2 un temps pour naître, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui a été planté ;
3 un temps pour tuer, et un temps pour guérir ; un temps pour abattre, et un temps pour bâtir ;
4 un temps pour pleurer, et un temps pour rire ; un temps pour se lamenter, et un temps pour danser ;
5 un temps pour lancer des pierres, et un temps pour ramasser des pierres ; un temps pour embrasser, et un temps pour s’éloigner des embrassements ;
6 un temps pour chercher, et un temps pour perdre ; un temps pour garder, et un temps pour jeter ;
7 un temps pour déchirer, et un temps pour coudre ; un temps pour se taire, et un temps pour parler ;
8 un temps pour aimer, et un temps pour haïr ; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix.
9 Quel
avantage celui qui travaille retire-t-il de sa peine ?
10 J’ai vu
à quelle occupation Dieu soumet les fils de l’homme.
11 Il fait toute chose bonne en son temps ;
même il a mis dans leur cœur la pensée de l’éternité, bien que l’homme ne
puisse pas saisir l’œuvre que Dieu fait, du commencement jusqu’à la fin.
Livre de
l’Ecclésiaste ch 3.
Les chrétiens ont ils des raisons d’être
sceptiques ou blasés, sont-ils des adeptes d’une morosité rampante qui
s’exprime par les expressions souvent entendues : bof ! A quoi
bon ! C’est toujours pareil ! Ils sont tous les mêmes ! C’est la
vie ! C’est comme çà ! On ne peut rien y faire ! Il faut bien
vivre avec ! Les vacances c’était bien mais il faut bien rentrer,
reprendre le collier ou continuer vaille que vaille ! Bref, les
chrétiens sont-ils comme tout le monde ou du moins une grande partie de nos
proches ou de nos contemporains pour qui la vie routinière n’est ni un choix
délibéré mais une contrainte aliénante ou du moins peu exaltante ? Et si
l’on répond non, résolument non à ce scepticisme ou à ce projet de vie
comme habitude alors peut-on dire que les chrétiens sont des activistes
invétérés qui veulent tout changer, renverser le cours des choses des êtres et
du monde au nom de leur foi ou de leur conceptions du monde au point d’en faire
une lutte et un combat permanent et usant pour eux et pour les autres ? C’est cette alternative : blasés d’une
part et/ou agités d’autre part que je voudrais parcourir avec vous, guidé et
stimulé par les textes que nous venons d’entendre et qui évoquent le temps qui
passe et notre manière de vivre ce ou ces temps.
La foi en Jésus-Christ, l’Evangile comme bonne
nouvelle apportent sans doute des repères et du sens dans notre manière de
vivre dans le temps mais lesquels ?
Toutes les cultures vivent différemment dans le
temps ce qui ne va pas sans provoquer des incompréhensions et même si le temps
occidental ou universel prévaut, il est vrai qu’en Afrique par ex. et en Asie ou en Amérique les hommes
et les femmes ne vivent pas seulement le même temps des horloges et ceux qui
voyagent le savent bien. Nous avons bien parfois le sentiment que nous devrions
fabriquer du temps car nous n’avons plus le temps disons-nous et nous avons
conscience que nous subissons le temps qui passe trop lentement ou trop vite au
point d’en les deux cas de nous épuiser dans le temps. Il nous arrive de
comprendre notre vie dans le temps comme une navigation périlleuse entre
Charybde et Scylla entre les bornes et les écueils que sont l’allongement de
notre durée de vie, le remplissage de cette durée, la réduction du temps de
travail et le sens à donner à nos existences temporelles.
Bien
sûr nous ne sommes pas plus malins que quiconque ; il nous arrive de vivre
sous la forme d’une certaine passivité ; il nous faut faire face et vivre
en disant comme d’autres c’est la vie il faut bien accepter ce qui vient, ce
qui nous arrive ; bien sûr nous ne sommes pas plus forts ni au dessus des
autres et il faut bien croire que nos organisations nos méthodes pour gérer le
temps ne donnent pas toujours de bons résultats et que comme d’autres nous
courrons après la poursuite du vent. Mais voici que le Christianisme et son
terreau initial nous apporte une bonne nouvelle sous la forme d’une
sagesse : « Il y a un moment pour tout et un temps pour chaque chose
sous le ciel ». Il n’y a pas un destin comme une destination qui nous
ferait parcourir un ordre immuable des temps à accomplir à marche forcée mais
une sorte de confiance une sorte d’accueil comme un recueillement des temps à
vivre ; non plus des lieux et des moments de remplissage et d’activités
mais des temps de rencontres avec les autres comme avec Dieu.
Le
Christianisme n’est pas une doctrine, une idéologie, une conception du monde
mais en quelque sorte il est un projet de vie à vivre dans le temps, il est
parfois dans l’urgence parfois dans la langueur une manière de vivre nos temps il
est une sagesse. J’insiste un peu sur cet aspect car il n’est pas rare
aujourd’hui et cela a été encore mon cas cette semaine de rencontrer des
personnes attirées et fascinées par des sagesses certes intéressantes venues
d’ailleurs et d’Asie en particulier où un rythme de vie cyclique où la
perspective d’un éternel retour semblent les reposer les éloigner des réalités
ou du moins les dépayser à bon compte.
Retrouver dans la réalité de l’existence et dans
l’histoire comme dans nos histoires, la sagesse pour vivre le moment et le
temps favorable sous le regard de Dieu me semble être d’une urgence nécessité.
Sous le regard de Dieu qui voit dit le texte de l’Ecclésiaste l’occupation
qu’il a donné aux fils d’Adam pour qu’ils s’y occupent en faisant toute
chose belle en son temps. Tout n’est pas beau mais sans doute tout peut le
devenir, en son temps.
Il y a 10 commandements fondamentaux, il y a 613
commandements positifs dans loi de Moïse mais il y a 7 intentions ou demandes
dans le Notre Père et voici que le sage de l’AT propose 14 paires de
contraires, une double perfection (2 fois 7) de vie à vivre qu’il est possible
d’appréhender non comme une destinée mais comme un projet de vie ; 14
modes, 14 temps à conjuguer sous le regard de Dieu non pour prendre des
distances trop grandes avec le réel mais pour les recevoir les accueillir et
les recueillir de la part de Dieu lui même :
Enfanter/ mourir ; planter/arracher ;
tuer /guérir ; saper/bâtir ; pleurer/rire ; se
lamenter/danser ; jeter des pierres/amasser des pierres ;
embrasser/éviter d’embrasser ; chercher/perdre ; garder/jeter ;
déchirer/ coudre ; se taire/parler ; aimer/haïr ; guerre et
paix.
En fait ce ne sont pas de vrais contraires mais
des postures et des cadres qui disent le temps comme des moments forts souvent
favorables, des aiguillons qui empêchent de stagner ou de courir dans tous les
sens ou de désespérer. Ces moments sont inséparables les uns des autres ils
s’appellent l’un l’autre ils ne sont pas les uns sans les autres ils sont des temps
sans séparation ni confusion c’est pour cela qu’ils donnent un sens à
l’existence humaine. Ils sont à prendre
au sens concret au premier degré mais aussi dans un sens plus général plus
métaphorique. Mourir n’est pas la destination fatale et finale puisqu’elle est
associée à enfanter. Qui n’a jamais rien arracher ne sait pas ce que planter
veut dire ; tuer serait pure folie et
n’aurait pas de sens sans guérir qui évite de tuer ; saper fait
naître bâtir ; qui n’a jamais pleuré ne sait pas ce que rire veut dire et
peut faire ; chercher vraiment c’est savoir qu’on peut perdre et avoir
perdu et pas seulement trouver ; ceux qui ont l’habitude de tout garder
vont trouver la force d’apprendre à jeter ; ceux qui doivent parler et
ceci et mieux connu sinon mieux pratiquer, pourrait commencer par se
taire ; ceux et celles qui aiment doivent sentir la fragilité et le soin
nécessaire d’une relation. Ceux qui font la guerre doivent savoir qu’ils sont
déjà condamnés à faire la paix !
Notre présent notre passé comme notre avenir sont
pleins de ces actions de ces gestes et
de ces mouvements que Dieu lui même nous donne à vivre, à revisiter à recevoir
à nouveau ; ainsi notre temps comme vaste mouvement, nos temps comme moments
ne sont plus seulement successions, ils sont aussi de nouvelles résurrections
dans nos vies.
Voilà le programme ; il est à prendre tout
entier ou à laisser ; il est un apprentissage un chemin une compréhension
de l’existence sous le regard de Dieu. Il peut être compris comme un effort
pris sur nos habitudes ou comme une intrusion dans nos manières personnelles de
ranger nos vies ou de nous arranger avec nous mêmes et avec les autres. Ce
programme est un effort il est en même temps un don. Nos efforts sont des
promesses et des dons à recueillir. Qui pourrait prétendre bien faire et bien
vivre avec tout cela comme horizon ? Si cela était le cas on tomberait
vite dans l’auto-justification dans une pseudo indépendance qui n’a pas de mise
dans la foi. Les Evangiles leurs auteurs ont, vous l’avez sans doute remarqué,
utilisé ces divers temps pour raconter l’histoire du Christ qui lui même s’en
est servi pour raconter par exemple des paraboles.
On pense souvent au Christ on le décrit comme prophète porteur de la parole d’un Autre, on le décrit comme roi qui se perçoit comme serviteur ou comme prêtre qui aboli et conteste toutes les médiations humaines, on pense peu souvent à lui même comme sage et à sa bonne nouvelle comme sagesse c’est à dire comme possibilité de vivre concrètement une vie sous tendue par une espérance possible. Cette sagesse il l’incarne et il la fait vivre ; elle vaut bien d’autres sagesses ; elle se caractérise comme une folie aux yeux des hommes car elle n’est pas mystérieuse au sens où elle concernerait seulement quelques initiés ; elle est accessible à tous si nous acceptons de la recevoir comme venant de sa part. Elle ressemble dit le livre des Proverbes à une enfant dès avant la création du monde jouant avec Dieu en sa présence en tout temps, jouant dans son univers terrestre et trouvant ses délices parmi les hommes ; qui accueille cet enfant sage et turbulent m’accueille dit le Seigneur.
Même
si nous n’avons pas accompli de crimes ou de délits, ce que je crois
volontiers, nos vies manquent de sagesse, nos vies appellent une sagesse qui
oriente hors des sentiers rebattus, une sagesse qui n’isole pas mais pousse à
la rencontre, une sagesse qui ne nous agite pas mais nous donne un projet, une
parole de sagesse qui nous rende l’espérance dans la morosité et nous donne de
goûter au bonheur en tout temps. Si la sagesse faut défaut à l’un de vous
qu’il la demande au Dieu qui donne à tous avec simplicité et sans faire
de reproche (Jacq.1,5).
Et puis dit le texte du Sage, et puis tout
homme, toute femme qui mange et boit et goûte au bonheur en tout son
travail cela, c’est un don de Dieu. C’est précisément ce que nous allons
faire ensemble. La cène préparée comme un acte de sagesse qui récapitule la vie
Jésus sous le signe des 14 moments propices que nous sommes appelés à recevoir
pour mieux les vivre personnellement et ensemble.
BA
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire