Extraits d’une prédication de B. Antérion, choisis par
Madeleine Natanson.
2Lorsque le roi entre dans sa ville, c’est en général après une grande
victoire. Lorsqu’une capitale est prise, c’est bien le signe de victoire d’un
côté et de reddition de l’autre. D’un côté la force qui gagne et les chars qui
remplacent avantageusement aujourd’hui le cheval monture noble et guerrière, et
de l’autre côté des ânes chargés et tirant de piètres carrioles, courant dans
tous les sens, comme pour mettre à l’abri leurs charges et leurs maîtres.
3Lorsque le roi entre dans sa capitale, celle-ci est en émoi, en pleine
agitation où se mêlent espérances et interrogations. On agite le drapeau blanc
ou celui du vainqueur en signe de bienvenue et de soumission et l’on
crie : Sauve-nous ! « Quand Jésus entra dans Jérusalem, toute la
ville fut en émoi : qui est-ce, disait-on ? »
4Tout ce que Jésus avait fait et dit en Galilée se trouve ce jour-là
rassemblé dans la joie, la reconnaissance et l’espérance éphémère d’un salut
non plus seulement personnel mais aussi communautaire ou national. Ainsi va
l’humanité et les groupes humains, de la forte espérance à la déception. La
foule est versatile, elle peut brûler ce qu’elle a adoré ; elle peut adorer ce
qu’elle a méprisé. Toute l’histoire des peuples est faite de ces renversements
qui invitent à la prudence et à la retenue manifestée par Jésus, étrangement
silencieux le jour des Rameaux.
5Ce jour de victoire ambiguë, ce jour d’exaltation, est le commencement
d’une semaine de tous les dangers, et même du danger mortel avec les mêmes
acteurs.
6La foule sera déçue par Jésus : au cri de sauve-nous de l’envahisseur
et de l’occupant, il restera complètement insensible jusqu’à entendre
bientôt : crucifie-le ! Aux marques de reconnaissance et
d’intronisation royale, il préférera le dénuement et partager son sort avec des
condamnés ordinaires.
7La fête des Rameaux, c’est assez curieusement une histoire d’âne, d’ânesse,
d’ânon qui vont croiser le chemin de Jésus. Ce n’est pas la première fois que
nous lisons une insistance aussi forte sur cette monture commune, ordinaire,
qui passe pour avoir du caractère, tant il est vrai, dit-on, que l’on ne fait
pas boire un âne qui n’a pas soif !
8C’est la monture de Balaam le prophète étranger et étrange, guidé par son
ânesse qui, elle, sait où il ne faut pas aller pour maudire Israël, mais qui
sait porter et supporter le prophète pour bénir. C’est un animal qui croit, qui
sait et qui parle. C’est cette ânesse qui voit que le Seigneur est venu croiser
la route et stopper un cheminement, un voyage, dit le texte, entrepris à la
légère. Peut-on réellement penser que l’évangéliste Matthieu ne connaissait pas
Balaam et son ânesse. Ici, le jour des Rameaux, l’ânesse ne stoppe pas la route
comme au temps de Balaam, comme pour dire : oui, il faut y aller; ce sera
dur, n’écoute pas seulement cette foule, ne dévie pas de ton chemin, tu vois,
je te porte jusqu’au bout. Ce qui rassure Jésus, c’est son ânesse et son ânon
plutôt que la foule.
9L’âne ou l’ânon, c’est aussi le prophète Zacharie et l’entrée modeste du
roi messie dont la marque originale sera de briser l’arc de guerre et de
supprimer le char de combat : Il proclamera la paix pour les nations. Sa
domination s’étendra d’une mer à l’autre et du fleuve jusqu’aux extrémités du
pays. L’ânon tout jeune, souvenir de Zacharie pourrait dire à son tour :
le peuple demande qu’on prenne les armes, ne les écoute pas, avançons ensemble
munis de ce message de paix même s’il n’est pas encore audible ou crédible.
10Jésus avait dit à ses disciples : allez au village et vous trouverez
une ânesse et un ânon et si on vous demande quelque chose, dites : le
Seigneur en a besoin ! Comme en eurent besoin Balaam et le messie
pacifique de Zacharie. La monture n’est pas brillante, mais elle est solide.
Elle est liée à la marche et à la démarche du Seigneur sur le chemin des hommes
; elle est solide, commune, familière et proche de la volonté de Dieu même dans
ce qu’elle a de plus surprenant pour les hommes : outil de bénédiction
plutôt que de malédiction, outil de lucidité plutôt que de vanité, instrument
de service et de paix plutôt que de gloire et de conquête.
« Détachez-la, emmenez-les-moi,
le Seigneur en a besoin ». Jésus a besoin d’ânes, plutôt que d’une foule
en liesse !
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L'âne, humble animal biblique
et riche symbole
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Dans Imaginaire & Inconscient 2003/3 (no 11), pages 117 à 118
Bonjour Bernard , comment commander tes deux ouvrages aux éditions Cairn ?
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