Lectures :
Genèse 14,17-20 : invitation de Melkisédeq et Luc 10, 38-42 : Marthe
et Marie
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Il y a
peu de trace de la vie de Jésus en
famille, le fils du charpentier de Nazareth ne se raconte pas et ne présente
pas sa famille comme une réalité sacrée et fermée. A contraire on perçoit
davantage la structure familiale comme une ouverture nécessaire qui ira même
jusqu’à l’affirmation élargie des frères te des sœurs qui sont ceux et celles
qui se rassemblement autour de la Parole lue et proclamée.
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On
sait par ailleurs que le clan familial de Jésus a été particulièrement
important après sa mort et qu’il a voulu imposer et presque réussi dans l’affirmation d’une
orthodoxie liée dans un premier temps à la communauté juive de Jérusalem avec à
sa tête Jacques appelé le frère du Seigneur.
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Le
cercle des Douze deviendra l’autre figure de la réalité familiale, et une
troisième étape est constituée par la maison de Béthanie avec Lazare, Marthe et
Marie ses sœurs selon la tradition de l’évangéliste Jean, on dirait aujourd’hui
que celui qui n’avait pas de lieu où reposer sa tête, avait l’habitude de se
poser à Béthanie, avant de reprendre sa marche sur les chemins de Galilée et de
Judée : c’était sa famille recomposée.
Le
récit de Luc, suit celui que nous avons lu dimanche dernier, le samaritain
bienveillant. On peut penser et croire que ce court récit qui culmine dans la
dernière réplique de Jésus, est une sorte de correctif, une affirmation qui
vient annoncer et dire et redire qu’il n’y a pas dans la tradition chrétienne
une seule et unique voie pour réaliser et donner un sens à sa vie. Le texte que
l’on lit après celui de ce jour, est le don de la prière, le Notre Père !
Marthe et Marthe entre le samaritain et la prière !
Il
y a toujours les actifs, les pragmatiques, ceux et celles qui sont dans le
concret et par lesquels il se passe des choses celles te ceux qui font avancer
efficacement, la réalité de la vie en train de se produire : il faut bien
agir pour vivre ; les actifs des temps anciens, de l’Antiquité sont les
plus méprisés ; faire ou travailler est associé au statut de
l’esclave ; ultérieurement le tiers état sous l’ancien régime sera le lieu
de la pratique et de la vie concrète, loin des préoccupations de la noblesse et
de clergé. Ce sont aussi parmi cette catégorie là que l’on trouve aussi non
seulement des actifs mais aussi des activistes celles et ceux qui accélèrent le
mouvement de la vie ou de l’histoire. Au temps de Jésus, nombreux sont ceux qui
veulent mettre concrètement dehors ceux qu’ils considèrent comme des
envahisseurs des occupants. Les mouvements nombreux de résistances sont à
l’œuvre et Jésus ou les premiers chrétiens devront choisir leur camp. Celui de
l’attente ou celui de l’action.
Il
y a toujours aussi les contemplatifs, les rêveurs, les intellectuels, celles et
ceux qui vivent comme on le leur dit parfois, dans un autre monde, celui des
idées, des débats des idéologies des religions, des mystiques de toutes sortes,
plus que dans la réalité ! Plus que dans la vraie vie. Il y en a qui
s’enferment volontairement dans des groupes et communautés, ils vivent selon
des règles de vie très précises,
codifiées et obéissent souvent à un chef ; il y en a aussi qui
indépendants et peu insérés socialement, vivent seul ou à quelques uns à côté
de la vie réelle, on dit qu’ils sont marginaux, il en existe de toutes
sortes : leur présence leur mode vie est une critique non violente en
général de la société dans laquelle ils se trouvent. Les grandes écoles et
leurs membres dans l’empire gréco-romains, les stoïciens, les pythagoriciens,
les cyniques, les élèves de Platon et bien d’autres faisaient partie de cette
catégorie.
Le
christianisme sera compris et va se développer en favorisant les deux modes de
vie, les deux comportements. On pourrait dire qu’il ne pourra jamais choisir et
que son originalité, sa marque spécifique sera de conjuguer absolument les deux
voies complètement reconnues et assumées.
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Jésus
est un fils de charpentier qu’on ne voit pas souvent au travail
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Paul
fabriquant de tentes, drapier, se prévaudra de son travail comme condition de
son indépendance
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Les
disciples de Jésus ont laissé une activité concrète pour suivre le Maître et
son enseignement
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Le
message de Jésus s’exprime dans un langage accessible et concret voire imagé
par exemple celui des paraboles. La dimension matérielle banale « un
semeur qui sème » est aussi le support d’une interprétation qui échappe à
la réalité racontée.
On pourrait ainsi décrire le christianisme comme une tentative de dire
à la fois les deux voies possibles. C’est d’ailleurs le judaïsme de tendance
pharisienne qui va donner l’exemple et associer les commandements dans la vie quotidienne, comment manger se
vêtir etc… avec l’idée de plaire et d’obéir à Dieu, non pas seulement de façon
spirituelle mais aussi de façon matérielle, réelle, concrète.
Nous ne sommes pas tous des samaritains ; et nous ne sommes pas
tous appelés à le devenir ; mais peut être sommes tout à la fois, légiste
ou légaliste, prêtre et samaritain. Ces personnages sont des caractères, des
orientations des aspirations qui nous composent plus qu’elles nous qualifient.
Nous ne sommes ni Marthe ni Marie ; nous ne sommes pas appelés à le
devenir ; mais plutôt à stimuler en nous ce qui dort ce qui somnole ce qui
est paresseux soit du côté de Marthe soit du côté de et cela n’est pas simple.
Nous aimons bien nous qualifier nous définir et nous enfermer dans un
rôle qui nous plaît, nous convient davantage et qui ne nous oblige pas à en
sortir. Dire à un agité qu’il est appelé aussi à la méditation n’est pas
simple. Dire à un méditatif, qui se contente de peu qu’il est aussi appelé à
agir et à produire, à consommer à s’enrichir et à agir avec d’autre, c’est bien
complexe. Oui c’est nous ne sommes pas ce que nous sommes et nous plus et autrement
que ce que nous donnons à voir et à entendre aux autres. Oui nous sommes et Marthe et Marie.
Aujourd’hui dans notre culture occidentale, européenne c’est Marthe qui
a gagné. L’action en vue de la réussite est une constante de nos sociétés.
Produire et faire valoir ce que l’on fait est devenu banal est devenu ce qui
identifie la réalité humaine. Le risque est grand chez Marthe ce se justifier
le risque est grand chez elle de se comparer avec celle qui est semble t-il
toute à son loisir tout à son écoute pour rien de l’autre qui est là.
Peut être qu’une société de samaritains serait dangereuse et n’aurait
plus grand sens ni valeur car nous serions ce que nous ferions. Un peu comme la
fourmilière qui malgré les apparences n’est pas un modèle libre et responsable
d’activités créatrices. Une communauté monastique, une communauté retirée de la
vie réelle n’est plus un modèle crédible pour la survie de l’humanité aux
prises avec des menaces constantes, internes ou externes.
La relation à l’autre comme la relation au Christ ou à Dieu se vit
comme une hospitalité. J’accueille celui par qui je me laisse accueillir.
L’hospitalité ne regarde pas à côté et ailleurs, elle ne jalouse pas, elle
trouve son sens en elle-même. Il y a sans doute un temps pour tout sous le
ciel. Ici avec Marthe et Marie après l’épisode du samaritain, l’écoute celle de
la Parole du Maître est essentielle, centrale, première.
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Les
temps personnels de la lecture biblique de la méditation et de la prière
restent des bornes des passages obligés chers aux Réformateurs. Ces temps sont
nécessaires et ils sont la marque de nos personnalités et de nos libertés sans
soumission à un autre ou à une Eglise, car ici l’obéissance est celle rendue à
Dieu directement en son Esprit.
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Le
Talmud décrit la réalité du Tikoun, (Rabi Nahman
de Breslev) c’est le temps de la
Réparation. Au fond la création n’est pas si bonne qu’on veut bien le dire et le croire. Il y a
des imperfections il y a des réalités à changer modifier réparer. C’est notre
travail, si cela a du sens pour nous cela peut devenir notre œuvre et pour cela
nous avons à notre disposition quelques outils bien utiles et identifiés et mis
à notre disposition. Ce qui va réparer, non pas changer le monde non pas
changer de monde mais réparer celui que nous connaissons bien, ce sont Marthe
sans Marie et Marie sans Marthe. C’est le samaritain sans le légiste et le
prêtre, sans Marthe et Marie.
Participer au Tikoun c’est découvrir ce qui en moi n’était pas évident,
Marthe et Marie, ou Abram en train d’inviter un inconnu nommé Melkisédeq.
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