dimanche 23 décembre 2012

Se construire soi-même ; être construit et reconstruit

Lectures : 2 Samuel 7, 1-16 – Jean 2, 13-25


« Le Seigneur t’annonce que le Seigneur te fera une maison »
2 Samuel 7, 11.

 Où est Dieu ? Cette question simple et directe affleure derrière l’affirmation du prophète Nathan devant le roi David ; elle se dissimule aussi cette question de l’habitation divine dans l’action spectaculaire de Jésus qui pour l’évangéliste Jean inaugure le ministère de Jésus. Alors que cette attitude critique va clore pour les autres évangiles le ministère de Jésus.

Où est Dieu ? C’est une question tardive pour le peuple d’Israël puisque avant David la question n’a pas de sens puisque l’évidence s’affiche clairement : Dieu se tient complètement dans l’alliance dans la relation qu’il a établie avec son peuple. Bien sûr, il fallût bien concrétiser tout cela, est ce fut le rôle de l’arche précisément de l’Alliance itinérante, devant laquelle dansa David.

Dieu se tient dans sa Parole écrite, celle qui rappelle l’élection, l’alliance la solidarité inaliénable entre Lui et son peuple. David le bien-aimé à qui tout réussi ou presque veut aller plus loin et répondre à la face du monde à cette question : c’est le projet de la construction du Temple.
On connaît la suite, destructions et reconstructions scanderont la vie du peuple d’Israël et le risque sera grand de figer la foi, dans des pierres ; et même des murs en ruines, sont aujourd’hui au centre des processus de guerres et de paix. 

Où est Dieu ? Le voici pour les premiers chrétiens dans la personne de Jésus, le Fils et le messie attendu et inattendu : le voici à l’œuvre dans sa vie, ses rencontres, ses paroles, sa mort et sa résurrection. En lui la coïncidence entre Dieu le Père et l’homme est presque parfaite.

Où est Dieu ? Dans le ciel comme pour dire qu’il n’est plus ici comme une idole et comme pour dire que rien ne peut le localiser ni l’enfermer. Là est bien la différence entre une idole et le Dieu de Jésus Christ. On peut décrire l’idole on ne peut pas décrire Dieu et ses représentations bien que souvent interdites, n’arrivent pas à le rendre présent ni à le voir. Alors où est Dieu ?

 Il est là, on va le voir,  où on ne l’attend pas, où on ne l’attend plus ; il est là dans des lieux et des temps qui ne sont souvent pas dignes d’un Dieu. Il est là dans des constructions imprévisibles et qui sont fragiles car elles sont vivantes et dévoyées à la fois puisque le risque est grand d’en faire un commerce, par des sacrifices fructueux pour l’institution sacerdotale, d’organiser aussi un pèlerinage ; d’en faire aussi et de fabriquer même des reliques et reliquaires de toutes sortes.

 Les hommes et les femmes de tous les temps aiment construirent, bâtir, édifier.

Cela fut sans doute nécessaire, pour se protéger des climats et des autres, toujours menaçants. On peut facilement raconter l’histoire humaine par la description de  leurs constructions : depuis l’aménagement ou la construction de grottes préhistoriques, en passant par les huttes, les cités lacustres, les pyramides, les remparts, les châteaux forts, les villas, les palais, les immeubles et les tours, sans oublier les temples et les cathédrales, les minarets et les mosquées et les synagogues, les maisons, les oratoires.

 Construire, toujours construire, c’est la raison et la grandeur de l’humain. Et cela est bon.

Mais où est Dieu, est-il dans ces constructions ? Pas vraiment mais un  peu tout de même. La construction nécessaire est là pour incarner matérialiser la présence car nous ne sommes pas de purs esprits, et avons besoin de repères concrets et signifiants. Les lieux, nos maisons, nos appartements, nos lieux de rencontres disent une certaine solidité, une certaine sécurité ; ils peuvent exprimer à la fois l’intime, le privé et la relation et l’ouverture aux autres, le passage.

Au peuple d’Israël, au temps de David, au faîte de sa puissance, le Seigneur dit : tu veux construire un Temple ; c’est moi qui vais construire pour toi une maison.

Au projet normal où se confond royauté, sainteté, prêtrise, est substituée l’annonce de la descendance et des générations successives qui vont combler et rendre évident nos besoins d’édification et de construction.

Où est Dieu ? dans la relation entre toi et les autres entre toi et les tiens entre ton peuple et les peuples entre ta famille et les autres tribus et clans ; Où est Dieu sinon entre toi et toi let les autres.

 A David, le prophète Nathan donne, c’est son nom, donne l’ordre et indique qu’il est urgent d’arrêter de construire pour Dieu, car construire pour Dieu c’est  se faire un nom comme à Babylone. Et voici qu’en guise de construction figée grandiose et immobile, Dieu donne la promesse d’un avenir vivant turbulent et incontrôlable celui d’une dynastie, d’une descendance qui en étonnera plus d’un.

Pour Jésus, Dieu n’investit plus dans la pierre qui est devenu et qui risque toujours de devenir un enfermement, un dévoiement de la présence. 

Déjà pour David, Dieu n’investissait plus dans la pierre, il le fera avec Salomon ; Dieu investit et s’investit dans la relation au cœur d’une famille, au sein des générations. Avec David, Dieu renouvelle de façon grandiose la promesse faite à Abraham en instituant une construction nouvelle, comme un service à vivre, dans la vie concrète d’une famille, celle du berger devenu le grand roi.

Deux personnages David et Jésus : parents et étrangers l’un pour l’autre, un roi et un serviteur ; deux sortes de bergers : ils sont au commencement d’une nouvelle histoire pour eux-mêmes comme pour leur peuple.

 La maison de Dieu est en construction, ces plans ne seront ni ceux ni de David ni ceux de Jésus  ; l’un avait rêvé d’une plus grande gloire, l’autre d’anonymat ; leur destinée est changée, mais la construction est à l’œuvre par eux, plus encore que pour eux. 

 Toute proportion gardée, nous sommes au bénéfice de la parole annoncée et donnée à David par Nathan le prophète ; et nous sommes au bénéfice de l’action initiale de Jésus qui nous dit le risque de privilégier le rite ; de mettre en avant les à-côtés de la relation avec Dieu au détriment de l’annonce et d’une relation qui deviendra prière. Nous sommes les sujets d’une annonce : Dieu vient de façon troublante et inattendue à notre rencontre.

Nous voudrions faire plus pour lui et avec lui, comme si nous savions où il est et qu’elle est sa demeure. Il vient faire sa maison chez nous, il vient habiter nos espaces personnels et faire vivre en nous l’assurance d’un avenir dans lequel il se tiendra.

 Nous voulions nous rassurer avec lui, il vient habiter nos incertitudes et nos insécurités d’aujourd’hui et de demain ; nous voulions être tranquilles, nous ne demandions rien à personne, satisfait de notre sort même fragile et de nos bonnes relations avec Dieu ; habitués à une langue des signes des habitudes ;

Nous voici propulsés, envoyés au devant de la scène sans connaître le contenu de la pièce, sans connaître le programme, appelés à faire confiance, à faire corps avec un projet énorme : dire Dieu dans la rencontre et dans la relation ;

Si Dieu ne bâtit la maison ceux qui bâtissent, construisent en vain. David et Jésus  sont aussi à leur manière les fondateurs de la communauté des croyants.

Ils accueillent une parole vivent d’une parole qui construit en eux et au-delà d’eux-mêmes un nouveau modèle relations à vivre.

Ils sont les créateurs d’une communauté de foi, de confiance car ils acceptent de recevoir le don d’une promesse ; celle d’un avenir accompagné, la promesse d’un futur habité, humanisé, concret avec ses moments faciles et heureux et ses temps de difficulté de doutes et d’amertume dans lequel le Seigneur sera présent.

Voilà enfin l’habitation et la demeure de Dieu. Au milieu des hommes et des femmes et en particulier auprès de celles et ceux qui lui font confiance pour le présent et pour l’avenir.

Avec David et sa parole, avec Jésus et son geste réformateur, la communauté de l’Eglise, à travers l’histoire de ces grandeurs et de ses faiblesses est la réceptrice d’une double annonce celle d’une promesse de construction et de reconstruction en nous ; et celle d’une présence toujours disponible

 Ceci n’est pas un principe ni un dogme ni un théorème ni un postulat sur lequel nous pourrions échafauder, je ne sais quelle théorie. 

 Cela ne peut devenir une certitude, que si nous acceptons cette annonce pour nous. Cela devient une certitude si nous acceptons que Dieu construise en nous sa vie, pour bâtir la nôtre où la confiance l’espérance et l’amour se mettront à renaître et où le service du prochain deviendra, le service de Dieu. Cela devient vrai lorsque nous laissons ce qui encombre ce qui parasite ce qui détourne pour viser à nouveau le centre l’important, l’essentiel ; Dieu est là proche et nul ne peut mettre la main sur lui

 Celui qui construit et reconstruit chez nous et en nous,  nous invite à construire et reconstruire son amour et sa fidélité.

 Nathan, David et Jésus, sont aussi nos ancêtres dans la foi ; Ils sont les accompagnateurs de nos vies, ils nous donnent une nouvelle famille ; ils sont pour nous, une promesse d’espérance pour notre présent et notre avenir, là où est Dieu ; Là où il se tient, décidément, pour nous : dans un geste de rencontre, dans une parole qui met en relation.

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