samedi 14 juin 2014

Nicodème, vous connaissez ?

 

Jean 3, 1-17 : Nicodème : le conquérant… le victorieux du peuple (étym.)

 
Chez Jean :  peu de personnages nommés hors disciples : Jean Baptiste, Lazare, Marthe et Marie et Marie de Magdala. Et 3 fois Nicodème ! Un nom, une personnalité, un chef étonnant !
 
La figure de Nicodème est singulière, furtive et dense à la fois. Elle caractérise l’Evangile de Jean qui seul connaît ce personnage que l’on retrouvera en discussion avec les siens pour rappeler la valeur du droit : condamnerait-on quelqu’un sans l’avoir entendu et sans savoir ce qu’il a fait, dira t-il (7,50); il sera aussi celui qui s’occupera du corps de Jésus (19,39). Il disparaîtra ensuite comme un disciple et un témoin efficace et pourtant toujours dans l’ombre. 
Nicodème quelqu’un de bien qui est d’abord intéressé par la personne et le message de Jésus ; il est l’homme qui veut savoir et comprendre, il est le personnage des questions. Comment un homme pourrait-il naître s’il est vieux ? Comment cela peut-il se faire ?
Nous pouvons percevoir ensemble cette dimension essentielle de la foi chrétienne qui est et demeure un immense étonnement, une vaste question, comme une rencontre toujours inattendue avec le Christ lui même. La foi comme une première et ultime question, la foi chrétienne comme un réel étonnement. La foi comme question comme étonnement avant d’être une série de réponses toutes faites, toute prêtes.
Nos communautés, nos traditions ecclésiales ont souvent au cours de l’histoire fait face à cet étonnement et à ces questions, elles ont même souvent donné des réponses, beaucoup de réponses ! Ainsi nos Eglises donnent parfois l’impression d’avoir réponse à tout : sur le mariage, sur la fin de vie, etc... elles donnent parfois le sentiment qu’elles ne sont plus étonnées par l’évangile lui même, qu’elles ont la charge de transmettre. Nos réponses particulières sont encore face à l’Evangile de Jésus-Christ, encore des questions et des étonnements à vivre.
Stimulés par l’Esprit saint, stimulés par les autres, questionnés par les réalités du monde, notre capacité à témoigner à annoncer, passe, je le crois, par l’étonnement de Nicodème. Comment renaître ? Comment cela peut-il se faire ?
 
Cet étonnement rencontre l’étonnement bienveillant du Christ lui-même : tu es maître en Israël et tu ne sais pas ces choses, tu es Eglise de Jésus Christ et tu ne sait pas encore ce qu’il faudrait vivre, savoir et croire ! Deviens et redeviens cette Eglise si jeune encore  qu’elle est capable de s’étonner, non seulement de la grâce qui lui est faite mais aussi de la grâce qui lui permet de proposer au monde un évangile comme un grand étonnement. Le dialogue, la rencontre qui est la première et la marque ultime de la foi c’est la rencontre de deux étonnements : celui de l’homme et celui de Dieu lui-même.
 
Puissions–nous redécouvrir la force et la pertinence de l’étonnement que doit procurer le trésor qui est le nôtre et dont nous n’avons pas encore mesuré toute la grandeur et toute la nouveauté. Au cœur de nos habitudes et de nos traditions bien utiles notre capacité à nous interroger et à être étonner, risque de se perdre et de ne plus être entendue ; les témoins de Jésus Christ sont celles et ceux qui découvrent en permanence l’étonnement de la présence de Dieu, la surprise et le renouveau qu’elle procure au cœur de nos habitudes, la nécessité de naître encore et à nouveau à l’Evangile en répondant d’eux-mêmes et de celui qui vient faire don de sa présence.
Naître de nouveau ce n’est donc pas l’autre face spirituelle d’une face plus concrète plus réaliste ; Naître de nouveau ce ne sera pas seulement l’invasion de Dieu dans la réalité des hommes et des femmes qui entendent l’Evangile ; naître de nouveau ce sera la confiance maintenue dans une question toujours légitime, toujours vivante, ce sera la confiance dans un étonnement toujours nouveau loin de l’artificiel du factice ou du répétitif. Comment cela peut-il se faire ? Cette question celle de l’enfant qui découvre la réalité du monde est l’expression première et ultime de la foi ; elle n’est pas la marque d’une indécision mais d’une confiance que quelqu’un entend nos questions, quelqu’un reçoit notre étonnement. La foi sera ici le choc des étonnements et non la confrontation et l’opposition de réponses dogmatiques ou éthiques.
Nicodème c’est le témoin de l’étonnement et de la question c’est aussi le témoin de la nuit, le témoin dans la nuit. L’évangile de Jean l’associe à la nuit, c’est l’homme qui vint rencontrer Jésus de nuit, c’est le témoin de la nuit du tombeau. C’est le noctambule de l’Evangile. On dit souvent qu’il aurait craint d’être vu en présence de Jésus ; il est le premier personnage dans l’Ev. de Jean à rencontrer Jésus personnellement comme dans l’intimité de façon privée. Cette dimension personnelle et privée sera accentuée par son absence et son silence au sein des disciples et dans tout acte public du ministère de Jésus.
Nous qui savons bien que l’Evangile a une dimension publique, officielle, visible et connue, nous qui croyons que notre espérance est pour le monde entier comme pour la société dans laquelle nous vivons, voici que Nicodème nous dit aujourd’hui que cet évangile étonnant revêt un caractère privé. Qu’il est d’abord et aussi une affaire personnelle et intime ; Voici que cette bonne nouvelle concerne notre vie publique mais aussi personnelle ; cet évangile, cette présence cette rencontre avec le Christ s’effectue aussi dans notre nuit, dans les nuits  de nos existences spécifiques. Directement la rencontre est possible, muni de notre quête de nos étonnements voici le face à face de quelqu’un, avec le Christ. La communauté, l’assemblée, l’action, le témoignage seront le jour. Mais il n’y a pas de jour sans nuit. Même la nuit le Seigneur veille ; tous les grands mystiques de l’histoire ont dit que seule la nuit était le lieu de la rencontre. Absorbés par toutes sortes de tâches, écrasés parfois par nos organisations matérielles et nos gestions complexes, voici que Nicodème nous rappelle la place de la rencontre singulière et personnelle avec le Seigneur du jour et de la nuit. Puissions nous retrouver cette dimension qui ressemble à la prière personnelle comme ressourcement ou personne ne peut agir à notre place et où nous retrouvons la capacité de nous tenir devant Dieu.
Pour nous, Nicodème c’est le témoin de l’étonnement et c’est le témoin dans la nuit. C’est aussi et enfin le témoin de l’écoute de l’essentiel. Comment dirions-nous ensemble le centre de la révélation chrétienne ? Nicodème est le témoin attentif de cette parole centrale au seuil de l’Evangile de Jean. Par ses questions nocturnes, il permet à Jésus des réponses radicales et inouïes.
"Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle".
 
Le motif la raison d’être la mission de nos communautés comme notre espérance personnelle, se tient ici résumé et récapitulé. A celles et ceux qui doutent et qui cherchent, à celles et ceux qui vont chercher ailleurs ce qui est promis ici simplement à celles et ceux qui s’égarent dans les pseudo-mystères et les paradis éphémères, à nous qui parfois ensommeillés ou découragés ne voyons plus clairement ce qui nous unis et nous rassemble, l’évangile retentit de façon claire et forte.
 
A nous qui portons un regard sceptique parfois désabusé et souvent négatif sur ce monde déboussolé, Dieu vient redire : qu’il l’a tant aimé ; qu’il est bien le seul lieu de notre mission et de notre témoignage ; qu’il est bien, ce monde, celui que Dieu est venu résolument aimer en Jésus-Christ dans sa rencontre étonnante avec celles et ceux qui paraissaient les moins dignes de cette rencontre. Pas du monde, dira Jean, mais dans ce monde afin qu’il croie ; dans ce monde notre manière de vivre les uns avec les autres les uns par les autres ; dans ce monde où doit retentir notre étonnement et nos questions sont promis à la présence qui le rend autre et différent ; dans ce monde aimé par Dieu et non condamné tel est le lieu de notre mission et du chantier que Dieu est venu visité.
 
Dans ce monde où la demande religieuse s’exprime de bien des manières, voici qu’il nous est demandé de l’évangéliser, non de la récupérer mais d’y annoncer sous forme de questions, la seule espérance possible celle de la vie qui dure et qui s’épanouit grâce à la présence du Vivant et du ressuscité.
Ce qui caractérise l’espérance chrétienne c’est bien cette promesse qui ne ressemble pas à un jugement mais à un avenir possible. Dieu est venu aimer ce monde. Nous ne pouvons pas l’abandonner, nous y soustraire, car c’est bien là que nous attendent nos frères et sœurs en humanité promis à la rencontre inattendue, celle de la foi Christ de la vie. Nos communautés sont des langages différents de cette annonce et de cette certitude, puissions nous nous souvenir que nos langages nos histoires sont enracinés et trouvent leur véritable sens dans cette affirmation centrale : afin que nous croyions, Dieu est venu aimer ce monde dans la vie, la mort, les gestes et la parole de Jésus le Christ. Nicodème est le premier témoin de cette promesse.
Nicodème, le conquérant tel Guillaume ! du peuple et pour le peuple de Dieu : il est le vainqueur des tentations de toujours répondre comme de l’extérieur d’un savoir tout prêt à croire car le vent, comme l’esprit souffle dans toutes les directions ; Il est le conquérant qui questionne et vient voir lorsqu’il difficile de voir ; il vient répondre de lui-même et de celui qu’il rencontre.
Témoin questionneur, témoin de l’étonnement nécessaire, témoin dans la nuit, témoin est le premier témoin de la grande nouvelle. Puissions nous nous retrouver en lui, puissions nous avec lui, avec nos communautés, stimulés par lui retrouver l’élan et la dynamique d’un témoignage divers et varié mais enraciné et comme abreuvé par cette seule source, l’amour inconditionnel de Dieu pour nous.
 
 
 
 
 

lundi 2 juin 2014

Vers un christianisme transconfessionnel !

Pasteur L. Schlumberger au Synode National 2014 de l’EPUdF à Avignon  : Un nouveau paradigme

J’ai la conviction que d’ici deux générations, nous aurons très fortement progressé vers un christianisme post-dénominationnel, voire transconfessionnel. Le pays qui, probablement, comptera bientôt le plus grand nombre de chrétiens, et où le protestantisme est d’ailleurs la première confession chrétienne, est la Chine. En Chine, lorsque vous demandez à un chrétien protestant s’il est pentecôtiste, luthérien, méthodiste, réformé ou autre, vous n’obtenez en général pas de réponse, car la question est peu pertinente et souvent incomprise. Bien sûr, selon les sujets, les lieux ou les personnes, on perçoit des héritages, des influences, voire des dominantes pentecôtistes, luthériennes, méthodistes, réformées ou autres. Mais dans un pays où le développement des Eglises est récent, la question de la dénomination, voire de l’identité confessionnelle, n’a pas grand sens.

Dans les assemblées oecuméniques, les passerelles transconfessionnelles entre les personnes sont évidemment nombreuses et, en raison de l’habitude du dialogue et de la prière commune, les affinités ne coïncident pas forcément avec les identités confessionnelles. Cette plasticité confessionnelle est également perceptible dans l’Institut oecuménique de théologie au Maroc, où notre Eglise est engagée, en raison du contexte interreligieux.

Je ne dis pas que, dans vingt ans, les étiquettes confessionnelles auront disparu ; je suis même à peu près sûr du contraire. Mais leur importance aura fortement régressé ; elles apparaîtront comme des héritages intéressant les spécialistes, mais pas le peuple de l’Eglise ; elles ne recouvriront plus la composition effective des Eglises : par exemple, une Eglise s’affichant presbytérienne aura en son sein beaucoup de membres, voire une majorité, qui se comprendront d’abord tout autrement que par rapport au critère confessionnel presbytérien. Les étiquettes confessionnelles demeureront probablement à l’état de survivances, mais l’étiquette ne correspondra souvent plus au contenu de la bouteille si je puis dire.

Bien sûr, ce ne sera bien sûr pas le fait de toutes les Eglises. Bien sûr, il y aura aussi, car il y a déjà, des raidissements identitaires. Mais outre le fait que l’on peut analyser ces réactions comme des confirmations de cette évolution, la tendance est là. C’est un nouveau paradigme, qui est en train d’apparaître.
 
Une évolution qui va s’accentuer et s’accélérer
 
Cette évolution est un fruit du mouvement oecuménique. Depuis plus d’un siècle, et plus particulièrement depuis la conférence d’Edimbourg, l’oecuménisme, c’est la relativisation des identités confessionnelles par la priorité accordée au témoignage commun. Depuis un siècle, cette logique profonde travaille nos Eglises et les fait avancer.

Cette évolution va s’accentuer et s’accélérer, en raison de la globalisation, de l’individualisation et de la sécularisation. De la globalisation, car les traditions ecclésiales sont de plus en plus perméables les unes aux autres. De l’individualisation, car dans ce paysage global et mouvant, l’itinéraire de chacun est de moins en moins guidé par les identités héritées et de plus en plus singulier. De la sécularisation, car la sécularisation renforce la pertinence et la nécessité du témoignage.
 
Les personnes qui rejoignent notre Eglise sont elles-mêmes en quelque sorte post-dénominationnelles !
Nous vivons déjà cette évolution là où nous sommes. Les personnes qui rejoignent notre Eglise – et c’est une proportion de l’ordre de 20%, en croissance – sont elles-mêmes en quelque sorte post-dénominationnelles : sauf rares exceptions, elles ne viennent pas adhérer à la confession réformée ou luthérienne ; elles sont motivées par bien d’autres aspirations, à commencer par l’aspiration à une communauté vivante, où elles soient accueillies, reconnues, nommées, nourries.

Dans cette évolution, le protestantisme français est sans doute plutôt en avance. Cela tient à la porosité entre ses courants, qui a toujours existé, qui se vit au sein même de notre Eglise et qui se manifeste aussi par l’existence d’une Fédération protestante au périmètre large, ce qui est assez unique. Cela tient aux recompositions en cours, avec les Eglises dites « issues de l’immigration », l’essor évangélique et la création du CNEF, la dynamique d’union luthéro-réformée. Cela tient à la facilité des relations oecuméniques dans notre pays, remarquable si on la compare à beaucoup d’autres contextes. Et, pour ce qui nous concerne tout récemment, la constitution de l’Eglise protestante unie de France est un pas dans ce sens de la relativisation des identités confessionnelles en vue d’un meilleur témoignage rendu à l’Evangile.

Vérité et communion

Cette évolution vers un christianisme post-dénominationnel ou transconfessionnel, va-t-elle induire un affadissement théologique ? Faut-il renoncer à des options affûtées et accepter tout et n’importe quoi, dans un grand melting pot indifférencié ? Certainement pas ! Bien sûr, le risque peut exister. Mais analyser les évolutions du monde et des Eglises, être attentif à ces faits que sont l’interreligieux et l’interculturel, honorer et recomposer nos héritages, percevoir les quêtes spirituelles de nos contemporains et les travailler, bref élargir l’horizon tout en s’efforçant d’y tracer un chemin de fidélité, ou pour le dire autrement « Lire le monde et penser Dieu » comme le dit le dépliant de l’IPT, cela exige plutôt de monter en qualité théologique en quelque sorte, pour entendre, comprendre et proposer.

En revanche, cette évolution vers un christianisme transconfessionnel va certainement nous bousculer quant à la question de nos critères de vérité. Car où situer le critère de vérité évangélique ?

Depuis des siècles, ce critère de vérité est situé plutôt du côté de la doctrine et de sa juste formulation. On distingue les confessions chrétiennes à coups de dogmes, de concepts, d’affirmations doctrinales. Mais après tout, au nom de quoi la doctrine devrait-elle être le nec plus ultra de l’identité chrétienne ? Depuis quelques temps, ce critère se déplace du côté de l’éthique. On voit des Eglises se déchirer et des communions mondiales se fissurer au nom de la vérité sur des questions éthiques liées à la justice ou au genre. Mais après tout, au nom de quoi les Eglises et les chrétiens devraient-il avoir tous les mêmes options dans ce domaine ? Marcher sur le même chemin exige-t-il de marcher au même rythme, avec les mêmes étapes ?

Et s’il fallait situer prioritairement le critère de vérité évangélique du côté de la capacité de communion ? Dans le Nouveau Testament, la communion – koinônia en grec – est une solidarité pleine et polymorphe. Une solidarité pleine, car il s’agit d’abord de la solidarité de Dieu avec les humains, et du coup de la solidarité entre les humains à laquelle Dieu invite. Une solidarité polymorphe car elle est spirituelle – par l’Esprit et dans la foi –, autant que matérielle – par les repas partagés ou l’entraide financière. La communion est un lien qui nous précède, qui nous est donné, et tout autant un lien qu’il faut faire vivre et rendre manifeste. La communion est une sorte d’accord profond, au sens musical de ce terme.

Dans le Nouveau Testament, nous voyons des apôtres et des Eglises soumis parfois à de très rudes tensions, de caractère doctrinal et éthique. Ce qui est en jeu, ce sont des questions aussi explosives que la stratégie missionnaire, les relations avec les Juifs, le rapport à la loi, la compréhension de la justice, les règles internes aux communautés, l’identité sociale ou sexuelle et l’identité en Christ, la conception des ministères, l’insertion dans la société… – des questions à côté desquelles nos sujets de débats paraissent parfois assez seconds ! Mais ces tensions n’empêchent pas l’accord. Elles sont vécues, recadrées, englobées dans une perspective de communion, de koinônia, comme si une large diversité de points de vue théologiques, ecclésiologiques, éthiques, étaient recevables pourvu qu’ils soient englobés dans un lien de communion plus intense, plus large et fondateur.

Dans le christianisme post-dénominationnel ou transconfessionnel, vers lequel nous avançons, la capacité de communion devient décisive. Elle est une vertu majeure à cultiver au sein de notre propre « communion luthérienne et réformée ». Elle est en outre en elle-même un témoignage rendu à l’Evangile, dans un monde en proie à la fois à l’uniformisation et aux conflits nationaux, ethniques et religieux.

Dans notre contexte, je suis persuadé que la pertinence du message évangélique, dont nous sommes les bénéficiaires et les témoins, résonne d’abord en termes de confiance. Une confiance reçue de Dieu, première, libératrice ; une confiance offerte à notre engagement pour que nous la rendions contagieuse.

Le dialogue, donc le débat ou la confrontation des interprétations pour discerner Jésus-Christ aujourd’hui, l’unique parole de Dieu, est l’un des lieux majeurs où, en Eglise, cette confiance est confortée ou menacée.
 
C’est pourquoi nous devons prêter la plus grande attention au lien de communion, au sein de notre Eglise, comme au sein de toute l’Eglise de Jésus-Christ. Dans un christianisme qui évolue profondément, où l’on est de moins en moins Eglise tout seul – et nous en parlerons demain soir –, le lien de communion revient au premier plan. Cette communion a sa source en Dieu et elle nous est confiée.

mercredi 14 mai 2014

Rencontre berlinoise

Dimanche 11 mai 2014 au Dom français, culte bilingue.

« Le Seigneur est mon berger »  Psaume 23
« Je suis le bon berger » (Jean 10, 1-11). Parmi les formules, les affirmations évangéliques simples et claires, celle-là en est une bien connue, bien célèbre, elle a été le thème constant de l’iconographie chrétienne : tableaux, vitraux, livres etc... Parmi tous les modèles d’identification, c’est celui du Berger qui a prévalu, face à d’autres qui ont écarté : par ex. celui du charpentier, du pêcheur, du guérisseur, du rabbin, du maître de sagesse et bien d’autres encore.

Ce choix est d’abord celui de l’évangéliste Jean qui en quelque sorte tente de répondre aux trois autres, Matthieu, Marc, Luc, qui ne cessent de poser la question de l’identité et de l’être même de Jésus. Qui dit-on que je suis ?
Qui dites-vous que je suis ? Si les 3 premiers évangiles poussent les interlocuteurs du Christ à confesser leur foi en lui, le 4° évangile, Jean affirme et atteste la singularité du Maître qu’il s’agit de suivre et de reconnaître comme Celui qui est : la lumière, le chemin, la vérité, la vie, la porte, la résurrection, la vraie vigne et aujourd’hui le vrai Berger. Oui il s’agit bien d’une affirmation solennelle qui va mêler le divin à l’humain qui va faire le lien avec la compréhension du Dieu de la première alliance comme celui qui est et qui sera.
A nos questions, à toutes nos questions, à toute notre foi, à toutes les manifestations de notre foi, à nos hésitations et tous  nos engagements, il y a une réponse, il y a un socle, une fondation : quelqu’un dit : je suis… pour toi. Pour nos communautés francophones fragiles et pourtant résistantes, il est dit : Je suis…pour toi ! Dans un monde qu’on voudrait nous faire apparaître comme virtuel, dans ce monde on l’on veut nous faire rêver en consommant toujours plus, dans ce monde ou les certitudes passent comme des modes, dans le spectacle du monde, quelqu’un dit : pour toi, je suis… là pour toi, comme une boussole, comme un chemin sur lequel tu peux t’aventurer, comme une porte que tu peux franchir, comme une vérité donnée à recevoir, comme une vie à partager, comme une vigne dont on attend des fruits. L’être de Dieu s’exprime par un je suis.. qui nous précède comme si au commencement il y avait quelqu’un d’autre que nous mêmes. Un je suis qui appelle, qui entraîne, qui met et remet en route, un je suis là comme une parole dans le silence ou dans le bruit.
Je vous propose ce matin dans ce premier temps d’entendre et de recevoir  l’affirmation du : Je suis aussi pour toi Celui qui entend et qui te rencontre sans condition ; ce qui me fait être dit Dieu c’est cela que je te transmets. Tu peux être à ton tour car moi, je suis. Dans la banque de données de l’existence humaine, voici qu’il y a une réserve d’être, une source d’être ; lorsque nous croyons que tout s’épuise, voici encore de la ressource, de l’être à vivre, du don à donner et recevoir, de la présence à rencontrer, de la parole à échanger et à prier. Dieu c’est une réserve d’être qui se manifeste dans sa parole ; le Christ en disant rarement mais fortement : Je suis se révèle comme une possibilité toujours là, d’être celui qui est disponible
pour donner vigueur et sens à notre existence, pour transmettre de l’être dans nos vies qui en manque bien souvent. Cette présence s’affiche et s’affirme dans une réalité bien précise : Je suis le bon, le vrai le seul Berger. Seule profession commune en ce temps et banale à la fois accolée à la présence divine. Dieu dans la Bible n’est pas un horloger, il n’est pas une force, une vapeur, un code inconnu, un être supérieur, il est celui qui parle de l’être qui met à disposition de l’être sous la forme sous les apparences d’un Berger. Jésus lui-même est confessé comme le Dieu d’Israël sous la forme du Berger. Même si nos civilisations ont marginalisé cette fonction – elle parle encore, sous nos latitudes à nos mentalités rurales. L’humain et le divin se mêlent sans cesse. C’est David en Israël qui est l’image du Berger, que l’on va chercher de derrière son troupeau, pour être reconnu comme roi, comme chef et c’est lui qui installera Dieu comme véritable Berger d’Israël. A la fonction guerrière – comment ne pas s’en souvenir ici au cœur de l’Europe à Berlin - souvent exercée pourtant va se substituer prioritairement la fonction caritative, la fonction soignante et l’attention bienveillante portée à ceux qui sont gardés soignés accompagnés vers si possible de verts pâturages ; l’image et le symbole seront forts en un temps ou la rudesse, la ruse et le trafic des bergers s’exerçait et où ils n’avaient pas toujours bonne réputation. Ce  sont eux les bergers qui entendront et verront dans la nuit l’annonce d’une bonne nouvelle pour tout le peuple, lors de la naissance de Jésus selon l’évangile de Luc. Comme si les bergers allaient reconnaître dans le petit enfant naissant, l’un des leurs.
Les prophètes en Israël fustigeront les mauvais bergers, les conducteurs du peuple qui renonçent à leur fonction d’accompagnement au profit de leurs propres intérêts : L’Europe d’aujourd’hui connait bien cela et les peuples eux-mêmes sont de plus en plus critiques à l’égard de leurs petits bergers !
Le bon berger est celui qui renonce à lui-même dans l’intérêt des autres et dont il a la garde provisoire. Sa fonction est d’être là, de faire face, de parler pour dire sa présence et d’éloigner le mal ou le loup toujours présent. Sa fonction c’est bien de permettre l’éclosion et la durée de la vie c’est bien de transmettre l’être qu’il a à ceux qui en manquent. Le premier berger de la Bible c’est Abel tué par son frère Caïn le cultivateur. Le nomadisme du Berger est insupportable au sédentaire. Non seulement le Berger, le bon et le vrai manifeste son attention bienveillante à son troupeau, mais il bouge et se déplace vers tous les lieux de vie propices à ses brebis. La fonction de Berger c’est aussi la tension voire l’opposition entre le déplacement et la stabilité. Cette tension court tout au long de l’Ecriture ; mais c’est toujours le nomadisme qui gagne.
L’Etre, la vie, c’est le déplacement ; notre vie dans la foi, notre foi orientée vers le bon Berger, c’est une foi en marche accompagnée de Celui qui marche en avant ou en arrière, avec nous. Notre foi notre espérance et l’exhortation à la bienveillance envers les autres se manifestent dans le déplacement : dans tous les sens, vers là où se tient la nourriture…. Il n’y aurait pas d’Eglise, pas de communautés croyantes si les premiers témoins ne s’étaient pas déplacés munis de la certitude que quelqu’un d’essentiel se déplaçait aussi avec eux. La stabilité de la foi est une incohérence ou alors il faut dire et croire que la stabilité même se déplace sans cesse ; non pour le plaisir de se déplacer mais par nécessité pour que la vie et l’être, pour que l’annonce de la parole s’effectuent se manifestent.
Dire aujourd’hui comme hier, le Seigneur est mon Berger ou bien regarder et confesser le Christ en train de dire, je suis le bon Berger, c’est entrer dans un vaste déplacement : non seulement regarder autour de nous pour transmettre une espérance vitale, mais nous déplacer dans notre foi même : ce que nous avons l’habitude de dire et faire reçoit la force de s’exprimer et de se manifester autrement encore. Nous ne sommes pas arrêter dans notre manière de vivre cette foi et cette espérance ; nos traditions ne seront vivantes et utiles aux autres que si nous faisons mouvement vers eux ; en écoutant et recevant des autres leurs attentes, leurs questions leurs situations, leurs souhaits leurs désir ; en les accompagnant à partir de leurs réalités sans les contraindre ni les pousser impérativement vers où nous voudrions qu’ils aillent. Faire partager notre foi et notre espérance c’est accompagner les autres vers des lieux encore inconnus pour nous. Comme le firent les huguenots de jadis, qui ont parcouru les routes de l’Europe en quête de repos, de création, d’imagination au service de leur Dieu et des peuples accueillants.

Le bon Berger lui c’est déplacer vers des lieux inconnus, étrangers et étranges, il a mangé avec ceux qui n’avaient pas bonne réputation, il a rencontré celles et ceux qui ne lui ressemblaient pas, il a renoncé bien souvent à la doctrine de ses pères pour en dire une nouvelle, il a oser des mots et des gestes que personne n’avait osé dire ou faire ; bref il ne s’est pas prévalu de ce qu’il était, il a accepté de fondre le Je suis dans l’ensemble de la réalité, il ne s’est pas prévalu de sa condition divine, il y a renoncé pour donner de l’être et de la vie à d’autres, c’est pour cela dira l’apôtre Paul que Dieu l’a souverainement élevé.       
Etre l’Eglise du Bon Berger, c’est non seulement entendre sa voie et suivre son exemple, c’est aussi reconnaître le nomadisme de Dieu pour devenir des nomades dans la foi. C’est parfois renoncer à nous identifier à un troupeau pour devenir à notre tour les bergers les uns des autres, acceptant de livrer l’être qui nous constitue car dans cet abandon et cette livraison nous découvrirons la présence et l’accompagnement du seul vrai Berger qui ne retient pas qui ne garde pas, mais qui donne ce qu’il est. Etre l’Eglise du bon Berger c’est savoir l’existence d’une réserve d’être d’une solidité qui assure et rassure nos existences bien légères.

vendredi 2 mai 2014

Après Pâques à Beyrouth

 
Lectures : Actes 4, 32-35 et 1 Jean 5, 1-6 et Jean 20, 19-31
 
Les premiers témoins du Christ ressuscité vont déployer une grande énergie pour nous dire qu’ils ne sont pas des illuminés, que ce qui s’est passé à Pâques et ce qui se passe sans cesse n’a rien à voir avec du spiritisme ou une spiritualité de pacotille qui accepterait que Dieu agisse hors du cadre de l’histoire des hommes. La tentation est grande  d’imaginer que Dieu agit prioritairement hors de l’histoire. La foi nouvelle en train de naître sera précisément de croire qu’il agit encore dans l’histoire des hommes et des femmes : l’au-delà est déjà là dans l’en deçà.
 
« Il faut le voir pour le croire » est une expression populaire et usuelle par laquelle un événement considérable dans sa réalisation vient combler notre manque d’imagination ou notre incapacité à anticiper et prévoir. Il faut le voir pour le croire ! Nous n’aurions jamais pensé, imaginé et prévu un jour sortir de l’attraction terrestre et visiter d’autres planètes ni prévu que nous devrions partir et laisser un pays une culture ni prévu de trouver un travail nouveau ni prévu d’être heureux comme nous le sommes ; nos vies sont tissées d’imprévus heureux et dangereux faciles et difficiles à la fois.
 Nous l’avons abondamment vu et donc nous l’avons cru et avons cru que cela désormais devenait possible c’est à dire crédible. Ce qui était impossible à notre esprit est devenu pensable car nos yeux en ont été témoins. En fait nous n’osons pas croire de grandes choses positives ou négatives, nous sommes le plus souvent dans la voie moyenne, médiane, nous voulons bien espérer encore mais surtout nous voulons voir des signes tangibles, concrets, visibles. D’accord les paroles c’est bien, les promesses à la rigueur,  mais surtout des actes bien visibles ; nous jugerons sur pièce ! Nous jugerons sur les actes ! C’est probablement la raison pour laquelle l’évangéliste Luc a écrit la suite de  son évangile que l’on appelle les Actes. Nous jugerons sur les actes ; sur ce qui est visible ; Des choses impensables et impossible se voient et se manifestent désormais : des dons des donations des legs inattendus s’opèrent et se réalisent pour que la vie de l’Eglise soit pérennisée !

Pourtant nous savons bien que nos sens nous trompent, que nous voyons ce que l’on veut  bien nous montrer et ce que nous voulons bien voir. L’évidence ou la vérité du visible est souvent un leurre. Le spectacle divertit et ne garantit rien du tout.
Heureux ceux qui sans avoir vu, ont cru !
 
A la fin de son évangile Jean a la bonté de penser enfin à nous, les croyants de seconde main, (ceux qui n’ont rien vu) vous et moi qui avons cru ou qui nous mettons en marche sur le chemin de la foi, sans assurance concrète et visible.
Enfin je suis injuste Jean pense à nous depuis le début mais il nous le dit ici qu’à la fin comme dans une relation maladroite.
 
Lui qui a montré l’aventure de Jésus aux prises avec l’histoire visible et invisible, avec ce qui se voit et ce qui se croit et s’interprète : le chemin, la vérité, la vie, la porte, les sarments, la Samaritaine, la lumière et les ténèbres, les noces et Lazare, l’aveugle et Nicodème, la Parole venue et rejetée ; lui qui refuse de parler de miracles trop spectaculaires mais de signes c’est lui qui vient nous faire signe enfin pour nous dire : continuez, continuez à faire confiance à ces récits ils parlent d’une bonne nouvelle et ils parlent de vous, continuez à vivre sous l’empire des signes qui font vivre et donnent un sens à votre vie, ne vous découragez pas vous avez là, l’essentiel de ce qu’il faut pour croire, de ce qu’il est possible de vivre ; n’allez pas chercher ailleurs.
 
Vous avez une mission celle de devenir témoins de l’action étonnante et souvent cachée de Dieu lui-même. Ce qui s’est passé avec les premiers témoins c’est aussi pour vous, un encouragement une stimulation et un défi pour votre vie.
C’est désormais dans leur for intérieur c’est le soir que le Seigneur vient. C’est lorsqu’il n’est plus là, lorsque tout semble fermé et clos qu’une présence qu’une parole est dite : vous n’êtes plus seuls, la paix est avec vous ; c’est bien dans la nuit de la crainte et sous les verrous que l’étau se desserre, que l’équilibre s’annonce.
 
 
Oh ce n’est pas une découverte éblouissante et fulgurante puisqu’il faudra 8 jours plus tard que cela se répète comme s’il fallait du temps pour que cette présence et cette parole soit reçue et encore contestée. Ce que les chrétiens ont à annoncer est pourtant là contenu et communiqué. Il faudra qu’il vienne chaque semaine, chaque semaine nouvelle comme au seuil d’une création sans cesse renouvelée. 
 
Il n’y a plus désormais de lieux, d’espaces et de temps sacrés, il n’y a plus de terre sainte qui mériterait que l’on se batte pour elle, il n’y a plus d’organisation ecclésiale qui puisse à elle seule contenir le message.
Le déplacement des lieux et des temps s’opèrent dans un élargissement qui va prendre corps qui va prendre forme. Il n’y a plus rien à répéter mais tout est à inventer. Il n’y a plus de vie monotone et plate, il n’y a plus de modèle à reproduire mais comme toujours le premier jour de la semaine comme au matin du monde tout reste à faire et à devenir. Au commencement était la Parole avait dit Jean voici que cette parole devient une parole d’envoi : J’ai été envoyé, la preuve c’est que je vous envoie à mon tour, pour que vous annonciez le tout est toujours possible vous avez désormais d’annoncer que cela est désormais possible. Il y a un au-delà à l’absence.
C’est cela le message du Shalom de la paix qui est dite et redite comme un refrain dans la bouche du ressuscité. Il ne dit pas seulement bon-jour que ce jour soit beau et bon pour vous. Il dit : La paix soit avec vous, sur vous ! Soyez réconciliés, retrouvés votre identité votre entièreté, malgré la crise, la séparation le changement opéré dans une situation nouvelle vous êtes en état de d’être envoyés ! Vous êtes bon pour le service.
Jusque là tout va bien et l’Evangile de Jean annonce de façon harmonieuse c’est aussi ce que signifie le Shalom – du départ de Jésus et du nouveau mode de sa présence. Mais Jean est aussi un pédagogue un catéchète. Ils pensent à celles et ceux qui ne sont pas sous le coup de l’émotion sous le coup de la présence du Christ ; ils pensent à ceux qui viennent peu souvent au culte et il va déployer pour les croyants occasionnels souvent les plus compliqués et les plus exigeants – il va déployer pour eux un chemin nouveau : ce sera Thomas que l’on appelle Didyme le jumeau. Il y avait eu Jean et Pierre et leur course vers un tombeau vide ; il y avait eu Marie de Magdala et le jardinier – il y a maintenant le présent et l’absent, celui qui a toujours quelque chose à faire ailleurs ; celui qui est composé d’une partie qui croit et qui fait partie des disciples et une autre partie jumelle qui n’est jamais là où il faut au moment où il faut.
Il est irréaliste et réaliste à la fois. Au moment de la mort de Lazare il dit aux autres disciples : Allons nous aussi et nous mourrons avec lui comme si c’était la fin des temps ; mais réaliste aussi il dit aussi  quelques temps après alors que Jésus disait qu’il s’en allait : qu’il ne connaissait pas le chemin et qu’il ne savait pas ce que Jésus voulait dire !
 
Lui aussi a besoin de réconciliation pour lui-même, lui aussi a besoin de se retrouver lui-même et retrouvait les autres ; lui aussi a besoin de retrouver son Maître sans tout vérifier s’en croire que ce qui existe doit se voir et se toucher. Comme si lui était vraiment le vérificateur l’artisan officiel de la preuve de l’existence de la Vérité, du Chemin de la Vie. 
C’est bien pour cela que Thomas est utile, ce qu’il voit ce n’est pas une preuve objective et scientifique c’est une trace de présence, une trace d’amour, une marque de relation avec une force et une réalité qui déborde de confiance te d’espérance. Thomas réalise que son Seigneur lui fait confiance que son Maître entre en relation avec lui dans son être même et que désormais il n’y a plus de peur celle du fantôme, celle des esprits, celle des signes à interpréter, désormais c’est le sens de son existence qui est en train de se vivre, pour qu’en croyant que cela soit possible, vous ayez la vie en son nom. Désormais Thomas pourra appeler Jésus le Christ comme sa raison de vivre et non plus comme une preuve de son existence. 

L’Evangile de Jean nous fait confiance. Il atteste pour nous et avec nous que le Christ vivant et le souvenir de vie est une vraie raison de vivre, une vraie espérance au cœur de nos vies, une vraie trace de la présence de Dieu parmi nous.
 

samedi 5 avril 2014

Lecture de Pâques

Rencontres décisives dans l’Evangile selon Jean ch.20, 1-18

A l'aube de Pâques, les disciples n'assistent pas à la Résurrection de Jésus, ils ne voient pas ce que tant de tableaux représentent : un Christ, véritable Hercule, plein de force et de puissance qui force les portes de son tombeau, ou qui le piétine avec à sa main le sceptre des empereurs victorieux ! Rien de tel au matin de Pâques selon les évangiles, rien de spectaculaire ! Il n'y a qu'un tombeau vide… et tout reste encore à interpréter de cet événement mystérieux.

Un tombeau vide... Il y a un certain risque en effet à Pâques de vouloir imposer une sorte de joie obligatoire, une certitude sans failles, une foi inébranlable, mais qui risque de n'être qu'une parenthèse dans les brouillards de nos vies quotidiennes, des luttes que nous avons à mener contre nos peurs, nos questions, nos réticences.

Pâques pourra alors être célébré rituellement, être chanté avec ferveur, prêché avec conviction, mais le retour à la réalité peut faire mal, et les enthousiasmes artificiels nous décevoir.

Avant d'exulter de la joie pascale, peut-être vaut-il mieux suivre le chemin moins triomphant, plus modeste de Marie de Magdala.

Chemin, passage, Pâque  du coeur vide de tristesse et de détresse, à la parole pleine du témoignage. Chemin, passage, Pâque de l'obsession mortifère, qui nous replie sur nous-mêmes, nous isole et nous cloue sur place rivés à notre chagrin, à la mission qui nous conduit à la rencontre des frères et soeurs porteurs d'une parole de vie. Tant il est vrai que dans ce récit, il est avant tout question de la Résurrection ...de Marie de Magdala, de sa foi ressuscitée , re-suscitée par la Parole d'appel de son Seigneur …plus que d'un reportage sur la résurrection "objective", "historique" de Jésus.

Ou, pour le dire autrement, nous ne pouvons avoir accès à la Résurrection de Jésus que par l'intermédiaire des vies ressuscitées des disciples et de leurs paroles porteuses de confiance et d'espérance. Il ne peut y avoir de connaissance froide, rationnelle, scientifique de l'événement de Pâques, des preuves évidentes aux yeux de tous de la Résurrection de Jésus...Mais il ne peut y avoir qu'une connaissance chaude, existentielle, qui concerne toute notre vie, une re-connaissance dans la foi .

C'est seulement quand le Christ nous appelle par notre nom, quand il nous rappelle à notre vocation, alors que nous doutions de tout, et surtout de nous ! que nous pouvons entrer dans ce mouvement de reconnaissance .Il nous faut nous-mêmes opérer un passage, une pâque, un retournement ...pour pouvoir témoigner de façon crédible de la Pâque du Seigneur.

Autant de cheminements, de démarches spirituelles que de disciples : chacun vit à son rythme cet accès à la foi pascale :

Il y a d'abord le cheminement ou plutôt la course de Jean, le disciple que Jésus aimait. Jean le mystique, l'intuitif, qui au coeur du tombeau "voit et croit", fait l'expérience à travers le vide, dans la nuit, dans la perte, d'une présence plus forte que tout et qui l'illumine. Jean le disciple que Jésus aimait et qui sait qu'il n'y a pas de plus grande voie que celle de l'amour pour parvenir à la connaissance de Dieu et à la reconnaissance de la Résurrection.

Et tant mieux si parmi nous il y a des personnes qui ont cette foi sans ombres, cette foi instantanée, cette foi qui les fait entrer dans le monde de Dieu et leur permet alors de tout regarder dans Sa lumière éternelle.

Il y a le cheminement de Pierre le réaliste, l'homme de l'institution et du bon sens, celui qui fait le détail de tout ce qui se trouve dans le tombeau et qui aimerait avoir des conclusions logiques à cette énigme.

Nous pouvons aussi cheminer avec Pierre lorsque nous sommes embourbés dans toutes les bonnes raisons que nous avons de ne pas croire ; quand nous opposons tout ce qui nous semble être du "bon sens" et du "réalisme" à l'Incroyable message de Pâques. Quand nous nous laissons envahir par tous les bruits du monde, toutes les habitudes de notre société de consommation, tous les raisonnements de notre intelligence à l'horizon bornée et découvrons alors avec Pierre que la résurrection n'est pas une énigme à résoudre mais un mystère auquel s'ouvrir.

Et enfin, il y a le cheminement lent de Marie de Magdala, peut-être plus proche de nous, de moi en tout cas, plus proche de nos tâtonnements de nos  hésitations, de nos doutes et de nos envies de croire, de nos douleurs et de nos pleurs, de nos peurs et de nos enfermements.

Ne soyons donc pas culpabilisés de nos lenteurs à croire et entrons dans la voie tracée par Marie Madeleine : Pour elle, le tombeau vide au matin de Pâques ne signifie pas le triomphe et la victoire de Jésus sur la mort. Mais ce vide fait redoubler le sentiment de l'absence de Jésus. Ce vide vient amplifier la séparation d'avec son maître aimé et sa solitude. Le tombeau vide vient faire écho à son propre vide intérieur. Au matin de Pâques, Marie ne rayonne pas de joie, mais au contraire redouble de tristesse. Nous voyons en elle le vide de la foi, le désarroi, la course panique et le refrain obsessionnel "Ils ont enlevé le corps du Seigneur et nous ne savons où ils l'ont mis."
Elle n'a plus rien à quoi se raccrocher, même si elle cherche seulement à se raccrocher à un cadavre, à des rites d'embaumement qui domestiquent la mort. Ses mains se referment sur le vide. Et c'est bien son premier "passage", même s'il nous semble négatif ou douloureux. Pour reconnaître le Ressuscité et la Vie victorieuse, elle doit en quelque sorte passer par le vide et la mort. Ce vide l'amène à lâcher prise, à admettre la perte et son côté irrémédiable, à renoncer à embaumer un cadavre, renoncer à toute "chosification" ...ou à toute idéologie, qui n'est rien d'autre qu'une chosification de l'esprit ... Elle doit aller jusqu'au bout de cette "nuit obscure" où il n'y a plus rien, que le vide de la pensée, le vide des sentiments, le vide de la foi.

Car ce vide permet le passage, nous permet de nous désencombrer de tout ce que nous jugions important et qui se révèle un obstacle sur le chemin de la vie. Il y a une traversée des apparences, traversée des illusions pour entrevoir la Vérité.

Mais comment faire pour que ce moment de "vide", de "dépression" soit réellement passage vers une vie autre ? Une vie plus pleine?

Et ne soit pas l'immobilisme de la déception ? Du désespoir ?

Comment pouvoir lire les signes de Dieu ? Voir dans ce tombeau vide non pas une absence redoublée, mais l'affirmation d'une vie plus forte que la mort ?

Marie ne va pas trouver cette force en elle-même. Ce qui va la faire sortir de sa rumination obsessionnelle et de sa léthargie, c'est une Parole extérieure à elle-même . Non pas un traité théologique sur la Résurrection, ni une explication rationnelle de ce qui s'est passé cette nuit-là, mais la Parole de Jésus,  parole d'au-delà de la mort et du tombeau.

Parole qui va la ressusciter, qui va la reconduire à elle-même et à son Seigneur. Une parole qui la nomme "Marie" et la fait entrer à nouveau dans la relation non plus avec un cadavre mais avec le Vivant qui la ramène à la vie, par-delà le vide.

Jésus avait évoqué cette parole intime dans sa parabole du berger "Les brebis qui lui appartiennent, le berger les appelle chacune par son nom et il les amène dehors".

Marie peut alors sortir de sa tristesse et sortir même de l'enclos d'une vie où la mort et le désespoir sont le seul horizon.

Parole de nomination, de vocation, d'appel comme le jour de notre baptême : "Ne crains rien, je t'ai appelé par ton nom, tu m'appartiens" et qui fait de notre vie de nouveau un tout cohérent.

Parole qui résonne si fort dans le coeur vide de Marie que cela l'amène à la reconnaissance : "Rabbouni - Maître" …Reconnaissance qui signifie pour elle une renaissance. C'est parce qu'elle reçoit à nouveau vocation alors que tout semblait terminer que Marie peut entrer dans la joie de la Résurrection.

Et cette vocation est en même temps envoi et mission : car  Marie ne doit pas revenir en arrière, comme si Jésus n'avait pas traversé la mort .Elle ne revient pas avant Vendredi Saint. La foi en la Résurrection n'abolit pas l'absence.  Elle ne doit pas "chosifier" le Ressuscité : "Ne me retiens pas", mais elle devient missionnaire de l'Evangile, d'une Parole de Vie et d'espérance, d'une Parole Ressuscitante...d'autant plus crédible que cette parole a eu le temps de mûrir dans la tristesse et les larmes.

"Va trouver mes frères et dis leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu, qui est votre Dieu"

Le vide n'est pas comblé, l'absence physique de Jésus demeurera ...mais ce vide prend une toute nouvelle signification: la participation de Jésus à la Vie même de Dieu.

Cette absence se transforme alors en une nouvelle forme de présence: communion donnée et expérimentée, pour ceux qui se reconnaissent frères et soeurs et enfants d'un même Père, au coeur de l'Eglise et du monde.

Jean devant le tombeau vide "voit et croit"; Pierre doit raisonner pour finir au-delà de toute raison par accepter le mystère ; Marie-Madeleine doit traverser le vide de son cœur pour accueillir cette Parole qui la remplit de joie… Autant de disciples, autant de cheminements différents pour accéder à cette Vie en Plénitude que le Ressuscité veut donner à chacun.

Oui, tant mieux s’il y a ici parmi les lecteurs les lectrices, maintenant, des personnes pour qui la résurrection est évidente et simple à croire ! tant mieux s’il y a ici des hommes et des femmes pour qui cela n’a rien d’évident et qui ont besoin d’un chemin ; Tant mieux si aujourd'hui chacun à notre manière, nous sommes prêts à croire une parole qui nous ressuscite qui nous nomme et nous appelle nous envoie vers les autres pour partager cette grande nouvelle : la vie sera toujours plus grande que la mort ; l’amour de Dieu et des autres sera toujours plus fort que toute haine et toute séparation. Dieu vient dans la partage du pain et du vin nous donner cette vie et cet amour ; il vient chez le tout petit ; il vient chez le tout âgé ; il vient dans le silence et le trouble, il vient dans la question comme dans la réponse qu’il nous donne aujourd’hui et tous les jours.

D’après Michel Cornuz

vendredi 7 mars 2014

Libre, oui mais de qui et de quoi ? Vrai, mais qu'est ce la Vérité ?


Textes à lire : Esaïe 43, 16-21 et Philippiens 3, 8-14 et Jean 8, 1-11

La rencontre avec la femme adultère pourrait être éclairée et même comprise par cette affirmation de l’évangéliste Jean :

«  Si vous demeurez dans ma parole, vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres  v. 31-32 ; ils répliquèrent : nous sommes la descendance d’Abraham et jamais personne ne nous à réduits à la servitude : comment peux-tu prétendre que nous allons devenir des hommes libres ? »

Vérité et Liberté : quelle relation ? Qu’est ce qui me rend libre ? Les religions révélées peuvent-elles rendre libres ? Celles qui croient que leur révélation est unique sont-elles des espaces et des propositions de liberté ?

Au fond est-ce qu’ « une parole de liberté » qui  peut rendre libre et libre de quoi et de qui ?

Le message d’aujourd’hui est simple et clair : le christianisme, tel qu’on le lit dans les textes bibliques, est une proposition de liberté en vérité ; ou encore le christianisme à la suite de Jésus est une vérité qui rend libre.

Mais peut être direz-vous à l’instar des interlocuteurs de Jésus dans l’évangile de Jean : nous sommes et nous nous sentons libres, alors pourquoi faudrait-il le devenir ?  

Si on interroge en effet nos contemporains et qu’on leur demande d’associer un mot une idée une formule à celle de liberté, ils ne diront jamais le mot religion ni même Dieu ni  encore celui d’Eglise ; ces réalités ont en effet a reçu une connotation négative, plus proche de la soumission de  la dépendance voire même de l’aliénation ;  loin donc de la liberté de la libération ou de l’épanouissement de soi.

Aujourd’hui être libre pour nos voisins nos proches nos contemporains pour nous mêmes parfois c’est ne dépendre de personne, c’est être auto-suffisant, ne rien devoir à personne, être riche et bien portant et pouvoir se déplacer sans entrave.

Aujourd’hui ce qui est vrai pour nos voisins nos proches nos contemporains et pour nous mêmes parfois, ce qui est vrai c’est ce que l’on ressent, ce que l’on peut éprouver et qui correspond à ce que l’on pense et croit. Ce qui est vrai ce n’est pas une vérité extérieure externe mais plutôt une réalité intérieure ; une vérité n’est pas dictée par une instance, une institution, un parti, un état. Ou alors il faut que cette instance externe cherche en nous ce qu’elle veut nous faire croire comme vrai ; cela s’appelle aussi de la propagande.

En définitive nous vivons ce que l’on appelle parfois l’ère du sujet ; celle de l’individu et parfois mieux de la personne qui doit décider de tout et vérifier en elle même ce qui juste et bon pour elle c’est à dire alors aussi pour les autres.

Tout ou presque peut être ainsi justifié. Il m’arrive de penser parfois que ce qui est bon pour moi devrait être bon pour les autres. Je suis devenu le centre non seulement de ma vie mais aussi de celle des autres.

Nous sommes passés d’un extrême à l’autre ; d’un extrémisme à l’autre ; d’une radicalité à une autre radicalité.

Auparavant c’était le groupe, le statut social, l’appartenance sociale et religieuse, c’était l’institution dans laquelle je me trouvais sans le décider, par tradition qui régenter la vie et les modes de vie sans que le sujet, la personne ne soit autorisée  avec quelques exceptions bien sûr, à changer une façon de penser, d’agir ou de croire. D’autres décidaient pour moi, ma famille, mon Eglise, mon rang dans la société.

Dans l’empire gréco-romain, les classes sociales bien avant Marx, existaient de façons radicales ; les citoyens dirigeaient, les hommes libres commerçaient, les esclaves travaillaient. En proposant à des juifs de devenir libres, Jésus ou l’auteur de l’Evangile s’autorise une incongruité : se pourrait-il que des juifs fassent partie de la sphère de l’esclavage ? Eux qui étaient reconnus comme hommes libres et parfois même comme citoyens ?

« Nous sommes de la descendance, de la famille d’Abraham ». Et revoilà la venue de groupe, de  la famille et du clan !  Voilà à nouveau l’introduction du cadre sans lequel il n’y a plus d’existence possible. Changer de cadre c’est changer de vie ce qui est presque impossible.

Le christianisme invente un nouveau cadre ; change le cadre existant et ce n’est pas une catastrophe, c’est seulement difficile à croire et à vivre : on peut être du clan d’Abraham et être esclave de ce cadre. Etre enraciné ne veut pas dire rejeter toute autre racine qui ne serait pas mienne ; être enraciné en Christ veut dire que désormais toute racine est relativisée ; toute situation, tout cadre n’est pas suffisant pour vivre et être en relation avec les autres. 

Mon enracinement dans ma famille, dans mon Eglise, dans mon métier, dans mon pays, dans mes convictions politiques, ne sont pas une garantie de véracité, de vérité. Ce ne sont pas des vérités ultimes et dernières mais seulement provisoires et avant-dernières et la vérité vraie, la vérité ultime avec un grand V se s’épuisera jamais dans ces réalités.

Je suis capable devant et dans tout ce qui me détermine, de dire « Je » ; de dire oui lorsque tout me pousse à dire non ; de dire non lorsque tout me contraint et s’attend à ce que je dise oui.

C’est ici que le texte bizarre à propos de la femme adultère revêt une grande importance ; cette femme est ballottée entre le regard et le jugement du groupe, des autres et le poids personnel d’une conscience coupable et mal à l’aise. L’auteur du texte et probablement Jésus lui-même font la distinction entre l’acte l’action et la personne elle-même ; il y a un écart entre je que je fais et ce que je suis. Je ne suis pas ce seulement ce que je réalise. Cette femme vaut davantage que l’acte qui veut la définir.

Elle doit faire avec Jésus l’expérience de l’entrée dans une Parole de Liberté.

«  Si vous demeurez dans ma parole, vous connaîtrez la vérité qui fera de vous des hommes et des femmes libres » Au fond c’est bien cela qui doit valoir et qui doit être une attestation un témoignage pour les autres pour moi-même comme pour Dieu.

L’Evangile ne dit pas : si vous adhérer à ma personne, si vous votez pour moi,  si vous m’êtes fidèles etc.…il dit : si vous demeurez dans ma parole : si vous venez habiter non pas les mots que j’ai prononcés ; mais la Parole : la parole que je me suis autorisée de dire et de proclamer contre toutes les paroles magiques ou autoritaires et religieuses qui sont prononcés par beaucoup.  Jésus ne dit pas à cette femme : viens et suis-moi ! Elle est libre de le faire ou de ne pas le faire ; il ne lui dit pas ; ta foi t’a sauvée ! Car une foi prisonnière du regard et de l’opinion des autres n’est pas une foi libre. Il lui dit simplement et librement : va t-en   ! Tu es libre de partir désormais c’est pourquoi tu peux dans cette liberté même devenir responsable. Tu peux répondre de tes actes et non plus être identifiée à eux seuls.

Une parole qui vient dire qu’il existe encore d’autres enfants d’Abraham libres et responsables  et d’autres modes d’appartenance. L’Ecriture inconnue de Jésus sur le sol pourrait être l’écriture d’une loi nouvelle et neuve. Une parole qui vient ouvrir l’espérance à celles et ceux qui sont encerclés enfermés en eux-mêmes, comme dans un carcan. Le christianisme qui va accueillir les païens et infidèles coupables et non responsables pour qu’ils deviennent des humains qui vont redécouvrir l’humanité qui est en eux et qui feront confiance  en une Parole de vie et de vérité. 

Une parole qui ouvre la bouche et non la ferme ! Une parole qui dit : Ouvre-toi ; non seulement à Dieu lui-même directement, mais aussi aux autres ;  ouvre-toi enfin à toi-même !

A cet égard le christianisme sera une proposition radicalement nouvelle et étrange pour beaucoup. Au fond cela deviendra une religion non religieuse ; une sorte de religion qui parlera de la sortie de la religion.

A ce niveau la vérité comme la liberté ne se confondra jamais avec une pratique rituelle et servile ; elle ne se confondra pas avec une appartenance qui ne se discuterait pas.

A ce niveau, celui de la rencontre de Jésus avec une femme prisonnière est le type même de la liberté de la foi entrain de se mettre en route.

La Vérité existe et même si je le la ressens pas, je peux la croire. La Liberté existe pour moi car précisément je ne suis pas indépendant ; mais bien dépendant d’une parole de vérité prononcée par quelqu’un d’autre.

Les chrétiens ne formeront jamais un groupe ou tout le monde devrait croire de la même manière et ils ne formeront jamais un groupe où chacun pense ce qu’il veut. Où chacun se justifie par ses actes en se cachant dans une bonne conscience qui sépare qui isole qui enferme.

La communauté chrétienne  deviendra ce rassemblement provisoire ou chacun entendra à sa manière une parole de vérité qui le ou la rendra encore plus libre et plus vrai.

La vérité chrétienne, la parole de vérité ne se confondra jamais avec les vérités que nous nous fabriquons et que l’on nous fabrique sans cesse. Un au-delà des vérités du monde est proposé ; l’objectif à atteindre et promis c’est bien celui d’une liberté vraie et d’une vérité libre.