Lectures : Ps 139, 1-12. Jean 20, 19-31
« Il faut le voir pour le croire » est une expression populaire et usuelle par laquelle un événement considérable dans sa réalisation vient combler notre manque d’imagination ou notre incapacité à anticiper et prévoir. Il faut le voir pour le croire ! Nous n’aurions jamais pensé, imaginé et prévu une pandémie mortelle et mondiale… une guerre à nos portes et des armements livrés pour faire la guerre... Nous l’avons abondamment vu et donc nous l’avons cru et avons cru que cela désormais devenait possible c’est à dire crédible. Ce qui était impossible à notre esprit est devenu pensable car nos yeux en ont été témoins. En fait nous n’osons pas croire de grandes choses positives ou négatives, nous sommes le plus souvent dans la voie moyenne, médiane, nous voulons bien espérer encore mais surtout nous voulons voir des signes tangibles, concrets, visibles. D’accord les paroles c’est bien, les promesses à la rigueur, mais surtout des actes bien visibles ; nous jugerons sur pièce ! Nous jugerons sur les actes ! Sur ce qui est visible ; pourtant nous savons bien que nos sens nous trompent, que nous voyons ce que l’on veut bien nous montrer et ce que nous voulons bien voir. L’évidence ou la vérité du visible est souvent un leurre. Le spectacle divertit et ne garantit rien du tout.
Nous le savons bien la foi est aux prises avec ce qui se voit. Ce qui se croit doit se voir. Ceux et celles qui croient sont appelés à rendre visible ce qu’ils croient. Que la communauté ecclésiale soit visible dans la société et non enfouie et cachée est une exigence élémentaire qu’elle soit reconnue dans la société civile nous fait plaisir et nous engage et nous oblige et en même temps nous savons et croyons aussi avec l’épître aux Hébreux, que la foi est une ferme espérance des choses que l’on espère et une certitude concernant les choses que l’on ne voit pas. Et donc que tout ne passe pas par l’image. Et de plus nous savons et croyons à la suite de la lecture et de la méditation des Evangiles que se sont les aveugles qui voient et que ceux qui croyaient voir sont en réalité aveugles et ne comprennent rien.
Heureux ceux qui sans avoir vu, ont cru ! A la fin de son évangile Jean a la bonté de penser enfin à nous, les croyants de seconde main, (ceux qui n’ont rien vu) vous et moi qui avons cru ou qui nous mettons en marche sur le chemin de la foi, sans assurance concrète et visible. Enfin je suis injuste Jean pense à nous depuis le début mais il nous le dit ici qu’à la fin comme dans une relation maladroite. Lui qui a montré l’aventure de Jésus aux prises avec l’histoire visible et invisible, avec ce qui se voit et ce qui se croit et s’interprète : le chemin, la vérité, la vie, la porte, les sarments, la Samaritaine, la lumière et les ténèbres, les noces et Lazare, l’aveugle et Nicodème, la Parole venue et rejetée ; lui qui refuse de parler de miracles trop spectaculaires mais de signes c’est lui qui vient nous faire signe enfin pour nous dire : continuez, continuez à faire confiance à ces récits ils parlent d’une bonne nouvelle et ils parlent de vous, continuez à vivre sous l’empire des signes qui font vivre et donnent un sens à votre vie, ne vous découragez pas vous avez là, l’essentiel de ce qu’il faut pour croire, de ce qu’il est possible de vivre ; n’allez pas chercher ailleurs. Vous avez une mission celle de devenir témoins de l’action étonnante et souvent cachée de Dieu lui-même. Ce qui s’est passé avec les premiers témoins c’est aussi pour vous, un encouragement une stimulation et un défi pour votre vie.
Oui votre foi visible ou cachée, forte ou en train de naître, est fondée sur une rencontre alors que les portes de votre maison de votre vie de vos conceptions et orientations alors que les portes étaient verrouillées comme un scandale, un monde clos, comme dans les caves et tunnel d’Ukraine !
A une semaine d’intervalle on nous raconte un rassemblement bizarre ; celui des disciples apeurés et malhabiles, craintifs, sous le choc d’une bonne nouvelle en demi-teinte. Il n’est plus et voici qu’ils sont livrés à eux-mêmes. Le Temple n’est plus le bon lieu, ni la montagne, ni la synagogue. C’est désormais dans leur for intérieur c’est le soir que le Seigneur vient. C’est lorsqu’il n’est plus là, lorsque tout semble fermé et clos qu’une présence qu’une parole est dite : nous n’êtes plus seul, la paix est avec vous ; c’est bien dans la nuit de la crainte et sous les verrous que l’étau se desserre, que l’équilibre s’annonce. Oh ce n’est pas une découverte éblouissante et fulgurante puisqu’il faudra 8 jours plus tard que cela se répète comme s’il fallait du temps pour que cette présence et cette parole soit reçue et encore contestée. Ce que les chrétiens ont à annoncer est pourtant là contenu et communiqué. Il n’y a plus désormais de lieux, d’espaces et de temps sacrés, il n’y a plus de terre sainte qui mériterait que l’on se batte pour elle, il n’y a plus d’organisation ecclésiale qui puisse à elle seule contenir le message. Le déplacement des lieux et des temps s’opèrent dans un élargissement qui va prendre corps qui va prendre forme. Il n’y a plus rien à répéter mais tout est à inventer. Il n’y a plus de vie monotone et plate, il n’y a plus de modèle à reproduire mais comme toujours le premier jour de la semaine comme au matin du monde tout reste à faire et à devenir. Au commencement était la Parole avait dit Jean voici que cette parole devient une parole d’envoi : J’ai été envoyé, la preuve c’est que je vous envoie à mon tour pour que vous annonciez le tout est toujours possible vous avez désormais d’annoncer que cela est désormais possible.
Nos Eglises paraissent parfois comme des lieux et des espaces clos, on dit qu’elles ne sont pas ou plus attractives. Ici ce temple est ouvert le samedi matin…Je n’arrive pas à le croire et à le vivre. Que nous vivons dans un monde clos… Je n’arrive pas à croire que ce que nous voyons, savons et analysons est le centre du message. Comme si celui qui vient et qui s’annonce était épuisé comme si le message était usé.
Vous n’attendiez plus personne et bien quelqu’un vient ; vous étiez séparés et bien voici que l’unité est rendue possible, prisonniers vous êtes rendus aux portes de la liberté toute proche ; vous étiez cloués dans la maladie eh bien voici une vie possible et renouvelée ; Vous aviez une image de Dieu toute faite et toute prête alors il faut l’abandonner ; au cœur même de la répétition il est possible de découvrir de nouvelles traces d’invention gage de votre fidélité. Vous vouliez des preuves voici des traces à reconnaître des signes à interpréter pour mieux apercevoir celui qui vient et qui revient apporter la paix.
Oh je sais, direz-vous cela n’est pas si simple. Mais la simplicité n’est pas toujours la vérité. Notre vie notre histoire, nos Eglises ne sont pas simples c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elles sont promises à la rencontre du Seigneur.
Vous pensiez que le Seigneur était tout puissant alors dit l’Evangéliste Jean, souvenez-vous encore que le tout puissant est encore le serviteur ; le ressuscité est encore le crucifié. Le glorieux vivra comme un vaincu. En voici non les preuves mais la traces.
Ce qui avait été annoncé et peu compris commence à se réaliser dans l’étonnement et la confiance : je vous envoie non pour faire des miracles mais pour que vous soyez signe d’un amour possible, d’une vie plus grande que la mort, d’une l’espérance plus grande que le désespoir et d’une la foi plus grande que le doute.
Pourquoi n’irions nous pas rencontrer les autres différents avec ce programme minimum ? Non pas le claironner ni l’imposer mais le partager avec celles et ceux qui sont comme nous sont barricadés dans des certitudes et de fausses assurances fruits parfois de la peur. C’est l’aveugle qui voit, c’est l’incrédule qui croit est confesse : Mon Seigneur et mon Dieu, c’est le païen qui sait : Celui là était bien fils de Dieu.
Oui le Seigneur vient rencontrer non des croyants affermis mais des tâtonnants et des chercheurs d’espérance, il vient toujours rencontrer des hommes et des femmes qui ont renoncé à être autonomes et indépendants des êtres qui cherchent dans l’autre une part d’eux-mêmes ; ayant ainsi parlé il souffla sur eux ; il vient rencontrer des êtres qui ne savent pas au point qu’il est nécessaire qu’on leur souffle ce qu’il y a à vivre et à dire qu’on leur dise et redise et redise qu’ils sont vivants. Nous avons tous besoin d’un souffleur d’espérance de paix et d’amour. Un souffleur sur nos vies comme le souffleur du grand théâtre de la vie et de l’histoire. Nous n’avons pas besoin d’un souffle magique ni bruyant ni puissant, mais d’un doux murmure qui dira la vie possible, la confiance retrouvée. La communauté de l’Eglise ressemble aussi à une compagnie de souffleurs de paix. Puissions-nous, là où nous sommes et comme nous sommes redecouvrir notre mission de souffleur d’espérance..
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