Dimanche 5 avril 2020
Comment s'aérer et voir les arbres, les rameaux comme des promesses dans nos confinements ? Comment voir la nature autrement et pourtant vivre avec le danger ? Restons confinés, sauvons des vies et restons encore chez nous !
Psaume 92, 13 : « le juste pousse comme un palmier »
Lectures :
Psaume 92 puis Deut. 34, 1- 6 (Jéricho la ville des Palmiers) et Jean 12, 12-
21
La fête des rameaux, l’entrée presque triomphale de
Jésus dans la capitale est, comme toute manifestation glorieuse, dangereuse et
ambiguë. C’est l’unique manifestation triomphale de Jésus décrite dans les
évangiles. L’Eglise chrétienne a souvent associé ce jour d’acclamation à la
gloire de Pâques. Est-ce bien raisonnable ? Quelle est l’ambition ou quel
est le quiproquo des rameaux ? Jésus vient comme roi, mais quel roi ?
Comme Seigneur et comme serviteur comme crucifié et comme ressuscité !
Le christianisme a eu, depuis toujours, des liens
des relations difficiles avec les pouvoirs : Soit loin du pouvoir avec le
risque de la secte ou de la perte d’influence sur les réalités du monde et de
l’histoire…Soit collusion ou partage du pouvoir avec un effet de domination et
de radicalisation …Soit encore distance et lien en même temps : refus de
sacraliser les pouvoirs humains et bienveillance et neutralité si ces pouvoirs
accepte le religieux sans le contraindre.
On le sait bien, les protestants français sont heureux de la
laïcité !
Ce jour là, tout ce que Jésus avait fait et dit en Galilée,
se trouve rassemblé dans la joie, la reconnaissance et l’espérance éphémère
d’un salut non plus seulement personnel mais aussi communautaire ou national.
Ainsi va l’humanité et les groupes humains : de la forte espérance à la
déception. La foule est versatile, elle peut brûler ce qu’elle a adoré ;
elle peut adorer ce qu’elle a méprisé. Toute l’histoire des peuples est faite
de ces renversements qui invitent à la prudence et à la retenue manifestée par
Jésus, étrangement silencieux le jour des rameaux.
Ce jour de victoire ambiguë, ce jour d’exaltation,
est le commencement d’une semaine de tous les dangers et même du danger mortel,
avec les mêmes acteurs.
La foule sera déçue par Jésus : au cri de
sauve-nous ! de l’envahisseur et de l’occupant : Il restera
complètement insensible, jusqu’à entendre bientôt : Crucifie-le ! Aux
marques de reconnaissances et d’intronisation royale il préférera le dénuement
et partager son sort avec des condamnés ordinaires.
Dieu, en Christ est venu donner du sens, du sel, du
souffle à la vie des hommes et des femmes et non du pouvoir. Dieu en Christ est
venu donner une responsabilité de service des autres et non promettre et
décerner la gloire tant attendue des personnes des nations ou des valeurs qui
font vivre les hommes. Le chemin choisi par Dieu en Jésus Christ n’est pas
notre chemin, il vient en quelque sorte croiser, traverser, parcourir,
rattraper le plus souvent le nôtre. Le chemin de Dieu c’est comme une croisée
des chemins entre le sien et les nôtres. On peut lire aussi la scène des
rameaux, comme une croisée des chemins.
La fête des rameaux c’est aussi une fête d’accueil,
une manifestation de joie et d’enthousiasme manifestée et illustrée par… des branchages ; les évangiles
synoptiques diront à la suite de Marc que
certains agitaient des feuillages qu’ils coupaient dans la campagne.
L’Evangile de Jean fait encore dans la grande
originalité et dans le surplus de sens qu’il entend faire entendre aux lecteurs
de son évangile : Il est le seul à
nous dirent qu’ils prirent des branches de Palmiers. Les rameaux chez lui ne
sont ni des rameaux d’oliviers, ni de vulgaires branchages, ni des branches de
buis à bénir, mais des branches de Palmiers.
Après la version animalière avec l’âne des Rameaux, voici donc venir la
version botanique, qui nous invite à donner du sens à cet épisode afin qu’il
concerne notre vie et notre foi.
Le Palmier comme signe et manifestation de la foi
comme attente et espérance ; le palmier comme la reconnaissance d’une foi
qui plonge ses racines dans le passé du peuple et dans l’histoire de sa
relation avec son Dieu. Ce que nous raconte l’Exode c’est l’arrivée du peuple
en colère avant les cailles et la manne dans une oasis Elim où il y avait 12
sources et 70 palmiers (Ex.15, 27) c’est le paradis ou le salut ou la plénitude
: 12 et 70 c’est le salut particulier à la dimension de
l’universel ; La première reine ou plutôt la première juge en Israël c’est
Déborah où croyez-vous qu’elle rende sa justice et ses décisions, sous un Palmier
(Juges 4, 5) Puis vint la prise si pittoresque et si problématique de Jéricho
que l’on nous décrit comme la ville des Palmiers ; Moïse mourant contemple
ce pays promis qu’il ne connaîtra pas et dans sa description que voit-il
aussi ? La ville des Palmiers. La Palmeraie par excellence ce n’est pas
Jérusalem mais Jéricho tout proche sur la route où se distingua un samaritain
qui s’approcha d’un homme au bord de la route.
« Ils prirent des branches de Palmiers et
sortirent à sa rencontre » La fête des rameaux c’est la fête des palmiers
agités comme celle de l’attente d’un roi juste : le psalmiste disait déjà
que « le juste pousse comme un palmier ». Le roi qui vient n’est pas
quelconque et ordinaire puisqu’il est salué par des palmiers agités qui montre
et rappelle à Jésus qu’il vient à la suite de nombreux épisodes de l’histoire
de son peuple et qu’il incarne à ce moment là une espérance qui ne peut se dire
que sous la forme du palmier, non du cèdre, non de l’olivier, non de la vigne.
Les Rameaux, voyez-vous, c’est la célébration du
voir et non de l’entendre. La foule est venue voir ; elle est venue au
spectacle ; elle est curieuse ; tout le monde est curieux de voir ce
personnage. La foule des curieux de Lazare ils sont là pour ça ; même les
Grecs sont là comme témoin d’une universalité du personnage de Jésus et eux
aussi dit Jean veulent voir s’adressant à Philippe : nous voudrions voir
Jésus. Les curieux qui montrent à Jésus le fond de leur espérance. En surface
ils sont là pour un magicien en profondeur ils disent une demande explicite :
Sauve-nous ! Hosanna et une agitation implicite : les palmiers. Ils
viennent voir comme au spectacle et Jésus a sous les yeux des palmiers agités
il marche au milieu de deux rangées de palmiers. La foule vient voir Jésus le faiseur
de signes étonnants, les disciples ne voient pas grand chose, mais ils se
souviendront, quant à Jésus il voit des palmiers qui le reconnaissent qui
s’agissent qui disent une nouvelle espérance.
Le palmier c’est l’assurance de la chute des
murs ; la ville des palmiers c’est Jéricho, ce sont les murs effondrés ; c’est la conquête la
victoire sans se battre ; le palmier c’est la justice de Déborah c’est la
relation juste retrouvée c’est la fin de ce qui sépare les humains entre des
catégories qui n’auront plus de sens ; Le palmier est là pour dire une
attente implicite et une reconnaissance de ce Dieu fait en Christ de ce que
Dieu fait dans le personnage de Jésus lorsque la mort est vaincu que la pierre
est ôtée ou que Jésus dit : Enlevez cette pierre !
Le palmier c’est tout le contraire des murs du
temple c’est le contraire de la ville fortifiée et de la sacralisation des
pierres, c’est tout le contraire de la lourdeur mortelle des pierres, celles
des tombeaux et celles qui pèsent en nous. Le palmier c’est précisément le
contraire de la pierre. Jésus voit la communauté nouvelle qui ne le sait pas
encore ; il voit cette communauté vivante transparente agile qui vit au
grand air, que rien ni personne ne peut enfermer dans un tombeau dans un souvenir
dans une pierre. Jésus sera condamné dans la semaine à cause de son attitude et
de ses propos à l’égard du temple qu’il se propose d’abattre et de faire
revivre dans sa personne même. Le jour des rameaux il a la vision de cette
communauté rassemblée provisoirement et idéale qui sans le savoir ressemble
plus à une palmeraie qu’à un sanctuaire fermé - plus à l’ouverture et
l’élancement d’un palmier qu’à l’enfermement dans des rites ou dans du sacré à
bon marché.
Frères et sœurs, le rêve ou la vision du Christ le
jour des Rameaux c’est une communauté de foi et de vie comme une palmeraie,
notre foi et notre vie comme un palmier, qui produit donne du baume au cœur des
autres qui donne de la nourriture, qui donne du mouvement et qui atteste que
l’aridité la sécheresse est terminée et qu’il est possible désormais de
repartir. La foi comme une oasis ou la rencontre des autres n’a pas besoin de
murs ou précisément ce qui est cru et confessé c’est que lui le roi des rameaux
est venu abolir ce qui séparait les humains entre eux ; lui le roi des
rameaux est venu réconciliait ce qui en nous et entre nous ne l’était pas
encore. Pour Jésus le Christ, pour les disciples comme pour nous les rameaux,
les palmiers agités est un moment qui fait (dattes) date ! Il sera ce
moment nourrissant pour les disciples ils ne l’oublieront pas même si ce jour
là ils n’en comprirent pas le sens.
Puisse le Christ de Dieu nous voir encore comme des palmiers
reconnaissants. Puissions-nous
entretenir notre foi comme un palmier qui dira la gloire de Dieu et la
reconnaissance du Fils.
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