10 Les foules demandaient à Jean :
« Que nous faut–il donc faire ? »
11 Il leur répondait : « Si quelqu’un a
deux tuniques, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; si quelqu’un a de
quoi manger, qu’il fasse de même. »
12 Des collecteurs d’impôts aussi vinrent se
faire baptiser et lui dirent : « Maître, que nous faut–il
faire ? »
13 Il leur dit : « N’exigez rien de
plus que ce qui vous a été fixé. »
14 Des militaires lui demandaient :
« Et nous, que nous faut–il faire ? » Il leur dit :
« Ne faites ni violence ni tort à personne, et contentez–vous de votre
solde. »
15 ¶ Le peuple était dans l’attente et tous se
posaient en eux–mêmes des questions au sujet de Jean : ne serait–il pas le
Messie ?
16 Jean répondit à tous : « Moi, c’est
d’eau que je vous baptise ; mais il vient, celui qui est plus fort que
moi, et je ne suis pas digne de délier la lanière de ses sandales. Lui, il vous
baptisera dans l’Esprit Saint et le feu ;
17 il a sa pelle à vanner à la main pour nettoyer
son aire et pour recueillir le blé dans son grenier ; mais la bale, il la
brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »
18 Ainsi, avec bien d’autres exhortations encore,
il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.
Les
gens sont plus curieux qu’on ne le croit parfois ; nos contemporains
s’interrogent à cœur ouvert ou dans le secret de leur for intérieur, ou bien encore
dans des discussions de café du commerce : Que faut il faire pour échapper
à la grippe ? Que faut-il faire pour être
français ? Que faut-il faire pour sauver la planète ? Et bien
d’autres questions encore…Que faut-il faire pour que des enfants ne soient pas tués dans une école....
Les
humains et c’est sans doute une marque une trace de leur ressemblance divine
les humains comme Dieu, s’interrogent.
On se souvient des questions initiales du Dieu de la Bible : Où
es-tu ? Qu’as-tu fait ? Et pour parler de la subsistance voici que la
manne – ce qui nourrit - va se traduire
par qu’est-ce que c’est ? Une autre vraie
question pour chaque jour ! Malheur à celles et ceux pour qui il
n’y aurait pas ou plus de questions. Tristes sont ceux et celles qui ne se
posent plus de questions ou une question au moins.
« Les
foules demandaient à Jean : Que nous faut-il donc faire ? » Une
relation étrange va s’établir entre Jean et Jésus, entre leurs disciples
respectifs entre les premiers chrétiens qui vont se regrouper autour de l’un
sans effacer l’autre. Leurs personnes sont difficiles à cerner à comprendre à
mettre en harmonie et en perspective. Certes l’un est précurseur de
l’autre ; l’un est la voix qui annonce celui qui vient ; l’un
reconnaît l’autre mais l’autre reconnait aussi celui qui l’a précédé :
« parmi ceux qui sont nés d’une femme, dira Jésus dans l’évangile de
Matthieu (11,11) il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean le
Baptiste ».
Jean
est celui qui peut répondre à la question du faire ; de l’agir ; du
concret comme on dit aujourd’hui. Il parle de rémission de tout ce qui ne va
pas – on dira des péchés – mais il fait des gestes et il est le prophète des
signes visibles et aussi inoubliables pour celles et ceux qui les vivent :
être plongés dans l’eau du Jourdain laisse le souvenir de sensations comme si
le corps et l’esprit étaient concernés, comme si toute la personne était
mobilisée par ce geste fort et réaliste.
Jean représente aussi celui qui a des idées bien précises, des
convictions, une compréhension du monde des autres et des rapports avec
Dieu ; il est l’intransigeant des évangiles ; il est le kamikaze même
des évangiles ; il va mourir injustement pour une affaire de mœurs
royales, c'est-à-dire pour un fait divers banal et commun. Il dérange et
disparait sans histoire et sans suite.
Il
nous intéresse car il donne des solutions simples et efficaces à nos problèmes
à nos situations complexes, à nos questions pertinentes ; il donne des
réponses claires à de banales questions existentielles. Avec lui l’existence
concrète est concernée.
La
nourriture et le vêtement : c’est du basique. Il vaut mieux ne pas
s’alourdir avec ça. Avec la vie, la mienne avec mon existence il n’est pas
nécessaire de trop s’appesantir sur son sens et sa destination ; il vaut
mieux simplement partager avec quelqu’un d’autre. Sa morale son sens de la vie
est compréhensible par tout un chacun ; c’est d’une grande clarté. Il vaut
mieux que quelqu’un d’autre soit concerné par mon avoir plutôt que j’en sois le
seul maître le seul gérant. Ce qui doit me protéger et me faire vivre concerne
aussi celui qui a besoin de protection et de vie.
Ce
qui a été souvent observé c’est que Jean ne prêche pas dans les synoptiques un
idéal de vie, un mode d’organisation, une conception des rapports
humains ; Il n’annonce même pas une doctrine, il ne prêche pas une morale
ou un idéal de pauvreté comme le feront plus tard bien des chrétiens célèbres
comme par exemple St François d’Assises. Il ne dit pas qu’il faut se dépouiller
pour vivre vraiment selon la volonté de Dieu.
Il
dit simplement que le premier niveau de la vie chrétienne ou la vie avec et
devant Dieu, c’est la découverte que je n’ai rien en double, je n’ai aucune
sécurité et que ma vie est liée à la présence de l’autre qui n’a pas, non plus
de sécurité.
Sa morale a aussi un second niveau, un second étage très
curieux. C’est le mélange ;
c’est l’affirmation de la non-séparation. Au fond il ne croit pas comme
certains juifs de son époque et comme le croiront plus tard de nombreux
chrétiens qu’il y a des métiers indignes
devant Dieu, qu’il y a des catégories d’activités qui représentent ce qui est
mal, mauvais, impurs, incapables de connaître la vérité. Il ne croit pas que
les collecteurs d’impôts sont tous des voleurs ; eux aussi ont accès à une
conscience morale : de même pour les militaires qui en ce temps et en
temps de crise se servent volontiers sur place sur le terrain ; aux uns et
aux autres il demande de la retenue et de l’exigence dans la réalisation de
leur activé choisie ou imposée ; au fond c’est dans la manière de vivre sa
fonction que la personne apparaît en vérité. Ce ne sont pas les fonctions qui
disent ce que sont les humains mais bien les humains qui font vivre en vérité
les fonctions ou les activités les plus diverses.
On
pourrait dire que Jean serait choqué devant des fonctionnaires ripoux ;
devant des commerçants malhonnêtes, devant des personnages investis de
l’autorité en train de profiter de leur situation. Cela est évident cela est en
soit banal et voilà que cela revêt chez Jean le baptiste une grande
importance ; voici que pour lui ces remarques de morale basique font de
lui un personnage respecté qui suscite l’attente et l’interrogation : Le
peuple était dans l’attente…
Jean
nous intéresse ; il nous dit dans cette histoire qu’il y a des moments de
l’histoire où le rappel de la simplicité et de l’évidence morale devient
nécessaire utile et qu’elle trouve un accueil favorable. Paul dira que tout est
permis mais que tout n’est pas édifiant et qu’il faut sans doute revenir à nos
bases ; à des fondamentaux souvent oubliés ceux d’une morale limpide où la
place de l’autre est décisive pour ma vie que je ne suis pas intéressant tout
seul et que la sens de ma vie de
découvre lorsque je ne me dépossède pas mais lorsque je donne à l’autre comme
par l’intermédiaire d’un Etat généreux, ou d’une Eglise qui ne vit plus pour
elle-même.
Cependant
L’Eglise chrétienne n’a pas suivi Jean mais Jésus comme Christ. L’apôtre Paul n’a
pas été le missionnaire de Jean mais de Jésus comme Christ. Qu’est-ce que Jésus apporte que Jean ne
connaissait pas et qu’il devinait peut-être ? Voilà notre ultime
question de ce jour.
Une
tentative de répondre pourrait être contenue dans le mot et la réalité du Bonheur. Il sera nécessaire de passer
d’une morale juste et bonne à une étape
supérieure qui va rejoindre la préoccupation de tous les humains celle de la
recherche de la quête du Bonheur. Jésus dira : heureux vous qui … vous êtes heureux si votre recherche du royaume
vous conduit à la rencontre de l’autre, au partage de ce qui vous encombre, de
ce que vous avez en trop et qui n’est pas nécessaire. Le bonheur se tient là à
votre porte de vos maisons, de vos fonctions, de vos Eglises, de vos pays, de
votre humanité.
A
la suite des traditions juives, la religion chrétienne est une religion
d’annonce d’un bonheur qui prend corps dès ici-bas. Le psaume 4 disait
déjà : Ah ! Qui nous enseignera le bonheur ? Les béatitudes sont la manière dont le Christ
dit le bonheur pour les artisans de paix et de justice, pour ceux qui pleurent
avec ceux qui pleurent et qui se réjouissent avec ceux qui sont dans la joie.
Ici
est affirmé « l’horizon d’une vie sous le signe de la bienveillance parce
que le bonheur dira Ricoeur, ce n’est pas simplement ce que ne n’ai pas, ce que
j’espère avoir, mais aussi ce que j’ai goûté. » La foi chrétienne va
annoncer la certitude qu’il y a encore
quelque chose à attendre de la vie. Elle va dire : je m’attends encore à
du bonheur. Quelque soit mon âge, ma situation, ma fonction.
Jean
disait : pratique le partage ! Soit honnête avec les autres ; renonce
à tes petits privilèges ; à la suite de Jésus comme Christ, ses témoins
diront à leur manière : Sois
heureux maintenant et demain. Sois heureux dans ta vie malgré les malheurs
et les souffrances qui sont là ; regarde j’y succombe moi aussi et pourtant
j’attends encore quelque chose de ma vie et de la tienne, de la nôtre.
Ceux
qui ont lu « Réforme » cette semaine vont retrouver là, les traces
d’un article de Ricoeur avec cette fameuse annonce de la foi chrétienne celle
d’une pratique et « d’un désir d’une vie accomplie avec et pour les autres
et cela dans des institutions justes ».
Jean
c’est un pédagogue, il nous apprend à nous comporter avec les autres pour
découvrir notre propre réalité. Jésus est un maître de sagesse, il nous
entraîne vers la pratique et l’annonce d’un véritable bonheur de vivre
aujourd’hui et demain. Nous préférons parfois sans le savoir l’existence
concrète et banale de Jean le Baptiste ; pourtant Le Christ nous invite et
nous appelle à sa suite vers la réalisation d’un bonheur partagé toujours neuf,
toujours troublant.
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