Stockholm 26 mai 2019
Jérémie 29, 7
4 Ainsi parle l’Eternel des armées, le Dieu d’Israël, à tous
les captifs que j’ai emmenés de Jérusalem à Babylone :
5 Bâtissez des maisons, et habitez-les ; plantez des
jardins, et mangez-en les fruits.
6 Prenez des femmes, et engendrez des fils et des
filles ; prenez des femmes pour vos fils, et donnez des maris à vos
filles, afin qu’elles enfantent des fils et des filles ; multipliez là où
vous êtes, et ne diminuez pas.
7 Recherchez le bien de
la ville où je vous ai menés en captivité, et priez l’Eternel en sa faveur,
parce que votre bonheur dépend du sien.
J’ai souvent pensé aux
villes, aux grandes villes où se trouvent les communautés de la Ceeefe ! Aux capitales ou métropoles dont
vous êtes ici ce matin les représentants ; toutes proportions gardées
malgré tout car les situations concrètes et historiques sont bien sûr
différentes ; de plus nous ne sommes pas Jérémie ! Nous avons avec lui l’écho d’une situation
particulière : ceci est une lettre envoyée aux déportés à Babylone en
597 ; le prophète les exhorte à dépasser leurs sentiments nationalistes en
pensant que seul le retour au pays est essentiel. C’est en quelque sorte une
étape importante dans la compréhension qu’avait le judaïsme de lui-même :
on peut vivre en diaspora. C’est comme
si la terre n’avait rien de sacré et qu’on pouvait habiter loyalement en terre
étrangère ! Si on doit vivre en exilés ce n’est finalement ni une
punition divine cela devient banalement un épisode de vie comme un autre. Rien
n’est cependant banal ! On sait que c’est à partir de cette expérience
qu’Israël va commencer d’exister autrement. Les déportés vont connaitre des
expériences nouvelles, connaitre d’autres formes cultuelles et
culturelles ; ils vont acquérir d’autres connaissances, d’autres langues,
d’autres images et d’autres imaginations. On sait aujourd’hui que par ce
détour, ce grand pas de côté, cette anomalie fondatrice, ils pourront écrire et
réécrire les textes du Pentateuque en particulier. Ils vont créer, annoncer des
originalités comme passer d’un polythéisme commun à un monothéisme exigeant
comme le dirait Thomas Römer ils vont inventer Dieu pour reprendre le titre
d’un ouvrage stimulant et provocant.
J’ai pensé aussi à ce
texte et à Jérémie, car aujourd’hui en France ont lieu les élections des
députés européens.
De même qu’il se fait l’écho d’un nouveau mode de compréhension du judaïsme,
voici que nous sommes appelés à vivre et comprendre notre Europe de façon
renouvelée. Comme s’il nous fallait rompre avec des habitudes anciennes et/ou
faciles pour innover inventer autre chose. Comme si nous constations que cela
ne peut durer ainsi et qu’il faut reconstruire, bâtir, imaginer autre chose
pour l’Europe mais aussi pour ces peuples qui la composent, pour qui elle
incite au rejet ou au contraire elle suscite l’attirance. Nous sommes nous le
savons bien confrontés à l’alternative ou à la tension sans cesse utilisée
entre une mondialisation sans frontière ou une balkanisation des états, des
pays où la réalité des frontières se solidifient au point de devenir un
enfermement qui emprisonne dans la géographique ou dans les cultures, ou dans
les religions. Comment tenir ensemble les relations élargies mondialisées et la
spécificité des cultures pour vivre non un affrontement mais des dialogues
voire des oppositions assumées. Comment redécouvrir la possibilité de différends
normaux et assumés ou comme le dit souvent Olivier Abel comment apprendre
« à différer ensemble ». Dans une étude de 2008 rappelée par Jean Paul Willaime in
Protestantisme, Convictions et Engagements (Colloque 2017 p. 171) les chrétiens
ont valorisé la construction européenne et les pays de culture protestante se
sont caractérisés par :
-un fort libéralisme des mœurs
-une forte autonomie de l’individu
-une forte confiance à autrui
-un sens de l’ordre et de l’autorité
-une valorisation du libéralisme économique
-une conscience politique une valorisation de la cité et du
vécu en commun plus développée…
Le défi ici serait
d’aller plus loin et d’apporter de nouvelles responsabilités, sans doute dans
l’ordre de la sauvegarde de la biodiversité de la nature en lien avec
l’alliance biblique entre Dieu et les humains.
Il en ainsi sans doute
du christianisme que nous vivons que nous avons vécu et qu’il s’agit là où nous
sommes, dans nos villes, de renouveler de revisiter de bâtir et de construire à
nouveau comme cela finalement s’est toujours fait dans l’histoire passée. Peut être vivons nous une situation
radicalement nouvelle. Devant la chute parfois des effectifs dans nos Eglises,
devant le peu d’élan ici ou là d’un christianisme luthéro-réformée classique,
devant l’essor de courants évangéliques sectaires et agressifs fortement
engagés dans la société, il s’agit pour
nous de faire apparaitre mieux encore l’Evangile de Jésus Christ : Celui
de la liberté, celui de la Grâce offerte, Celui qui ne se satisfait pas du
permis et du défendu, Celui qui transcende toute morale et moralisation des structures
de nos sociétés. Bref revenir et redéfinir un christianisme qui aide non
seulement les croyants, mais aussi tous les autres. Repenser un christianisme
non seulement pour nous, mais un christianisme pour tous, pour moi et pour les
autres, avec les autres différents avec lesquels je peux et dois vivre en
vérité.
5 « Bâtissez des maisons, et habitez-les ; plantez
des jardins, et mangez-en les fruits.
6 Prenez des femmes, et engendrez des fils et des
filles ; prenez des femmes pour vos fils, et donnez des maris à vos
filles, afin qu’elles enfantent des fils et des filles ; multipliez là où
vous êtes, et ne diminuez pas.
7 Recherchez le bien de
la ville où je vous ai menés en captivité, et priez l’Eternel en sa faveur,
parce que votre bonheur dépend du sien. »
L’annonce de l’Evangile n’est ni d’abord une doctrine, ni
d’abord une morale, mais l’annonce d’un point de vue neuf et renouvelé sur la
vie personnelle, sur la vie en société ; peut-être nos contemporains sont-ils
fatigués ! sont-ils blasés et se méfient du neuf et du renouveau et sont
plutôt dans les habitudes et le répétitif ; Comment montrer et réaffirmer
la nouveauté de l’annonce de l’Evangile qui passe par des paroles et des gestes
nouveaux ou inattendus. Il nous faut montrer que le Livre biblique, et ses
diverses composantes ne sont pas de vieilles outres mais un socle à
interpréter, un socle stimulant et utile pour le bien de la ville pour le bien
de la société : rappeler et illustrer la fonction de l’accueil des autres des étrangers en particuliers comme le firent
les communautés naissantes du christianisme ; comme l’avait vécu
surtout les exilés de Jérémie ; comment redire la nécessité d’une pluralité utile des opinions des doctrines avec la
volonté de vivre cette diversité difficile mais la voie nécessaire pour vivre
ensemble. Comme le découvrirent aussi les exilés sur les bords du fleuve à
Babylone. Nos villes ne sont pas des « Babylone » au sens négatif,
comme dans le langage commun ou dans celle de l’Apocalypse. Elles sont des lieux de vie qui attendent
ou qui peuvent découvrir du nouveau, du neuf dans l’ordre de la religion dans
le cadre d’une spiritualité pour notre temps avec les outils, les langues, les
histoires personnelles et communautaires qui sont les nôtres. Nos communautés sont des Eglises-laboratoires,
où il devrait être possible d’inventer, d’innover non seulement des nouvelles
liturgies, de nouveaux accueils, de nouvelles formations, de nouveaux gestes et
de nouvelles paroles… A Djibouti, par exemple faire ce que personne n’avait
fait : apprendre à installer des panneaux photovoltaïques…
La nouveauté ici selon Jérémie c’est bien l’orientation qui est proposée. Ce sont les autres qui
sont importants comme si une dé-préoccupation de nous-mêmes au profit d’un
regard, d’une attention tournée vers les autres. Nous sommes là pour quelqu’un d’autre ! et la Bonne nouvelle, Dieu lui-même se tient dans cette orientation.
Priez pour la ville, installez-vous, et sachez que votre
bonheur est en lien avec celui des autres avec qui nous vivons ! La foi
judéo-chrétienne, la foi qui nous vient de l’Evangile, la pratique de la
lecture active de la Bible, c’est pour un bonheur commun un bonheur partagé et
vécu d’une paix à organisée et à vivre au sein d’une ville : celle de
Stockholm, de Londres de Berlin de Bonn de Luxembourg, d’Utrecht de Francfort de Copenhague et de toutes
celles où dès les temps anciens la foi nouvelle comme les écritures nouvelles
ont pris naissance et se sont enrichies pour ce qu’elles apportaient aussi à
tous autres. Cherchez le bonheur pour les autres et pour vous…les traducteurs
varient, tâtonnent, hésitent…Cherchez le
bonheur, le bien, ou la paix ; cherchez le Shalom dit le texte à traduire…
Oui il est possible de chercher et de trouver donc cet équilibre vital, qui
éclaire à l’intérieur et autour de nous ; une sorte de sérénité active,
communicative qui dit la vie promise à notre humanité qui aussi la Présence de
Celui qui nous accompagne, conduit et qui aime le monde qu’il est venu
parcourir en Christ.
J'espère que vous pourrez nous donner un commentaire plus personnel de votre visite dans cette belle ville de Copenhague où demeurent plusieurs de mes cousines germaines !
RépondreSupprimerAutant pour moi, il ne s'agit pas de Copenhague mais bien de Stockholm dont il s'agit ! mais j'ai également des cousins en Suède puisque ma grand-mère maternelle était suédoise. Très belle évocation de Jérémie et de son actualisation à l'Europe, merci Bernard
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