Berlin le 14 janvier 2018. Lecture : Matthieu
2, 13-18
Installation Martine Matthey
Qu’est ce qui a motivé, décidé Matthieu à décrire
brièvement "la fuite en Egypte" après avoir raconté la naissance de Jésus ?
On peut penser à plusieurs raisons que je veux parcourir devant vous
maintenant !
La première
raison
relève de l’évidence : partir ou quitter c’est vivre ! Le déplacement
le mouvement c’est bien la vie elle-même.
Partir, commencer une nouvelle vie cela peut être
agréable si c’est l’expression d’un libre choix et ressemble finalement à un
voyage plus ou moins organisé ; c’est la version positive agréable d’un
départ qui sait que, finalement un retour est toujours possible. Aujourd’hui, ici nous accueillons Martine qui elle aussi est partie sereinement et
résolument !
Partir, aller vers une destination peu claire ;
quitter son pays parce que la vie y est devenue impossible : voici que ce
mouvement, ces départs sont aujourd’hui le sort de centaines de milliers
d’êtres humains dans notre monde. Ces migrations humaines sont sans doute l’un
des grands défis de nos sociétés. Et même si elles toujours existé- et les
protestants français du 17° siècle ont connu cela et ici à Berlin en
particulier - elles sont devenues
aujourd’hui plus visibles, elles sont devenues les causes ou les prétextes à
bien des enfermements, à l’élévation de toutes sortes de barrières, comme à la
manifestation de tous les replis identitaires et sécuritaires.
La deuxième
raison :
Partir ou quitter est une réalité biblique décisive et sans doute Matthieu
s’adresse à des gens qui connaissent bien ce critère biblique.
Partir, quitter, aller vers, se mettre en route,
cheminer sont des verbes de mouvement au cœur des traditions bibliques ;
tout le monde bouge dans un monde qui finalement n’était si éloigné du nôtre.
En fait tout le monde ne bouge pas, seuls bougent ceux qui y sont contraints et
se déplacent celles et ceux qui vendent ou achètent ou visitent, ou qui ont
quelque chose à dire à faire connaître à faire savoir. La migration est au
centre de la révélation biblique. Adam et Eve vivent l’exil du royaume, Caïn la
honte comme une fuite, Noé l’errance nautique, les gens de Babel la dispersion
et l’éclatement dans la diversité des langues. Vous connaissez tout cela et
même la suite avec Abraham, Isaac, Jacob et Joseph.
Et voici un nouveau Joseph ! « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa
mère, fuis- en Egypte et restes y, jusqu’à je te le dise … »
Troisième
raison :
La confiance en Dieu, la foi, ce qui nous attend dans la vie croyante n’est
jamais hors de l’histoire mais dans l’histoire. Dans le concret d’une histoire
tragique, violente et éprouvante… La foi n’est jamais idyllique comme pour nous
faire rêver et pour échapper à la vie incarnée réelle des humains. Dieu vient
en Jésus Christ au cœur d’une histoire chahutée, bouleversante et
mortelle.
On pourrait dire ici que la Bonne Nouvelle de Noël
est inséparable de la fin et de la croix du Golgotha !
Nous avons parfois l’impression ou même nous
ressentons parfois que la foi, la vie en Christ, notre relation avec Dieu,
serait comme un îlot de stabilité au cœur des agitations, des mouvements et des
secousses du monde.
Oui
notre foi personnelle et notre vie d’Eglise se situe dans l’histoire du monde
et en même temps cette histoire n’est jamais un destin, n’est jamais fermée à
l’espérance. Dans la vie du monde mais nous sommes conduits et guidés comme va
l’être Joseph lui-même : « Pars mais je te dirai la suite et les
signes qui te permettront de revenir ! Tu n’es pas seul, tu es malgré tout
accompagné ! »
Matthieu
a bien fait de nous décrire sobrement cet élément tragique, il nous apporte
beaucoup, nous interpelle et nous réconforte au cœur même de notre vie et de
notre foi. Il accompagnera Martine et cette communauté non pas tragiquement
mais avec la confiance que le Seigneur nous conduit et conduit notre histoire.
Je
vous laisse 2 images : l’une tranquille celle du tableau de Rembrandt
« la fuite en Egypte » dans l’obscurité la famille s’avance entre
ombre et lumière, elle avance au pas de la monture, résolument. L’autre image
plus dure : celles des hommes et des femmes dans nos villes sur nos écrans
qui franchissent pays et mers pour trouver chez nous et ailleurs une espérance
pour vivre. Notre foi est concernée par leurs départs et leurs arrivées !
Oui Dieu nous conduit et conduit notre histoire.
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