vendredi 3 avril 2020

Les Rameaux de Palmiers


Dimanche  5 avril 2020

Comment s'aérer et voir les arbres, les rameaux comme des promesses dans nos confinements ? Comment voir la nature autrement et pourtant vivre avec le danger ? Restons confinés, sauvons des vies et restons encore chez nous ! 

Psaume 92, 13 : « le juste pousse comme un palmier »

Lectures : Psaume 92 puis Deut. 34, 1- 6 (Jéricho la ville des Palmiers) et Jean 12, 12- 21

La fête des rameaux, l’entrée presque triomphale de Jésus dans la capitale est, comme toute manifestation glorieuse, dangereuse et ambiguë. C’est l’unique manifestation triomphale de Jésus décrite dans les évangiles. L’Eglise chrétienne a souvent associé ce jour d’acclamation à la gloire de Pâques. Est-ce bien raisonnable ? Quelle est l’ambition ou quel est le quiproquo des rameaux ? Jésus vient comme roi, mais quel roi ? Comme Seigneur et comme serviteur comme crucifié et comme ressuscité !

Le christianisme a eu, depuis toujours, des liens des relations difficiles avec les pouvoirs : Soit loin du pouvoir avec le risque de la secte ou de la perte d’influence sur les réalités du monde et de l’histoire…Soit collusion ou partage du pouvoir avec un effet de domination et de radicalisation …Soit encore distance et lien en même temps : refus de sacraliser les pouvoirs humains et bienveillance et neutralité si ces pouvoirs accepte le religieux sans le contraindre.  On le sait bien, les protestants français sont heureux de la laïcité !

Ce jour là, tout ce que Jésus avait fait et dit en Galilée, se trouve rassemblé dans la joie, la reconnaissance et l’espérance éphémère d’un salut non plus seulement personnel mais aussi communautaire ou national. Ainsi va l’humanité et les groupes humains : de la forte espérance à la déception. La foule est versatile, elle peut brûler ce qu’elle a adoré ; elle peut adorer ce qu’elle a méprisé. Toute l’histoire des peuples est faite de ces renversements qui invitent à la prudence et à la retenue manifestée par Jésus, étrangement silencieux le jour des rameaux.

Ce jour de victoire ambiguë, ce jour d’exaltation, est le commencement d’une semaine de tous les dangers et même du danger mortel, avec les mêmes acteurs.

La foule sera déçue par Jésus : au cri de sauve-nous ! de l’envahisseur et de l’occupant : Il restera complètement insensible, jusqu’à entendre bientôt : Crucifie-le ! Aux marques de reconnaissances et d’intronisation royale il préférera le dénuement et partager son sort avec des condamnés ordinaires.

Dieu, en Christ est venu donner du sens, du sel, du souffle à la vie des hommes et des femmes et non du pouvoir. Dieu en Christ est venu donner une responsabilité de service des autres et non promettre et décerner la gloire tant attendue des personnes des nations ou des valeurs qui font vivre les hommes. Le chemin choisi par Dieu en Jésus Christ n’est pas notre chemin, il vient en quelque sorte croiser, traverser, parcourir, rattraper le plus souvent le nôtre. Le chemin de Dieu c’est comme une croisée des chemins entre le sien et les nôtres. On peut lire aussi la scène des rameaux, comme une croisée des chemins.

La fête des rameaux c’est aussi une fête d’accueil, une manifestation de joie et d’enthousiasme manifestée et illustrée  par… des branchages ; les évangiles synoptiques diront à la suite de Marc que  certains agitaient des feuillages qu’ils coupaient dans la campagne.

L’Evangile de Jean fait encore dans la grande originalité et dans le surplus de sens qu’il entend faire entendre aux lecteurs de son évangile : Il est le seul  à nous dirent qu’ils prirent des branches de Palmiers. Les rameaux chez lui ne sont ni des rameaux d’oliviers, ni de vulgaires branchages, ni des branches de buis à bénir, mais des branches de Palmiers.  Après la version animalière avec l’âne des Rameaux, voici donc venir la version botanique, qui nous invite à donner du sens à cet épisode afin qu’il concerne notre vie et notre foi.

Le Palmier comme signe et manifestation de la foi comme attente et espérance ; le palmier comme la reconnaissance d’une foi qui plonge ses racines dans le passé du peuple et dans l’histoire de sa relation avec son Dieu. Ce que nous raconte l’Exode c’est l’arrivée du peuple en colère avant les cailles et la manne dans une oasis Elim où il y avait 12 sources et 70 palmiers (Ex.15, 27) c’est le paradis ou le salut ou la plénitude  : 12 et 70 c’est le salut particulier à la dimension de l’universel ; La première reine ou plutôt la première juge en Israël c’est Déborah où croyez-vous qu’elle rende sa justice et ses décisions, sous un Palmier (Juges 4, 5) Puis vint la prise si pittoresque et si problématique de Jéricho que l’on nous décrit comme la ville des Palmiers ; Moïse mourant contemple ce pays promis qu’il ne connaîtra pas et dans sa description que voit-il aussi ? La ville des Palmiers. La Palmeraie par excellence ce n’est pas Jérusalem mais Jéricho tout proche sur la route où se distingua un samaritain qui s’approcha d’un homme au bord de la route.  

 
« Ils prirent des branches de Palmiers et sortirent à sa rencontre » La fête des rameaux c’est la fête des palmiers agités comme celle de l’attente d’un roi juste : le psalmiste disait déjà que « le juste pousse comme un palmier ». Le roi qui vient n’est pas quelconque et ordinaire puisqu’il est salué par des palmiers agités qui montre et rappelle à Jésus qu’il vient à la suite de nombreux épisodes de l’histoire de son peuple et qu’il incarne à ce moment là une espérance qui ne peut se dire que sous la forme du palmier, non du cèdre, non de l’olivier, non de la vigne. 

Les Rameaux, voyez-vous, c’est la célébration du voir et non de l’entendre. La foule est venue voir ; elle est venue au spectacle ; elle est curieuse ; tout le monde est curieux de voir ce personnage. La foule des curieux de Lazare ils sont là pour ça ; même les Grecs sont là comme témoin d’une universalité du personnage de Jésus et eux aussi dit Jean veulent voir s’adressant à Philippe : nous voudrions voir Jésus. Les curieux qui montrent à Jésus le fond de leur espérance. En surface ils sont là pour un magicien en profondeur ils disent une demande explicite : Sauve-nous ! Hosanna et une agitation implicite : les palmiers. Ils viennent voir comme au spectacle et Jésus a sous les yeux des palmiers agités il marche au milieu de deux rangées de palmiers. La foule vient voir Jésus le faiseur de signes étonnants, les disciples ne voient pas grand chose, mais ils se souviendront, quant à Jésus il voit des palmiers qui le reconnaissent qui s’agissent qui disent une nouvelle espérance.

Le palmier c’est l’assurance de la chute des murs ; la ville des palmiers c’est Jéricho, ce sont  les murs effondrés ; c’est la conquête la victoire sans se battre ; le palmier c’est la justice de Déborah c’est la relation juste retrouvée c’est la fin de ce qui sépare les humains entre des catégories qui n’auront plus de sens ; Le palmier est là pour dire une attente implicite et une reconnaissance de ce Dieu fait en Christ de ce que Dieu fait dans le personnage de Jésus lorsque la mort est vaincu que la pierre est ôtée ou que Jésus dit : Enlevez cette pierre !
Le palmier c’est tout le contraire des murs du temple c’est le contraire de la ville fortifiée et de la sacralisation des pierres, c’est tout le contraire de la lourdeur mortelle des pierres, celles des tombeaux et celles qui pèsent en nous. Le palmier c’est précisément le contraire de la pierre. Jésus voit la communauté nouvelle qui ne le sait pas encore ; il voit cette communauté vivante transparente agile qui vit au grand air, que rien ni personne ne peut enfermer dans un tombeau dans un souvenir dans une pierre. Jésus sera condamné dans la semaine à cause de son attitude et de ses propos à l’égard du temple qu’il se propose d’abattre et de faire revivre dans sa personne même. Le jour des rameaux il a la vision de cette communauté rassemblée provisoirement et idéale qui sans le savoir ressemble plus à une palmeraie qu’à un sanctuaire fermé - plus à l’ouverture et l’élancement d’un palmier qu’à l’enfermement dans des rites ou dans du sacré à bon marché.

Frères et sœurs, le rêve ou la vision du Christ le jour des Rameaux c’est une communauté de foi et de vie comme une palmeraie, notre foi et notre vie comme un palmier, qui produit donne du baume au cœur des autres qui donne de la nourriture, qui donne du mouvement et qui atteste que l’aridité la sécheresse est terminée et qu’il est possible désormais de repartir. La foi comme une oasis ou la rencontre des autres n’a pas besoin de murs ou précisément ce qui est cru et confessé c’est que lui le roi des rameaux est venu abolir ce qui séparait les humains entre eux ; lui le roi des rameaux est venu réconciliait ce qui en nous et entre nous ne l’était pas encore. Pour Jésus le Christ, pour les disciples comme pour nous les rameaux, les palmiers agités est un moment qui fait (dattes) date ! Il sera ce moment nourrissant pour les disciples ils ne l’oublieront pas même si ce jour là ils n’en comprirent pas le sens.  Puisse le Christ de Dieu nous voir encore comme des palmiers reconnaissants. Puissions-nous entretenir notre foi comme un palmier qui dira la gloire de Dieu et la reconnaissance du Fils.






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