vendredi 13 septembre 2013

Le perdu et le retrouvé !


Lecture : Luc 15 : les 3 paraboles : le perdu et le retrouvé.

Comment revient-on à la vie ? ou de la vie ? Non il ne s’agit pas de penser ou de croire l’au-delà ; il n’est pas question de faire de la métaphysique c’est à dire,  ce qui serait après les réalités concrètes ; il s’agit bien de rester là dans l’en-de çà, c’est à dire parmi nous dans notre monde. On revient en vie et à la vie lorsque la relation est établie et rétablie. La vie revient comme relation essentielle lorsqu’on peut se mettre à table, manger et boire. Autrement dit et avec une autre image : lorsque le courant passe à nouveau entre des personnes. Lorsque la lumière illumine les uns et les autres qui ont le désir de s’approcher à nouveau.  L’Evangile ou la foi chrétienne est là, dans ce mouvement ce désir et cette vie.

Au fond le christianisme est assez simple à énoncer et à comprendre et particulièrement difficile à vivre et à réaliser. On pourrait même dire que nous ne l’avons pas encore vraiment essayé ; on ne s’est pas encore mis réellement à le vivre à grande échelle ; Et il faut bien dire que si pour Dieu, mille ans sont comme un jour, alors nous en sommes seulement au début du deuxième jour.

Oui, il s’agit tout simplement de mettre en route la réalité du christianisme c’est sans doute notre responsabilité principale. Il est nécessaire de nous débarrasser de l’idée que nous sommes une vielle chose en perte de vitesse et qui n’intéresse plus personne. Il faut sans doute renoncer aux formules qui disent que tout cela - nous l’avons déjà fait – et déjà essayer et rien n’est donc possible. Je suis convaincu que nous n’avons pas tout, loin de là, pas tout essayer pas tout réaliser pas tout vécu, pas tout proposer en nous-mêmes comme autour de nous.

Nous connaissons bien l’exemple célèbre, du fils prodigue - le dépensier - qui fait retour sur lui-même et vers les siens. Ou du Père prodigue : le dépensier qui n’hésite pas à tuer le veau gras au retour de l’un des siens. Et dans ce même chapitre 15 de l’évangile selon Luc et de façon originale et unique - car on ne retrouve pas ces textes ailleurs - sont décrites des situations semblables où une réalité précieuse est perdue et retrouvée au prix d’un certain effort au prix d’une recherche. Ce qui est perdu est retrouvé.

Ces récits présentent une réelle progression dans l’esprit du premier siècle de l’ère chrétienne ; d’abord le monde animal, une brebis retrouvée après que le berger eût laissé les 99 autres. Puis le monde humain et féminin : une pièce d’argent perdue par une femme qui cherche partout dans sa maison ; et puis le monde humain et masculin, avec les fils et frères et le pater familias, le chef de la maison, de sa maison. On pourrait d’ailleurs, raconter ces trois histoires en une seule.   Où la même aventure –perdre /retrouver ou mourir/ou vivre – arrive à tous les étages de la maison, à tout le monde : le personnel d’abord, les bergers sont concernés et la gestion des affaires du troupeau c’est l’activité professionnelle ;  mais aussi la femme de la maison est concernée ; on pourrait dire la mère qui gèrent les dépenses de l’entretien de la maison et afin le père qui a en charge comme à cette époque la gestion de la descendance et de la transmission du patrimoine, bref qui s’occupe de l’avenir des enfants. Toute la maisonnée, toute la famille est concernée.

Et l’on n’a pas trouvé mieux que cette réalité familiale pour dire et caractérisée la vie ecclésiale ; la communauté ou l’assemblée de l’Eglise locale comme en son sens plus large est représentée comme une famille. Les membres s’appelleront frères et sœurs, ils auront un seul Père ; cette communauté sera pour les traditions orthodoxes et catholiques une sorte de Mère ; cette appellation sera rejetée, on le sait par les Réformateurs du XVIième siècle. Oui l’Eglise ressemble à une famille ; c’est sans doute aussi pour cela c’est agréable et utile et en même temps assez compliqué. Dans l’Antiquité la famille c’est le socle social par excellence, le lieu de vie indispensable, car sans cela on est comme les veuves et les orphelins sans statuts sans protection ; les communautés chrétiennes élargiront le cadre familial pour y faire entrer ceux qui n’y ont plus droit : veuves, orphelins et esclaves aussi. Ceux qui n’avaient plus de famille en trouveront une, comme cadre protecteur et vital.

Mais en même temps la famille est un cadre oppressif et même dangereux ;  lieux de tous les pouvoirs et de toutes les perversions. Les tragédies comme les comédies de la littérature ancienne et moderne en sont l’illustration. La famille est aussi en évolution ; elle prend aujourd’hui des formes variées, étonnantes parfois, positives et négatives aussi. Bref il n’y a pas de modèle unique, il n’y a jamais eu de modèle simple ; il en est de même pour la vie de la communauté chrétienne et la vie de l’Eglise qui est aussi aujourd’hui appelé à ce transformer à  se remettre en question parfois, bref à exister autrement.

Il s’agit pourtant au cœur de ces évolutions de discerner ce qui demeure principal, ce qui est important ou ce qui est le point fixe qui permet de vivre avec tous les autres repères et qui permet de dire : voilà nous sommes là en connaissance ; nous sommes bien là chez nous ; nous sommes encore et à notre manière l’Eglise de Jésus Christ, la famille chrétienne.

Retrouver la vie ; être dans l’état de celui ou celle qui trouve ce qui était perdu ; aller faire ses expériences et sa vie ailleurs et pourvoir dire ensuite c’est là chez moi ; je me sens accueilli parmi ceux-là ; je fais partie de cette famille.

La vie chrétienne c’est chercher et trouver et continuer de chercher et trouver. Chercher sans cesse est désespérant et épuisant ; trouver sans cesse, c’est être dans l’illusion ou la magie. Vivre l’absence et la présence, c’est participer à la famille de Dieu c’est vivre en Christ.

La vie chrétienne c’est vivre dans l’étonnement ; ne plus être étonné c’est prendre de vivre sous le mode de l’éternel retour et de la banalité de ce qui est toujours le même.

Etre étonné par Dieu d’abord. Ou autrement dit changer nos réflexes, nos idées, nos représentations et nos images toutes prêtes que nous nous faisons de Lui ;

Le pater familias est plutôt un tyran qu’un père affectueux et tendre. Le Père c’est celui qui dit la Loi, qui juge, qui punit et qui récompense. C’est davantage  un père fouettard qu’un père fêtard. Sauf dans la famille du Dieu de Jésus Christ.

La notion de Père est proche finalement de celle de Juge et de tribunal. C’est bien souvent y compris dans l’évangile en particulier celui de Matthieu (ch. 25) l’image du roi qui préside le tribunal surtout à la fin ; le roi et père est celui qui règle les compte. Pas dans la parabole de ce jour : il ne règle pas les comptes il les ouvre. Il aurait pu se risquer à quelques réprimandes justifiées sans doute. Il est affirmation de liberté de gratuité et même plus de dons au-delà même du raisonnable. Avec le Père de la parabole ce n’est pas ce qui est nécessaire qui compte c’est ce qui est en plus ; ce qui déborde ; ce qu’il à son bien son avoir son travail ressemble à sa joie, qui ressemble à la vie nouvelle qui est à nouveau là présente. Lorsque Dieu nous étonne nous sommes dans sa famille.

La relation fraternelle reprend une nouvelle dimension et se recompose dirions-nous aujourd’hui ; ce qui allait de soi ne va plus de soi. Les valeurs naturelles ou plutôt habituelles sont changées ou en train de changer. Là où la parole était impossible entre l’aîné et le père entre les deux frères voici qu’elle se met à exister. Là où on était dans le domaine de l’avoir et les familles c’est bien toujours d’abord du patrimoine ; voici que celui ci devient humain, vivant relationnel. Voici que l’investissement devient relationnel et cela est compliqué, peu évident et en même temps complètement nécessaire. 

La relation avec soi même est aussi changée et en train de l’être. Ce n’est plus l’autre qui dit : tu as péché ; tu as tord ; tu dois te repentir, changer de vie et revenir vers nous, ensuite. Ce ne sont plus les autres ni leurs regards ni leurs paroles qui sont jugent ou qui analysent, c’est ici soi-même. Dans la famille de Jésus chacun reçoit la capacité de l’auto-analyse de soi, du retour sur soi, sur cette introspection qui me fait dire : je sais bien ce que j’ai fait ce que je suis du moins à mes yeux ; je suis et deviens sans cesse toujours plus lucide sur moi-même. Dans la famille nouvelle celle de la vie et de la foi. Ces éléments là, sont à moi et pour moi, ils ne sont en rien le moteur de l’action des autres, ils ne font plus partie des autres et de leurs nouveaux regards. Personne dira : tu as raison, tu t’es repenti tu peux venir. L’autre dira : viens et entre dans ma joie de te voir là de te savoir là et mangeons ensemble ! 

La vie de l’Eglise et de la foi c’est mettre au centre la joie d’une présence. C’est ne pas désespérer d’une absence. C’est se mettre à changer nos images et nos habitudes de penser et de croire. C’est voir l’autre, c’est l’entendre avec un autre regard une autre oreille, une autre main en train de m’inviter.  Dans la parabole de la famille, celle des deux fils c’est aussi celle d’un père nouveau comme Dieu, qui est là pour chacune et pour chacun.

Il nous propose une nouvelle façon de vivre la vie et la foi ; même et surtout si nous avons des habitudes.  Pas seulement parce qu’il nous accueille comme nous sommes mais aussi parce qu’il nous donne la capacité d’être lucide sur nous-mêmes et il nous donne ce nouveau regard, cette nouvelle écoute à l’égard des frères des sœurs des pères et des mères en la foi.

 Car il veut faire avec nous nous toutes choses nouvelles, dans la joie exubérante du partage ; par exemple dans le partage du pain et du vin ; une réalité familiale par excellence : celles et ceux qui,  invités,  partagent la même table.

 
 

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