Lectures : Esaie 5, 1-7. Jean 15, 1-9 Matthieu 21, 33-46
La vigne, les ceps et les sarments, les fruits, le
vin sont les supports, les images les
métaphores pour dire comment Dieu agit, rencontre, attend, espère et désespère.
La vigne a fasciné toutes les cultures et religions du bassin méditerranéen : en effet, elle implique une relation nécessaire avec le soleil ; une proximité avec lui, en est la condition première comme si la vigne n’était ni le fruit du hasard ni du n’importe où. Fascination aussi car son fruit bon en lui-même, peut encore être transformé en breuvage énergétique, précieux, savoureux de mille manières, troublant jusqu’à l’ivresse, jadis assimilée au monde des Dieux. La vigne et son produit, fruit à la fois, de la terre et du travail des hommes sont devenus les marqueurs de cultures et de religions.
Israël et ses anciennes traditions utilisent la réalité de
la vigne du vignoble et de ses fruits. Dès les premières pages de la Bible on
nous dit que Noé premier agriculteur,
planta une vigne, il en but le vin, s’enivra et se trouva nu à l’intérieur de
sa tente (Gen. 9, 20).et ses fils durent déployer pudiquement son manteau pour
cacher tout cela. La vigne c’est aussi central dans les banquets, c’est la réalité
et la possibilité d’une expérience troublante où la vie et la mort se mêlent,
mais c’est aussi la fête par la vendange et ses débordements, c’est aussi
l’échange et la richesse par le commerce. Bref la vigne et ses fruits sont les
supports possibles d’expériences fortes, limites, divines. Il n’est donc pas
étonnant que les fruits de la vigne soient admirés et craints à la fois, utilisés ou interdits par les religions.
2
grands chemins
sont repérables dans les traditions bibliques à propos de la vigne ; le
premier est celui de l’identification du
peuple d’Israël avec la vigne celle que
Dieu s’est choisie que Dieu a aimé et qui a déçu, c’est celui d’Esaie ; Le
2° chemin est celui de Jean et de l’identification de Jésus avec la vraie vigne. Ce qui rassemble et
réunit ces deux chemins c’est l’affirmation et la conviction que Dieu est le
vigneron. La parabole des métayers révoltés, qui est l’évangile de ce jour (Matth. 21,33-42) est un essai pour rassembler et unir ces deux
voies.
Dans
cette parabole je voudrai ce matin en relever en souligner quelques aspects qui
seront pour nous parole de vie et espérance, qui seront encouragements et
exigences qui seront pour nous breuvage et nourriture comme dans le repas
préparé et partagé.
La
vigne c’est le peuple de Dieu ce sont celles et ceux qui appartiennent au
Seigneur et qui se reconnaissent en lui. Il planta une vigne, l’entoura,
creusa, bâtit et la donna. La vigne est la part la parcelle le lot du Seigneur.
La vigne ne possède pas le propriétaire, elle ne possède rien elle est possédée
par lui.
L’Eglise ne possède rien, les chrétiens ne
sont pas les propriétaires de l’Eglise, ni de Dieu, ni des Ecritures. Les juifs
ne possèdent pas la Thora ! Les musulmans ne possèdent pas le Coran !
Alors que nous sommes si prompts a élevé des clôtures pour nous protéger des
menaces qui croyons-nous, nous guettent, voici que l’évangile nous dit que le
Seigneur s’en occupe et qu’il est le propriétaire qui prend soin de sa
propriété pour laquelle il manifeste attention vigilance et amour.
La
vie chrétienne c’est ici la certitude que nous avons été plantés choisis,
protégés et qu’il est mis à notre disposition comme un prêt sans intérêt, ce
dont nous avons besoin pour vivre notre foi et notre vie sans crainte, dans rien
défendre en acceptant d’être là en fermage en location pour d’autres, pour les
autres et pour Dieu. Etre là pour Dieu c’est le recevoir comme propriétaire
sans accaparer ce qu’il donne.
Le
propriétaire partit en voyage. C’est le Tsimtsoum juif. Le fait que Dieu après
la création en réalité se retire et laisse place à l’humain….
Nous
aimons bien que Dieu à la rigueur nous accompagne ; nous pensons et
croyons qu’il est toujours là qu’il est toujours présent. Et voici qu’ici le
Seigneur partit en voyage, des variantes dans des paraboles nous disent même,
qu’il partît au loin dans des pays lointains. F/S Il arrive que Dieu s’éloigne
et qu’il nous laisse là non pas livrer à nous-mêmes mais avec ce qu’il nous a
laissé. Dieu ne nous surveille pas sans cesse, il nous laisse parfois seul,
libre et responsable de ce qu’il a préparé ; Nous aimons croire qu’il est
à notre disposition et le voici ailleurs, sans doute pour d’autres ou avec
d’autres. Mais que fait Dieu ? où
est votre Dieu ? ne pourrait-il pas intervenir, voyez tout ce qu’il laisse
faire ! Oui il laisse faire ce que nous ne faisons pas suffisamment ;
oui il est momentanément indisponible pour nous ; prière de ne pas
déranger, injoignable provisoirement pour que nous existions comme ses fils et
ses filles adultes dans la vie de la foi.
Le
Seigneur est parti tranquille et confiant, il a fait ce qu’il fallait faire avant de
partir ; il n’est plus là mais il se souvient ; ce qui caractérise la
vigne comme les blés ou les arbres c’est bien la récolte, la vendange ou la
moisson. Certes dans la parabole il y eut bien vendange, la récolte
précieuse a eu lieu mais elle n’est pas
revenue à son destinataire ; les héritiers de la promesse n’ont pas
respecté le contrat, ils ont compris l’absence du maître comme une bonne
aubaine.
Ils
se sont servis au lieu de servir. C’est ce qui est sans doute aujourd’hui le plus
menaçant et le plus courant. C’est souvent aussi la marque des religions :
c’est ce détournement du fond, c’est le refus de rendre à qui de droit, refus de
rendre grâce, gloire, refus de rendre ce qui a été reçu comme si cette
captation d’héritage allait nous accroître notre vie notre être, notre Eglise,
notre foi. Là encore capter l’héritage c’est croire que nous pourrions être les
seuls dépositaires de ce que Dieu fait et dit pour les hommes.
Selon
l’Evangile, faire la vendange c’est
rendre la vendange. Agir dans l’Eglise, vivre notre foi dans notre travail,
dans notre famille, dans toute notre vie, ce n’est pas d’abord convaincre les
autres les ramener à nous, mais leur montrer que rendre service c’est bien
rendre quelque chose, donner ce qui ne nous appartient pas, à quelqu’un qui est
peut être parti en voyage et qui ne nous menace de rien du tout. Donner un sens
à sa vie selon l’Evangile c’est redonner,
restituer et c’est cette restitution cette grâce rendue qui donne du prix à nos
gestes nos paroles et à nos vies.
Dieu
parfois est pris par sa propre audace ; sa confiance est bien souvent
déçue les métayers s’occupent mal de la vigne. Ils veulent être héritiers et
posséder et sont prêts pour cela à tout : tuer les envoyés du Maître, tuer
les prophètes, tuer le fils. Aujourd’hui nous dirions : tuer la liberté,
tuer l’amour, tuer la vie ! La violence ne caractérise pas notre temps. La
mort de Jésus est signe de ce refus de rendre, elle est signe de cette
incapacité de croire que Dieu peut
parler un autre langage que le nôtre.
Par
Jésus, Dieu parle une nouvelle langue, un nouveau langage qui est désormais
accessible au plus grand nombre et qui dépasse et franchit les frontières de la
race du clan et même de la foi habituelle et sans cesse répétée et ritualisée
dans la fidélité de son propre peuple.
En
voyage le Seigneur a appris toutes les langues des hommes ; il a découvert
si j’ose parler ainsi, que sa vigne n’était pas réservée aux métayers habituels
et que d’autres serviteurs étaient intéressés par ce travail si particulier de
planter de nouveaux ceps de remplacer les anciens, de creuser de nouvelles
idées de nouvelles actions, de veiller sûr la fragilité de ses serviteurs.
Réapprenons sans cesse avec l’aide de Dieu à rendre ce qui a été donnée, à
transmettre ce qui a été reçu, à élargir nos cordages, à ouvrir nos esprits et
nos cœurs, à vivre de la promesse plutôt que d’héritage.
Au
cœur de cette violence des hommes Dieu va trouver la force et le courage de
bâtir à nouveau et de planter encore. La mort du fils va devenir la pierre
d’achoppement pour celles et ceux qui ont une image de Dieu trop grandiose et
trop sacrée ; elle va devenir la pierre angulaire, la pierre d’angle, sur
qui va reposer une nouvelle
construction, d’une nouvelle vigne, de nouveaux serviteurs sur
qui vont reposer de nouvelles relations qui produiront de nouveaux fruits.
Cette
nouvelle vigne manifestera une promesse d’amour dira l’ev. Jean entre le cep et
les sarments ; je ne vous laisserai pas orphelins et même si je pars
ailleurs sachez que je viens à vous !
La
vigne réclame beaucoup de soins elle peut produire le meilleur et le
pire ; le maître de la vigne est exigeant sur la qualité, il nous laisse
libre et responsable et nous propose encore aujourd’hui de vivre en relation
avec lui et de vivre nos vies comme un cadeau, une récolte qu’il vient recevoir
avec plaisir et reconnaissance.
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