dimanche 9 août 2015

Jean le basique !

Les gens sont plus curieux qu’on ne le croit parfois ; nos contemporains s’interrogent à cœur ouvert ou dans le secret de leur for intérieur, ou bien encore dans des discussions de café du commerce : Que faut il faire pour échapper à la grippe ? Que faut-il faire pour être  français ? Que faut-il faire pour sauver la planète ? Et bien d’autres questions encore…

Les humains et c’est sans doute une marque une trace de leur ressemblance divine les humains comme Dieu, s’interrogent.  On se souvient des questions initiales du Dieu de la Bible : Où es-tu ? Qu’as-tu fait ? Et pour parler de la subsistance voici que la manne – ce qui nourrit -  va se traduire par qu’est-ce que c’est ? Une autre vraie  question pour chaque jour ! Malheur à celles et ceux pour qui il n’y aurait pas ou plus de questions. Tristes sont ceux et celles qui ne se posent plus de questions ou une question au moins.

« Les foules demandaient à Jean : Que nous faut-il donc faire ? » Une relation étrange va s’établir entre Jean et Jésus, entre leurs disciples respectifs entre les premiers chrétiens qui vont se regrouper autour de l’un sans effacer l’autre. Leurs personnes sont difficiles à cerner à comprendre à mettre en harmonie et en perspective. Certes l’un est précurseur de l’autre ; l’un est la voix qui annonce celui qui vient ; l’un reconnaît l’autre mais l’autre reconnait aussi celui qui l’a précédé : « parmi ceux qui sont nés d’une femme, dira Jésus dans l’évangile de Matthieu (11,11) il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste ».

Jean est celui qui peut répondre à la question du faire ; de l’agir ; du concret comme on dit aujourd’hui. Il parle de rémission de tout ce qui ne va pas – on dira des péchés – mais il fait des gestes et il est le prophète des signes visibles et aussi inoubliables pour celles et ceux qui les vivent : être plongés dans l’eau du Jourdain laisse le souvenir de sensations comme si le corps et l’esprit étaient concernés, comme si toute la personne était mobilisée par ce geste fort et réaliste.  Jean représente aussi celui qui a des idées bien précises, des convictions, une compréhension du monde des autres et des rapports avec Dieu ; il est l’intransigeant des évangiles ; il est le kamikaze même des évangiles ; il va mourir injustement pour une affaire de mœurs royales, c'est-à-dire pour un fait divers banal et commun. Il dérange et disparait sans histoire et sans suite.

Il nous intéresse car il donne des solutions simples et efficaces à nos problèmes à nos situations complexes, à nos questions pertinentes ; il donne des réponses claires à de banales questions existentielles. Avec lui l’existence concrète est concernée.

La nourriture et le vêtement : c’est du basique. Il vaut mieux ne pas s’alourdir avec ça. Avec la vie, la mienne avec mon existence il n’est pas nécessaire de trop s’appesantir sur son sens et sa destination ; il vaut mieux simplement partager avec quelqu’un d’autre. Sa morale son sens de la vie est compréhensible par tout un chacun ; c’est d’une grande clarté. Il vaut mieux que quelqu’un d’autre soit concerné par mon avoir plutôt que j’en sois le seul maître le seul gérant. Ce qui doit me protéger et me faire vivre concerne aussi celui qui a besoin de protection et de vie. 

Ce qui a été souvent observé c’est que Jean ne prêche pas dans les synoptiques un idéal de vie, un mode d’organisation, une conception des rapports humains ; Il n’annonce même pas une doctrine, il ne prêche pas une morale ou un idéal de pauvreté comme le feront plus tard bien des chrétiens célèbres comme par exemple St François d’Assises. Il ne dit pas qu’il faut se dépouiller pour vivre vraiment selon la volonté de Dieu.

Il dit simplement que le premier niveau de la vie chrétienne ou la vie avec et devant Dieu, c’est la découverte que je n’ai rien en double, je n’ai aucune sécurité et que ma vie est liée à la présence de l’autre qui n’a pas, non plus de sécurité.

Sa morale a aussi un second niveau, un second étage très curieux. C’est le mélange ; c’est l’affirmation de la non-séparation. Au fond il ne croit pas comme certains juifs de son époque et comme le croiront plus tard de nombreux chrétiens  qu’il y a des métiers indignes devant Dieu, qu’il y a des catégories d’activités qui représentent ce qui est mal, mauvais, impurs, incapables de connaître la vérité. Il ne croit pas que les collecteurs d’impôts sont tous des voleurs ; eux aussi ont accès à une conscience morale : de même pour les militaires qui en ce temps et en temps de crise se servent volontiers sur place sur le terrain ; aux uns et aux autres il demande de la retenue et de l’exigence dans la réalisation de leur activé choisie ou imposée ; au fond c’est dans la manière de vivre sa fonction que la personne apparaît en vérité. Ce ne sont pas les fonctions qui disent ce que sont les humains mais bien les humains qui font vivre en vérité les fonctions ou les activités les plus diverses.
 
On pourrait dire que Jean serait choqué devant des fonctionnaires ripoux ; devant des commerçants malhonnêtes, devant des personnages investis de l’autorité en train de profiter de leur situation. Cela est évident cela est en soit banal et voilà que cela revêt chez Jean le baptiste une grande importance ; voici que pour lui ces remarques de morale basique font de lui un personnage respecté qui suscite l’attente et l’interrogation : Le peuple était dans l’attente…

Jean nous intéresse ; il nous dit dans cette histoire qu’il y a des moments de l’histoire où le rappel de la simplicité et de l’évidence morale devient nécessaire utile et qu’elle trouve un accueil favorable. Paul dira que tout est permis mais que tout n’est pas édifiant et qu’il faut sans doute revenir à nos bases ; à des fondamentaux souvent oubliés ceux d’une morale limpide où la place de l’autre est décisive pour ma vie que je ne suis pas intéressant tout seul  et que la sens de ma vie de découvre lorsque je ne me dépossède pas mais lorsque je donne à l’autre comme par l’intermédiaire d’un Etat généreux, ou d’une Eglise qui ne vit plus pour elle-même.

Cependant L’Eglise chrétienne n’a pas suivi Jean mais Jésus comme Christ. L’apôtre Paul n’a  pas été le missionnaire de Jean mais de Jésus comme Christ. Qu’est-ce que Jésus apporte que Jean ne connaissait pas et qu’il devinait peut-être ? Voilà notre ultime question de ce jour.

Une tentative de répondre pourrait être contenue dans le mot et la réalité du Bonheur. Il sera nécessaire de passer d’une  morale juste et bonne à une étape supérieure qui va rejoindre la préoccupation de tous les humains celle de la recherche de la quête du Bonheur. Jésus dira : heureux vous qui … vous êtes heureux si votre recherche du royaume vous conduit à la rencontre de l’autre, au partage de ce qui vous encombre, de ce que vous avez en trop et qui n’est pas nécessaire. Le bonheur se tient là à votre porte de vos maisons, de vos fonctions, de vos Eglises, de vos pays, de votre humanité.

A la suite des traditions juives, la religion chrétienne est une religion d’annonce d’un bonheur qui prend corps dès ici-bas. Le psaume 4 disait déjà : Ah ! Qui nous enseignera le bonheur ?  Les béatitudes sont la manière dont le Christ dit le bonheur pour les artisans de paix et de justice, pour ceux qui pleurent avec ceux qui pleurent et qui se réjouissent avec ceux qui sont dans la joie.

Ici est affirmé « l’horizon d’une vie sous le signe de la bienveillance parce que le bonheur dira Ricoeur, ce n’est pas simplement ce que ne n’ai pas, ce que j’espère avoir, mais aussi ce que j’ai goûté. » La foi chrétienne va annoncer  la certitude qu’il y a encore quelque chose à attendre de la vie. Elle va dire : je m’attends encore à du bonheur. Quelque soit mon âge, ma situation, ma fonction.

Jean disait : pratique le partage ! Soit honnête avec les autres ; renonce à tes petits privilèges ; à la suite de Jésus comme Christ, ses témoins diront à leur manière : Sois heureux maintenant et demain. Sois heureux dans ta vie malgré les malheurs et les souffrances qui sont là ; regarde j’y succombe moi aussi et pourtant j’attends encore quelque chose de ma vie et de la tienne, de la nôtre.

Paul  Ricoeur disait l'annonce de la foi chrétienne, comme elle d’une pratique et « d’un désir d’une vie accomplie avec et pour les autres et cela dans des institutions justes ».

Jean c’est un pédagogue, il nous apprend à nous comporter avec les autres pour découvrir notre propre réalité. Jésus est un maître de sagesse, il nous entraîne vers la pratique et l’annonce d’un véritable bonheur de vivre aujourd’hui et demain. Nous préférons parfois sans le savoir l’existence concrète et banale de Jean le Baptiste ; pourtant Le Christ nous invite et nous appelle à sa suite vers la réalisation d’un bonheur partagé toujours neuf, toujours troublant.