Lecture évangélique du dimanche 26 octobre :
Matthieu 22, 34-40
Les
pharisiens, ayant appris qu’il avait fermé la bouche aux sadducéens,
s’assemblèrent.
35
Et l’un d’eux, docteur de la loi,
l’interrogea pour l’éprouver, et lui dit :
36
Maître, quel est le grand commandement
de la loi ?
37
Jésus lui dit : Tu aimeras le
Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée.
38
C’est là le premier et le grand
commandement.
39
Et voici le second qui lui est
semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi–même.
40
De ces deux commandements dépendent
toute la loi et les prophètes.
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… de
toute ta pensée…et ton prochain comme toi-même ! »
L’amour de Dieu et non la crainte de
Dieu, associé à l’amour du prochain sont le résumé, le centre, le moteur
et la finalité de la foi chrétienne. Ils sont même une reprise, une suite, une
conséquence de l’ancienne foi hébraïque toujours actuelle qui retentit dans la
célèbre formule : « ECOUTE Israël le Seigneur est notre Dieu le
Seigneur est UN » dont le premier et le dernier mot sont écrits en
majuscule -ce sont les seuls- dans toute la Thora ! On peut dire que la
foi, l’expression de la foi sa confession privée, personnelle ou publique est
suivie de la démonstration de sa pratique de sa mise en forme dans l’expression
ou dans le commandement de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain.
Faut-il dire commandement d’amour ? On
sait bien que l’on n’aime pas sur commande
et que les sentiments, si aimer est de cet ordre, cela ne se commande
pas dit-on encore. Alors si ce n’est pas un commandement cela pourrait être une
fin, une finalité, le but ultime de l’existence humaine : au fond, nous
sommes là pour ça ! pour aimer quoiqu’il en coûte ; pour aimer ce qui
nous dépasse infiniment ; il s’agit alors d’aimer un au-delà de
soi-même ; de faire accéder l’amour à un ultime que rien ni personne ne
pourrait enfermer ; et en même temps aimer l’autre comme créature et
création de cet infini. La vie humaine est alors comprise entre l’amour infini
de Dieu et l’amour fini des autres comme de soi -même.
Aujourd’hui je voudrais simplement aborder
un aspect très particulier de ce qui est décrit comme l’amour de Dieu. Je
voudrais aborder un point de cette dimension verticale qui est la première
étape de la relation d’amour qui est la colonne vertébrale de notre vie.
Cet amour de Dieu est repris, on l’aura
compris, du premier testament. Il faut s’en persuader toujours
mieux : l’amour divin ne caractérise pas le second testament et la venue
de Jésus Christ. Il est bien présent et à l’œuvre dans la Bible juive. Il est
décrit et énoncé comme suit dans le Deutéronome :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de
tout ton cœur de tout ton être, de toute ta force ».
Le cœur est mobilisé non comme
dans notre culture comme siège des sentiments mais plutôt comme centre de notre
volonté consciente ; pour aimer Dieu encore faut-il le vouloir.
L’être est mobilisé aussi, on
traduit parfois « de toute ton âme » (Rabbinat) il s’agit ici de ce
qui rend vivant, comme le souffle de vie, comme ce qui me lie comme créature au
créateur. Il s’agit de mobiliser toute sa capacité à être ce que l’on est, et
qui nous a été donné. Ma réalité : corps et esprit est concernée vers ce retour
à Dieu qui lui dit ma reconnaissance, ma confiance, mon espérance.
De tout ton cœur de toute ta vie de tout
ton être mais aussi « de toute ta force ». Trad. du Rabbinat :
« de tout ton pouvoir » Le troisième aspect de cette mobilisation
vers l’amour de Dieu concerne ce que l’on appelle aujourd’hui, les énergies.
Nous sommes constitués par des forces et des énergies variables, inégales,
étonnantes parfois et que nous ne connaissons pas très bien. On dit aujourd’hui
dans le langage courant « il faut mobiliser nos énergies » au sens de
nos capacités à faire à produire à créer.
Voilà en quelques mots d’où part notre
aptitude à aimer Dieu ; voilà les zones de nos personnalités qui sont
mobilisées pour cet amour libre et gratuit qui donne un sens et une valeur à
nos existences. Notre volonté, notre esprit et notre énergie.
Ecoutons maintenant le Nouveau testament et
en particulier, l’évangile selon Matthieu au ch. 22 et au v. 36 : « un
homme de loi lui dit pour lui tendre un piège : Maître quel est le plus
grand commandement dans la Thora : Jésus lui déclara : tu
aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute
ta pensée ; c’est la premier le grand commandement ». Jésus
fait-il une citation de mémoire ? Il connaît très bien la Thora, la loi.
Veut-il dire la même chose que nous avons déjà dite ou veut-il ajouter et
préciser un point particulier ?
Avec le Nouveau Testament avec les
évangiles, apparaît très curieusement soit une quatrième dimension soit une
re-formulation de la troisième. Dans les évangiles est mentionnée ce qui
n’était pas dans l’ancien texte : « de toute ta pensée ».
Matthieu remplace « de toute ta force » par « de toute ta pensée». Luc ajoute la pensée aux trois dimensions
classiques.
Voici donc l’apparition
claire et nette de la pensée de la réflexion de l’intelligence au service non
pas d’elle-même mais de l’amour de Dieu.
Il n’est pas question de dire que cette
intelligence de la foi et de l’amour n’existait pas avant la venue du
Christ ; il s’agit de constater qu’avec lui et les nouvelles générations
de chrétiens qui vont semer et annoncer qui vont reprendre et diffuser ce
qu’ils ont reçu, cette dimension de l’amour à savoir l’intelligence, la pensée,
la réflexion, sera essentielle.
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de
toute ta pensée, de toute ton intelligence ». L’amour de Dieu réclame et
procure de la pensée et de l’intelligence. Il n’y a pas et ne devrait pas y
avoir des chrétiens sans intelligence. Nous opposons bien souvent les gestes,
les actes ou les émotions qui seraient plus vrais et plus chaleureux, à une
réflexion personnelle ou communautaire qui serait plus distante et plus froide,
plus sèche même disons-nous parfois.
Aujourd’hui les groupes chaleureux et
émotionnels attirent plus que les groupes de réflexions. Cette opposition a
toujours existé et en même temps le christianisme comme le judaïsme a toujours
maintenu que la réflexion et la pensée avait une place irremplaçable dans
notre relation aux autres bien sûr, mais
aussi dans notre relation à Dieu, dans l’amour même que nous lui portons.
Il vaut mieux que le culte soit chaleureux
et vivant, il vaut mieux que nos relations soit fraternelles et vraies mais la dimension cultuelle requiert
réclame aussi la pensée et la réflexion sans quoi notre fidélité et notre amour
de Dieu seraient boiteux !
La Réforme a été au 16ième
siècle un immense effort jamais terminé, pour donner à croire de façon
différente mais aussi un immense effort
pour donner à penser et à comprendre de façon différente. Les Réformateurs vont
s’épuiser à écrire et commenter les textes bibliques, ils vont participer à des
débats, des disputes théologiques ou sociales où il s’agissait non pas de
prouver qu’on était sincère mais de montrer et de démontrer par des arguments
qu’on était dans la vérité.
Ce qui compte aujourd’hui essentiellement
c’est au fond la sincérité. Si quelqu’un à la télévision, a l’air sincère et
vrai on va dire plus facilement, qu’il a raison contre celui qui donne des
arguments et qui n’a pas l’air d’y croire. La conviction n’est plus celle de
l’argument, mais de l’émotion que cette conviction est susceptible de
provoquer.
Retrouver l’intelligence de l’amour de
Dieu ; apprendre l’intelligence de la foi en Dieu ; remettre sans
cesse sur le métier cet effort de penser et de croire en même temps, dans le
même mouvement, voilà me semble t-il une bonne nouvelle pour nous ! Penser
par soi-même, ne pas attendre du spécialiste le point ultime et final de la
réflexion ; ne pas renoncer à cette intelligence de la foi qui va se
transformer en amour de Dieu et des autres voilà me semble t-il un bon et vrai
programme pour nos vies.
Nous sommes des êtres fragiles mais des
créatures de Dieu avec un cœur un esprit des énergies et une intelligence ;
il s’agit bien de mobiliser tout cela ensemble pour que notre service et le
sens que nous donnerons à notre vie en soit revivifié. Alors il sera
intéressant et utile de nous tourner résolument vers le prochain qui comme nous
est pourvu de cette pensée et de cette intelligence qui nous permettra de nous
rencontrer en vérité.
Oui c’est bien pour vivre et servir que tu
aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton
cœur de toute ton âme de toute ta force et de toute ton intelligence et
ton prochain comme toi même.
Religieux oui, Regilieux non
RépondreSupprimerMerci pour cette belle page oecuménique.
Sophie Zentz-Amedro parle même pour ce texte de Matthieu de "deux commandements Il(Dieu) n'en fait plus qu'un seul, marquant ainsi l'importance de la relation à autrui fondée sur la relation à Dieu."
Merci
Edmond Fruhinsholz