dit le texte.
La
foi de Pâques tient en ces deux perspectives : réalisme de la mort et du
tombeau et en même temps béance, vacuité de ce tombeau désormais sans objet,
sans corps. Absence et vide qui laissent place à des mots à des paroles qui vont atténuer le choc et la
brutalité de cette disparition qui vont orienter la foi et l’espérance en train
de naître. Le corps mort de Jésus n’est pas objet de foi ni d’adoration, seul
le corps absent seules les paroles vivantes fondent la foi de Pâques.
En
ce premier jour de la semaine nous sommes invités à nous mettre à l’écoute de
cette foi de cette confiance en train de naître : la foi de Pâques, l’espérance
vitale et dynamique qu’elle contient a pour cadre le réalisme de l’existence
humaine qui s’exprime par le vide la béance et l’absence dans un tombeau
désormais inutile car il ne répond plus à sa fonction.
Dieu
intervient dans le cadre et non hors du cadre de l’existence humaine et son
intervention peut s’opérer sous le signe du vide et de l’absence habités par
des paroles vivantes pour des personnes en train de vivre et de revivre.
Ce
sont bien des personnages de chair et de sang des êtres qui nous
ressemblent ; ce sont des hommes, mais surtout des femmes apeurées et
meurtris qui vont découvrir l’efficacité de Dieu l’efficacité de sa parole, la
réalisation de ses promesses sur le lieu même de l’absence et du vide. Jésus
n’est plus là mais finalement qu’importe, les marques, les traces, l’écho, le
souvenir de son passage, de sa vie de ses actions sont ce jour-là tellement là,
que sa disparition son éloignement va se transformer en dynamisme nouveau, en
responsabilité nouvelle, en nouvelle marche, nouvelle parole en semaine
nouvelle, en création nouvelle. Il n’est plus là ! Mais qu’importe, nous
sommes là ; les disciples sont
là, porteurs de son espérance, porteurs
de ses réalisations à vivre, annonciateurs de son projet de vie. Le premier
jour de la semaine, le jour de Pâques, soudain les disciples déconcertés et
affolés, découvrent qu’ils deviennent utiles et nécessaires, qu’ils sont les
agents préférentiels et agréés de la vie de Jésus.
Le
miracle incompréhensible de Pâques réside là tout entier. L’action souveraine
de Dieu est à jamais inséparable de la vie de
ses témoins. Pâques n’aurait aucun sens et nous ne serions pas là pour
le célébrer encore, si les témoins du premier jour de la semaine ne s’étaient
pas mis à l’œuvre pour annoncer de grand bouleversement de grand
déplacement :
Le tombeau de Jésus n’est pas le bon lieu, il nous
est inconnu il échappe à toutes nos tentations et nos envies de figer dans
l’espace et le temps la réalité de Pâques.
On ne
parlera plus ce jour là de Jérusalem et de la Judée lieux des pouvoirs
et de la gloire fragile. – On ne parle plus du temple, lieu du sacré et de
pèlerinage
Le jour
de Pâques seule la Galilée
compte, lieu de la mouvance et des déplacements de Jésus, lieu des rencontres
avec celles et ceux qui en manquaient. Là où Jésus avait rencontré les
paralysés de l’existence, là où il avait enseigné. Cet espace et ces moments
historiques acquièrent soudain une dimension universelle et éternelle. Ce qui
était un coin de terre devient figure du monde entier. Dans l’évangile de Luc
la Galilée devient l’espace de la résurrection. Rappelez-vous
comment il vous a parlé en Galilée. Ce qui s’y était passé et dit devient ce
qui se passera toujours et partout.
La
foi de Pâques prend figure de l’épopée galiléenne. Le passé soudain devient
présent qui est orienté vers un avenir à vivre, non à répéter mais à
reconstruire, nos vies, nos histoires nos espaces. Les frontières sont
repoussées. La fête de Pâques grâce à Dieu c’est l’élargissement de tous les
lieux étriqués, même ceux que Jésus avaient parcouru. Celui qui est vivant
vivifie les espaces les tempos et les moments, il vivifie celles et ceux qui
désormais auront pour raison de vivre l’annonce de cet élargissement possible
et indispensable.
Des femmes d’abord qui reçoivent une mission une identité elles qui découvrent l’impossibilité de rencontrer Jésus rencontrent deux hommes vivants parlant disant le sens et la perspective nouvelle. Celui qui est mort n’est plus là, mais faites de la vie en Galilée l’affaire de votre vie, allez le dire et le faire. La peur la crainte, le visage de la tristesse se transforme peu à peu en message porteur de vie et d’espérance tellement porteur de vie et de simplicité que les hommes y voient de la folie.
Des
hommes ensuite : Deux hommes ont pris la place du corps mort de Jésus. Seul Luc
a cette audace, les autres parlent
d’anges ! Le premier jour de la semaine ce que Jésus auraient pu dire
des hommes découvrent qu’ils peuvent le dire et le faire, ils comprennent que
le Vivant c’est bien pour des vivants. Ils comprennent que la Galilée c était
important, tout y était contenu : la croix, les rencontres les signes, la
vie. Désormais il faudra vivre de tout cela. Les Onze et les autres et Pierre
en particulier reçoivent de la part de Dieu, par des femmes et des hommes neufs
leur ultime enseignement. Certes ils iront, Pierre ira vérifier la béance et la
vacuité du tombeau, mais il faudra repartir avec le souvenir puissant de la
Galilée et de la vie.
Pâques
n’est pas une théorie, un dogme, c’est la rencontre d’une possibilité de vivre autrement
et vraiment. En ce premier jour d’une semaine nouvelle nous sommes appelés à
nous mettre à l’écoute des témoins de Pâques : ouverture d’un tombeau,
disparité, parole et souvenir, découverte que sans témoins e train de se mettre
en marche Pâques risque d’être une pseudo réalité magique. ; le Vivant ne
joue pas avec la mort il dit le primat de la vie, il propose dans l’étonnement
une parole et une action pour des hommes et des femmes celles de devenir des
disciples des annonciateurs des témoins d’un monde transformé et transfiguré
pour leur propre vie pour la vie des hommes et des femmes autour de nous.
On ne peut pas vivre et croire Pâques en
restant immobile dans nos vies nos conceptions nos orientations nos projets.
Seuls des hommes et des femmes ressuscités et grâce à Dieu en train de le
devenir reçoivent pleinement l’annonce, la force et la joie de ce jour.
Ressusciter c’est faire mémoire, c’est être rendu capable de faire mémoire des
gestes et des paroles de Jésus lorsqu’il était en Galilée. Nous avons tous des
Galilées personnelles, nos vies et nos habitudes à revisiter, la rencontre avec
la Galilée de Jésus va élargir nos espaces et les parcourir d’espérances à
vivre.
Alors,
rappelez-vous comment il vous a parlé lorsqu’il était en Galilée !
Le
pain multiplié et le vin en abondance comme à Cana, sont partagés en Cène ;
ils sont le souvenir vivant de cette vie
et de cette mort transfigurées, à recevoir et à annoncer. En les partageant puissions-nous
là où nous sommes et comme nous sommes, découvrir des signes de résurrection.
Grâce à Dieu Il est Vivant pour que nous vivions.
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