mercredi 27 juin 2012

Pour un christianisme du partage et pas de la croisade, chrétiens nous votons Saint Martin !

Le 12 février, Jean-Luc Mélenchon était l’invité de Radio France Politique. Il a dénoncé les dérives extrême-droitistes de la majorité, illustrées par les récentes déclarations de Claude Guéant et Nicolas Sarkozy. Il a salué la prise de position de François Bayrou et en a appelé aux chrétiens : "Il est temps quand même que des chrétiens, comme lui, commencent à dire que, au fond, il y a deux christianismes, celui des croisades et celui de Saint Martin : partager son manteau sans aller demander les papiers à celui à qui on donne le morceau pour qu’il ait chaud." Quelles que soient nos opinions sur Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou ou leurs programmes, nous affirmons fortement notre vision d’un christianisme du « manteau partagé ». C’est ce christianisme que nous faisons vivre sur le terrain, que nous – ou nos Eglises - défendons publiquement, sans toujours être entendus.
Nous dénonçons l’esprit de croisade pour la défense de la « France chrétienne » : l’extrême droite catholique s’attaque à l’art contemporain, la présidence de la République et sa majorité affirment une soi-disant supériorité d’une civilisation (chrétienne) sur d’autres, sans compter le discours du Front National, et nous en passons... Nous contestons la manipulation et l’accentuation des clivages dans notre pays : clivages raciaux, sociaux, religieux, ethniques, de couleur de peau qui font du jeune de banlieue, du musulman, du chômeur, du rom, le bouc-émissaire. Ces clivages sont utilisés par les médias, les pouvoirs et certaines forces politiques pour occulter le clivage de fond : le clivage social. Les discriminations ne sont plus des faits isolés, elles sont un système qui s’attaque aux habitants des quartiers populaires, aux noirs, aux arabes, aux musulmans. Elles créent une classe de citoyens à part. Jésus était du côté des parias pour mettre à bas les murs de séparation, nous sommes aux côtés de ceux d’aujourd’hui.
Nous défendons la laïcité de la loi de 1905 dans son esprit et dans sa lettre. Donc nous dénonçons son instrumentalisation pour mener l’assaut contre les musulmans et autres minorités religieuses. Cette croisade n’est possible que parce que d’aucuns renvoient dos à dos laïcité et religion comme deux entités inconciliables. La laïcité ne pourrait que s’opposer à des religions toujours présentées comme dogmatiques, obscurantistes, dangereuses. Le spirituel et ses valeurs ne seraient réservés qu’à la sphère intime ou privée, en l’opposant à la sphère sociale, politique, publique. Au contraire, il est urgent de promouvoir l’esprit des pères de la loi de 1905 : une laïcité inclusive qui n’exclut pas telle ou telle population, une laïcité qui permet le dialogue public de positions religieuses et non religieuses. C’est pour nous le meilleur moyen de renforcer des religions synonymes de liberté de conscience et de faire reculer les courants religieux d’aliénation. La peur du communautarisme ne doit pas occulter le role positif des communautés dans l’enrichissement du lien social et la construction d’une societe une et diverse.
Notre christianisme est bien celui de saint Martin, mais aussi de l’abbé Pierre, de Théodore Monod, de Dietrich Bonhoeffer, de Martin Luther King ou Desmmond Tutu. Le partage du manteau signifie aider l’autre, frère ou sœur en humanité, qu’il ait des papiers ou non, même si cela viole la loi. Mais il faut aller plus loin. Donner un bout de son manteau, c’est poser le problème du partage planétaire des richesses, rendu impossible par le système capitaliste qui repose sur la concurrence de tous et toutes contre toutes et tous, qui produit souffrances personnelles et violences sociales, qui permet l’émergence de peurs et de discriminations. Nous refusons le chantage sur la dette qui place des pays entiers sous l’emprise des banques et des systèmes financiers. Nous soutenons le peuple grec étranglé par un nouveau plan d’austérité. Nous contestons les politiques d’austérité qui engendrent la pauvreté pour des millions d’individus et mettent en danger l’action publique. Cessons de diaboliser l’impôt, instrument de la répartition des richesses, cessons de penser en « toujours plus » de production, de consommation, d’énergie... Au contraire, face à la crise écologique, posons-nous la question du mieux, du bien vivre ensemble.
Le vote pour l’extrême droite est incompatible avec les valeurs de l’évangile partagées bien au-delà des chrétiens. Nous disons aux chrétiens de droite inquiets de la tentation de l’extrême-droite, qu’ils se doivent d’interpeler leur camp sur les dérives des politiques et des propos, notamment sur l’immigration, qui ont depuis longtemps dépassé le niveau de l’humainement acceptable. Nous disons aux dirigeants de la gauche que leurs politiques passées et leurs propositions sont rarement à la hauteur des enjeux, que nous espérons mieux d’eux. Nous disons aux chrétiens, aux croyants des autres religions, à tous les humanistes, aux hommes et femmes de bonne volonté : retroussons-nous les manches ensemble, interpelons les partis et les candidats lors des élections présidentielles et législatives, organisons des débats, prenons position pour refuser l’esprit de croisade et défendre celui de saint Martin.
Chrétiens sociaux, nous continuerons à assumer dans notre travail associatif, ecclésial, diaconal, syndical, notre part de responsabilité : apprendre à vivre ensemble, dénoncer la manipulation des peurs, exhorter avec le message biblique à ne pas craindre l’autre. Croire que le dépassement de tous les clivages arrivera dans le Royaume des cieux est nécessaire, mais pas suffisant. Il faut assumer d’être dans la différence, dans le conflit : nommer ces clivages pour les penser et agir sur eux, travailler sur nos propres peurs, aider les personnes en souffrance à travailler les leurs...
Oui, aujourd’hui un profil public de la foi face aux idéologies et aux injustices est essentiel. Oui, nous voulons soutenir une diaconie (un travail social) de protestation, qui agisse en termes de résistance, de non-violence active, d’invention et bien sûr de justice, d’espérance et d’amour.

http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2012N20901

lundi 11 juin 2012

Pour une théologie de la dépendance

La dépendance est-elle une situation uniquement négative ? Dans le débat actuel sur la dépendance, cette notion est entendue comme un manque, une perte d’autonomie, une faiblesse, et une souffrance pour les accompagnés et les accompagnants. D’un autre côté, la théologie chrétienne insiste sur la dépendance fondamentale de l’être humain à l’égard de Dieu. Est-ce la seule dépendance que nous serions appelés à célébrer ?

C’est de nos réponses à ces questions que nous pourrons tirer éventuellement des convictions pour vivre, accompagnés et accompagnants, institutions et décideurs, les réalités des « dépendances obligées ».

Célébrer notre dépendance

Nous ne sommes pas seulement dépendants de Dieu (Le sommes-nous d’ailleurs ?). Nous sommes dépendants les uns des autres. Depuis la naissance jusqu’à la mort. Dans notre vie quotidienne qui ne pourrait être vécue sans tout ce que nous recevons des autres. Dans nos désirs de pouvoir, d’argent, de renommée, mais surtout d’affection et de reconnaissance, que nous ne pouvons assouvir sans la présence d’autres.

Or aujourd’hui nous sommes invités à célébrer notre liberté individuelle, notre autonomie, à nous battre pour une réussite personnelle qui nous distinguerait enfin des autres, qui nous rendrait enfin indépendants.

Il est temps d’entendre l’invitation de Tolstoï dans la dernière phrase de La guerre et la paix : «… il est nécessaire de renoncer à la liberté dont nous avons conscience et de reconnaître la dépendance que nous ne sentons pas ».

Cette invitation de Tolstoï rejoint celle du message biblique. Quand il nous est proposé d’un seul mouvement d’aimer  Dieu et notre prochain, pourquoi serions-nous dépendants de Dieu et pas dépendants de notre prochain ? Nous avons l’habitude de considérer que Dieu nous aime, et qu’à cause de cet amour nous serions appelés à aimer ceux qui dépendent de nous. Mais, c’est une erreur : nous sommes d’abord appelés à aimer ceux dont nous dépendons. C’est la réponse à la question centrale de la parabole du Bon Samaritain est : Qui est le prochain (à aimer) de celui qui est au bord de la route ?

Cette dépendance reconnue, acceptée, cette dépendance finalement bénie (puisqu’elle fait de nous le réceptacle de dons multiples), nous rend paradoxalement libres et esclaves à la fois. L’apôtre Paul célèbre cette condition du croyant qui choisit de ne se désolidariser de personne, et qui se reconnait serviteur de tous (par ex. 1 Co 9/19).

Dans un environnement de compétition et d’individualisme, l’affirmation par les chrétiens d’une dimension positive et bénie de la dépendance est peut-être le message « de scandale et de folie » nécessaire aujourd’hui à la guérison de nos sociétés. Nous n’avons pas à vouloir maitriser nos relations, ni même à construire des interdépendances qui nous conviendraient ; nous avons à reconnaitre d’abord notre besoin des autres.

Mais alors, est-il si sûr que nous devions célébrer le Dieu de Jésus-Christ comme celui dont la puissance et la science du présent et du futur nous rendraient dépendants de ses décisions, nous inscriraient dans une destinée écrite d’avance, dans un jugement édicté une fois pour toutes ?

Le message biblique nous invite plutôt à considérer d’abord que « Dieu n’est tout à fait lui-même que lorsqu’il s’est trouvé un vis-à-vis… » (citation d’Adolphe Gesché, théologien catholique belge).

Cela ne fait sans doute pas de Dieu celui qui dépend des humains. Mais l’Evangile de l’incarnation, de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus, radicalise cette relation entre Dieu et les humains : Dieu choisit de dépendre d’une famille, d’une époque, d’inscrire son histoire dans des systèmes de dominations religieuse et politique, d’accepter la violence et le rejet. Il choisit enfin de remettre aux mains de quelques uns la responsabilité de proclamer que sa défaite acceptée, sa vie donnée, ouvrent  un chemin d’espérance pour tous les humains.

La grâce, qui nous est promise en surabondance, n’est donc pas le cadeau accordé par la toute-puissance d’un Dieu dont nous serions dépendants. Elle est l’invitation à reconnaitre que Dieu a choisi le risque de la dépendance, pour nous permettre d’y trouver nous-mêmes notre salut, le sens dévoilé de notre existence. La grâce, une identité reçue de celui qui a accepté que son identité dépende des humains.

Vivre la dépendance obligée

Il faudrait expliciter et développer combien cette dépendance reconnue et honorée nous rend paradoxalement libres de bien des contraintes dans nos vies ordinaires et nous oblige à l’action dans bien des domaines. Combien aussi elle nous permet de renouveler le visage du Dieu qui vient à notre rencontre. Mais cette approche de la dépendance peut-elle nous parler quand nous sommes affaiblis physiquement, intellectuellement ou psychiquement ? Peut-elle nous parler quand nous accompagnons des personnes qui ont besoin de nos soins et de notre attention ?

C’est souvent aujourd’hui autour du terme de « dignité », à préserver, à respecter, que se nouent les discours et les pratiques concernant « la dépendance ». Comme s’il restait toujours une irréductible part de dignité, chez ceux qui ne présenteraient pas/plus les signes habituels et reconnus d’une pleine humanité. Mais ne devrions-nous pas considérer plutôt que c’est cette dépendance obligée qui nous présente la face véritable de notre humanité, que les personnes ainsi « diminuées » sont le signe manifeste de notre condition « normale » ?

Dans le contexte actuel de célébration de l’individu performant, combien de personnes craignent d’être une charge pour les autres, combien souffrent de leur manque d’autonomie, du poids qu’elles représenteraient pour la société et pour leurs proches ? Combien même s’excusent à tout moment de leur état, et parfois voudraient disparaître pour ne plus gêner ? Nous devrions être collectivement capables d’affirmer à ces personnes qu’elles sont moins dépendantes que bien des plus actifs pour assumer leur vie quotidienne (De combien de personnes avons-nous besoin pour nous déplacer, travailler, prendre un repas, nous distraire...vivre au jour le jour ?). Mais plus encore, nous devrions pouvoir affirmer que nous nous reconnaissons en dette vis-à-vis d’elles : dette pour ce qu’elles nous ont permis de vivre, dette pour ce qu’elles nous donnent de science de nous-mêmes et de notre humanité.

Cela ne veut pas dire que chacun devrait assumer individuellement l’accompagnement de ses proches touchés par la « dépendance », comme une dette à rembourser ou à payer d’avance. Au contraire nous sommes invités, par notre compréhension de la dépendance comme fondement de notre condition individuelle et sociétale, à pratiquer une solidarité de proximité et une solidarité organisée socialement envers les personnes en difficulté et leurs accompagnants. L’étendue de la solidarité organisée doit être à la mesure de l’extension de la dépendance dont nous bénéficions (sociale, économique, politique…)

Enfin, comment nous est-il possible de partager des convictions spirituelles avec celles et ceux qui sont «dépendants » et celles et ceux qui les accompagnent ? La théologie chrétienne et la pastorale des malades ont pu inviter les « souffrants » et leurs proches à reconnaître dans la figure du Christ celui qui a traversé le dépouillement de toute force et de toute certitude, une «kénose » qu’il a vécu et dans laquelle nous pourrions le découvrir comme notre compagnon. Cette dimension n’est pas fausse, à condition qu’elle ne soit pas une sorte de justification déguisée de la souffrance.

Mais peut-être pouvons-nous trouver plutôt, dans la tâche proposée aux disciples d’annoncer  la victoire du crucifié, la conviction qu’un surcroit de sens peut surgir dans nos existences, dans l’expérience même de la dépendance et de son accompagnement.  Ce n’est pas une foi forte qui nous sauvera a priori ; c’est dans la traversée de la dépendance que se découvrira peut-être la vérité de notre présent, et  une promesse pour notre futur.


Olivier Brès




lundi 28 mai 2012

Le cinquantième jour c'est à dire : Pentecôte !

Récit du livre des Actes  ch 2 :

1  Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble.

2  Tout à coup il y eut un bruit qui venait du ciel comme le souffle d’un violent coup de vent : la maison où ils se tenaient en fut toute remplie ;

3  alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s’en posa sur chacun d’eux.

4  Ils furent tous remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler d’autres langues, comme l’Esprit leur donnait de s’exprimer.

5 ¶  Or, à Jérusalem, résidaient des Juifs pieux, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel.

6  A la rumeur qui se répandait, la foule se rassembla et se trouvait en plein désarroi, car chacun les entendait parler sa propre langue.

7  Déconcertés, émerveillés, ils disaient : « Tous ces gens qui parlent ne sont–ils pas des Galiléens ?

8  Comment se fait–il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ?

9  Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l’Asie,

10  de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Egypte et de la Libye cyrénaïque, ceux de Rome en résidence ici,

11  tous, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu. »

12  Ils étaient tous déconcertés, et dans leur perplexité ils se disaient les uns aux autres : « Qu’est–ce que cela veut dire ? »

13  D’autres s’esclaffaient : « Ils sont pleins de vin doux. »

Il est bien probable que dans les débuts du christianisme des personnes abattues, découragées, mal préparées, peu instruites, un peu sentimentales ou rêveuses, qui se sentaient sans doute un peu à l’étroit dans leur religion ; un peu à l’étroit dans leur cadre de vie routinier, un peu coincés pourrait- on dire ; il est fort à parier que de telles personnes se sont senties pousser des ailes ; non pour devenir des anges, mais pour changer d’air radicalement.
Elles se sont senties promises à un avenir inattendu. Elles se sont dits : pourquoi pas nous ? Ou plutôt n’est-ce pas à nous, pour nous, avec nous que le prophète de Galilée continue de vivre, comme s’il nous pousse encore et plus que jamais à aller dire une grande nouvelle : il est possible de vivre avec amour, avec espérance ; avec lui il est possible de « commencer à chaque instant un nouvel avenir » Il est possible de recommencer sans cesse, de repartir et de franchir l’essoufflement de la vie par une charge nouvelle, une énergie nouvelle pour affronter une création nouvelle !
Dieu comme -souffle- Dieu comme énergie vitale, comme élan vital, qui pousse à une rencontre avec les autres avec des autres divers et différents.
C’est cette définition cette marque de la réalité de Dieu qui sera la nôtre ce matin pour ce temps de Pentecôte. Il n’y a pas de religion dans laquelle on nous dit que Dieu est comme un vent qui vient aérer et faire en quelque sorte un magistral courant d’air. D’habitude les atmosphères religieuses sont confinées voire enfermées sous le prétexte qu’il faut protéger et séparer ce qui serait sacré de ce qui serait profane. La présence de Dieu est fermée comme par exemple au temple Jérusalem lors qu’il existait et circonscrite au Saint des saints une pièce vide dans laquelle on ne pouvait pas entrer. Les Eglises ou les temples ou les mosquées ne sont pas ouvertes au tout venant au tout passant par peur légitime souvent de dégradation, mais l’idée que ces lieux ne sont pas accessibles sauf au heures autorisées, dit que la religion c’est préservée comme si cela était fragile. Comme si Dieu avait besoin de cadre d’espace clos et réservé aux spécialistes, aux croyants.
Dans la période qui s’ouvre le jour de la Pentecôte, la présence de Dieu n’est plus et ne sera plus enfermée : c’est cela au fond l’esprit saint comme l’image de la langue de feu  peu maîtrisable, comme une présence qui fait agir et qui fait parler hors du cadre habituel. Un peu comme le Buisson ardent de Moïse qui brûle et ne se consume pas et qui donne du sens et qui envoie vers une autre destination.
Ce sera finalement le sens et la destination de tous les pèlerins de tous les temps ; il s’agit de partir à la découverte il s’agit de se rassembler en plein air dans un endroit différent qui peu à peu va devenir à son tour habituel et traditionnel. On devrait célébrer le culte de Pentecôte toujours ailleurs. On devrait célébrer le culte de Pentecôte avec des gens différents et variés ceux qui ont l’habitude et ceux qui ne sont pas habitués. Bref on devrait au moins célébrer la Pentecôte au moins sur le seuil des temples des églises et des synagogues.     
Le jour de la première Pentecôte celle qui est décrite dans le livre des Actes des Apôtres a lieu à Jérusalem ; elle est la rencontre des représentants des peuples connus d’origines juives plus ou moins croyants venus là célébrer dans un pèlerinage traditionnel le don de la loi, des tables de la Loi à Moïse sur le mont Sinaï. C’était une coutume ; on était peu ou pas pratiquant mais finalement de temps en temps il était bon de souvenir d’où on venait ; il était utile de prendre conscience de ce qui relie entre eux toutes ces personnes aux cultures si différentes aux langues si étranges les unes pour les autres ; un vaste rassemblement annuel où on venait faire le service minimum de la religion sans rencontrer vraiment les autres.
Simplement participer ensemble à un souvenir commun. Au fond ils venaient prendre l’air, le grand air comme dans tout déplacement mais ils venaient célébrer en quelque sorte une réalité immuable ; le don, une fois pour toute, de la loi divine. On veut bien se déplacer à condition qu’au moins Dieu ou sa Parole ne change pas et reste identique à ce qu’on croit à ce qu’on a connu à ce qu’on nous a enseigné. 
Pentecôte sera la prise de conscience inattendue non pas d’un souvenir, non pas d’un culte commun non d’un pèlerinage traditionnel mais la prise de conscience d’une présence, d’un élan et d’un souffle qu’on ne connaissait pas. On avait entendu parler de Dieu ; on avait reçu une forme de catéchisme, on savait que les ancêtres y avaient cru et on voulait être fidèle à leur souvenir comme on le fait dans toute commémoration.
Ce jour là un violent coup de vent passe sur eux, remplit la maison balaie la grande place et le temple et le miracle de la communication réussie s’opère ; la relation s’établit les uns avec les autres. Grâce à cet air frais, au courant d’air divin, je me mets à comprendre mon voisin, ma femme mon mari, mes parents, même mon fils et ma fille, mon père et même ma mère ; soudain Dieu où la Présence où celui est le nom au-dessus de tout nom devient non un objet non une croyance non un mythe, non une réalité au-dessus de toute réalité, il devient ce qui existe lorsque je me mets à comprendre l’autre. Le vis à vis le prochain, celui d’à-côté devient celui ou celle par lequel par laquelle, je me mets à comprendre Dieu lui-même.
Où encore Dieu n’est plus ici celui qui demande et exige il n’est plus celui qui se réduit à l’application d’une loi même morale ;  il est et devient celui qui me fait dire comme dans le texte de la Pentecôte : Comment se fait-il que j’entende les autres si bien qu’on croirait qu’ils s’expriment dans ma langue maternelle. Comment se fait que ce qui m’est le plus personnel et le plus proche, ma langue maternelle devienne universelle. 
Pour qui tout cela ?
·         Des habitués, des pèlerins ceux qui y croient….
·         Ceux qui sont des nouveaux et qui sont là par hasard….
·         Des anciens et des plus jeunes qui les accompagnent….
·         Ceux que cela fait rire et qui se tiennent à distance….
Certains pensent et croient que pour parler de Dieu il faut employer une langue particulière qu’il viendrait de temps à autre insuffler à ses disciples comme pour les assurer et leur donner confiance : les pentecôtistes de toutes sortes pensent et croient cela…  est-ce bien nécessaires et utiles… ne vaut-il pas mieux découvrir et croire en la force et la pertinence d’une parole qui soudain passe et se fait entendre et se fait comprendre.
Le souffle de Dieu qui fait vivre est présent quant soudain, quelqu'un entend et comprend ce que l’autre veut dire ; il est présent ce Dieu de la Pentecôte lorsque chacun exprime dans sa propre langue cette vie cet amour et cette espérance que le Souffle vient de déposer. Finalement ce sont les autres qui nous parlent de Dieu sans que nous les écoutions et les entendions ; ce sont les autres qui nous révèlent l’essentiel ; ce n’est pas en moi que réside l’essentiel. Et nous le savons bien : se comprendre et vivre de cette compréhension n’est pas chose simple pour chacune et chacun de nous, comme dans nos familles, comme dans nos pays, comme au sein des religions comme entre les cultures humaines ; or chaque fois que cela se passe alors la présence de Dieu est à l’œuvre ; chaque fois que je suis un réceptacle attentif chaque fois que je souhaite découvrir la valeur et la présence de l’autre alors, il se passe du divin ; alors s’élève et s’élèvera toujours une question toujours la même : qu’est ce que cela veut dire ? - qui est la question de la présence efficace-  de Dieu parmi nous.
Nous sommes promis à la réalité et à l’espérance de la Pentecôte, particulièrement les plus jeunes parmi nous, qui ont besoin de nous comme nous de leur question et de leur découverte.
Nous sommes tous promis non au confinement à l’enfermement du religieux mais au grand vent du large, au grand vent qui vient aussi du désert ; notre espérance c’est celle du souffle de Dieu qui nous relie, nous mettons en relation avec les autres seules garanties de la présence de Dieu.
Notre foi en ce souffle n’est pas l’enfermement de la secte, elle n’est pas l’embrigadement dans une religion dominatrice, elle n’est pas réservée au petit nombre des initiés et des religieux, elle est au service d’un projet de vie, pour nous mêmes pour nos enfants et pour celles et ceux qui s’approchent sans trop savoir mais qui ne resteront pas insensibles à un avenir plein de promesse.

samedi 5 mai 2012

Vigne, vignerons et sarments....


Evangile selon Matthieu ch. 21 :

33  « Ecoutez une autre parabole. Il y avait un propriétaire qui planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et bâtit une tour ; puis il la donna en fermage à des vignerons et partit en voyage.

34  Quand le temps des fruits approcha, il envoya ses serviteurs aux vignerons pour recevoir les fruits qui lui revenaient.

35  Mais les vignerons saisirent ces serviteurs ; l’un, ils le rouèrent de coups ; un autre, ils le tuèrent ; un autre, ils le lapidèrent.

36  Il envoya encore d’autres serviteurs, plus nombreux que les premiers ; ils les traitèrent de même.

37  Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : Ils respecteront mon fils.

38  Mais les vignerons, voyant le fils, se dirent entre eux : C’est l’héritier. Venez ! Tuons–le et emparons–nous de l’héritage.

39  Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent.

40  Eh bien ! lorsque viendra le maître de la vigne, que fera–t–il à ces vignerons–là ? »

41  Ils lui répondirent : « Il fera périr misérablement ces misérables, et il donnera la vigne en fermage à d’autres vignerons, qui lui remettront les fruits en temps voulu. »

42  Jésus leur dit : « N’avez–vous jamais lu dans les Ecritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs, c’est elle qui est devenue la pierre angulaire ; c’est là l’oeuvre du Seigneur : Quelle merveille à nos yeux.

43  Aussi je vous le déclare : le Royaume de Dieu vous sera enlevé, et il sera donné à un peuple qui en produira les fruits.

44  Celui qui tombera sur cette pierre sera brisé, et celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera. »

45  En entendant ses paraboles, les grands prêtres et les Pharisiens comprirent que c’était d’eux qu’il parlait.

46  Ils cherchaient à l’arrêter, mais ils eurent peur des foules, car elles le tenaient pour un prophète.

Lire aussi Evangile de Jean ch15

La vigne, les ceps et les sarments, les fruits, le vin  sont les supports, les images les métaphores pour dire comment Dieu agit, rencontre, attend, espère et désespère.
La vigne a fasciné toutes les cultures et religions du bassin méditerranéen : en effet elle implique une relation nécessaire avec le soleil ; une proximité avec lui, en est la condition première comme si la vigne n’était ni le fruit du hasard ni du n’importe où. Fascination aussi car son fruit bon en lui-même, peut encore être transformé en breuvage énergétique, précieux, savoureux de mille manières, troublant jusqu’à l’ivresse, jadis assimilée au monde des Dieux. La vigne et son produit, fruit à la fois, de la terre et du travail des hommes sont devenus les marqueurs de cultures et de religions
Israël et ses anciennes traditions utilisent la réalité de la vigne du vignoble et de ses fruits. Dès les premières pages de la Bible on nous dit que  Noé premier agriculteur, planta une vigne, il en but le vin, s’enivra et se trouva nu à l’intérieur de sa tente (Gen. 9, 20).et ses fils durent déployer pudiquement son manteau pour cacher tout cela. La vigne c’est aussi central dans les banquets, c’est la réalité et la possibilité d’une expérience troublante où la vie et la mort se mêlent, mais c’est aussi la fête par la vendange et ses débordements, c’est aussi l’échange et la richesse par le commerce. Bref la vigne et ses fruits sont les supports possibles d’expériences fortes, limites, divines. Il n’est donc pas étonnant que les fruits de la vigne soient admirés et craints à la fois,  utilisés ou interdits par les religions.
2 grands chemins sont repérables dans les traditions bibliques à propos de la vigne ; le premier est celui de l’identification  du peuple d’Israël avec la vigne  celle que Dieu s’est choisie que Dieu a aimé et qui a déçu, c’est celui d’Esaie ; Le 2° chemin est celui de Jean et de l’identification de Jésus  avec la vraie vigne. Ce qui rassemble et réunit ces deux chemins c’est l’affirmation et la conviction que Dieu est le vigneron. La parabole des métayers révoltés, qui est l’évangile de ce jour  (Matth. 21,33-42) est un essai pour rassembler et unir ces deux voies.

Dans cette parabole je voudrais maintenant en relever en souligner quelques aspects qui seront pour nous parole de vie et espérance, qui seront encouragements et exigences qui seront pour nous breuvage et nourriture comme dans le repas préparé et partagé.  
La vigne c’est le peuple de Dieu ce sont celles et ceux qui appartiennent au Seigneur et qui se reconnaissent en lui. Il planta une vigne, l’entoura, creusa, bâtit et la donna. La vigne est la part la parcelle le lot du Seigneur. La vigne ne possède pas le propriétaire, elle ne possède rien elle est possédée par lui.
L’Eglise ne possède rien, les chrétiens ne sont pas les propriétaires de l’Eglise, ni de Dieu, ni des Ecritures. Alors que nous sommes si prompts a élevé des clôtures pour nous protéger des menaces qui croyons-nous, nous guettent, voici que l’évangile nous dit que le Seigneur s’en occupe et qu’il est le propriétaire qui prend soin de sa propriété pour laquelle il manifeste attention vigilance et amour.
La vie chrétienne c’est ici la certitude que nous avons été plantés choisis, protégés et qu’il est mis à notre disposition comme un prêt sans intérêt, ce dont nous avons besoin pour vivre notre foi et notre vie sans crainte, dans rien défendre en acceptant d’être là en fermage en location pour d’autres, pour les autres et pour Dieu. Etre là pour Dieu c’est le recevoir comme propriétaire sans accaparer ce qu’il donne.
Le propriétaire partit en voyage. C’est le Tsimtsoum juif. Le fait que Dieu après la création en réalité se retire et laisse place à l’humain….
Nous aimons bien que Dieu à la rigueur nous accompagne ; nous pensons et croyons qu’il est toujours là qu’il est toujours présent. Et voici qu’ici le Seigneur partit en voyage, des variantes dans des paraboles nous disent même, qu’il partît au loin dans des pays lointains. Il arrive que Dieu s’éloigne et qu’il nous laisse là non pas livrer à nous-mêmes mais avec ce qu’il nous a laissé. Dieu ne nous surveille pas sans cesse, il nous laisse parfois seul, libre et responsable de ce qu’il a préparé ; Nous aimons croire qu’il est à notre disposition et le voici ailleurs, sans doute pour d’autres ou avec d’autres.  Mais que fait Dieu ? où est votre Dieu ? ne pourrait-il pas intervenir, voyez tout ce qu’il laisse faire ! Oui il laisse faire ce que nous ne faisons pas suffisamment ; oui il est momentanément indisponible pour nous ; prière de ne pas déranger, injoignable provisoirement pour que nous existions comme ses fils et ses filles adultes dans la vie de la foi.
Le Seigneur est parti tranquille et confiant, il a fait ce qu’il fallait faire avant de partir ; il n’est plus là mais il se souvient ; ce qui caractérise la vigne comme les blés ou les arbres c’est bien la récolte, la vendange ou la moisson. Certes dans la parabole il y eut bien vendange, la récolte précieuse  a eu lieu mais elle n’est pas revenue à son destinataire ; les héritiers de la promesse n’ont pas respecté le contrat, ils ont compris l’absence du maître comme une bonne aubaine.
Ils se sont servis au lieu de servir. C’est ce qui est sans doute aujourd’hui le plus menaçant et le plus courant. C’est souvent aussi la marque des religions : c’est ce détournement du fond, c’est le refus de rendre à qui de droit, refus de rendre grâce, gloire, refus de rendre ce qui a été reçu comme si cette captation d’héritage allait nous accroître notre vie notre être, notre Eglise, notre foi. Là encore capter l’héritage c’est croire que nous pourrions être les seuls dépositaires de ce que Dieu fait et dit pour les hommes.
Selon l’Evangile,  faire la vendange c’est rendre la vendange. Agir dans l’Eglise, vivre notre foi dans notre travail, dans notre famille, dans toute notre vie, ce n’est pas d’abord convaincre les autres les ramener à nous, mais leur montrer que rendre service c’est bien rendre quelque chose, donner ce qui ne nous appartient pas, à quelqu’un qui est peut être parti en voyage et qui ne nous menace de rien du tout. Donner un sens à sa vie selon l’Evangile c’est  redonner, restituer et c’est cette restitution cette grâce rendue qui donne du prix à nos gestes nos paroles et à nos vies.
Dieu parfois est pris par sa propre audace ; sa confiance est bien souvent déçue les métayers s’occupent mal de la vigne. Ils veulent être héritiers et posséder et sont prêts pour cela à tout : tuer les envoyés du Maître, tuer les prophètes, tuer le fils. La violence ne caractérise pas notre temps. La mort de Jésus est signe de ce refus de rendre, elle est signe de cette incapacité  de croire que Dieu peut parler un autre langage que le nôtre.

Par Jésus, Dieu parle une nouvelle langue, un nouveau langage qui est désormais accessible au plus grand nombre et qui dépasse et franchit les frontières de la race du clan et même de la foi habituelle et sans cesse répétée et ritualisée dans la fidélité de son propre peuple.
En voyage le Seigneur a appris toutes les langues des hommes ; il a découvert si j’ose parler ainsi, que sa vigne n’était pas réservée aux métayers habituels et que d’autres serviteurs étaient intéressés par ce travail si particulier de planter de nouveaux ceps de remplacer les anciens, de creuser de nouvelles idées de nouvelles actions, de veiller sûr la fragilité de ses serviteurs.
Réapprenons sans cesse avec l’aide de Dieu à rendre ce qui a été donnée, à transmettre ce qui a été reçu, à élargir nos cordages, à ouvrir nos esprits et nos cœurs, à vivre de la promesse plutôt que d’héritage.
Au cœur de cette violence des hommes Dieu va trouver la force et le courage de bâtir à nouveau et de planter encore. La mort du fils va devenir la pierre d’achoppement pour celles et ceux qui ont une image de Dieu trop grandiose et trop sacrée ; elle va devenir la pierre angulaire, la pierre d’angle, sur qui  va reposer une nouvelle construction, d’une nouvelle vigne, de nouveaux serviteurs
sur qui vont reposer de nouvelles relations qui produiront de nouveaux fruits.
Cette nouvelle vigne manifestera une promesse d’amour dira l’ev. Jean entre le cep et les sarments ; je ne vous laisserai pas orphelins et même si je pars ailleurs sachez que je viens à vous.
La vigne réclame beaucoup de soins elle peut produire le meilleur et le pire ; le maître de la vigne est exigeant sur la qualité, il nous laisse libre et responsable et nous propose encore aujourd’hui de vivre en relation avec lui et de vivre nos vies comme un cadeau, une récolte qu’il vient recevoir avec plaisir et reconnaissance.