Lecture de l’évangile selon
Jean ch 18 et 19 :
"Lorsqu'il eut dit ces
choses, Jésus alla avec ses disciples de l'autre côté du torrent du Cédron, où
se trouvait un jardin, dans lequel il entra, lui et ses disciples.
Judas, qui le livrait,
connaissait ce lieu, parce que Jésus et ses disciples s'y étaient souvent
réunis.
Judas donc, ayant pris la
cohorte, et des huissiers qu'envoyèrent les principaux sacrificateurs et les
pharisiens, vint là avec des lanternes, des flambeaux et des armes.
Jésus, sachant tout ce qui
devait lui arriver, s'avança, et leur dit : Qui cherchez-vous ?
Ils lui répondirent : Jésus
de Nazareth. Jésus leur dit : C'est moi. Et Judas, qui le livrait, était avec
eux.
Lorsque Jésus leur eut dit
: C'est moi, ils reculèrent et tombèrent par terre.
Il leur demanda de nouveau
: Qui cherchez-vous ? Et ils dirent : Jésus de Nazareth ….
Jean 18, 1-27 : Arrestation
de Jésus
Comme toujours avec
l’évangéliste Jean, l’anecdotique, le fait divers, par exemple celui de
l’arrestation de Jésus, prend des allures grandioses : il est le seul du
tout le NT à parler de la vallée du Cédron et du Jardin jamais nommé
Gethshémané. Jésus franchit son Rubicon ; il contrôle la situation ;
il va résolument au devant de la trahison et du reniement. Pour Jean, Jésus est
le maître du Jardin comme un nouvel Adam : Paul avait développé ce thème ici
seulement suggéré. C’est dans le Jardin
que tout commence à aller mal et que la tentation celle du mal est présente. Le
lieu des rencontres habituelles avec ses disciples, le lieu de l’enseignement
de la prière devient le lieu de la livraison de Jésus, le lieu de sa capture.
Judas ici est la figure du facilitateur rien de plus, rien de moins.
Jésus est bien encore
avec les siens comme dans un lieu privé ; mais rien n’est secret rien
n’est caché ; jusqu’au bout et avant la comparution publique et officielle
Jésus est jugé par les siens ; Qui cherchez-vous ? C’est moi : Voici ma carte d’identité
non pas le fils de Dieu non pas le roi d’Israël, non pas le Seigneur ou le
Sauveur, mais Jésus de Nazareth comme dans un grand retour à la réalité humaine
de Jésus ; l’homme Jésus est déjà au milieu des siens avant d’être
présenté à la foule. Une bagarre a lieu comme souvent, l’auteur Pierre toujours
agité, ne comprend pas ce qui se passe ou peut être le comprend-il trop bien et
cela sera trop pour lui.
Après l’arrestation, qui
est arrêté dans son élan ? dans sa passion pour le Christ qu’il a bien
reconnu jadis ? C’est Pierre. L’arrestation de Jésus provoque l’arrêt de
Pierre qui ne peut plus suivre Jésus. Si même la violence est condamnée :
range ton glaive ! Alors Pierre ne peut plus accompagner son maître sur le
chemin de l’acceptation de la souffrance et de la croix. Pierre peut tout
croire, sauf la croix. Et c’est alors il comparait devant le tribunal
dérisoire, fragile et peu menaçant,
celui de la servante, ou du serviteur. Par trois fois : il dira
non, je ne le connais pas.
Suivre Jésus n’est pas
de tout repos ; ce n’est pas un acquis une fois pour toutes. Il y a des
moments où le Maître est surprenant où il nous entraîne vers des chemins
totalement étranges et insolites : vers un jardin comme pour une nouveau
départ une sorte de re-création de la foi
et des mentalités ; il nous met face à des tentations celle du
pouvoir ou de la violence ; celle de l’amitié ou de la proximité déçues.
Les élans de foi et
d’enthousiasme se heurtent parfois à la réalité dure et infranchissable. Nous
nous sommes facilement habitués à l’arrestation de Jésus ; la scène est
connue racontée peinte filmée.
Ce qui se passe au cœur
des personnages est moins évident et nous touche encore. La déception est un
passage obligé de la vie chrétienne au sens où le Christ nous entraîne loin de
ce que nous espérions parfois. Il renverse les images et les idées toute
faites.
Ces textes nous invitent
à l’étonnement et non à l’évidence ; cet étonnement est celui de
nous-mêmes, lorsque nous nous identifions à Judas parfois à Pierre plus
souvent ; tous les deux vivent une passion déçue ; l’un y succombera,
l’autre rebondira. L’arrestation de Jésus est troublante ; elle donne un
coup d’arrêt au déroulement des choses. La foi donne parfois un coup d’arrêt au
déroulement d’une vie et d’une histoire. Elle réoriente vers d’autres lieux
d’autres horizons moins connus, agréables souvent, désagréables parfois.
Quant à Jésus il reste
calme et semble maîtriser la situation ; c’est l’élément stable : il
n’a qu’un seul message : tout est clair ; son enseignement est loin
des mystères : ce fut toujours en public devant tous : rien n’est secret,
tout est connu. La foi chrétienne va s’opposer aux mystères, aux rites pour initiés ;
tout est connu tout reste à comprendre à interpréter mais chacun peut le faire
et le vivre au grand jour et non dans le secret de la secte.
Chacun a sa manière est
en train ici de rendre compte de l’espérance ou de la désespérance qui est en
lui ; Judas disparaît, Pierre est saisi et il a vraiment froid dans le
dos, dans son corps et son esprit ; les religieux questionnent et
raisonnent ; le coq chante ; il va falloir aller encore plus loin.
Jean 19, 16b – 19,42
De l’élévation de la croix à la descente au
tombeau ; Au Golgotha il y avait un jardin dans lequel se trouvait un
tombeau. Deux disciples inattendus accomplissent les rites en usage. Seul Jean
parle d’un jardin dans lequel se tient une croix comme un arbre qui va donné
malgré tout de la vie en passant au travers de la mort.
L’élévation n’est pas ici en gloire ou dans le
ciel ; elle se fait sur la croix. Le trône de gloire de Jésus sera une
croix. Jésus est d’abord muet ; il entend sans doute le débat entre des
juifs et Pilate relatif à l’écriture.
La nouvelle et l’ancienne. La nouvelle écriture,
celle de Pilate, le fameux –INRI- le titulus. C’est la païen Pilate, c’est
l’autorité civile qui a le dernier et le premier mot celui de la reconnaissance
de Jésus.
Le motif est traduit pour que tout l’empire
gréco-romain soit concerné. L’écrit devient une preuve ; l’ancienne
écriture est aussi convoquée, les psaumes en particulier deviennent un support
de compréhension de méditation et de préméditation de ce qui est en train de se
passer.
Les chrétiens n’ont que des écritures pour
confronter leur expérience, leur espérance à la longue histoire de la foi et de
la compréhension de la passion à travers l’histoire. Devant ce qui se passe, il
faudra relire sans cesse sa vie et les écritures ancienne et nouvelle.
Même la vie familiale et communautaire sont en
friche, bousculées par l’événement et
doivent être recomposées : la mère reçoit un fils, un disciple bien aimé,
un frère reçoit une mère ; la présence des femmes et l’attention qui leur
est portée est grande et la vie relationnelle la vraie vie doit continuée mais
autrement sans doute.
Ce n’est qu’après cette attention radicale à
l’autre que l’achèvement ou l’accomplissement peut se faire et se dire :
Tout est achevé, comme tout est accompli : en un seul mot en un seul
verbe, dernier mot de Jésus. Le troisième jour n’est pas espéré ici. La mort de
Jésus n’est pas un faire semblant ni une feinte.
D’ailleurs les détails
de mort et de ce qui est entrain de se passer, fait encore et toujours
débat : faut-il briser ou pas faut-il accélérer la mort ? La lance et
le côté, l’eau et le sang. Que faire du corps et à qui et pour qui ? La
mort et les suites dans le silence, sont sources de conversations et de
décisions à prendre. La mort ici encore est source de paroles.
Tout va être compris
comme une réalisation de ce qui jadis était lu. Toujours les Ecritures qui
aident à comprendre un peu ; et à dire que tout ce gâchis final a un sens.
Mais tout va être en débat et l’on sent bien que la menace sur le groupe est
bien réelle ; d’ailleurs elles, les femmes ne sont même plus là.
Restent seulement les
disciples de l’ombre et de la nuit, ceux qui ne font pas partie du premier
cercle ; mais ils sont là pour ne pas laisser le corps en l’état. Ils sont
les humains de service au bout de tant de violences et d’inhumanités. Ils sont
de nouvelles Antigone qui s’occupent du corps de leur proche, de leur maître,
de leur frère.
La foi chrétienne prend
naissance aussi là ; certes le matin de Pâques sera bouleversant ;
mais Jésus sur la croix aussi ; ce n’est pas la croix qui compte mais
Jésus sur la croix, les acteurs de cet événement, des juifs un peu perdus,
personnages religieux et politiques qui tentent de sauver ce qui peut l’être
dans leur fonctionnement ; des femmes fidèles, des disciples qui ne
peuvent plus suivre et des disciples qui
sont encore là, à la fin.
Et surtout un personnage
troublant énigmatique, qui comme Adam ou comme Isaac, se demande ce qu’il fait
là et qui accepte, d’entrer ouvertement et librement dans sa Passion comme
le dira ensuite la première liturgie ; la Passion sera toujours redoutable et
essentielle dans la vie des humains, des chrétiens et sans doute dans la vie de
Dieu aussi.
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