Or au bout de quarante jours, Noé ouvrit la
fenêtre de l’arche qu’il avait faite.
7 Il
lâcha le corbeau qui s’envola, allant et revenant, jusqu’à ce que les eaux
découvrent la terre ferme.
8 Puis il lâcha la colombe pour voir si les eaux
avaient baissé sur la surface du sol.
9 Mais la colombe ne trouva pas où poser la
patte ; elle revint à lui vers l’arche car les eaux couvraient toute la
surface de la terre. Il tendit la main et la prit pour la faire rentrer dans
l’arche.
10 Il attendit encore sept autres jours et lâcha
à nouveau la colombe hors de l’arche.
11 Sur le soir elle revint à lui, et voilà
qu’elle avait au bec un frais rameau d’olivier ! Noé sut ainsi que les
eaux avaient baissé sur la terre.
12 Il attendit encore sept autres jours et lâcha
la colombe qui ne revint plus vers lui.
Noé :
Une première et éternelle alliance : Voici l’eau qui fait mourir et qui
fait vivre, voici la terre lieu indispensable et vital, celle qui est
nourricière et que vient rencontrer l’eau qui dérange qui nettoie et qui sera
marque et signe éternels de la vie.
1- Noé, une vieille très ancienne tradition,
lue dans l’épopée de Gilgamesh avec Utanapichtim en quête d’immortalité ;
la question c’est alors comment durer, comment ne pas mourir alors que tout les
éléments sont contraires, hostiles, comment être comme des dieux, des divinités
toujours là et dont on ne raconte jamais la mort ; mais seulement le
remplacement de l’une par l’autre. L’être humain est-il remplaçable par un
autre ? Une quête encore
contemporaine, si l’on regarde des magazines et certaines émissions sur
l’allongement de la durée de vie, les pilules de jouvence, les marchands
d’éternité sont encore bien là ! Ce vieux texte ne dit pas que l’objectif
à atteindre serait une illusoire éternité ou immortalité ou une précaire
réincarnation mais l’assurance que l’avenir, est toujours promis. Quoiqu’il
arrive Noé aura une suite son âge mythique ne fait rien à l’affaire, ses
enfants, les autres plus vastes encore
(comme les femmes de ses enfants sorties de nulle part) seront son avenir muni d’une promesse
qui ne s’éteindra pas.
2- Cette histoire universelle de Déluge comme
menace sur la vie réelle des humains est comprise et interprétée comme un
regret de Dieu, comme une colère qui revient sur ce qui a été fait et qui
disait que tout fut trouvé bon ; car Dieu vit que cela été bon et même
très bon. Comme si Dieu était une personne au grand pouvoir celui de construire
et de casser ! un Dieu sujet à des émotions et à des crises ; un Dieu
caractériel et enfantin. Cette histoire vient nous dire comme dans un premier
moment, une première étape que ce Dieu là ne peut être figée enfermée dans un
dogme dans une idée dans une théologie, ni même dans un groupe humain ni même
dans la conscience de l’humain. Un Dieu étonnant qui est présent certes quand
tout va mal. Et ça nous connaissons, nos contemporains connaissent bien
lorsqu’ils donnent acte à Dieu de tout ce qui va mal dans le monde et sur la
terre. Comment croire en sa réalité et sa présence en voyant tout ce que l’on
voit ? Les guerres, la mort des innocents, les famines, les tremblements
de terre et les tsunamis de toutes sortes.
Désormais le regard est porté vers un ailleurs. Le mal ce n’est plus
du côté de Dieu, mais si mal il y a, les humains seront responsables. On
sait aujourd’hui que bien des catastrophes naturelles sont non le fruit du
hasard ni de la volonté de Dieu ou d’un dieu mais de la vie des hommes qui vont
sans doute trop loin dans leur gestion du monde et de l’univers, trop loin et
trop peu soucieux de la vie de la terre. Ce vieux texte est optimiste du côté
de Dieu et pessimiste du coté des humains plutôt enclins au mal dès le départ
non à cause d’un autre mais à cause de lui, dès le départ de sa vie porté au
mal, dès sa jeunesse !
3- En prolongeant cette idée au fond écologique
nous pourrions dire que nous vivons tous dans la même maison, la même oikos et
cette maison ressemble à une arche dit le texte. Deux textes de la Bible parle
de cette arche (téba : comme une thébaïde !) Celui-ci bien-sûr, et le
récit du sauvetage du petit Moïse dans son couffin flottant sur le fleuve,
protégé ainsi des eaux. Dieu est le maître de la maison flottante ; il est
l’artisan l’architecte l’auteur de ce qui protège et sauve. Il fait faire par
des humains ce qui les protège et les sauve. Il fait en sorte que la vie flotte
sur les eaux, que la vie et les vivants, émergent de ce qui pourrait les
engloutir. Oui la foi, l’espérance d’un seul avec d’autres sauve tous les
autres. Oui ce qui est à contre-temps ce qui n’est pas dans l’air du temps
construire un bateau sur la terre ferme et loin de la mer ou du fleuve peut
sembler un délire et une folie. Et pourtant c’est bien cela qui sauve. Lire la
Bible et croire ce qu’elle annonce et ce qu’elle veut, ne va pas de soi ;
être chrétiens aujourd’hui, être croyants reliés à d’autres par une institution
humaine ne semble pas indispensable notre travail notre engagement ressemble
d’un peu loin il est vrai à la construction d’une arche par laquelle Dieu seul
vient sauver la vie et les vivants ; la communauté de l’Eglise n’est pas
le royaume n’est pas le salut mais son annonce et son anticipation indispensable ;
oui c’est une proposition de salut : pas seulement les hommes et les
femmes mais les vivants tous les vivants celles et ceux capables de reproduire
la vie de se reproduire et de vivre l’éternité du temps dans la suite des
générations.
4- Le texte du Déluge annonce
la bonté de Dieu, sa fidélité à toute épreuve résumée en quelque sorte par un
« plus jamais çà ! » Désormais les humains seront responsables
des dérèglements de la terre, moi plus jamais je ne frapperai les
humains ! Dieu n’est plus le Dieu de la colère ou de la vengeance mais
déjà le Dieu de l’amour qui dure malgré tout. Mais en même temps le vieux
texte du Déluge et de Noé annonce l’intelligence de l’homme et la piété ou la
foi qui se met en marche.
A l’obéissance, la soumission de Noé aux
injonctions de Dieu et à ses ordres, voici qu’apparaît son intelligence. Comme
pour nous dire : n’attends pas que Dieu te parle : agis, invente,
fais valoir de ce que tu as reçu !
Noé
invente le baromètre ou mieux encore, la mesure ; à la démesure de Dieu ou
de la nature, voici l’invention de la mesure ; Noé discerne et détermine
l’instrument de mesure. Pour savoir si ça monte ou si ça baisse, il essaie, il
envoie, et il sait ; oui un savoir se met en route plus besoin d’attendre
les décisions divines on peut désormais piloter et se piloter dans la vie dans
l’existence. Oui l’humanité peut grâce à son savoir ses connaissances ses
expériences faire face à tout ce qui peut arriver.
Ce
texte est un encouragement à la faculté d’entreprendre et de se conduire dans
la vie lorsque nous est donné la responsabilité des autres humains. C’est un
texte d’espérance et de reconnaissance. L’espérance intelligente et créative
d’abord : « Noé tendit la main et voici qu’elle avait au bec un frais
rameau d’olivier et Noé sut ainsi que les eaux avaient baissé sur la
terre. » (8, 10-11) La piété, la
foi ensuite comme acte de reconnaissance tournée vers le créateur qui nous fait
co-créateur avec lui : « Noé éleva un
autel pour le Seigneur et il offrit des holocaustes sur l’autel » (8,
20)
5- L’association de
cette intelligence de Noé et de sa reconnaissance : c’est cela qui change
tout. Sa vie sûrement sa responsabilité est désormais sous le regard des autres
et de Dieu lui. Cela change Dieu aussi : il ne punira plus de façon générale
et absolue ; Dieu n’est plus celui qui fait pleuvoir sur les bons et
sécher et rôtir les moins bons ; il fera briller son soleil sur les justes
et les injustes dira aussi le NT. La création aussi est renouvelée,
recommencée, reprise et pour toujours ; d’autres étapes viendront la
compléter et lui donner un sens mais tout est là poser, pour que ça marche.
Comme
pour nous dire que l’intelligence seulement, les facultés humaines seules ne
sont pas suffisantes pour un monde une maison bien équipée. La piété seule, la
religion seule et dominante n’est pas souhaitable car elle maintien la créature de Dieu dans
une soumission infantile et peu créatrice. L’association de l’intelligence de
l’humain et sa faculté à dire merci à Dieu à lui être reconnaissant va
résolument tout changer : les humains - Dieu et le monde.
La terre, notre veille terre dépend aussi de nous, elle est promise à la bienveillance de Dieu. Il ne s’agit pas de tout garder en l’état mais d’entrer dans un processus de création et de re-création ou de création continuée qui passe par nous notre intelligence et notre foi mélangée pour toujours cela sera un signe que nous pouvons contrôler et même parfois faire reculer cette méchanceté qui gît au fond du cœur des hommes. Dieu est lucide pour nous et avec nous, Il nous invite – et c’est cela sa patience - à garder et sauvegarder sa création, il nous rend capable d’agir intelligemment d’espérer avec confiance et de croire avec amour.
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