jeudi 28 mars 2013

Passionnante Passion...


Lecture de l’évangile selon Jean ch 18 et 19 :

"Lorsqu'il eut dit ces choses, Jésus alla avec ses disciples de l'autre côté du torrent du Cédron, où se trouvait un jardin, dans lequel il entra, lui et ses disciples.

Judas, qui le livrait, connaissait ce lieu, parce que Jésus et ses disciples s'y étaient souvent réunis.

Judas donc, ayant pris la cohorte, et des huissiers qu'envoyèrent les principaux sacrificateurs et les pharisiens, vint là avec des lanternes, des flambeaux et des armes.

Jésus, sachant tout ce qui devait lui arriver, s'avança, et leur dit : Qui cherchez-vous ?

Ils lui répondirent : Jésus de Nazareth. Jésus leur dit : C'est moi. Et Judas, qui le livrait, était avec eux.

Lorsque Jésus leur eut dit : C'est moi, ils reculèrent et tombèrent par terre.

Il leur demanda de nouveau : Qui cherchez-vous ? Et ils dirent : Jésus de Nazareth ….
 
Jean 18, 1-27 : Arrestation de Jésus
 
 
Comme toujours avec l’évangéliste Jean, l’anecdotique, le fait divers, par exemple celui de l’arrestation de Jésus, prend des allures grandioses : il est le seul du tout le NT à parler de la vallée du Cédron et du Jardin jamais nommé Gethshémané. Jésus franchit son Rubicon ; il contrôle la situation ; il va résolument au devant de la trahison et du reniement. Pour Jean, Jésus est le maître du Jardin comme un nouvel Adam : Paul avait développé ce thème ici seulement suggéré.  C’est dans le Jardin que tout commence à aller mal et que la tentation celle du mal est présente. Le lieu des rencontres habituelles avec ses disciples, le lieu de l’enseignement de la prière devient le lieu de la livraison de Jésus, le lieu de sa capture. Judas ici est la figure du facilitateur rien de plus, rien de moins.
 
Jésus est bien encore avec les siens comme dans un lieu privé ; mais rien n’est secret rien n’est caché ; jusqu’au bout et avant la comparution publique et officielle Jésus est jugé par les siens ; Qui cherchez-vous ?  C’est moi : Voici ma carte d’identité non pas le fils de Dieu non pas le roi d’Israël, non pas le Seigneur ou le Sauveur, mais Jésus de Nazareth comme dans un grand retour à la réalité humaine de Jésus ; l’homme Jésus est déjà au milieu des siens avant d’être présenté à la foule. Une bagarre a lieu comme souvent, l’auteur Pierre toujours agité, ne comprend pas ce qui se passe ou peut être le comprend-il trop bien et cela sera trop pour lui.
 
Après l’arrestation, qui est arrêté dans son élan ? dans sa passion pour le Christ qu’il a bien reconnu jadis ? C’est Pierre. L’arrestation de Jésus provoque l’arrêt de Pierre qui ne peut plus suivre Jésus. Si même la violence est condamnée : range ton glaive ! Alors Pierre ne peut plus accompagner son maître sur le chemin de l’acceptation de la souffrance et de la croix. Pierre peut tout croire, sauf la croix. Et c’est alors il comparait devant le tribunal dérisoire, fragile et peu menaçant,  celui de la servante, ou du serviteur. Par trois fois : il dira non, je ne le connais pas.
 
Suivre Jésus n’est pas de tout repos ; ce n’est pas un acquis une fois pour toutes. Il y a des moments où le Maître est surprenant où il nous entraîne vers des chemins totalement étranges et insolites : vers un jardin comme pour une nouveau départ une sorte de re-création de la foi  et des mentalités ; il nous met face à des tentations celle du pouvoir ou de la violence ; celle de l’amitié ou de la proximité déçues.
 
Les élans de foi et d’enthousiasme se heurtent parfois à la réalité dure et infranchissable. Nous nous sommes facilement habitués à l’arrestation de Jésus ; la scène est connue racontée peinte filmée.
 
Ce qui se passe au cœur des personnages est moins évident et nous touche encore. La déception est un passage obligé de la vie chrétienne au sens où le Christ nous entraîne loin de ce que nous espérions parfois. Il renverse les images et les idées toute faites.
 
Ces textes nous invitent à l’étonnement et non à l’évidence ; cet étonnement est celui de nous-mêmes, lorsque nous nous identifions à Judas parfois à Pierre plus souvent ; tous les deux vivent une passion déçue ; l’un y succombera, l’autre rebondira. L’arrestation de Jésus est troublante ; elle donne un coup d’arrêt au déroulement des choses. La foi donne parfois un coup d’arrêt au déroulement d’une vie et d’une histoire. Elle réoriente vers d’autres lieux d’autres horizons moins connus, agréables souvent, désagréables parfois.
 
Quant à Jésus il reste calme et semble maîtriser la situation ; c’est l’élément stable : il n’a qu’un seul message : tout est clair ; son enseignement est loin des mystères : ce fut toujours en public devant tous : rien n’est secret, tout est connu. La foi chrétienne va s’opposer aux mystères, aux rites pour initiés ; tout est connu tout reste à comprendre à interpréter mais chacun peut le faire et le vivre au grand jour et non dans le secret de la secte. 
 
Chacun a sa manière est en train ici de rendre compte de l’espérance ou de la désespérance qui est en lui ; Judas disparaît, Pierre est saisi et il a vraiment froid dans le dos, dans son corps et son esprit ; les religieux questionnent et raisonnent ; le coq chante ; il va falloir aller encore plus loin.
 
 
Jean 19, 16b – 19,42

De l’élévation de la croix à la descente au tombeau ; Au Golgotha il y avait un jardin dans lequel se trouvait un tombeau. Deux disciples inattendus accomplissent les rites en usage. Seul Jean parle d’un jardin dans lequel se tient une croix comme un arbre qui va donné malgré tout de la vie en passant au travers de la mort.
 
L’élévation n’est pas ici en gloire ou dans le ciel ; elle se fait sur la croix. Le trône de gloire de Jésus sera une croix. Jésus est d’abord muet ; il entend sans doute le débat entre des juifs et Pilate relatif à l’écriture.
 
La nouvelle et l’ancienne. La nouvelle écriture, celle de Pilate, le fameux –INRI- le titulus. C’est la païen Pilate, c’est l’autorité civile qui a le dernier et le premier mot celui de la reconnaissance de Jésus.
 
Le motif est traduit pour que tout l’empire gréco-romain soit concerné. L’écrit devient une preuve ; l’ancienne écriture est aussi convoquée, les psaumes en particulier deviennent un support de compréhension de méditation et de préméditation de ce qui est en train de se passer.
 
Les chrétiens n’ont que des écritures pour confronter leur expérience, leur espérance à la longue histoire de la foi et de la compréhension de la passion à travers l’histoire. Devant ce qui se passe, il faudra relire sans cesse sa vie et les écritures ancienne et nouvelle.
 
 
Même la vie familiale et communautaire sont en friche, bousculées par l’événement  et doivent être recomposées : la mère reçoit un fils, un disciple bien aimé, un frère reçoit une mère ; la présence des femmes et l’attention qui leur est portée est grande et la vie relationnelle la vraie vie doit continuée mais autrement sans doute.
 
 Ce n’est qu’après cette attention radicale à l’autre que l’achèvement ou l’accomplissement peut se faire et se dire : Tout est achevé, comme tout est accompli : en un seul mot en un seul verbe, dernier mot de Jésus. Le troisième jour n’est pas espéré ici. La mort de Jésus n’est pas un faire semblant ni une feinte.
 
D’ailleurs les détails de mort et de ce qui est entrain de se passer, fait encore et toujours débat : faut-il briser ou pas faut-il accélérer la mort ? La lance et le côté, l’eau et le sang. Que faire du corps et à qui et pour qui ? La mort et les suites dans le silence, sont sources de conversations et de décisions à prendre. La mort ici encore est source de paroles.
 
Tout va être compris comme une réalisation de ce qui jadis était lu. Toujours les Ecritures qui aident à comprendre un peu ; et à dire que tout ce gâchis final a un sens. Mais tout va être en débat et l’on sent bien que la menace sur le groupe est bien réelle ; d’ailleurs elles, les femmes ne sont même plus là.
 
Restent seulement les disciples de l’ombre et de la nuit, ceux qui ne font pas partie du premier cercle ; mais ils sont là pour ne pas laisser le corps en l’état. Ils sont les humains de service au bout de tant de violences et d’inhumanités. Ils sont de nouvelles Antigone qui s’occupent du corps de leur proche, de leur maître, de leur frère.
 
La foi chrétienne prend naissance aussi là ; certes le matin de Pâques sera bouleversant ; mais Jésus sur la croix aussi ; ce n’est pas la croix qui compte mais Jésus sur la croix, les acteurs de cet événement, des juifs un peu perdus, personnages religieux et politiques qui tentent de sauver ce qui peut l’être dans leur fonctionnement ; des femmes fidèles, des disciples qui ne peuvent plus suivre et  des disciples qui sont encore là, à la fin.
 
 
Et surtout un personnage troublant énigmatique, qui comme Adam ou comme Isaac, se demande ce qu’il fait là et qui accepte, d’entrer ouvertement et librement dans sa Passion comme le dira ensuite la première liturgie ; la Passion sera toujours redoutable et essentielle dans la vie des humains, des chrétiens et sans doute dans la vie de Dieu aussi.    
 
 
 

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